Lors d'un entretien exclusif avec Euronews, la commissaire européenne aux Affaires intérieures nous explique comment le nouveau Pacte européen sur la migration et l'asile va renforcer la position de l'UE face au défi migratoire.
00:00 Le Parlement européen vient d'approuver le pacte sur la migration et l'asile,
00:05 une vaste réforme de la politique migratoire de l'Union.
00:08 Mais la mesure ne fait pas l'unanimité.
00:10 Certains États membres refusent de relocaliser les demandeurs d'asile sur leur territoire,
00:15 tandis que des ONG et des activistes dénoncent une possible violation des droits de l'homme.
00:21 Nous abordons ces questions avec la commissaire européenne aux affaires intérieures,
00:25 Ilva Johansson, dans Global Conversation.
00:29 Commissaire Johansson, merci beaucoup de nous accorder cet entretien.
00:33 Le Parlement européen vient d'approuver le pacte sur la migration et l'asile.
00:38 Qu'est-ce que cela signifie pour la politique migratoire de l'Union européenne ?
00:42 Cela signifie beaucoup de choses.
00:45 C'est une réussite majeure.
00:47 C'est la première fois que nous parvenons à adopter une approche européenne commune et globale
00:52 en matière de migration et d'asile.
00:55 Cela signifie également que nous avons rétabli la confiance entre les États membres,
01:00 mais aussi entre le Conseil et le Parlement.
01:03 Notre position est désormais bien plus solide en matière de migration et d'asile,
01:08 à la fois pour mieux protéger les frontières et défendre les droits fondamentaux
01:12 des demandeurs d'asile et des personnes vulnérables.
01:15 Pouvez-vous garantir que les droits de l'homme ne seront pas enfreints,
01:19 par exemple par des détentions injustifiées ou des renvois de migrants vers des pays vulnérables ?
01:24 Oui, je peux, parce que la législation est très claire sur le fait que nous renforçons
01:29 la protection des droits fondamentaux des demandeurs d'asile,
01:33 le droit même de demander l'asile et les garanties spécifiques pour les personnes vulnérables.
01:38 Le mécanisme de solidarité est l'un des éléments majeurs du pacte.
01:42 Mais les premiers ministres polonais et hongrois ont réagi en laissant entendre
01:46 qu'ils n'appliqueraient pas le mécanisme de solidarité dans leur pays.
01:49 Que se passe-t-il maintenant ?
01:51 Je suis convaincue que les États membres vont mettre le pacte en œuvre assez rapidement.
01:56 Ils semblent impatients de le faire et je suis convaincue qu'ils l'appliqueront.
02:01 Mais concrètement, que se passera-t-il s'ils ne le font pas ?
02:05 De quels outils dispose la Commission pour empêcher cela ?
02:08 Comme dans toute législation, la Commission dispose de plusieurs outils en cas d'infraction.
02:13 Encore une fois, je ne pense pas que les États membres
02:16 vont faire de la relocalisation obligatoire,
02:19 parce que ce n'est pas ce qui est prévu dans le pacte.
02:22 La réserve de solidarité prévoit 30 000 relocalisations par an
02:26 de migrants entrés illégalement dans l'UE.
02:29 L'année dernière, Frontex a signalé plus de 380 000 entrées clandestines.
02:34 Ne craignez-vous pas que cette réserve ne soit qu'une grosse partie du pacte ?
02:38 La réserve de solidarité prévoit 30 000 relocalisations par an
02:42 de migrants entrés illégalement dans l'UE.
02:45 Ne craignez-vous pas que cette réserve ne soit qu'une goutte d'eau dans l'océan ?
02:49 Non, non, elle est d'une importance majeure.
02:52 Après l'incendie de Moria, il y a quelques années,
02:55 nous avons procédé à une énorme relocalisation,
02:58 un exercice qui a duré plusieurs années,
03:01 en particulier avec les mineurs non accompagnés.
03:04 Nous avons relocalisé 5 000 personnes,
03:07 donc 30 000 par an. C'est énorme.
03:10 2023 a été l'année la plus meurtrière en Méditerranée depuis 2017.
03:16 Plus de 3 000 migrants sont morts.
03:19 Comment le pacte peut-il changer cela,
03:22 étant donné qu'il n'existe toujours pas de mission européenne de recherche et de sauvetage ?
03:27 La lutte contre les passeurs est fondamentale pour mettre un terme à ces décès tragiques.
03:34 C'est pourquoi j'ai lancé une alliance mondiale pour lutter contre le trafic de migrants en novembre 2023.
03:40 Et c'est pourquoi j'ai présenté une nouvelle législation dans ce domaine.
03:45 Nous devons également faire en sorte de faciliter l'immigration légale.
03:50 La société européenne est vieillissante.
03:53 Nous avons besoin de migrants, mais ils doivent arriver de manière ordonnée.
03:58 Mais une fois que les migrants sont sur les bateaux, pourquoi ne pas les secourir ?
04:03 Bien sûr qu'il faut les secourir s'ils sont en détresse.
04:07 C'est d'ailleurs ce qu'il se passe.
04:09 Mais nous savons aussi que même si les opérations de sauvetage sont de plus en plus nombreuses,
04:14 il y a encore beaucoup de vies perdues.
04:17 En effet, lorsque vous êtes sur un bateau, dans ces conditions météorologiques, vous courez un risque énorme.
04:23 C'est pourquoi nous devons empêcher ces voyages dès le départ.
04:28 Toujours à propos de la mer Méditerranée.
04:32 Le mémorandum avec la Tunisie et l'accord avec l'Egypte sont partie de la dimension extérieure de la politique migratoire de l'UE.
04:39 Comment pouvons-nous garantir le respect des droits de l'homme dans ces pays ?
04:43 Nous pouvons nous assurer, et nous le faisons que l'argent de l'Union Européenne et ce à quoi nous participons ne viole jamais les droits de l'homme.
04:53 Nous avons un très grand contrôle sur ce point.
04:57 En revanche, nous ne pouvons pas maîtriser tout ce qu'il se passe dans ces pays en dehors de nos engagements.
05:03 Nous avons les voisins que nous avons et nous devons travailler avec eux pour essayer d'améliorer les choses.
05:09 Nous ne pouvons pas attendre que tous les problèmes soient résolus dans un pays, car nous devons également travailler avec eux pour les aider à relever les défis auxquels ils sont confrontés.
05:19 L'argent de l'Union Européenne et les projets dans lesquels nous sommes impliqués font l'objet d'un contrôle très strict de notre part.
05:29 Depuis 2017, l'UE a dépensé 59 millions d'euros pour financer la gestion des frontières et des migrations en Libye.
05:38 Mais les garde-côtes libyens sont connus pour leur violation des droits de l'homme.
05:42 La semaine dernière, ils ont tiré sur le bateau d'une ONG européenne qui effectuait une opération de sauvetage, et ce n'est pas la première fois.
05:51 Considérez-vous la coopération avec la Libye comme un échec ?
05:57 La coopération avec la Libye est difficile, c'est vrai.
06:01 Nous ne pouvons pas ignorer en particulier ces horribles centres de détention.
06:06 Certains d'entre eux sont vraiment dans des conditions inacceptables.
06:10 Nous sauvons les réfugiés libyens et nous les emmenons, dans le cadre du mécanisme de transit d'urgence, vers des États membres ou d'autres pays,
06:18 où ils peuvent être réinstallés en toute sécurité.
06:22 Nous soutenons également par l'intermédiaire de l'Organisation internationale pour les migrations le retour volontaire des migrants libyens.
06:30 Nous devons également les aider à effectuer des opérations de recherche et de sauvetage pour sauver les vies des migrants en Méditerranée.
06:39 Parlez-vous des opérations de sauvetage effectuées par les gardes-côtes libyens ?
06:43 Oui, tout à fait. Ils effectuent également les recherches et les sauvetages.
06:47 Mais nous critiquons aussi la façon dont les migrants sont traités par la suite,
06:51 parce que nous savons que les conditions de vie dans les centres où ils sont amenés sont très difficiles.
06:57 Inacceptables, comme je viens de le dire.
07:00 Pourquoi nous demandons aux Libyens d'opérer des changements, de fermer ces centres et de mettre fin à la détention arbitraire des migrants ?
07:09 Un État membre de l'UE, l'Italie, externalise le traitement de certaines demandes d'asile vers l'Albanie, un pays qui ne fait pas partie de l'UE. Est-ce la bonne solution ?
07:20 L'idée concerne les personnes secourues dans les eaux internationales et non dans les eaux italiennes,
07:28 et consiste à les emmener en Albanie, où leurs demandes d'asile, le cas échéant, seront traitées par les autorités italiennes, conformément à la loi italienne.
07:39 S'ils obtiennent l'asile, ils seront amenés en Italie. C'est ce qui est prévu.
07:45 Nous verrons comment cela fonctionnera, mais je pense que c'est une approche très spécifique à l'Italie.
07:53 Merci beaucoup de nous avoir accordé cet entretien, madame la commissaire.