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00:00Invité de cette édition, Alexandre Vautravert, bonjour, merci d'être avec nous sur E-France 24.
00:06Vous êtes rédacteur en chef de la revue militaire suisse et directeur scientifique au Centre d'Histoire et de Prospective Militaire.
00:12Nous vous avons souvent en duplex sur cette antenne pour commenter cette guerre.
00:16On va commencer peut-être par cette opération ukrainienne en Russie.
00:19Est-ce que vous, en tant qu'expert, en tant qu'analyste, vous avez été surpris de voir des chars ukrainiens entrer en Russie de cette manière
00:27et non pas sous la simple bannière de rebelles russes anti-Moscou ?
00:31Alors effectivement, c'est une surprise et je pense que c'est l'élément le plus marquant de cette contre-attaque ukrainienne.
00:41C'est-à-dire le fait que non seulement cette attaque a surpris le public, l'opinion publique internationale,
00:50mais également la Russie qui s'est retrouvée à contre-pied dans cette situation
00:53et même un certain nombre de leaders occidentaux ne s'attendaient pas à une pareille offensive.
00:59L'Ukraine dit vouloir forcer les Russes à des négociations équitables.
01:04Est-ce que c'est un coup de poker, cette opération à Kursk ?
01:11Oui, on voit cela dans les récentes négociations qui ont eu lieu pas très loin d'ici, en Suisse, au Burgenstock.
01:18C'est-à-dire que les deux parties ont des clauses qui sont totalement incompatibles
01:23et donc l'Ukraine essaye de gagner du territoire russe de manière à annuler un certain nombre de pertes territoriales,
01:33de pouvoir négocier un échange de territoire dans une hypothétique négociation de paix.
01:39Justement, ces négociations, on le sait, vous le rappeliez Alexandre, vos travers sont quasiment à l'arrêt depuis deux ans.
01:45Si elles devaient reprendre, ça serait sur quelle base, sur quel terme ?
01:52Elles ne sont pas tout à fait à l'arrêt.
01:54C'est-à-dire qu'il y a, si j'ose dire, les négociations publiques ouvertes
01:59et puis il y a toute une série de discussions qui ont quand même lieu derrière les caméras.
02:11Ce que l'on peut dire, c'est qu'effectivement, aujourd'hui, ce dont il est question,
02:16c'est quelles sont les clauses sur lesquelles il serait possible de négocier.
02:21En particulier, certains échanges de territoire seraient tout à fait possibles.
02:26Il a aussi été question, au Burgenstock, il y a quelques semaines,
02:30de toute la problématique humanitaire, de l'échange des prisonniers,
02:34de la maintenance d'une certaine correction sur le plan du droit international humanitaire.
02:42C'est-à-dire ne pas viser des objectifs ou ne pas viser des populations civiles
02:48de réduire les effets de cette guerre.
02:51Il y a quand même un certain nombre de négociations qui sont en train d'avoir lieu en ce moment.
02:56Alexandre Vautravert, quelle analyse faites-vous de la réponse russe pour l'instant ?
03:02L'armée russe ne semble pas intéressée, puisque cela a contre-attaqué,
03:06semblant préférer se concentrer sur ce qu'elle fait dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine.
03:13Oui, la doctrine russe, c'est effectivement de ne pas renforcer
03:16ou de ne pas se porter sur les points du front où cela va mal.
03:23La doctrine russe stipule plutôt de mettre l'effort principal sur les endroits où cela va bien
03:30et où on peut atteindre des objectifs de nature opérative ou stratégique.
03:36Cela va un peu dans le sens que vous évoquiez.
03:40Dans le même temps, pour le commandement militaire russe,
03:45la problématique se présente sous une forme qui est tout à fait mathématique.
03:49Vous avez environ 10 000 soldats ukrainiens qui ont accompli, qui ont effectué,
03:54qui ont obtenu avec succès à peu près 1 000 km² de territoire en Russie.
04:01Si l'armée russe devait réduire cette tête de pont,
04:06si elle devait concentrer ses forces, déplacer, concentrer des forces et reprendre ce territoire,
04:13il faudrait aux Russes environ trois fois plus de soldats, c'est-à-dire 30, peut-être 40 000 soldats.
04:19Cela représente à peu près 10 % de toutes les forces russes qui sont engagées en Ukraine aujourd'hui
04:25dans le cadre de cette opération militaire spéciale.
04:28C'est une décision qui n'est pas très facile à prendre pour ce commandement militaire
04:32de stopper une bonne partie de ce que l'on fait sur le front dans le Donbass
04:38pour pouvoir libérer des forces et pouvoir reprendre ce territoire.
04:43On revient un peu sur ce que vous avez commencé à aborder tout à l'heure sur les réactions internationales.
04:49Depuis le 6 août, on n'a pas beaucoup entendu de commentaires de la part des chancelleries occidentales
04:54sur cette opération ukrainienne en Russie. Elles sont assez discrètes, non ?
04:59Oui, mais cela a été le cas également lorsque le pont de Crimée a été frappé,
05:05lorsque des drones ukrainiens ont frappé un certain nombre d'aérodromes,
05:09y compris des bases de bombardiers stratégiques en Russie.
05:14Je dirais qu'il y a quand même, semble-t-il, une entente et un soutien tacite de la part des capitales occidentales.
05:22Et parallèlement à cela, l'Allemagne vient d'annoncer qu'elle réduit de moitié son aide militaire à l'Ukraine en 2025.
05:28Elle évoque des raisons budgétaires. L'Allemagne, c'est le deuxième contributeur après les Américains.
05:35Est-ce que cette explication budgétaire vous semble plausible
05:39ou on pourrait plutôt y voir un signe d'un affaiblissement du soutien occidental à l'Ukraine ?
05:45Non, je ne pense pas qu'il y ait un affaiblissement du soutien occidental.
05:49Ce qui est sûr, par contre, c'est que toutes les capitales occidentales font très attention à leurs déclarations,
05:56surtout jusqu'aux élections présidentielles américaines.
05:59Donc je ne serais pas surpris qu'effectivement il y ait moins d'annonces
06:04ou des annonces beaucoup plus prudentes jusqu'au mois de décembre.
06:07Et on peut, bien sûr, hypothétiquement imaginer la reprise de ces déclarations à partir de janvier.
06:16De toute manière, cela ne change pas grand-chose,
06:18puisque la plupart du matériel qui est en train d'arriver aujourd'hui en Ukraine
06:23est le fruit de décisions qui ont été prises il y a trois mois, cinq mois, six mois en arrière.
06:29Donc il y a quand même un laps de temps, il y a quand même un décalage
06:33entre les déclarations et puis l'acheminement du matériel de guerre.
06:36Merci beaucoup Alexandre Vautravert d'avoir été avec nous encore une fois sur France 24,
06:42rédacteur en chef de la revue Militaire Suisse et directeur scientifique
06:46au Centre d'Histoire et de Prospective Militaire.

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