Après les Jeux Paralympiques, "il faut une révolution de l'inclusion", réclame Claire Hédon
Claire Hédon, défenseure des Droits, est l'invitée du Grand Entretien avec Marion L'Hour et Ali Baddou. Alors que les Jeux Paralympiques commencent tout juste, elle y voit une opportunité de rattraper le retard flagrant de la France sur l'inclusion des personnes en situation de handicap. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-30-aout-2024-1824338
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00:00Et un grand entretien ce matin avec la défenseur des droits, elle est chargée de défendre
00:13les usagers des services publics, elle lutte contre les discriminations, elle a pour objectif
00:19notamment la défense et la promotion des droits de l'enfant, la lutte contre les discriminations
00:25et la promotion de l'égalité, autant dire que c'est elle que nous voulions entendre
00:29ce matin juste avant la rentrée des classes et alors que les Jeux Paralympiques viennent
00:33de commencer à Paris.
00:35Toutes les questions que vous vous posez chers auditeurs, les difficultés que vous rencontrez,
00:41les inquiétudes que vous avez avant la rentrée scolaire et ce que vous imaginez aujourd'hui
00:46lorsque vous regardez les Jeux Paralympiques, ce spectacle qui est très largement suivi
00:52à la télévision notamment.
00:54Bonjour Claire Hédon, dans un instant vous dialoguerez avec les auditeurs d'Inter qui
01:00peuvent vous appeler au standard au 01 45 24 7000, ils peuvent également vous interpeller
01:06ou poser des questions sur l'application France Inter.
01:09Claire Hédon, parlons d'abord des Jeux Paralympiques, c'est quelque chose d'assez frappant, c'est
01:15engouement, ce sont sans doute les événements handisport les plus spectaculaires jamais
01:21organisés jusqu'à présent.
01:23Tony Estanguet ne mâchait pas ses mots lors de la cérémonie d'ouverture, il parlait
01:29d'une véritable révolution, révolution douce qui va changer chacune et chacun d'entre
01:35nous en profondeur et pour toujours.
01:37Je ferme les guillemets.
01:39Comment avez-vous reçu ces mots et partagez-vous cette ambition portée par Tony Estanguet ?
01:45C'est indispensable, il faut vraiment une révolution de l'inclusion.
01:49Je trouve que ces Jeux Paralympiques c'est vraiment l'occasion d'abord d'avoir une cérémonie
01:53qui a été absolument magnifique, avec vraiment cette inclusion qui est souhaitée par tout
01:58le monde, pas simplement par les personnes en situation de handicap, mais je trouve que
02:01c'est aussi l'occasion de dire qu'on n'y est pas à cette inclusion.
02:05Et je pense que les personnes qui nous écoutent et les parents qui nous écoutent avec des
02:08enfants en situation de handicap, honnêtement on n'y est pas.
02:11Sur plusieurs questions, il y a la question de la scolarisation qui est un vrai problème,
02:14il y a la question des places dans les unités médico-sociales, il y a la question de l'insertion
02:18professionnelle aussi, vous avez cité les discriminations dans l'emploi, pour trouver
02:23un emploi, mais au cours de l'emploi, il y a également la question de l'accessibilité
02:28des lieux, mais l'accessibilité aussi numérique, tout ça, très honnêtement, on est en retard.
02:33On n'est pas dans une société pour l'instant qui est égalitaire dans ce domaine.
02:36Loin de là, et vous êtes très bien placé pour le savoir, est-ce que malgré tout c'est
02:41une question de regard ? On parle souvent en employant cette expression de « changer
02:45le regard sur le handicap », c'est une question de changer son regard ou de changer
02:52la loi, de changer le droit ? Non, le droit, il dit tout, il dit une obligation
02:58de scolarisation de tous les enfants, c'est à la fois inscrit dans la constitution, c'est
03:02la convention internationale des droits de l'enfant, le code de l'éducation dit bien
03:05que c'est à l'éducation nationale de s'adapter aux jeunes qui sont scolarisés.
03:10Donc la loi, elle dit tout ce qu'il faut, mais moi en fait, qu'est-ce que j'observe,
03:14où je suis ? C'est finalement l'écart entre ce que dit le droit et la réalité de
03:18son application.
03:19Et moi je vois toujours que ce qui ne va pas, c'est-à-dire évidemment, dans les réclamations
03:22c'est à partir du moment où ça se passe mal.
03:23Mais donc non, la loi, elle dit absolument tout ce qu'il faut, c'est pas ça qu'il
03:27faut changer.
03:28Il faut changer l'application de la loi, puisqu'il y a un écart entre les deux, changer
03:33le regard.
03:34Je dirais que les trois points pour moi importants de cette cérémonie d'ouverture, c'était
03:37cette révolution de l'inclusion dont on a parlé, c'est cette question du changement
03:40de regard.
03:41Il y a un autre point qui est important, qu'on dit, il y a eu plusieurs témoignages
03:43là-dessus, écoutez-nous ! Je pense que c'est indispensable, les personnes en situation
03:48de handicap, écoutons-les ! Si on veut faire une inclusion qui fonctionne mieux et qui
03:53soit réelle, oui, il faut écouter les personnes qui sont concernées et qui ont des choses
03:56à dire.
03:57Et quand on les écoute justement Claire Hédon, on voit des témoignages notamment concernant
04:00les transports.
04:01Il y a aussi une tribune qui est publiée par Libération aujourd'hui, signée notamment
04:04par l'adjointe à la maire de Paris, par plusieurs associations, et qui dénonce les
04:08insuffisances de l'accessibilité du réseau de transport, et notamment du métro en Ile
04:12de France.
04:13Ils regrettent que la promesse de la présidente de région, de Valérie Pécresse, d'un
04:17réseau 100% accessible ne soit pas tenue pour le moment.
04:19Vous partagez ce regret ?
04:20Évidemment, c'est 19 stations de métro qui sont accessibles, simplement sur deux
04:25lignes.
04:26Donc, ce n'est pas suffisant.
04:27Et quand on dit par exemple, le RER est 100% accessible, mais enfin non, c'est excessivement
04:31compliqué.
04:32Il faut, quand vous arrivez, que vous préveniez que vous ayez quelqu'un qui puisse vous
04:35emmener.
04:37Du coup, ça ne laisse pas de place à l'improvisation.
04:39Les jeunes qui sont en situation de handicap, ils ont envie de vivre avec d'autres jeunes.
04:43Ce n'est pas exactement sur le transport, mais je voulais vous donner un exemple de
04:46réclamation qu'on a pu avoir.
04:47Un jeune qui n'a pas pu assister à un concert en étant dans la fosse.
04:50Parce que pour des questions de sécurité, on lui a dit non, ce n'est pas possible.
04:53Donc, il n'a pas pu être avec ses amis.
04:54C'est ça que ça veut dire la discrimination.
04:56C'est une inégalité de traitement entre des personnes valides et qui ne sont pas valides.
05:01Ce sont des choses qui, en fait, sont importantes puisqu'on parle d'inclusion.
05:05Donc, la question de l'accessibilité au transport, elle est vitale.
05:08Des sites, mais je réinsiste sur l'accessibilité Internet aussi, des démarches administratives
05:13qui ne sont pas suffisamment accessibles.
05:15Et tout ça doit, effectivement, ça passe par le changement de regard, mais ça passe
05:19aussi par l'action.
05:20Et donc, ça veut dire qu'il faut des moyens.
05:21Avant de parler justement de ce qu'on pourrait faire, il faut remonter évidemment à février
05:262005.
05:27C'était la première loi en France pour l'égalité des droits et des chances, la participation
05:32à la citoyenneté, notamment des personnes en situation de handicap, c'était il y a
05:3620 ans.
05:37Le mot d'ordre, c'est jeu paralympique depuis la cérémonie, le maître mot est celui que
05:42vous employez régulièrement, c'est inclusion, inclusivité.
05:45Qu'est-ce que ça recouvre ?
05:46Mais, de façon très concrète, que les enfants puissent être scolarisés.
05:50Le droit à l'éducation est un droit absolument fondamental.
05:53C'est le droit d'avoir un travail, de ne pas être licencié quand vous…
05:57Nous, dans beaucoup de nos réclamations, ce sont en fait des gens qui sont en emploi,
06:00qui se retrouvent en situation de handicap et qui en fait sont poussés à la démission
06:04et qui sont licenciés.
06:05Tout ça, quel est le mot-clé ? C'est l'aménagement raisonnable.
06:08En fait, à chaque fois, ce que nous on cherche à savoir, c'est s'il y a un aménagement
06:12qui a été fait pour une personne en situation de handicap, ça peut être la taille des
06:15portes, ça peut être l'ordinateur adapté.
06:18Exemple d'une saisine assez récente, un jeune qui passait son bac, pendant toute sa
06:22scolarité, adaptation, ça veut dire tiers-temps supplémentaire parce qu'il est en situation
06:27de handicap et utilisation d'un ordinateur avec un logiciel, en l'occurrence, il était
06:30atteint de troubles dys, vous savez, tout ce qui est dyslexie.
06:33Pour passer le bac, on lui dit « non, vous n'y avez plus droit ». Et nous, là, en
06:38médiation, on appelle simplement les services de l'académie en disant « il a eu ça
06:41pendant toute sa scolarité, il doit l'avoir au moment du passage du bac et on a réussi
06:45à résoudre le problème ». Mais vous voyez bien que là, on n'est même pas sur des
06:47moyens financiers.
06:48Là, on est juste… Il faut que les gens soient formés à la question du droit et
06:53on retrouve la même chose après l'université.
06:54On lui ménage les preuves pour lui permettre de passer le bac comme un autre étudiant.
06:58Et puisque vous en parliez, Claire Edon, l'inclusion à l'école, ça reste quand même une vraie
07:02question.
07:03On a 12 millions d'écoliers qui vont rentrer lundi, il y en a des milliers qui sont en
07:07situation de handicap et qui sont privés de scolarité parce qu'ils n'ont pas justement
07:11les adaptations nécessaires, c'est ce que dénoncent les associations.
07:15Vous comptez sur la mise en œuvre des annonces du gouvernement sur l'école inclusive pour
07:19résoudre ce problème ?
07:20C'est absolument indispensable que l'école s'adapte à ces jeunes en situation de
07:25handicap.
07:26Pour l'instant, en fait, on demande à ces jeunes de s'adapter et à leurs familles.
07:28Il y a des manques qui sont là ou pas en cette rentrée ?
07:31Et l'autre chose, les 430, 440 000 enfants qui sont scolarisés, combien d'heures aussi
07:39sont-ils scolarisés ? Ça, on a besoin de statistiques beaucoup plus précises.
07:43On a besoin effectivement de plus d'AESH, vous savez, c'est des accompagnants d'enfants
07:47en situation de handicap.
07:49Pour accompagner quand c'est nécessaire, ce n'est pas toujours nécessaire, il y a
07:54des moments.
07:55Mais pareil, il faut aussi soutenir les professeurs, on les met dans des situations parfois difficiles.
07:58Et en cette rentrée scolaire, je veux dire un mot quand même sur les enseignants qui
08:01font un travail remarquable et qui peuvent aussi être mis en difficulté.
08:06Donc tout ça, qu'est-ce que ça montre en fait ? Que l'école, nos services publics
08:10ont du mal à s'adapter.
08:11Or, c'est le fondement du service public de s'adapter.
08:14Pourquoi ? On demande, et c'est un principe depuis la Troisième République, il ne date
08:18pas d'hier la question de l'adaptabilité du service public.
08:21Pourquoi ? Parce qu'autrement, on n'a pas d'égalité de traitement.
08:24Si on ne s'adapte pas, on a des situations différentes.
08:27Et le Code de l'éducation le dit, on doit s'adapter à l'élève, au lycéen et à
08:32l'étudiant.
08:33Mais justement, vous en parliez des AESH, on en manque aujourd'hui, on en manque toujours.
08:37On entend la ministre de l'Éducation s'inquiéter pour son budget qui ne serait d'après elle
08:44pas assez sanctuarisé.
08:45Donc aujourd'hui, il y a un point d'inquiétude autour de ce point précis des AESH ?
08:48Mais bien sûr, mais comme des enseignants, c'est une question d'attractivité du métier,
08:52évidemment une question de rémunération.
08:55Il faut les augmenter ?
08:56Oui, et puis ils ne sont pas à plein temps.
08:57Alors qu'en fait, sur certaines, elles sont dans l'école en permanence et elles ont besoin,
09:02il y a aussi besoin d'échanges avec les enseignants, avec les directeurs.
09:05Mais voyez ce qu'on est en train de se dire, que sous prétexte de manque de moyens, on
09:10ne respecte pas les droits des enfants.
09:12Parce que c'est vraiment ça.
09:13Et franchement, dans le pays des droits de l'homme, penser que des enfants n'arrivent
09:17pas à être scolarisés, je trouve que c'est quand même plus qu'étonnant.
09:21Il y a de très nombreuses questions aux standards clair et donc, mais avant d'aller rejoindre
09:24nos auditeurs et de leur donner la parole, pourquoi est-ce que vous avez refusé d'être
09:29première ministre ?
09:30Alors, très honnêtement, pas de commentaire sur cette question, simplement, je suis défenseur
09:35des droits pendant encore 2 ans, j'ai un mandat de 6 ans, non révocable, non renouvelable,
09:41je reste à ce poste-là.
09:42C'est indispensable, dans ce contexte, de continuer à défendre les droits des personnes.
09:46Il est, pour moi, hors de question de quitter ce poste, je suis là jusqu'en juillet 2026
09:51et j'y resterai.
09:52Et vous recevez donc ces cahiers de doléances et vous n'étiez donc pas prête pour l'action
09:56politique à proprement parler ?
09:57Je suis dans une action de défense des droits et d'ailleurs, cette question de défense
10:02des droits, elle dépasse les partis, elle est juste indispensable.
10:05C'est un fondement de notre démocratie et de notre société et je redis à quel point
10:09je suis utile comme observatoire de ce qui ne va pas et de ce qu'il faudrait faire.
10:13Par contre, je suis, comme tout le monde, très en attente d'un gouvernement parce
10:16que, en fait, moi, quand il y a un nouveau gouvernement, je vais voir les différents
10:19ministres et non, évidemment, le ministre de l'éducation, le ministre sur les questions
10:22de discrimination, pour dire à la fois ce qu'on observe et ce qu'on recommande.
10:26Juste un dernier petit mot, vraiment, notre institution est inscrite dans la constitution
10:30avec deux missions, c'est traiter les réclamations mais c'est aussi promouvoir les droits et
10:34les libertés.
10:35Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on doit faire des recommandations au gouvernement,
10:38en fait, je dirais, pour tarir la source des réclamations, pour résoudre les problèmes.
10:42Et c'est ce que nous avons fait il y a deux ans, par exemple, sur un rapport sur l'inclusion
10:46justement scolaire et l'accueil des enfants en situation de handicap à l'école.
10:49Bonjour, Bellia ! Bonjour ! Et bienvenue sur France Inter ! Bonjour Madame la ministre !
10:56Alors, pas Madame la ministre, Madame la défenseure des droits ! Elle a refusé d'être
11:00Première ministre, mais elle est là pour vous répondre ! J'ai le droit d'inventer
11:04quand même ! Alors, moi, je voulais intervenir simplement parce que je trouve affligeant,
11:12ahurissant et complètement fou qu'on ne puisse pas connaître le nombre de personnes
11:19qui n'ont pas de toit en France, déjà de un.
11:21De deux, ça va être la rentrée scolaire, là, il y a des familles qui ne sont même
11:27pas logées, on ne sait même pas où elles sont, ce n'est pas normal, tout le monde
11:31communique normalement, en ce moment, c'est l'échappeur ! On est en France, on n'est
11:37pas à Tataouine-les-Oirs, on va dire ça comme ça, nous sommes en France ! Merci
11:43pour votre intervention, Bellia, parce que c'est vrai que derrière cette question
11:48de l'absence de logement, il y a les enfants, les enfants qui ne peuvent pas se loger, comment
11:52vont-ils faire pour la rentrée ? Je partage tout à fait votre indignation, Madame, parce
11:57que dans notre pays, au niveau que nous avons, penser que nous avons encore des enfants
12:02à la rue, je redis, on signe une convention internationale des droits de l'enfant, ça
12:05nous engage à respecter les droits de l'enfant, et un enfant à la rue, ce n'est pas respecter
12:10ses droits, ce n'est pas des conditions non plus de scolarisation, ça pose toute la question
12:14de l'accès au logement, aussi des personnes qui ont un logement, qui n'arrivent pas,
12:21qui n'ont pas les moyens suffisants payés, qui sont expulsées, ça pose toutes ces questions-là,
12:25il y a urgence sur ces questions de logement, c'est en fait la base du respect de l'ensemble des droits.
12:29Il y a eu justement ce rapport de l'UNICEF qui chiffrait à 2043 le nombre d'enfants
12:33qui dormaient dans la rue en France, sans doute sous-estimés, parce que c'est seulement
12:36ceux dont les parents ont appelé le 115, ou les enfants ont appelé le 115.
12:40D'après les associations, la loi Kasbarian-Berger, qui est surnommée la loi anti-squat, a pu
12:45accélérer les procédures d'exclusion, et ainsi contribuer à ce mauvais chiffre.
12:49Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'il faut revenir sur cette loi ?
12:52On s'était prononcés sur cette loi Kasbarian, ça fait partie justement du rôle de l'institution
12:56de rendre des avis par rapport aux réclamations qu'on peut recevoir, et qu'est-ce que nous
12:59on peut penser d'une loi comme celle-là ? On s'était prononcés justement avec des
13:02inquiétudes sur l'augmentation des expulsions, qu'est-ce qu'il faut aujourd'hui ? Il
13:05faut avoir des chiffres.
13:06Il faut avoir des chiffres pour savoir si effectivement les expulsions ont augmenté,
13:09parce que c'est entre guillemets une impression qu'on peut avoir, mais on a besoin de chiffres
13:12précis.
13:13Et si on veut respecter les droits des personnes, qu'ils soient adultes ou enfants, la question
13:16du logement est absolument cruciale, elle est au centre.
13:19Un enfant qui vit à la rue n'est pas dans des conditions pour pouvoir apprendre.
13:24On crée de l'échec scolaire, je pense que ça tout le monde peut le comprendre, c'est
13:27une évidence, on n'y a aucun intérêt.
13:29Aucun intérêt, et d'ailleurs c'est Pascal Brice, le président de la Fédération des
13:34Acteurs de la Solidarité, qui déclarait très récemment que les enfants sont le baromètre
13:39de la qualité et de l'efficacité des décisions politiques.
13:43Bonjour Pierre, merci d'être avec nous ce matin dans le Grand Entretien.
13:48Oui, voilà, merci de prendre mon appel.
13:50C'est surtout pour un témoignage, je suis grand-père d'une petite fille qui aura bientôt
13:5413 ans, scolarisée en collège sur l'agglomération Rennaise.
13:58Il y a un peu plus d'un an, elle s'est fait refuser l'accès au bus de Rennes-Agglomérations,
14:04avec double argument, c'est au département de mettre en place des taxis spéciaux, et
14:11surtout l'argument choc, ça ferait perdre du temps à ses petits camarades.
14:16Merci pour votre témoignage émouvant et révoltant, Clairédon.
14:20Et révoltant, parce qu'en fait c'est une chance pour les autres enfants de voir la
14:24différence et d'accueillir des enfants en situation de handicap.
14:26Quand est-ce qu'on va comprendre, dans ce changement de regard, c'est comprendre que
14:29c'est une chance.
14:30La petite fille dont il est question, 12 ans, elle est handicapée, comment se fait-il qu'on
14:34puisse lui refuser l'accès à un bus, Clairédon ?
14:36C'est vraiment la situation dans laquelle on peut nous saisir.
14:39On est récemment intervenu dans une affaire qui a été portée devant le tribunal administratif
14:42de Nantes, sur le conseil départemental de la Loire-Atlantique, et on a été saisis
14:46par des parents, et des parents dont l'enfant est atteint de troubles autistiques, et qui
14:51ne pouvaient pas, dans le nouveau règlement du département, bénéficier des transports
14:56gratuits, parce que l'enfant n'était pas scolarisé sur son secteur.
15:00Et en fait, très souvent les enfants en situation de handicap ne sont pas forcément scolarisés
15:04dans leur secteur, parce qu'il y a souvent des écoles mieux adaptées pour eux, un peu
15:07plus loin.
15:08Et donc le tribunal administratif a suspendu ce référé.
15:11Donc ce que je peux dire à Pierre, c'est que ça vaut le coup de nous saisir, d'aller
15:14voir un de nos délégués territoriaux qui sont sur le terrain, qui vont essayer d'agir
15:17en médiation pour qu'on règle le problème.
15:19Notre quotidien, c'est de régler ce genre de problème pour que cette jeune fille puisse
15:24avoir un transport.
15:25En fait, je dirais que c'est le corollaire du droit à l'éducation.
15:27Le droit à l'éducation, c'est à la fois le droit à la cantine, c'est à la fois le
15:30droit justement de pouvoir se rendre à l'école.
15:34Et donc la question du transport est absolument essentielle.
15:37Et ça fait partie des discriminations.
15:39C'est une inégalité de traitement.
15:40Pierre l'a très bien dit, une inégalité de traitement entre les autres enfants et
15:43sa petite-fille.
15:44Et c'est vrai qu'on admire les athlètes paralympiques, mais l'épreuve la plus difficile,
15:47c'est sans doute tout simplement, par exemple, à Paris, de pouvoir prendre le métro.
15:51Il y a la question de l'accessibilité au service public.
15:56Il y a aussi de nombreux auditeurs comme Hervé qui vous interrogent sur l'accessibilité
16:02numérique.
16:03Et notamment pour les personnes qui souffrent de déficience mentale, on a gagné contre
16:09les logiciels de vie scolaire, mais il faut continuer à s'emparer de la question.
16:13Quel est l'enjeu, Claire Hédon, sur l'accès au numérique ?
16:16D'abord, un chiffre.
16:17Un tiers de la population française est éloignée du numérique.
16:21Donc, avoir numérisé des démarches administratives, c'est formidable, pour plein de personnes
16:25ça simplifie.
16:26Ça ne peut pas être la seule porte d'entrée dans les services publics.
16:28Ça c'est le premier point.
16:29Il n'y a pas du tout que les personnes en situation de handicap, ni les personnes âgées.
16:32Il y a aussi des jeunes qui sont en difficulté.
16:34Et vous-même, s'il y a un bug, vous allez aussi vous retrouver en difficulté.
16:38Donc, il faut absolument que toutes les démarches administratives soient accessibles aux personnes
16:43en situation de handicap.
16:44C'est loin d'être le cas, les objectifs ne sont pas du tout atteints, et c'est tout
16:48à fait faisable.
16:49On le fait, nous, sur notre formulaire de saisine et sur l'accessibilité de notre
16:51site internet.
16:52Donc, c'est tout à fait faisable, ça demande des moyens du temps, ça demande de tester
16:56avec des personnes pour être sûr que c'est bien accessible, ça c'est aussi un point
17:00important quand je vous dis qu'il faut demander l'avis des personnes, mais ce point est essentiel
17:04et fait partie de l'accessibilité et de l'inclusion dont on a absolument besoin.
17:07Vous parliez tout à l'heure, Claire Hédon, du droit à l'éducation.
17:11En 2022, une enquête de vos services avait révélé que 18 000 lycéens étaient sans
17:16affectation à la rentrée.
17:18C'était 22 000 en 2023, vous aviez fait des préconisations pour l'éviter.
17:23Est-ce que vous êtes confiante en cette rentrée ?
17:25Eh bien, on continue à être en dialogue avec la ministre, on a demandé des chiffres,
17:28on en a eu quelques-uns.
17:29Manifestement, tous ne sont pas affectés puisqu'il va y avoir un tour supplémentaire
17:32le 8 septembre.
17:33On est dans une situation vraiment bien possible.
17:35On s'auto-saisit en 2022, on fait des recommandations en 2023.
17:38Il y a eu un changement de pratique, plus de tours en juillet, un accueil inconditionnel
17:43de tour Affenet, vous savez, pardon, excusez-moi, vous savez, Affenet, c'est le logiciel qui
17:47permet d'affecter.
17:48Qu'on comprenne bien, ce sont des jeunes lycéens qui sont admis en seconde et qui
17:52ne sont pas inscrits au bout du compte dans un lycée, et qui n'ont pas de place dans
17:56un lycée.
17:57Enfin, le droit à l'éducation est quand même absolument...
17:59Et évidemment, l'échec scolaire quand vous êtes affecté finalement que le 15 septembre,
18:03le 30 septembre ou fin octobre, c'est quand même quelque chose de rater la rentrée scolaire.
18:07C'est quelque chose de passer tout l'été...
18:08C'est-à-dire que le 30 août, comme le disait Marion, le 30 août, un élève peut ne pas
18:11savoir où il sera affecté, à quelle classe et à quel lycée il sera affecté ?
18:15Le 30 août 2023, 27 000 jeunes n'étaient pas affectés.
18:20Et nous, notre saisine, elle a permis en fait d'abord à l'éducation nationale d'avoir
18:24ce chiffre, c'est-à-dire d'enquêter, parce qu'on a quand même de forts pouvoirs d'enquête,
18:27pas de pouvoirs de contrainte, donc d'abord d'avoir les chiffres, et aujourd'hui, alors
18:32manifestement, il y a eu une amélioration, mais on n'est pas du tout au bout du compte.
18:36Vous vous rendez compte qu'on accepte que le dernier tour, là pour l'instant, il y
18:39a eu le 8 septembre, donc on accepte que la rentrée scolaire, il y a des jeunes qui ne
18:43vont pas la faire.
18:44Pour moi, ce n'est pas possible.
18:45Notre recommandation, c'est vraiment tous les tours d'Affelnet, ce logiciel, avant la
18:51fin juillet.
18:52Un jeune, c'est indispensable qu'il ne passe pas l'été en se demandant où il va aboutir
18:56comme lycée, et puis qu'il fasse sa rentrée scolaire.
18:59Je trouve incroyable ce droit à l'éducation qui n'est pas appliqué en France.
19:03Vous auriez pu, tout simplement, devenir chef du gouvernement et changer les choses.
19:08Non, je pense que mon rôle, je continue pendant 6 ans ce mandat de défenseur de droits.
19:13Parce qu'il y a tellement de candidats d'impétrants pour ce poste que c'est rare de rencontrer
19:18quelqu'un à qui on l'a proposé et qui l'a refusé.
19:20Bonjour Louise !
19:21Bonjour !
19:22Et bienvenue sur Inter, vous avez une question à poser à notre invitée Clare Hédon ?
19:28Oui, alors ce n'est pas vraiment une question, c'est plus un témoignage.
19:30Je suis enseignante en maternelle, et donc ça fait des années qu'on accueille des
19:35enfants en situation de handicap à l'école, et moi je voulais surtout souligner le fait
19:39que le problème, c'est la formation des enseignants, des AESH, on a zéro formation
19:44pour accueillir ces enfants, et ça nous met tous en difficulté, que ce soit les enfants,
19:49les parents et les enseignants.
19:51Et vous-même Louise, vous avez l'impression de ne pas être suffisamment formé pour encadrer
19:57ces enfants ?
19:58Je ne suis pas du tout formée, je m'auto-forme, on se forme nous-mêmes, oui oui c'est risible,
20:04mais on se forme nous-mêmes pour vraiment qu'on sache, et nous on fait ce qu'on peut
20:08pour accueillir les enfants du mieux qu'on peut, mais c'est de plus en plus difficile,
20:12et je voulais souligner le fait que des métiers comme éducateur spécialisé existent, des
20:17gens qui sont spécialisés dans les handicaps et qui auraient leur place à l'école aujourd'hui.
20:21Louise, on aurait besoin de vous.
20:23Merci pour votre témoignage Louise.
20:24Et Louise, moi j'aurais presque une autre question aussi à vous poser, vous avez parfaitement
20:26raison, ça fait partie de nos recommandations, la formation des enseignants, des AESH, des
20:32directeurs d'école, et des formations aussi communes avec le médico-social, c'est absolument
20:37indispensable.
20:38Et une autre question, c'est aussi le nombre d'effectifs par classe, parce que je ne sais
20:41pas ce qu'en pense Louise, mais la question des effectifs dans une classe, c'est évidemment
20:45plus difficile quand ils sont très nombreux, d'accueillir des enfants en situation de
20:48handicap.
20:49Mais c'est une question qui revient régulièrement Claire Hédon, et encore une fois pour parler
20:51des élèves qui sont en situation de handicap, est-ce qu'il faut les inclure, quitte à
20:56forcer les choses, ou est-ce qu'il faut des structures qui soient adaptées pour ces élèves-là
21:01en particulier ?
21:02Les situations dépendent des situations de handicap, il faut des places dans des IME,
21:07des instituts médicaux éducatifs, il n'y a pas de doute, et on manque de places, on
21:11est encore obligé d'envoyer des enfants en situation de handicap en Belgique parce
21:14qu'il n'y a pas de place.
21:15Mais il faut inclure au maximum les enfants dans le système scolaire, c'est juste indispensable.
21:21Même s'il n'y a rien de plus cruel qu'un gamin, avec un autre gamin.
21:25Vous posez la question du harcèlement, et vous avez tout à fait raison, parce qu'elle
21:28se pose à double titre dans ces cas-là.
21:29Les enfants qui sont en situation de handicap, mais comme l'ensemble des personnes handicapées,
21:34sont plus souvent victimes de harcèlement.
21:36Mais pareil, tout ça, ça prend sa demande des formations, je veux redire à quel point
21:43le service public doit s'adapter, et que c'est absolument indispensable si on veut
21:47que les droits soient respectés, qu'il n'y ait pas un écart entre ce qui est annoncé
21:50et la réalité de ce qu'on observe.
21:51Claire Hédon, je change complètement de sujet, lundi dernier, un gendarme, Eric Comine,
21:54a été tué par un chauffard dans un refus d'obtempérer dans les Alpes-Maritimes.
21:58On a entendu sa veuve qui accusait la France d'avoir tué son mari par son laxisme.
22:03« 1981 n'aurait jamais dû exister », a-t-elle dit, allusion à l'abolition de la peine
22:07de mort.
22:08C'est vrai que le casier judiciaire du suspect comportait déjà 10 condamnations.
22:12Vous, défenseur des droits, vous vous étiez saisi de cette question des refus d'obtempérer
22:16l'année dernière, je crois.
22:17Pour quel résultat ?
22:18D'abord, toutes mes pensées vont à son épouse et à ses enfants qui vivent une situation
22:24absolument dramatique.
22:25Je crois qu'il faut vraiment laisser la justice faire son travail.
22:29C'est à elle d'enquêter et d'en tirer les conséquences.
22:32Vous rappelez du coup notre domaine de compétences, notre domaine de compétences, il est sur
22:37la déontologie des forces de sécurité.
22:39Je ne suis pas compétente quand il y a des agressions contre les forces de l'ordre.
22:44Là, c'est le travail de la justice.
22:45Moi, je suis compétente quand il y a un problème de déontologie des forces de sécurité.
22:49Exactement.
22:50Par exemple ?
22:51D'un mot, parce que les témoignages se multiplient et c'est la fin de notre entretien
22:55Claire et Don.
22:56Il y a de très nombreux témoignages, notamment ceux de pères, de mères d'enfants en situation
23:03de handicap qui veulent partager leur colère, qui veulent partager leurs émotions et leurs
23:08tristesses.
23:09Et sur le fond, ils constatent très souvent un décalage terrifiant entre la question
23:15du droit, l'administratif et puis l'émotion qu'on ressent tous en regardant la cérémonie
23:21d'ouverture des Jeux Paralympiques et les différentes épreuves qui se déroulent depuis
23:26hier.
23:27Oui.
23:28Ce décalage-là, il est terrifiant.
23:29Il est terrifiant.
23:30Mais donc, travaillons.
23:31Je pense que vraiment, ces Jeux Paralympiques, c'est l'occasion de travailler sur l'inclusion.
23:34Je redis qu'on a un numéro de téléphone, le 3928, sur lequel on peut nous appeler sur
23:37ces questions de discrimination.
23:383928.
23:39Nos délégués territoriaux.
23:40On va faire un place au droit, c'est-à-dire l'institution qui sort de ses murs, qui va
23:43à Marseille, pour aller à la rencontre des habitants.
23:45Il ne faut pas hésiter à nous saisir par la médiation, par des décisions, par des
23:49observations que nous faisons dans les tribunaux.
23:51Nous faisons bouger les choses et je continuerai à interpeller le gouvernement pour une meilleure
23:55inclusion et juste le respect du droit et de la lutte contre les discriminations qui
23:58est dans mes fonctions.
23:59Merci d'avoir été l'invité de France Inter ce matin, Claire Hédon.
24:03Merci infiniment et on vous souhaite une très belle journée.