• il y a 3 mois
Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de la vie des adolescents : est-ce un problème ? Comment réagir ? Juliette Hazart, médecin addictologue et auteur de "Mon ado est accro aux réseaux sociaux", qui parait aux éditions De Boek Supérieur, est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 16 septembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est presque 8h20, c'est l'heure de l'interview d'Amandine Bégaud.
00:07Amandine, ce matin, les chiffres que vous avez découvert sur le temps que passent les ados sur les réseaux sociaux vous ont glacé.
00:13C'est pire que tout ce que l'on redoutait.
00:15Alors vous avez choisi de recevoir la docteure Juliette Hazard.
00:18Elle publie « Mon ado est accro aux réseaux sociaux ».
00:20C'est aux éditions de Bouc-Supérieur. Bonjour et bienvenue.
00:23Bonjour Docteur, et je précise que vous êtes médecin addictologue.
00:27Ces chiffres, vous les rappelez d'emblée, en tout début du livre,
00:3190% des jeunes Français âgés de 13-19 ans sont inscrits sur les plateformes de réseaux sociaux.
00:37Près de 60% des 11-12 ans, je croyais que c'était interdit avant 12 ans.
00:41Et ces ados, ils y passent en moyenne 2h12 chaque jour.
00:46C'est l'équivalent de 3 épisodes d'une série télé, plus de 15 heures par semaine.
00:50Et les réseaux sociaux, bien sûr, ne sont qu'une partie du temps passé devant les écrans.
00:54Il y a 18h sur internet, 9h25 à jouer aux jeux vidéo, 9h par semaine devant la télé.
00:59On est d'accord, c'est beaucoup trop.
01:01Alors, ça peut être excessif en effet.
01:03Après, c'est important de faire la différence entre l'usage qui va être récréatif,
01:07donc un usage des réseaux sociaux qui va être constructif,
01:10qui va permettre de se lier les uns aux autres, d'avoir des apprentissages,
01:14d'un usage en effet excessif, où le temps peut être excédentaire, de l'addiction.
01:18Parce que l'addiction, c'est encore autre chose.
01:19Ce n'est pas forcément une question de temps et de fréquence.
01:22C'est une question de maladie.
01:23C'est vraiment quand on perd le contrôle, on perd l'usage.
01:26Et on va y revenir dans le détail, mais quand on additionne tout ça,
01:28les 13-19 ans, ils passent plus de temps devant les écrans qu'en cours ?
01:32Tout à fait, oui.
01:33En moyenne, en effet, ils vont passer plus de temps.
01:35Alors, on prend en compte le temps passé aussi sur les supports, sur l'ordinateur, la télévision.
01:42Et c'est un temps qui est très important.
01:44Après, les adolescents, actuellement, c'est la première génération
01:48qui a vécu complètement entourée des réseaux sociaux, de la technologie numérique.
01:53Et donc, je pense que c'est important, d'un autre côté, de ne pas non plus diaboliser cet usage.
01:58Vous, vous n'êtes pas contre, sincèrement, en lisant votre livre,
02:01je me suis dit, il n'y a pas beaucoup de médecins qui ont un discours aussi cool,
02:06j'allais dire, à l'égard des réseaux sociaux.
02:09Vous n'êtes pas contre les réseaux sociaux, qu'on soit clair ?
02:11Non, je ne suis pas contre. On se doit de vivre avec.
02:13On ne peut pas se targuer, en 2024, d'être technophobe.
02:17Et ça nous apporte aussi, ça a des bénéfices, les études le montrent.
02:21Et d'ailleurs, maintenant, l'absence complètement d'usage d'écran est néfaste pour les enfants et les adolescents.
02:27Alors qu'un usage modéré, ça va avoir des effets positifs, cognitifs,
02:31ça va améliorer l'apprentissage, les connexions.
02:36Donc, après, tout est question, évidemment, d'équilibre.
02:38D'équilibre et d'âge. Quand vous dites l'absence totale d'écran est néfaste pour les enfants et les ados,
02:43là encore, c'est complètement à rebours de ce qu'on entend.
02:46À partir de quel âge vous conseillez les écrans pour les enfants ?
02:50Alors, ce n'est pas les conseillers, mais c'est qu'ils sont là.
02:52Ils sont là à l'école, ils sont là partout.
02:54Alors, ce qui est recommandé par l'OMS, c'est de ne pas dépasser 2 heures de temps d'écran par jour entre 7 et 11 ans.
03:00Dans les premières années, évidemment, le mieux, c'est de ne pas être trop en contact avec les écrans, on est d'accord.
03:06Et après, c'est surtout que les parents soient à l'écoute,
03:10s'intéressent à ce qui se passe sur les écrans, sur les réseaux sociaux des enfants.
03:13Et les accompagner, en fait, dans leur apprentissage des réseaux.
03:17Pour les réseaux sociaux, l'Australie s'apprête à voter une loi pour interdire les réseaux sociaux avant 14 ou 16 ans.
03:23L'âge n'a pas encore été fixé.
03:25Ici, en France, la commission écrans avait dit pas de réseaux sociaux avant 15 ans.
03:30Emmanuel Macron, d'ailleurs, était plutôt favorable à l'idée d'une loi ou en tout cas d'une interdiction sur le sujet.
03:35Vous y êtes favorable, vous ?
03:37Je pense que la restriction, la prohibition, en général, ça ne marche pas.
03:42On le voit dans les conduites addictives, les addictions à des substances, ça ne fonctionne pas seul.
03:47Donc moi, je suis plus pour la prévention et accompagner progressivement les enfants dans leur usage,
03:53pour qu'ils soient autonomes et qu'ils prennent leurs propres décisions face à leurs relations aux écrans.
03:59À partir de quand est-on accro aux écrans ?
04:02Alors, on est accro quand on perd le contrôle.
04:04Ça veut dire, j'ai envie de baisser mon temps d'écran ou d'arrêter l'usage des réseaux sociaux et je n'y arrive pas, malgré la volonté.
04:11Donc là, c'est vraiment une maladie.
04:13Ce n'est pas une question de volonté.
04:14Donc je vais avoir aussi ce qu'on peut appeler un craving.
04:17J'ai une envie irrépressible d'aller consulter mon fil d'actualité.
04:20J'ai des pensées obsédantes, je pense à mon fil d'actualité alors que je suis en train de faire autre chose.
04:25J'ai besoin d'augmenter mon temps de réseaux sociaux pour obtenir le même plaisir.
04:29Je vais y consacrer plus de temps que prévu.
04:32Donc hop, j'ouvre mon téléphone pour consulter pendant, je compte regarder mes dernières notifications.
04:37Et puis, 15 minutes après, je suis encore sur les réseaux sociaux.
04:40Tout ce que vous dites là, docteur, on remplacerait les réseaux sociaux par de la drogue, de l'alcool ou de la cigarette, c'est pareil ?
04:47Tout à fait, puisque c'est le même mécanisme.
04:50C'est-à-dire qu'en fait, quand on consulte ces réseaux sociaux, quand on reçoit des likes, des commentaires
04:55ou quand on consomme de l'alcool ou de la drogue, on active le même système dans le cerveau, un petit système de la récompense.
05:00Ça nous fait plaisir et donc ça nous incite à répéter ce comportement.
05:04Donc il y a des mécanismes communs.
05:06Pour autant, vous le rappelez, ce n'est pas parce qu'un ado passe des heures et des heures sur les réseaux sociaux qu'il est accro.
05:11Comment on fait le distinguo ?
05:13C'est un petit peu comme pour les jeux vidéo.
05:15C'est-à-dire qu'il y a un ado, il peut passer beaucoup de temps quotidien à jouer aux jeux vidéo.
05:20Mais ça peut être une passion, peut-être que ça le construit, peut-être que ça nourrit sa vie psychique.
05:25Par contre, si on se rend compte que l'adolescent a envie de baisser son usage, il n'y arrive pas.
05:32Ça a des conséquences à l'école sur les résultats scolaires.
05:35Il n'arrive pas à se concentrer sur ses devoirs.
05:37Pardon, mais l'ado qui passe en moyenne 2h16 sur les réseaux sociaux,
05:42sincèrement, quand on sait qu'ils sont 8h par jour à l'école, ça a forcément un impact sur sa vie, on est d'accord ?
05:48Ça limite le temps.
05:50L'addiction, c'est vraiment, je perds le contrôle.
05:52Donc je veux baisser mon temps d'écran, je n'y arrive pas.
05:55J'ai conscience que ça a des conséquences, soit sur ma santé, ma santé mentale,
05:59sur ma relation dans ma famille, je me désinvestis de mes loisirs, mais je ne peux pas m'empêcher.
06:06C'est la différence entre l'usage intensif, où là il peut y avoir un temps qui peut être excédentaire,
06:11et vraiment l'addiction.
06:13Dans ce livre, vous donnez toute une série de conseils.
06:15Premier d'entre eux, vous conseillez de ne pas confisquer un téléphone, même après une grosse bêtise.
06:22Oui, sincèrement.
06:24En tant que parent, je me suis dit que la punition, c'est fait pour ça.
06:28L'idée, c'est de supprimer un truc qu'ils adorent, pour pas qu'ils recommencent.
06:31Alors, oui, ce n'est pas forcément le plus approprié de confisquer,
06:37parce que ça peut générer beaucoup de souffrance.
06:41L'adolescent, il a toute sa vie, en fait, sur les réseaux sociaux, et il peut ne pas comprendre.
06:46Alors, quand c'est expliqué, évidemment, quand tout est justifié, quand le contexte est posé,
06:51on peut interdire, mais ce n'est pas forcément la meilleure des approches.
06:56Après, ce qui est important, de toute façon, je trouve, c'est de verbaliser ses émotions.
07:01Alors, OK, on a interdit, bon, peut-être que c'est mal passé.
07:04Après, c'est d'aller exprimer ses émotions, de dire ce qui se passe,
07:08de communiquer ouvertement avec l'adolescent,
07:12d'avoir une attention vraiment sur ce qu'il fait sur les réseaux sociaux.
07:15Qu'est-ce qui se passe sur le fait d'actualité ?
07:17Et se remettre aussi en question par rapport à notre propre relation aux réseaux sociaux.
07:20Vous lancez l'idée de lancer des défis en famille, de tous y participer.
07:25Finalement, on est d'abord responsable, non, nos parents ?
07:28On est tous des ados face aux réseaux sociaux.
07:30C'est pour ça que ce livre, il s'adresse bien sûr en priorité à l'entourage des enfants et des adolescents,
07:34mais il s'adresse aussi à l'adolescent qui sommeille en chacun de nous.
07:37Et la première des choses, en effet, c'est de prendre conscience de notre rapport aux réseaux sociaux
07:42pour après pouvoir, bien sûr, accompagner nos enfants vers un usage raisonné, équilibré.
07:49Vous envoyez des adultes accros aux réseaux sociaux dans votre cabinet, tous les jours ?
07:54Alors, pas tous les jours, parce qu'ils viennent plus souvent pour des addictions à des substances.
07:59Mais quand on évoque et quand on recherche l'addiction à des comportements,
08:02les réseaux sociaux, évidemment, font partie du panel.
08:05Merci beaucoup, docteur Juliette Hazard, d'être venue ce matin sur RTL.
08:09Mon ado est accro aux réseaux sociaux.

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