L'édito de Paul Sugy : «La violence : un mode d'action politique habituel ?»

  • il y a 4 mois
Dans son édito du 23/05/2024, Paul Sugy revient sur les émeutes en Nouvelle-Calédonie.

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00:00 Emmanuel Macron est en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs heures.
00:03 Il a demandé bien sûr le retour de l'ordre après des jours de chaos.
00:07 Ce qui frappe à Nouméa comme ailleurs, Paul Sujit,
00:10 c'est à quel point la violence devient un mode d'expression politique.
00:14 Oui, Emmanuel Macron a bien sûr raison de rappeler à l'ordre la Nouvelle-Calédonie
00:18 et c'est le principal but de son voyage.
00:21 C'est à ça qu'on mesurera la réussite de ce déplacement.
00:24 Mais effectivement, et c'est plutôt rationnel,
00:26 les émeutiers de Nouméa, au fond, savent qu'ils ont déjà gagné.
00:29 Emmanuel Macron a bien sûr promis qu'il n'y aura pas de retour en arrière institutionnel.
00:33 Ce n'est pas possible, le dégel du corps électoral, c'est une nécessité démocratique inéluctable.
00:37 En revanche, le processus va probablement être encore ralenti.
00:40 Grâce aux émeutes, en quelque sorte, les indépendantistes gagnent du temps.
00:43 Surtout, ils seront de nouveau écoutés soigneusement.
00:45 On leur fera certainement des concessions qui seront apportées en guise de cadeaux d'apaisement.
00:49 Et la violence devient un mode d'expression politique comme un autre.
00:52 Une façon d'exister, au fond, à l'heure de l'info en continu qui passe par le choc des images.
00:56 On l'a vu de nombreuses fois ces dernières années.
00:59 On l'a vu depuis les Gilets jaunes jusqu'au Black Bloc devenus habituels en tête de cortège syndicaux.
01:04 On l'a vu exploser aussi cette violence sur fond de lutte contre la police prétendument raciste
01:09 lors des émeutes suite à la mort de Nahel en juin dernier.
01:11 On les voit de façon plus sporadique aussi dans la vie politique ordinaire, malheureusement,
01:16 pas seulement sous l'œil des caméras, lorsqu'il y a des élus qui sont pris à partie ou agressés.
01:20 Ou là, on le voit aussi en période électorale, de nombreux groupes de militants politiques,
01:24 tous bords confondus d'ailleurs, qui se font agresser et prendre à partie.
01:28 Comment est-ce que vous expliquez cette banalisation de la violence ?
01:31 Je crois que la banalisation est d'abord intellectuelle.
01:34 C'est-à-dire qu'on en vient finalement à prendre l'habitude de légitimer un certain nombre de violences.
01:39 Et pour ça, c'est parce qu'on a pris l'habitude aussi de nommer "violence"
01:42 beaucoup de choses qui n'en sont pas ou qui ne sont pas de la violence physique.
01:45 C'est ce que Pierre Bourdieu, dans les années 70, appelle la "violence symbolique".
01:48 Et toute la gauche bien pensante après lui a repris l'expression.
01:51 Une résurgence au fond du prisme marxiste qui lie le monde uniquement à l'aune de l'antagonisme
01:55 entre le prolétaire et le bourgeois.
01:57 Cette nouvelle gauche intellectuelle adopte une même vision binaire,
02:00 ressuscite l'idée que le monde est un affrontement permanent
02:03 entre les puissants, les dominants et les dominés.
02:06 Et que la domination des puissants, que ce soit les riches, les hommes, les blancs,
02:09 c'est une forme de violence symbolique.
02:11 Donc la violence serait partout.
02:13 Et donc la gauche dit au fond, la violence de ceux qui frappent
02:16 n'est pas pire que la violence de ceux qui possèdent, la violence de ceux qui exercent cette domination.
02:20 Alors qu'il n'y a qu'une seule violence qui est légitime,
02:23 c'est celle des forces de l'ordre, quand elles tentent de rétablir le calme.
02:27 Oui bien sûr, et effectivement ce monopole de la violence légitime,
02:29 on le voit être de plus en plus contesté.
02:31 D'ailleurs ce qui permet à certains de mettre sur le même plan
02:33 toutes les victimes lorsqu'il y a des violences.
02:35 On se regrette un peu par exemple qu'en arrivant à Nouvelle-Calédonie,
02:37 Emmanuel Macron observe un moment de recueillement pour toutes les victimes,
02:41 les émutiés et les gendarmes.
02:42 On ne peut pas mettre sur le même plan les gendarmes qui sont morts en défendant l'ordre.
02:45 Et puis évidemment les autres victimes, même si toutes les victimes sont regrettables.
02:49 La notion de violence légitime, qui est une notion inventée par Max Weber,
02:53 elle est importante parce que selon lui, c'est à cela qu'on reconnaît l'État.
02:57 L'État c'est ce qui revendique et qui exerce le monopole de la violence légitime sur son territoire.
03:01 Mais le fait que la gauche, de plus en plus souvent,
03:04 légitime d'autres formes de violences de groupes concurrents de l'État,
03:08 eh bien ça montre qu'au fond, on est dans une vision où finalement,
03:13 la présence même de l'État sur le territoire devient contestable.
03:16 Et le risque c'est d'en arriver à une destitution en bonne et due forme de l'État
03:20 au profit de groupuscules politiques aux intérêts divergents.
03:24 Face à une société violente, il n'y a qu'une seule solution, il faut un État fort.
03:27 [Musique]
03:31 [SILENCE]

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