Francophonie : «La langue française doit pouvoir garder sa place», estime Louise Mushikiwabo

Europe 1

20/03/2024

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Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, répond aux questions de Dimitri Pavlenko à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, ce mercredi 20 mars. La France accueillera en octobre prochain le Sommet de la Francophonie.

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00:00 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la secrétaire générale de l'Organisation Internationale de la Francophonie.

00:07 Bonjour Louise Mouchikiwabo.

00:09 Bonjour.

00:10 Bienvenue sur Europe 1, ce mercredi 20 mars c'est la journée internationale de la francophonie

00:14 et toute la semaine Europe 1 d'ailleurs célèbre la langue française à l'antenne.

00:18 Quel avenir pour la langue française ? Est-elle encore une langue monde ?

00:22 On va en parler ensemble ce matin Louise Mouchikiwabo.

00:25 Je vous présente, vous êtes Rwandaise, vous avez été ministre des affaires étrangères du Rwanda.

00:29 Vous êtes la secrétaire générale de l'OIF depuis 2018.

00:34 Peut-être pour commencer très simplement Louise Mouchikiwabo, la francophonie en 2024, qu'est-ce que c'est exactement ?

00:40 Alors la francophonie en 2024 c'est une organisation multilatérale à part entière.

00:48 Nous sommes la deuxième organisation la plus importante après les Nations Unies en termes de nombre de membres.

00:58 Nous avons 88 états et gouvernements.

01:01 Certainement qu'on sera autour des 90 au prochain sommet donc qui se tiendra ici en France.

01:08 Qui seraient les deux nouveaux entrants ?

01:10 Alors je ne peux pas le dire avant que les états se prononcent.

01:15 C'est comme ça que ça marche.

01:17 Voilà et 320 millions à peu près de locuteurs de la langue française aujourd'hui dans le monde.

01:23 Bon je vais pas y aller par quatre chemins Louise Mouchikiwabo.

01:26 La francophonie, est-ce qu'elle séduit encore par-delà vous nous dites ces deux recrutements que vous faites pour l'organisation ?

01:33 Parce que regardons les choses en face.

01:35 Nous avons des militaires français qui sont chassés de plusieurs pays d'Afrique.

01:39 L'Algérie, le Rwanda, votre pays qui interdise l'usage du français et privilégie désormais l'anglais dans l'enseignement.

01:45 Je précise dans l'enseignement.

01:47 Le Togo, le Gabon, donc deux pays francophones qui viennent de rallier il y a deux ans le Commonwealth britannique.

01:52 Le Liban, Haïti, la RDC qui sont en train de sombrer, la France qui est impuissante à les aider, etc.

01:57 Qu'est-ce que ça nous dit aujourd'hui de la francophonie dans le monde ?

02:00 Alors la francophonie dans le monde aujourd'hui, par rapport à la langue française,

02:09 qui est le ciment de tous ces états et gouvernements membres,

02:14 est une langue de paradoxe en quelque sorte.

02:19 Parce qu'en même temps le nombre de locuteurs augmente.

02:24 C'est ce que le dernier rapport de notre observatoire sur l'état de la langue française dans le monde nous dit.

02:31 321 millions, plus de 700 millions en 2050.

02:39 Et c'est surtout grâce à la démographie africaine.

02:43 Parce que plus de la moitié du continent s'exprime en français à l'international.

02:48 Et dans l'éducation.

02:50 Mais en même temps, avec cette augmentation, il y a un recul,

02:55 surtout au niveau des organisations internationales.

02:58 A commencer par nos voisins ici à Bruxelles, l'Union Européenne.

03:03 Même après le départ de la Grande-Bretagne, l'anglais continue de prendre de l'ampleur.

03:09 Ah oui, c'est la langue de travail officielle.

03:11 En dépit du départ des britanniques.

03:13 Tout à fait. Nous avons la francophonie, 19 pays de l'Union Européenne qui sont les membres de notre organisation.

03:22 Mais il y a une sorte de laissé-aller, si je peux l'exprimer ainsi.

03:29 Moi je rentre donc de New York, j'étais aux Nations Unies la semaine dernière.

03:33 Où le français est l'anglais officiel.

03:35 En particulier pour discuter du multilinguisme, qui est la réalité de la francophonie aujourd'hui.

03:41 Je vais vous demander ce qu'est la francophonie aujourd'hui.

03:43 Parce que le français, disons-le, n'est pas nécessairement de premier choix.

03:48 C'est une langue parmi d'autres dans les pays francophones, généralement, Louise Mojiki-Wabon.

03:53 À part la France et peut-être le Québec, tous nos autres membres ont d'autres langues.

04:00 Nous nous inscrivons aujourd'hui en tant qu'organisation internationale,

04:04 dans un système où il y a la langue française à différents niveaux.

04:09 Langue de travail, langue officielle, langue unique, français comme deuxième ou troisième langue.

04:16 Mais avec d'autres langues.

04:18 Et donc nous sommes dans un système où moi, qui suis multilingue aussi,

04:23 d'ailleurs moi mon pays a quatre langues officielles,

04:26 j'ai grandi francophone et puis après j'ai fait mes études aux Etats-Unis.

04:31 Je pars Swahili puisque je suis de l'Afrique de l'Est.

04:35 C'est ça la francophonie aujourd'hui.

04:37 C'est plusieurs langues avec la langue française qui nous lie.

04:41 Donc à différents niveaux.

04:43 Moi je ne dramatiserai pas autant.

04:46 - Quand vous entendez par exemple les Québécois dire à la France "vous avez abandonné le français"

04:52 est-ce qu'il vous arrive d'ailleurs vous, en tant que présidente de l'organisation de la francophonie,

04:55 de sermonner la France sur la question de la langue française

04:58 où l'on voit des initiatives gouvernementales prendre des labels en anglais, etc. ?

05:03 - Alors sermonner la France, non je ne le ferai pas,

05:06 mais je me plains de temps en temps aux autorités françaises.

05:10 - Par exemple ?

05:11 - Juste parce que je ne suis pas pour une guerre des langues.

05:17 Ça n'a pas de sens, on est dans la marche du monde et dans l'ère du temps.

05:22 Mais quand même la langue française doit pouvoir garder sa place.

05:25 Donc ce recul, il faut qu'on puisse l'arrêter quelque part.

05:29 Mais surtout, moi je suis une francophone décomplexée,

05:33 je n'ai pas de complexe par rapport au recul de la langue française

05:38 parce que c'est la géopolitique aussi.

05:41 - Qu'est-ce que vous pensez, Louise Mouchet-Kiwabo, pardonnez-moi, je passe un peu sur les questions,

05:45 de l'écriture inclusive, est-ce que c'est un sujet dont on discute dans l'enceinte de la francophonie ?

05:50 - Alors nous l'OIF, nous ne sommes pas habilités,

05:56 nous ne sommes pas l'organe qui...

05:59 - Vous n'êtes pas l'académie française.

06:01 - On n'est pas l'académie française, on n'est pas dans les normes sur la langue française.

06:06 Et pour nous qui sommes beaucoup sur la priorité, égalité, femmes, hommes,

06:13 nous avons choisi d'autres combats.

06:16 Ce n'est pas le fait de m'appeler la secrétaire générale ou le secrétaire général qui est important.

06:21 - Ah bah t'sais justement, madame la secrétaire générale,

06:23 l'OIF, parmi ses missions, il y a la langue bien sûr, mais vous le dites,

06:27 il y a aussi, alors je vais regarder sur le site internet, la promotion de la paix,

06:30 des droits de l'homme, de la démocratie, le climat, la coopération économique,

06:33 l'éducation, la lutte contre les violences faites aux femmes, l'accès à la santé,

06:37 c'est les Nations Unies la francophonie là.

06:40 - Alors vous avez raison, moi j'ai été élue en 2018,

06:44 deux ans avant, un an et demi avant que la francophonie n'ait 50 ans,

06:51 et à l'époque, les chefs d'Etat recherchaient une personne pour

06:56 penser la francophonie après 50 ans, moderniser en quelque sorte.

07:00 - Et j'en rappelle que vous êtes une diplomate de formation.

07:02 - Je suis une diplomate d'expérience,

07:05 - Oui d'expérience, pardonnez-moi, vous avez raison.

07:07 - Oui, je suis dans ce domaine depuis plusieurs années,

07:11 et donc moi mon premier constat à l'OIF,

07:14 c'était que c'était une organisation qui se disperse.

07:17 Je connaissais l'OIF puisque j'étais ministre des Affaires étrangères, je suivais.

07:20 - Et ça n'est plus le cas, c'est dispersion.

07:22 - Mais de l'intérieur, la première chose que j'ai voulu faire,

07:25 et les chefs d'Etat ont approuvé ces démarches,

07:29 c'était de limiter et de rechercher l'impact.

07:35 - Et vous l'avez trouvé ou pas ?

07:37 - Nous sommes bien avancés sur ces transformations,

07:40 nous sommes maintenant en train de consolider cette nouvelle francophonie

07:45 qui s'est totalement réformée, y compris dans le format de ces sommets,

07:49 vous verrez à Villers-Cotterêts en octobre,

07:53 c'est un sommet qui n'est plus la grande messe,

07:56 trois, quatre jours de circulation de chefs d'Etat,

08:00 qui est beaucoup plus resserré,

08:02 beaucoup plus business, comme on dit en mauvais français.

08:05 Et donc c'est vrai que notre organisation

08:09 est maintenant tournée vers l'avenir de plusieurs manières,

08:14 y compris dans ces activités.

08:16 - Merci beaucoup Louise Mouchiki-Wabo d'être venue au micro d'Europe 1,

08:20 vous êtes, je le rappelle, la secrétaire générale de l'organisation internationale de la francophonie,

08:24 et ce sommet en France à Villers-Cotterêts en octobre,

08:26 on aura l'occasion évidemment d'en reparler sur Europe 1.

08:29 Bonne journée à vous.

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