Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Un village de campagne en 1901. Martine vit avec son mari et leur fils aîné, Jean.
Jean est destiné à ne jamais partir de la ferme de ses parents, contrairement à son frère François, parti s'installer en ville. Cet automne-ci, Martine décide d’ouvrir une auberge près de la ferme familiale. C’est en effet un endroit stratégique où de nombreux routiers s’arrêtent dès lors à se restaurer. Les clients, et en particulier les hommes autour de la mère de Jean, rendent le jeune homme jaloux et colérique. Un soir de décembre 1901, Louis B., un fermier voisin qui est en réalité l’amant de la mère de famille, découvre Martine et son mari sauvagement assassinés à leur domicile. Jean, lui, est introuvable et devient alors rapidement le principal suspect. Durant dix ans, aucune trace du jeune homme soupçonné de parricide, n’est retrouvée et l’affaire est finalement classée. Les habitants du village pensent qu’il est en cavale en Amérique ou qu'il s’est suicidé. Pourtant, une lettre anonyme suspecte est envoyée au domicile de François, le frère cadet. Elle dévoile que le frère aîné pourrait être en réalité tout près d’ici… Mais est-il réellement coupable ? Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Un village de campagne en 1901. Martine vit avec son mari et leur fils aîné, Jean.
Jean est destiné à ne jamais partir de la ferme de ses parents, contrairement à son frère François, parti s'installer en ville. Cet automne-ci, Martine décide d’ouvrir une auberge près de la ferme familiale. C’est en effet un endroit stratégique où de nombreux routiers s’arrêtent dès lors à se restaurer. Les clients, et en particulier les hommes autour de la mère de Jean, rendent le jeune homme jaloux et colérique. Un soir de décembre 1901, Louis B., un fermier voisin qui est en réalité l’amant de la mère de famille, découvre Martine et son mari sauvagement assassinés à leur domicile. Jean, lui, est introuvable et devient alors rapidement le principal suspect. Durant dix ans, aucune trace du jeune homme soupçonné de parricide, n’est retrouvée et l’affaire est finalement classée. Les habitants du village pensent qu’il est en cavale en Amérique ou qu'il s’est suicidé. Pourtant, une lettre anonyme suspecte est envoyée au domicile de François, le frère cadet. Elle dévoile que le frère aîné pourrait être en réalité tout près d’ici… Mais est-il réellement coupable ? Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
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NewsTranscription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Quelqu'un à qui je résumais ce dossier, il y a quelques jours, a eu cette réflexion curieuse.
00:19Il m'a dit, oh dans le fond si ces gens-là avaient eu la radio et la télévision, je suis sûr qu'il ne serait rien passé.
00:26Mais il s'ennuyait à cette époque-là.
00:30Voilà donc un homme de la fin du XXe siècle qui pense que ces gens-là, ceux du début du siècle,
00:37ne se seraient pas entretués s'ils avaient eu de quoi se distraire.
00:42Drôle de façon d'envisager le crime. Impostant en quelque sorte.
00:48Cette réflexion m'a tout d'abord surpris.
00:51Et puis je me suis rendu compte que l'histoire peut se résumer d'une manière telle que la conclusion de mon interlocuteur s'imposait.
01:00Après tout, en 1901, dans cette campagne-là, c'est vrai que les soirées d'hiver étaient longues.
01:08Et c'est probablement à cause de cela que tout a commencé et que tout a fini d'ailleurs.
01:15Mais c'est quand même difficile d'imaginer une chose pareille.
01:20Une voix, chuchotant dans une oreille, devine qui nous allons tuer ce soir.
01:45Nous sommes donc à la campagne.
01:47La vraie campagne.
01:49Celle des charrues, de la terre rebelle, du foie et de l'herbe drue.
01:55On y travaille de l'aube au coucher du soleil tout l'été, et l'hiver on fait le reste.
02:01Dans cette ferme-là, sur cette terre-là, on a la vie dure.
02:07La mère Martine a 40 ans, elle est belle, autoritaire et travailleuse.
02:12Le père fait tout ce qu'elle lui dit et ne s'occupe pas du reste.
02:17Le fils aîné Jean restera pour travailler la terre.
02:21Le cadet François partira à la ville.
02:24François, le cadet, c'est l'intellectuel de la famille.
02:28Le service militaire a suffi pour le dégrossir et lui donner l'envie d'autre chose.
02:32Par exemple, il a pris en main l'épicerie d'une vieille tante à la ville,
02:36et il en a fait ce que l'on appellerait maintenant un petit supermarché.
02:40Il est donc commerçant, bien établi, donc il épouse une institutrice, il est heureux,
02:45donc on ne parlera plus beaucoup de lui dans cette affaire.
02:49Jean, l'aîné, lui nous intéresse.
02:52C'est Jean le cutéreux.
02:54Jean, la bête de Somme.
02:56Pour lui, les portes de la ferme sont toujours trop petites.
03:00Il a besoin d'hectares pour respirer, d'horizons pour regarder.
03:04Jean ne partira jamais d'ici.
03:07Jamais.
03:09Et ce jour d'automne 1901, Jean est en colère.
03:13Tout son grand corps est en colère.
03:15Une colère muette, une colère immobile, mais impressionnante quand même.
03:21Devant lui, la mère argumente.
03:23On fera ce que j'ai dit.
03:25Ça fera de l'ouvrage pour l'hiver, et puis on verra du monde.
03:29De quoi s'agit-il exactement ?
03:33D'ouvrir une auberge.
03:36La ferme est grande, isolée sur le haut plateau.
03:39Elle a l'avantage d'être sur le passage des routiers.
03:42La production de vin est importante et son écoulement difficile.
03:46En mélangeant tous ces éléments, la mère a trouvé la solution.
03:50Une auberge.
03:52Toute la salle du bas qui servait de séjour sera donc une salle d'auberge
03:56et le vin s'écoulera sur place de lui-même.
03:59Le père n'aura qu'à monter les tonneaux de la cave.
04:02La mère servira les clients et Jean...
04:04Et bien Jean y fera le reste.
04:07Tout est décidé.
04:09L'assistance publique a déjà envoyé une gamine pour donner la main.
04:13Une Marie de 17 ans, ronde de partout.
04:16Avec quelques claques, on lui apprendra la plonge et l'art de la serpillère.
04:21La mère donne les ordres.
04:23Que le père mette le vin en bouteille.
04:25Que le fils aille couper le bois pour les tables et les bancs.
04:27Que la Marie torchonne.
04:29Et que tout le monde se taise.
04:31Ainsi soit-il.
04:34A l'entrée de l'hiver, l'affaire tourne rond et Jean le cutéreux n'a plus qu'à ranger sa colère.
04:41D'où vient-elle cette colère, au fait ?
04:43Et pourquoi ce grand costaud de vingt ans ne serait-il pas content de trinquer avec le monde ?
04:48Quelqu'un essaie de le savoir naïvement et en utilisant les moyens du bord.
04:53C'est la Marie.
04:55Chaque fois qu'elle peut laisser ses torchons,
04:58elle trouve un prétexte pour aller taquiner ce bougon de Jean dans l'arrière-salle.
05:03« Et si tu m'aidais à décrocher le jambon ? »
05:06Grimpée sur un tabouret, les mains sur ses hanches rondes,
05:09la Marie se prétend trop petite pour attraper la charcuterie pendue à la poutre.
05:13Elle cherche le contact.
05:15Elle provoque le frôlement.
05:17Son jupon se retrousse par inadvertance.
05:19Sa blouse craque sous l'effort.
05:21Et la voilà qui tombe par hasard dans les bras du costaud et qui s'y attarde.
05:26« Ben qu'est-ce que tu as, tu tiens pas debout ? »
05:29D'une bourrade, Jean a repoussé les soixante kilos de chair fraîche.
05:34Il regarde la donzelle avec étonnement.
05:36Et lentement, il comprend.
05:38Ses joues rouges, ses cheveux ébouriffés, cet œil en dessous.
05:42Mais il faudrait être stupide pour ne pas y voir la plus vieille invitation du monde.
05:48« Fous-moi le camp ! »
05:49« Ou je le dis à la mère ! »
05:51« Ben vas-y toujours ! »
05:52« Non mais regardez-moi ce grand nigo ! »
05:55« Ta mère, elle a rien à dire ! »
05:57« Elle fait bien pire que ça ! »
06:00Il en pleurait de colère, le Jean.
06:03Car la petite garce a raison.
06:06Depuis que l'auberge est ouverte, tous les hommes tournent autour de la mère.
06:10Et Jean ne peut pas supporter ça.
06:12Chaque rire, chaque regard que la mère accorde est une souffrance.
06:17Chaque supposition entretient sa colère.
06:21« Et la Marie va payer pour avoir deviné ça. »
06:23« Oh, pas très cher, mais elle va payer. »
06:25« Une bonne rouste, comme on dit. »
06:27« Juste de quoi la faire pirailler un peu. »
06:29« Juste de quoi être ridicule quand elle ira raconter ça aux autres à sa manière, bien sûr. »
06:34« Vous savez pas ? »
06:35Le Jean, il veut pas des filles.
06:37Parce qu'il en pince pour sa mère, si c'est pas honteux.
06:42C'est sûrement honteux.
06:45Sinon Jean ne serait pas si malheureux.
06:49Maintenant que le bruit court,
06:51et que les gens l'observent,
06:53ils pourront en témoigner.
06:55Si Jean ne voulait pas de l'auberge,
06:57c'est parce qu'il voulait garder sa mère pour lui tout seul.
07:00À présent, il faut bien partager.
07:02La Martine est plutôt accueillante.
07:05Et puis son mari n'y trouve rien à redire.
07:08D'ailleurs, dans l'histoire,
07:10le cocu, finalement, ce n'est pas le père, c'est le fils.
07:14À présent que la situation est claire,
07:17le drame qui va suivre vous apparaîtra, comme à tout le monde,
07:20à l'époque normale et logique.
07:23D'ailleurs, vous aurez des preuves et la conscience tranquille pendant quelques années.
07:28Décembre 1901, 4 heures du matin.
07:31Une vraie nuit d'épouvante.
07:34Le vent, la pluie,
07:36et un homme qui court comme une bête affolée sur le chemin des trempés.
07:40Il court trois kilomètres de l'auberge à la gendarmerie.
07:43Il frappe, il tambourine, il crie,
07:45il se bat contre la tourmente pour arriver à se faire entendre du brigadier.
07:49« Assassiné, la Martine !
07:51Et son mari, mort !
07:53Ils sont morts, assassinés ! »
07:56On réveille le vieux médecin du village, on sale les chevaux,
07:58et on refait le chemin dans la tempête.
08:00L'homme, un fermier voisin de l'auberge, raconte.
08:04« J'étais là-bas vers une heure du matin,
08:06quand je les ai vus, morts tous les deux.
08:08J'ai couru jusqu'ici.
08:11— Et qu'est-ce que vous faisiez à l'auberge à une heure du matin ?
08:14Martine, elle ferme à dix heures.
08:17— Oh, c'est tout simple.
08:19Depuis trois mois environ, Louis Bellet, le fermier voisin, est l'amant de Martine.
08:24Dès que sa femme est couchée, il va la rejoindre, en douce.
08:28Jusqu'à présent, sa femme n'était pas au courant, mais maintenant...
08:31Bref, il est arrivé par les champs comme d'habitude,
08:34il est entré par la porte du cellier, il est monté jusqu'à la chambre au premier étage,
08:38personne.
08:40Curieux, car il devait l'attendre.
08:42Alors, doucement, il a entrouvert la chambre du mari,
08:46voire si par hasard.
08:48Mais le mari, complaisant, était seul dans son lit.
08:51Mort.
08:54Horriblement mort.
08:57Encore une tête et plus de cou.
09:01Pris d'une frousse épouvantable, notre homme dégringole dans la salle commune
09:05et découvre la Martine, morte, elle aussi,
09:09avec un marteau à côté d'elle
09:12et presque plus de tête.
09:15Alors il s'est mis à courir comme un fou, le Louis Bellet,
09:18jusqu'à la gendarmerie, à pied, dans le noir, le vent et la pluie,
09:21comme s'il avait le diable aux trousses.
09:25Et le fils ?
09:28Et Jean ?
09:31Mort, lui aussi ?
09:33Non, disparu.
09:35Car le coupable, c'est lui.
09:37La preuve est là, trempée de pluie, poussée par le vent,
09:40c'est un miracle si la lettre n'a pas disparu,
09:42car Louis Bellet avait laissé la porte ouverte dans sa fuite et perdu.
09:45La lettre est adressée à François, le fils cadet, et signée de Jean.
09:49On lit mal le début, car la pluie a détrempé certains mots.
09:53Adieu, misérable, plus...
09:58La fin se voit mieux.
10:00J'emporte l'argent, tu auras la maison et les champs,
10:04j'embrasse ta famille, Jean.
10:07C'est l'écriture de Jean, un expert le confirmera.
10:10Quant au mobile, nous le connaissons son frère,
10:13on ajoutera un, s'il en était besoin.
10:15Jean voulait partir, il avait demandé sa part d'héritage,
10:18et la mère la lui avait refusée.
10:20Il ne reste qu'à chercher le coupable.
10:22Et on va le chercher longtemps, jusqu'en Amérique du Sud,
10:25où la famille a des cousins.
10:27On ira bien loin, sans jamais le retrouver,
10:30alors qu'il était... si près.
10:34C'est une bien drôle d'histoire, vous allez voir.
10:38Chaque chose en son temps.
10:51La façon dont Jean le cutéreux, assassin de son père et de sa mère,
10:54a disparu dans la nature est extraordinaire.
10:56À croire qu'il avait préparé sa fuite depuis longtemps.
10:59Pas une piste, pas le moindre signalement, rien.
11:02On pense même qu'il s'est suicidé en se jetant dans une rivière quelconque.
11:06On le juge par compte humace, on le condamne à la peine de mort,
11:09et au bout de dix ans, 1911, l'affaire est classée.
11:12L'oubli s'installe d'autant plus que François le cadet,
11:16et unique héritier, ne reprit pas la terre.
11:18Il n'en voulait déjà pas avant le drame,
11:21il l'abandonna complètement après,
11:23en la revendant à bas prix aux paysans voisins.
11:26La ferme tomba en ruine, personne ne reprit l'auberge,
11:30et le temps passa jusqu'à la guerre de 14.
11:35Seul survivant d'une famille disloquée,
11:37François faisait fortune à Clermont-Ferrand dans l'épicerie.
11:40Il ne parlait jamais de son frère, cet assassin envolé
11:43qui devait traîner ses guêtres et son remord quelque part aux Amériques.
11:48À présent, vous vous posez des tas de questions et vous cherchez la fin de l'histoire.
11:52Vous pensez peut-être que je ne vous ai pas tout dit,
11:55qu'il y a d'autres hypothèses.
11:58Par exemple, la Marie.
12:00Qu'est-ce qu'elle est devenue, la Marie, la petite servante
12:02qui proposait ses charmes sans ambiguïté ?
12:05Est-ce qu'elle n'aurait pas trempé dans l'affaire d'une manière ou d'une autre ?
12:09Eh bien non.
12:10Le soir du double crime, elle dormait dans sa soupante au-dessus de la grange,
12:13elle n'a rien entendu,
12:14et l'assistance publique s'est chargée de la replacer ailleurs.
12:18Ainsi vont les petites souillons orphelines.
12:21Et si c'était François le cadet, l'ambitieux ?
12:24S'il était revenu un soir pour hériter à sa manière sans que personne ne s'en doute ?
12:29Non plus.
12:31Il était bien chez lui, avec sa femme et ses enfants,
12:33et à plus de cent kilomètres de la ferme paternelle.
12:36Impossible.
12:38Bon, alors un rôdeur.
12:41Mais non, puisqu'il y a la lettre de Jean.
12:43Peut-être un crime de jalousie.
12:45Le mari tue sa femme, se suicide,
12:47et le pauvre Jean découvrant le drame s'enfuit de terreur.
12:51Ridicule.
12:53Personne n'a jamais réussi à se suicider en séparant d'un coup de hache
12:56sa propre tête de son propre corps.
12:59Non, ce qu'il faudrait, c'est retrouver Jean le cutéreux.
13:03Lui seul peut tout expliquer.
13:08Le 17 mars 1915.
13:11Quatorze ans après le crime.
13:13Alors que personne ne se pose plus de questions.
13:16Voici venir la traditionnelle lettre anonyme.
13:20Elle arrive chez François le cadet à Clermont-Ferrand, dans son épicerie.
13:25Monsieur François.
13:28Il est temps de vous le dire.
13:30Votre frère Jean n'est pas coupable.
13:33Au contraire, c'est lui qui a été assassiné en premier,
13:36d'un coup de couteau en plein cœur.
13:39A l'est de la ferme, il y a un étang.
13:42Si vous prenez la peine de le vider, vous le trouverez.
13:46Et s'il n'a pas été mangé par les carpes,
13:48vous trouverez sûrement la montre que l'assassin ne lui a pas prise
13:52et la pierre meulière qu'il a attachée à son cou.
13:56À bon entendeur, salut.
13:59François le cadet bondit chez le procureur,
14:01montre la lettre et déclare
14:03« Je paierai ce qu'il faut pour assécher les temps.
14:05Je veux savoir si mon frère est innocent. »
14:09Il y avait la pierre,
14:12la corde, la montre,
14:14quelques ossements éparpillés dans la vase.
14:17Les chaussures étaient encore reconnaissables.
14:22Jean le cutéreux était bien là.
14:25Depuis quatorze ans.
14:29C'était le 4 avril 1915,
14:31en présence de tous les paysans des environs.
14:35Le lendemain 5 avril 1915,
14:38on découvrait dans la ferme des Bellet,
14:40la plus proche voisine,
14:43deux pendus.
14:45Louis Bellet, l'amant de Martine,
14:47celui qui avait découvert le crime en 1901,
14:52et sa femme Victorine.
14:55La veille, ils étaient là tous les deux curieux,
14:57comme tous les autres,
14:58de voir apparaître les restes de Jean le cutéreux.
15:02Et le lendemain,
15:03les voilà pendus tous les deux à la poutre de leur chambre.
15:07Heureusement, une troisième et dernière lettre,
15:09plus longue que les autres,
15:11va éclairer ce mystère.
15:14Moi, Louis Bellet,
15:17je déclare avoir tué Jean, Martine
15:19et son mari de la ferme auberge.
15:21Je l'ai fait avec l'aide de ma femme
15:23et d'un valet de ferme catalan, Franco Sparnero.
15:26C'est lui qui a jeté le cadavre de Jean dans les temps,
15:30pour qu'on le croit coupable.
15:32C'est ma femme Victorine qui a eu l'idée
15:34et qui a écrit la lettre.
15:36Elle a imité l'écriture
15:38et elle a dit de la laisser sous la pluie
15:40pour que les gendarmes lisent moins bien ce qui était écrit.
15:43Alors on a attendu qu'il pleuve.
15:47J'ai été obligé de les tuer à cause de ma femme Victorine.
15:51Elle se plaignait d'être seule à la maison
15:53pendant que j'allais à l'auberge.
15:56Elle m'a menacé de me dénoncer aux gendarmes pour la contrebandre
15:59si je ne tuais pas la patronne.
16:01On en a parlé ensemble
16:03et ensuite, elle a pensé qu'il valait mieux les tuer tous les trois.
16:07Comme ça, nous pourrions racheter la terre à François
16:10qui la vendrait sûrement en dessous du cours pour s'en débarrasser.
16:14Tout s'est bien passé
16:16et on a racheté la terre comme elle avait dit.
16:18On a payé Franco et il est retourné en Espagne.
16:21Il est mort dans une bagarre.
16:23On l'a su par sa famille à Barcelone.
16:26Victorine, ma femme, a écrit la lettre anonyme à François le mois dernier
16:30parce que nous nous sommes disputés.
16:32Elle voulait renvoyer la servante et moi je ne voulais pas.
16:35Elle ne voulait pas que je m'amuse pendant qu'elle s'ennuyait.
16:39Ma femme Victorine est mauvaise.
16:41Quand on a retrouvé les affaires de Jean, hier, dans les temps, elle m'a dit
16:45« Non, je n'ai plus qu'à dire que c'est toi qui l'as tuée.
16:51Je le ferai peut-être un jour.
16:54Si tu veux que je me taise,
16:57il faut d'abord renvoyer la servante. »
17:00Ce matin, j'ai pendu ma femme Victorine à la poutre de la grange.
17:06J'ai glissé la corde autour de son cou pendant qu'elle dormait.
17:10Maintenant, je vais me pendre aussi.
17:15J'écris pour des aveux sincères et véritables
17:18et pour que les gens me pardonnent.
17:21Signé Louis Bellet
17:26Ah, qui aurait pu imaginer une chose pareille ?
17:30La Victorine aussi sévère qu'une chanoinesse bigote comme pas deux ?
17:34La Victorine si renfrognée qui avait peur d'avoir des enfants
17:37rien qu'en regardant un homme dans les yeux ?
17:39La Victorine avait tout combiné, tout décidé.
17:43Elle avait fait de son mari un assassin et de son valet un tueur à gages.
17:47Elle avait construit toute seule un feuilleton à épisodes sur quatorze ans.
17:51Et pourquoi ?
17:53Par jalousie ?
17:54Rien n'est moins sûr.
17:56Au fond, elle détestait son mari comme tous les autres hommes.
17:59Par intérêt ?
18:01Accessoirement, oui, mais ce n'est pas le principal.
18:04Alors, pour quelle autre raison ?
18:07Et pourquoi cette dénonciation à retardement alors qu'il ne risquait plus rien depuis longtemps ?
18:13Eh bien, peut-être par ennui.
18:16Dans le fond, c'est bien possible.
18:18Si Victorine avait eu quelque chose à faire pendant les longues soirées d'hiver,
18:23elle n'aurait peut-être pas imaginé tout cela.
18:27Et si Victorine n'avait pas cultivé l'ennui à ce point,
18:32son mari n'aurait jamais peut-être trompé le sien en trompant sa femme
18:36et rien ne serait arrivé.
18:39D'ailleurs, la lettre le dit bien,
18:43elle ne voulait pas que je m'amuse pendant qu'elle s'ennuyait.
18:48Il y a des femmes qui ont l'ennui mortel.
19:07Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
19:11Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
19:16Réalisation et composition musicale, Julien Tharaud.
19:20Production, Lisa Soster.
19:23Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
19:28Remerciements à Roselyne Bellemare.
19:31Les récits extraordinaires sont disponibles sur notre site.
19:35Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
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