Libération de l'Isère : 80 ans après, une fête populaire et "des images inédites" pour "revivre la Libération"
Category
🗞
NewsTranscript
00:00Ce matin, nous allons parler histoire avec vous, on vous rappelle que vous pouvez nous appeler au 04-76-46-45-45
00:06pour revenir sur ces 80 ans après la libération de l'ISRT.
00:09Oui, car ce week-end c'est un peu le point d'orgue des festivités à Grenoble,
00:12notamment avec une journée festive demain, des animations, des jeux de pistes, une exposition immersive
00:17et puis un bal populaire le soir pour vivre la libération, c'est le thème de cette journée.
00:23Bonjour Alice Buffet.
00:24Bonjour.
00:25Merci d'être avec nous ce matin en studio avant ce week-end festif
00:28parce qu'il y a eu des commémorations, il y a eu des cérémonies cet été.
00:32Là, le but c'est quoi ? C'est plus festif.
00:35En effet, c'est la façon dont le département de l'ISRT a souhaité aussi accompagner ce 80e anniversaire
00:40à travers son musée et donc de pouvoir proposer aussi une journée festive
00:45pour rassembler assez largement autour de la libération de l'ISRT
00:49qui s'est libérée en 14 journées entre le 20 août et le 2 septembre 1944
00:54et donc de pouvoir proposer tout au long de la journée des manifestations, des ateliers créatifs
00:59et puis également une grande fête populaire le soir et dansante pour rassembler très largement
01:04et rappeler ce qui s'est passé il y a 80 ans dans le département.
01:08Et se replonger dans cette ambiance aussi de la libération qui était très joyeuse, très festive.
01:13Oui, et pas que.
01:15En effet, on a en tête ces fêtes populaires, ces liesses avec l'arrivée des troupes américaines,
01:20les défilés de résistants et de maquisards.
01:22Mais la libération c'est aussi notre réalité, c'est celle de la découverte des horreurs aussi et de la répression.
01:27C'est celle aussi de l'épuration et notamment celle qui s'est tournée principalement vers les femmes.
01:33Tout à fait, les femmes tendues.
01:35Mais c'est aussi l'espoir, c'est l'espoir de la restauration de la République,
01:39le retour de la légalité républicaine et comment la France va ressortir du coup de cette période sombre.
01:45L'espoir, on va l'entendre dans ce petit extrait de Daniel Huillier,
01:49l'un des derniers résistants du maquis du Vercors encore en vie.
01:53Aujourd'hui, on l'a interrogé, c'était la semaine dernière, pour la libération de Grenoble.
01:57Écoutez les souvenirs qu'il en a.
01:59Tout le monde était heureux après tant de souffrance.
02:02Quand on est libéré, ça explose.
02:05Ça a été la fête tous les jours dans les rues de Grenoble.
02:08Ça dansait partout, c'était la libération.
02:12On oublie vite la joie de revivre libre.
02:15Il y a beaucoup de choses dans ce qu'il dit Daniel Huillier.
02:17On a du mal, en tout cas, d'abord 80 ans après,
02:20à imaginer le sentiment que ça peut provoquer une libération pareille.
02:24Et c'est pour ça qu'on a essayé de faire ressentir ça dans le dispositif immersif
02:28qu'on inaugure samedi matin à 11h au musée de la résistance à la déportation lisère,
02:32justement pour faire un pas de côté sur l'historiographie de cette période.
02:38Ça fait 30 ans que le musée a vraiment étudié cette période
02:41à travers une offre culturelle variée qui fait aujourd'hui référence.
02:45On avait envie d'explorer autre chose
02:47et de voir comment on pouvait aussi continuer de transmettre,
02:49notamment aux jeunes générations.
02:51Immersif en quoi ?
02:53L'idée c'est de partir non pas de l'éphéméride des 14 journées,
02:56mais d'avoir une rentrée par le sensible et par les émotions.
02:59On parlait tout à l'heure de l'espoir, de la liesse, de la joie,
03:02mais aussi de la peur et de la colère.
03:04Des émotions qui vont transparaître à travers notre fond photographique et filmique
03:08avec notamment des images qui sont inédites, qui n'ont jamais été montrées
03:11et qui ont été montées avec une création sonore qui vient appuyer aussi.
03:17L'idée c'est de vivre la libération et de ressentir ce qui s'est passé durant ces journées.
03:23Innover dans la forme, avec le numérique aussi,
03:27c'est essentiel aujourd'hui à Lisbuffet pour toucher les jeunes
03:30parce que des témoignages comme ceux de Daniel Huillier, il n'y en a plus tellement aujourd'hui.
03:34Ceux qui ont vécu cette période sont partis pour beaucoup.
03:38Aujourd'hui c'est nécessaire pour transmettre cette mémoire,
03:41d'innover dans la forme, d'utiliser le numérique.
03:43Oui en effet, et puis c'est l'occasion de s'adresser aussi à une génération
03:46qui est beaucoup sur l'écran, les jeunes, les adolescents, les jeunes adultes.
03:50On avait expérimenté sur le jeune public avec l'exposition précédente,
03:54À hauteur d'enfants, histoire de guerre.
03:58Et là l'idée c'était d'aller peut-être rechercher un public un peu plus adolescent,
04:02un peu plus adulte, pour lui permettre de vivre une expérience
04:06et effectivement de trouver des moyens.
04:10Et le numérique est une technique aussi de pouvoir aller les toucher directement.
04:15Est-ce que justement cette exposition à hauteur d'enfants,
04:18elle vous a permis de toucher un public plus jeune ?
04:20Est-ce que ça, dans les chiffres des entrées, vous le constatez ?
04:24Oui en effet, on a vraiment baissé l'âge de notre public.
04:27Et ça c'était vraiment pour nous un objectif majeur et qui s'est avéré concluant.
04:32Donc ça vraiment, c'est une grande satisfaction.
04:35Et surtout, au-delà de l'âge du jeune visiteur,
04:38c'est surtout le fait que les gens sont venus en famille
04:40et n'ont pas eu peur de pousser la porte du musée
04:43pour venir partager aussi cette histoire-là avec les plus jeunes et pouvoir en discuter.
04:47Et c'est l'essence même de la transmission aussi,
04:50alors même que vous le disiez, les témoins ont disparu ou disparaissent pour de bon cette fois-ci.
04:55La transmission de ces souvenirs, c'est aussi notre rôle sur France Blizzard et les médias de services publics.
05:00On a d'ailleurs, au standard de France Blizzard, un témoignage, en tout cas un souvenir.
05:05On va juste en parler avec Paul, mais je vous rappelle juste avant de le prendre
05:08que vous pouvez aussi, comme Paul, nous appeler au 04 76 46 45 45
05:12pour nous parler de cette transmission.
05:14Est-ce que vous, vos grands-parents, vos parents, vous avez transmis des souvenirs ?
05:17Et puis comment vous faites peut-être pour vous les transmettre ?
05:20On parle des jeunes, aux enfants, aux ados
05:22qui sont peut-être aussi pas forcément connectés à cette période.
05:26Paul nous appelle de Fontaine. Bonjour Paul.
05:28Oui, bonjour.
05:29Alors Paul, on parlait tout à l'heure du fait que sur notre page Facebook,
05:33il y avait une tendance de gens qui nous disaient qu'ils ne nous en ont pas trop parlé.
05:37Vous, c'est l'inverse en l'occurrence.
05:39Vous avez pu communiquer sur cette période avec votre père ?
05:42Et oui, effectivement, comme vous dites, on a pu communiquer.
05:47Mais bon, je savais que mon père, il n'était pas le seul.
05:50Il y en avait d'autres, étaient résistants puisque dans la ferme où nous habitions,
05:54c'était dans le département de l'Aude.
05:56On recevait, disons, des blessés.
05:59On récupérait des gens qui avaient été parachutés.
06:03Mon père portait des armes.
06:05Attention, il ne faut rien dire, il ne faut pas boire.
06:08Donc très jeune, j'ai été mis dans le bain, si je puis dire.
06:12Voilà, très, très, très, très jeune.
06:14Et nous avons eu la chance, entre guillemets,
06:18à la fin, je suis incapable de vous donner la date exacte,
06:21c'était à la libération, donc c'était la débâcle pour l'Allemagne.
06:25Et il y a de gentilles personnes qui nous ont déclaré,
06:30qui ont déclaré mon père, il n'était pas le seul.
06:32Il y en avait des dizaines et des dizaines.
06:34Il a été dénoncé.
06:35Voilà.
06:36Et nous nous sommes tous, toute la famille, avec d'autres,
06:39puisque nous vivions avec des cousins qui ont au moins une vingtaine d'Espagnols.
06:45Et nous nous sommes retrouvés contre un mur, alignés tous.
06:48Et comme j'ai dit tout à l'heure, entre nous, nous parlions espagnol.
06:52Donc il y en a un qui a dit,
06:54« Nos bannes m'attardent todos », ils vont tous me tuer.
06:56Moi, qu'est-ce que j'ai fait ?
06:57J'étais le plus jeune, je suis parti en courant.
06:59Je n'ai pas été loin.
07:01Le responsable, disons, de la section a tiré deux coups de revolver,
07:10mais j'ai encore, vous savez, les balles qui sifflent aux deux oreilles.
07:14Et je suis revenu, bien sûr.
07:16Et plus tard, mon père m'a dit, parce que j'étais un peu plus grand,
07:20« Tu sais, ce jour-là, on a eu de la chance. »
07:22C'était l'armée régulière allemande.
07:24Et la libération, rapidement, Paul, on parle de la libération ce matin.
07:28Il y en avait quel souvenir, votre père, de la libération ?
07:31Disons, il ne s'exprimait pas trop, pour ne rien vous cacher.
07:38Il n'était pas le seul.
07:39Les Espagnols, à l'époque, participaient, effectivement, à la résistance.
07:46Ça, c'est plus que vrai.
07:47Mais de là à s'exprimer, ce n'était pas son cas.
07:51Voilà, c'est tout ce que je puis vous dire.
07:53Merci beaucoup, Paul, de ce témoignage assez fort et de nous avoir raconté tout ça.
07:58Merci d'être passé. À bientôt, Paul.
08:00Merci, au revoir.
08:01Et vous pouvez faire comme Paul, allez-y.
08:03Il vous reste quelques minutes.
08:0404.76.46.45.45.
08:06Alors, bien sûr, si vous avez des souvenirs comme ça, les témoignages, c'est fort.
08:08Mais même juste sur la transmission.
08:10Comment vous la faites et comment vous allez la faire ?
08:12Est-ce que vous allez participer à cet après-midi ?
08:15Est-ce qu'il se prépare pour les 40 ans de la libération ?
08:17Une réaction, Alice Buffet, directrice du musée de la résistance et de la déportation de l'ISER.
08:22Le témoignage de Paul, il est intéressant.
08:24Il revient, effectivement, dans nos réseaux sociaux.
08:26Beaucoup d'auditeurs racontent que leurs parents ou grands-parents ont eu du mal à parler de cette période.
08:30C'est récurrent, ça ?
08:31Oui, en effet, c'est une période qui a été parfois compliquée à parler.
08:36On a notamment en tête le retour des déportés qui, pour beaucoup, ont eu beaucoup de mal à s'exprimer au retour.
08:41Et garder de façon assez propre leur expérience avant de, peut-être se voyant aussi vieillir, commencer à libérer la parole.
08:50Voilà, chacun a aussi sa propre, comment dire, la façon dont il va vraiment pouvoir le transmettre en fonction du vécu.
09:00Ça, on le ressent aussi dans les commentaires Facebook, on le disait, Laurent.
09:03Effectivement, Sandrine de Suillet regrette que ses grands-parents ne lui aient pas parlé de la libération à Reventin-Vaugry, à l'époque.
09:11On a Michel du Grand-Lens qui confirme, effectivement, que ses parents ne parlaient pas beaucoup d'une période, sans doute, éprouvante et difficile.
09:19Et c'était peut-être pour ça qu'ils n'en parlaient pas.
09:21Éliane à Bourgogne a eu, pareil, des parents très pudiques sur le sujet.
09:24Voilà ce que vous nous dites sur Facebook.
09:26Il y a aussi, peut-être, une ambiance dans l'immédiate après-guerre.
09:30C'est qu'on glorifie la résistance.
09:32Il y a la victoire d'un côté et la défaite pour d'autres.
09:34Et il y a tout ce peuple français qui, au milieu, n'a pas vraiment choisi ni un camp ni l'autre pendant la guerre.
09:39Mais s'est contenté de passer les choses comme il pouvait.
09:42Et qui n'a pas forcément grand-chose à raconter.
09:44Ou qui ne se reconnaît pas, peut-être, dans le récit de la résistance.
09:47Il y a peut-être aussi ça, ce genre de choses.
09:49Oui, en effet. Après, la majeure partie des Français a juste tenté de survivre à cette période, à la fois de pénuries, d'occupations, de répression.
09:58Et donc, en effet, même si à la libération, De Gaulle a mis en place le mythe du résistentialisme.
10:05C'est-à-dire de rappeler que la France avait été résistante.
10:07C'est pour reconstruire et refaire nation.
10:09La plupart des Français ont juste tenté de sortir indemne de cette période.
10:13Est-ce que ça a été un témoignage, cet obstacle à la transmission de la parole ?
10:18Est-ce que c'est un obstacle à la transmission de la mémoire ?
10:21Ou est-ce que, tout de même, il y a des traces écrites ?
10:23Vous avez, je crois, demain une animation sur les mots de la liberté.
10:28C'est quoi ces mots et quelles traces il y a ?
10:30Bien sûr. Beaucoup n'ont pas parlé, mais beaucoup d'autres l'ont fait et ont témoigné.
10:35Le musée de la résistance à la déportation de l'Isère conserve plus de 400 heures de témoignages dans ses collections,
10:42de paroles qui ont été captées depuis les années 80 jusqu'à il n'y a pas si longtemps que ça, également.
10:47Donc ça, ça a vraiment été notre travail, nous, de conservation, de pérennisation de cette mémoire.
10:52Alors évidemment, l'impact n'est pas le même aujourd'hui que lorsque les témoins pouvaient se rendre dans les classes
10:57et témoigner de façon directe vis-à-vis notamment des jeunes générations.
11:01Mais néanmoins, cette parole, elle est conservée, elle va être transmise de façon pérenne.
11:07Donc ça, c'est aussi quelque chose d'important.
11:10Et elle va être mise en lumière encore demain, effectivement, pour cette journée.
11:13Vivre la libération, on va vous mettre tout le programme sur francebleu.fr.
11:18Merci Alice Buffet d'avoir été notre invitée ce matin, directrice du musée de la résistance et de la déportation de l'Isère.
11:24Merci d'être avec nous.