L'invité de la rédaction - 05/04/2024 - MEHDI DJAADI

  • il y a 6 mois
MEHDI DJAADI / Une enfance loin des projecteurs
MEHDI DJAADI / Sa vie tourangelle
MEHDI DJAADI / La religion, un thème à risque ?

Category

🗞
News
Transcription
00:00 ...
00:07 -Bonjour à toutes et à tous.
00:09 Bienvenue pour un nouvel invité de la rédaction.
00:12 Notre invité, cette semaine, a un parcours atypique.
00:15 D'enfant turbulent, né dans une cité stéphanoise,
00:18 à comédiens reconnus et de talent, il habite aujourd'hui Tours,
00:21 où il va jouer son spectacle "Coming Out"
00:24 le 12 avril prochain. Bonjour, Mehdi Djaddi.
00:26 -Merci de me recevoir. -C'est votre dernière télé,
00:29 donc il y a une petite émotion.
00:31 -Une émotion à partager. "Coming Out", le nom du spectacle.
00:35 Parlons-en. Quand on entend "Coming Out",
00:37 on pense spontanément à l'homosexualité,
00:39 mais là, vous parlez "Coming Out" spirituel.
00:42 Qu'est-ce que ça veut dire ? -J'ai eu la chance,
00:45 dans mon parcours de vie, de passer par plein de...
00:48 J'ai eu une grande quête spirituelle,
00:50 et je suis passé par plein de courants spirituels.
00:53 J'étais musulman, je me suis intéressé au christianisme,
00:56 d'abord par le protestantisme et le catholicisme.
00:59 J'avais envie de rendre hommage à la fois
01:01 à toutes les belles rencontres que j'avais faites,
01:04 tout ce que j'avais vécu à travers ce parcours,
01:07 et en même temps, rire de tout ça et montrer aussi
01:09 la beauté et les limites avec beaucoup de bienveillance,
01:12 mais en tapant sur tout le monde.
01:14 -On va regarder un extrait de ce spectacle.
01:17 Il ne faut pas tout révéler.
01:19 On regarde ça et on en parle juste après.
01:21 -Je suis un fils de France,
01:24 citoyen, catholique, pêcheur,
01:27 qui ne regrette rien de son passé,
01:29 qui ne renie rien de ce qu'il a reçu de beau dans l'islam
01:33 et qui, aujourd'hui, profite de la liberté d'expression
01:36 pour raconter son histoire.
01:38 -Alors, dans ce spectacle, dans ce sol en scène,
01:40 on aborde des sujets lourds, grandir dans un quartier populaire,
01:44 arrêter l'école tôt à 15 ans, tomber dans la délinquance,
01:47 dormir dehors. Qu'est-ce qu'on trouve de drôle à dire
01:50 sur ces sujets ? -Justement,
01:52 toutes ces rencontres que je vais faire,
01:54 déjà une rencontre personnelle avec moi-même,
01:57 et puis j'avais une passion, un rêve,
01:59 j'étais passionné de littérature et de cinéma,
02:02 et je me suis accroché à ce rêve.
02:04 La spiritualité m'a aidé, mais surtout,
02:06 toutes les rencontres que j'ai pu faire,
02:09 les bonnes et les mauvaises, et je me suis dit,
02:11 raconter tout ça pour aller rejoindre l'universel
02:14 et se dire que quand on croit en ses rêves,
02:16 on peut les réaliser.
02:18 -C'est une oeuvre autobiographique,
02:20 élève talentueux mais turbulent,
02:22 turbulent quand même alors qu'il s'intéresse
02:24 à ce qui l'entoure, au coeur d'un quartier
02:27 de l'Océan de la Réunion, dans ce cadre,
02:29 comment est-ce que vous découvrez le théâtre ?
02:32 -D'abord, grâce à ma mère, qui m'a vraiment initié
02:35 à la culture, notamment par la littérature,
02:37 à la bibliothèque, il y avait une cinémathèque,
02:40 et puis j'étais un amoureux des mots,
02:42 Raymond Devos m'a marqué quand j'étais enfant,
02:45 puis Guedel-Maletza, et puis la porte du théâtre,
02:47 ça a vraiment été de façon un peu incongrue.
02:50 Dans "La grande délinquance", j'ai fait des escroqueries
02:53 de banque où j'usurpais l'identité de personne,
02:56 et je me suis dit que je devais faire du théâtre.
02:59 La première fois que j'ai été sur un plateau de théâtre,
03:02 je me suis senti à ma place et je me suis dit
03:04 que c'est ce que je veux faire, de façon plus honnête.
03:07 -Comment se passe votre première audition ?
03:09 -Eh ben, j'étais...
03:11 Quand je suis rentré dans une école supérieure
03:13 d'art dramatique, j'y suis allé donnant la réplique à quelqu'un,
03:17 et finalement, c'est moi qui ai été pris dans l'école,
03:20 on m'a fait une dérogation, et même si j'ai arrêté à 15 ans,
03:23 j'ai eu un bac +3.
03:25 Quand je me suis trouvé dans le monde du travail,
03:27 c'est un métier qui est à la fois difficile mais passionnant,
03:30 et donc on y va toujours avec un peu d'appréhension
03:33 et toujours beaucoup de désir.
03:35 -Ce spectacle, pour vous, c'est plutôt une thérapie,
03:38 une façon d'extérioriser des choses que vous vouliez dire,
03:41 ou c'est un partage d'expérience avec le public ?
03:44 -C'est plus un partage. J'utilise le théâtre
03:46 comme un moyen de poser des questions, d'interroger.
03:49 J'avais un parcours atypique, ça soulevait des questions.
03:52 Du coup, je voulais un peu poser ces questions,
03:56 laisser le spectateur s'identifier,
03:58 et en ça, le spectacle est universel,
04:00 parce qu'on a tous reçu un héritage qu'on a questionné,
04:03 et on a tous eu des chemins de vie où on a dû faire des choix,
04:06 on a fait des rencontres, et en ça, le spectacle est universel
04:10 et vient rejoindre les spectatrices et spectateurs
04:13 qui se reconnaissent dans le spectacle.
04:15 -Ca fait combien de temps qu'il tourne ?
04:17 -C'est la 5e et dernière année.
04:19 On a commencé dans une petite salle parisienne,
04:22 jusqu'à l'Olympia, on a rempli l'Olympia,
04:24 et j'ai fait 4 années de tournée, en plus de l'année à Paris,
04:27 où j'ai pu aller le jouer dans des prisons, dans des scolaires,
04:31 j'ai eu des rencontres assez improbables,
04:33 et puis, finir à Tours... -C'est la dernière date.
04:36 -C'est la dernière, la toute dernière à Tours,
04:38 après toutes ces années, et le hasard du calendrier
04:41 fait que je vais jouer à domicile.
04:43 -Vous jouez à domicile. Ce spectacle a été salué
04:46 par la critique, mais l'International,
04:48 le New York Times en a parlé.
04:50 Vous jouez dans votre carrière auprès des plus grands,
04:53 comme Pierre Ninet, en boîte noire, en 2021.
04:55 "Coming out" est joué à guichet fermé, à peu près partout.
04:59 Qu'est-ce que vous gardez de votre passé de gars de cité ?
05:02 Vous assumez ce passé ?
05:03 -J'assume tout. Comme je dis souvent,
05:05 j'assume le fait d'être un fils d'ouvrier
05:07 qui s'est un peu embourgeoisé,
05:09 car j'habite au quartier Velpo et je suis devenu un bobo
05:12 qui s'est mis en vélo électrique, mais j'assume les deux.
05:15 J'assume d'avoir eu un passé musulman,
05:17 de m'être intéressé au christianisme.
05:20 J'assume d'avoir été un enfant ou un adolescent
05:22 un peu turbulent et délinquant.
05:24 Aujourd'hui, un parcours de vie de rédemption normale.
05:27 J'assume tout ça et je montre à quel point
05:29 on peut être ce patchwork d'identité,
05:31 on peut avoir cette multiplicité sans se renier
05:34 et en faisant une synthèse.
05:35 Donc, oui, je gère assez bien les deux.
05:38 -Vous n'êtes pas un posteur ?
05:40 Ce transfuge de classe n'est pas forcément simple à vivre.
05:43 -Il y a toujours cette petite musique,
05:45 que ce soit dans le métier en tant qu'artiste
05:48 ou dans une culture maghrébine.
05:50 Oui, ce transfuge de classe, il peut interroger,
05:52 questionner, mais je trouve ça bien
05:54 parce qu'il nous permet de se déplacer,
05:57 d'aller à la rencontre des autres
05:59 et de créer des ponts entre tout le monde.
06:01 -On l'a dit, vous vivez à Tours.
06:03 Ca fait pas très longtemps. -Moins d'un an.
06:05 -Est-ce que vous en avez envie, de rencontrer des jeunes
06:08 pour leur parler de leur parcours ?
06:10 Pourquoi pas leur faire découvrir le théâtre ?
06:13 -C'est vraiment un désir, d'abord, de m'implanter dans le territoire,
06:17 de voir ce qui se fait.
06:18 Au Théâtre Olympia, il fait pas mal de choses
06:20 avec les scolaires.
06:22 J'ai une expérience qui peut servir.
06:24 Pourquoi pas, humblement, petit à petit,
06:26 voir comment je peux apporter une contribution,
06:29 notamment auprès des jeunes, pour les sensibiliser à l'art
06:32 et leur dire que s'ils ont cette passion-là,
06:34 ça vaut le coup d'aller au bout, parce que ça peut marcher.
06:38 On peut tourner avec des grands acteurs et actrices.
06:41 -En tant que Néo Tourangeau,
06:42 que pensez-vous de l'offre culturelle à Tours ?
06:45 -C'est un critère, quand on a décidé de s'installer à Tours,
06:48 qu'il y ait une vie culturelle.
06:50 Il y a pas mal de salles. J'ai pu jouer à la comédie de Tours,
06:53 au Palais des Congrès, au Théâtre Olympia.
06:56 Une scène musicale incroyable qu'on découvre petit à petit.
06:59 C'est vrai que d'avoir une vie culturelle dans une ville,
07:03 ça donne un rayonnement à la fois à la ville,
07:05 mais aussi national et international.
07:08 -Vous aimeriez monter des projets ?
07:10 -Oui, là encore, avec beaucoup d'humilité.
07:13 Il y a pas mal de choses qui se font,
07:15 mais il y a pas mal de sujets qui m'intéressent.
07:17 S'enraciner dans un territoire,
07:19 je pense que le théâtre des régions a vraiment quelque chose à apporter.
07:23 Donc, si à terme, je peux développer des projets,
07:26 ça sera avec grand plaisir.
07:28 -Pour terminer, j'aimerais qu'on aborde un thème
07:31 qui est un thème majeur dans votre spectacle.
07:33 Vous nous en avez parlé.
07:35 Vous étiez dans la religion musulmane,
07:37 vous vous convertissez à la religion catholique.
07:40 Quelle difficulté ça a posé dans votre vie ?
07:42 Si ça en a posé, d'ailleurs.
07:44 -Ca pose des difficultés,
07:46 dans le sens où c'est le regard des gens
07:48 qui change par rapport à vous, qui peut questionner,
07:51 d'où le titre "Coming out".
07:52 Je me sentais solidaire de la communauté LGBT
07:55 où quand vous affirmez quelque chose,
07:57 que ce soit des choix ou une identité de genre,
08:00 vous êtes en proie à ces questionnements extérieurs.
08:03 Moi, ça m'a pas vraiment atteint, parce que j'avais envie...
08:06 Je suis resté libre de ça.
08:08 Et c'est vrai qu'à travers le spectacle,
08:10 j'ai fait un prosélytise.
08:12 Je dis pas qu'une était meilleure que l'autre,
08:14 je dis juste que c'est une ode à la laïcité et à la République
08:18 en disant qu'il y a une diversité culturelle en France
08:21 et on doit en être fiers.
08:22 Et c'est vrai que très souvent, quand on parle de religion,
08:26 on diabolise ou on laisse des gens parler de la religion,
08:29 une minorité un peu extrême parler au nom des croyants.
08:32 Et moi, j'ai fait l'expérience de l'inverse.
08:35 J'ai rencontré plein de croyantes et croyants
08:37 de plein de confessions qui vivent en paix.
08:40 J'ai envie d'en faire la promotion.
08:42 -On peut en rire. Comment on amène ce sujet ?
08:44 -Justement, en étant bienveillants,
08:47 en montrant qu'on a cette liberté d'expression
08:49 qui permet justement d'aller questionner,
08:52 d'aller rire, de rire de soi,
08:54 de pouvoir rire, mais toujours avec bienveillance.
08:56 Avec mon coauteur Thibault Évrard,
08:58 on voulait surtout pas blesser une communauté ou une autre.
09:02 On a réussi, on a des gens de toutes confessions
09:05 qui viennent voir le spectacle ou pas,
09:07 qui sont pas croyants des religions du livre,
09:09 qui se retrouvent, qui rient.
09:11 Et ça fait du bien d'avoir réussi ce pari
09:13 de pouvoir rire de la religion ensemble,
09:17 sans être blessé.
09:18 -Et cette quête spirituelle, elle est terminée, aujourd'hui ?
09:22 -Elle est sans fin. Elle est sans fin.
09:24 Je dis dans le spectacle, "Demain, je ne sais pas ce que je serai."
09:27 C'est toujours l'idée de continuer cette quête,
09:30 cette recherche, de continuer à trouver du sens à sa vie.
09:33 Je pense qu'on est un peu tous pareil.
09:36 -Quel regard vous portez sur le fait religieux en France ?
09:39 On voit souvent les religions s'opposer,
09:41 que ce soit à cause de conflits internationaux
09:44 comme de faits plus mineurs chez nous.
09:46 Quel regard vous portez sur ce qui se passe
09:49 et sur la religion en France ?
09:50 -Elle prend une place dans l'espace médiatique conséquent,
09:54 alors que la réalité du terrain n'est pas parfois en phase
09:58 avec ce qui se passe dans l'espace médiatique.
10:00 C'est vrai que la réalité, c'est qu'il y a des milliers,
10:03 voire des millions de croyants en France
10:06 avec des confessions différentes, qui vivent ensemble.
10:09 Il n'y a vraiment une diversité culturelle,
10:11 et ça se passe plutôt bien.
10:13 Donc oui, c'est vrai que dans l'espace médiatique,
10:16 elle peut prendre beaucoup de place,
10:18 et on laisse les mauvaises personnes en parler,
10:21 mais sur le terrain et dans le quotidien des gens,
10:23 la spiritualité au sens très large fait du bien aux personnes
10:27 et au bien commun.
10:28 Il y a énormément d'associations culturelles
10:31 qui servent aussi le bien commun.
10:33 Moi, je vois ça et je me dis, là aussi,
10:35 il y a cette exception française.
10:37 Alors au nom de la laïcité, essayons de continuer
10:40 à faire tenir cet équilibre qui est pareil,
10:43 unique un peu dans le monde.
10:45 -Ca vous a fermé à personne, ce changement de religion ?
10:48 -Ca ferme aux personnes qui sont fermées d'esprit.
10:51 À partir du moment où on est ouvert,
10:54 à partir du moment où on questionne,
10:56 où on rencontre, moi, c'est vraiment la rencontre,
10:59 j'ai rencontré énormément de gens avec ce spectacle,
11:02 et donc forcément, ceux qui sont bloqués,
11:05 ils sont bloqués parce qu'ils n'ont pas cette ouverture d'esprit-là,
11:08 et donc j'ai pas de temps à perdre avec eux.
11:11 -Donc un spectacle humaniste, si on le fait résumer.
11:14 -Ouais, je pense que c'est ça, c'est un spectacle humaniste,
11:18 c'est une ode à la tolérance,
11:19 c'est une ode au vivre ensemble, et là encore,
11:22 alors ça va paraître un peu patriote,
11:25 mais il y a très peu de pays dans lesquels on aimerait vivre.
11:28 Dans le monde, il y a un proverbe que j'aime beaucoup,
11:31 on a pensé à ce proverbe,
11:33 on se regarde, on se désole, mais on se console.
11:36 Il y a très peu de pays où on a la chance de vivre en paix
11:39 avec cette diversité-là, alors soyons-en fiers,
11:42 et moi, j'essaie de le faire humblement
11:44 à travers ce spectacle.
11:45 -Ce sera le mot de la fin, merci, Mehdi Djadid,
11:48 d'avoir venu nous voir.
11:49 Dernière représentation de "Coming Out",
11:52 le 12 avril, au Palais des congrès de Tours.
11:54 C'est complet ou pas ?
11:56 -Il y a peut-être une liste d'attente.
11:58 -Allez, on va dire ça comme ça.
12:01 -Quoi qu'il en soit, merci beaucoup d'être venu nous voir.
12:04 C'était un grand plaisir.
12:05 On se retrouve la semaine prochaine
12:07 pour un nouvel invité de la rédaction.
12:10 Bonne soirée.
12:11 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
12:13 Générique
12:15 ...

Recommandations