La Mutualité Française annonce ses nouveaux tarifs pour l'année 2024. Pour en parler, le président de l'organisme, Éric Chenut. Regardez Le débat du 19 décembre 2023 avec Yves Calvi.
00:05 RTL matin. Il est 8h22. Bonjour Eric Chenu. Bonjour Yves Calvier. Vous êtes président de la Fédération
00:11 Nationale de la Mutualité Française. Elle regroupe 500 mutuelles de santé à but non lucratif, je le rappelle. Merci beaucoup de prendre la parole
00:17 ce matin sur RTL. On s'inquiète des hausses de tarifs de nos mutuelles, Eric Chenu, et on attend évidemment vos informations. Ça donne quoi ?
00:24 Oui, effectivement, les mutuelles vont devoir augmenter leurs cotisations de manière plus importante que d'habitude.
00:31 Pour les contrats individuels, ceux qui concernent
00:34 les retraités, les jeunes avant emploi, les agents de la fonction publique,
00:39 les chômeurs, les hausses vont être en moyenne de 7,3%. Pour 50% des personnes
00:45 protégées par ces contrats, la hausse sera inférieure à 6,5%. Et pour les contrats d'entreprise,
00:52 la hausse sera en moyenne de 9,9%. Bon, on est entre 7 et
00:56 9%, on va dire 8 pour résumer la situation. Comment justifier cette augmentation ?
01:00 Les dépenses de santé ont été beaucoup plus importantes en 2023 que ce qu'on avait
01:05 envisagé. On estimait une hausse autour de 3,5%. On est à +6%, ce qui témoigne d'un besoin en santé plus important
01:14 de l'ensemble de la population. Et puis, par ailleurs, en
01:17 2024, on a décidé
01:20 collectivement, l'assurance maladie, les complémentaires santé,
01:23 d'investir dans le système de santé pour en garantir la qualité, garantir l'attractivité des métiers du soin,
01:28 par des revalorisations des rémunérations des médecins, des sages-femmes, des psychologues, des infirmières, etc.
01:34 C'est indispensable
01:37 pour un bon niveau du système de santé. On a décidé également d'investir sur la prévention.
01:44 Ça coûte un peu plus cher au début. Et puis, il y a des dépenses qui sont
01:50 en dynamique. Par exemple, sur le champ du dentaire, vous vous souvenez de la réforme du 100% santé pour éviter que les gens aient du
01:58 reste à charge ?
02:00 Cette réforme continue de produire ses effets
02:05 parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui se font soigner. Tant mieux, parce que c'est ce qu'ils en ont besoin
02:12 s'ils font des prothèses, etc. Mais ça a un coût. Et nous, notre rôle, vous l'avez rappelé, on est des organismes à but non lucratif,
02:18 c'est simplement de répartir solidairement l'ensemble des dépenses. C'est-à-dire que tout le monde protège tout le monde. Mais bien évidemment,
02:25 les dépenses augmentant, les cotisations augmentent à proportion.
02:29 Alors, j'entends l'analyse que vous nous faites, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'avez pas convaincu le ministre de la santé Aurélien Rousseau.
02:35 "Aucune explication sérieuse ne m'a été donnée", affirme le ministre, "concernant cette augmentation".
02:40 Est-ce que vous redoutez les sanctions ? Et que lui, répondez-vous ce matin sur RTL ?
02:44 Je crois que le ministre a quand même été en partie convaincu, puisqu'il a reconnu que
02:49 des hausses jusqu'à 7% étaient tout à fait normales. Je vous donne
02:54 la médiane et on voit bien... Donc vous ne craignez pas de sanctions ?
02:58 Qui dit sanctions, dit impact sur les cotisations des adhérents. Donc ça augmenterait encore plus les cotisations.
03:07 C'est habile comme réponse, mais...
03:09 C'est un compte-productif.
03:11 Moi, ce que j'attends surtout, c'est qu'on se mette autour de la table.
03:14 Parce que, en vrai, la difficulté dans laquelle nous sommes, dans laquelle est l'assurance maladie, dans laquelle sont les
03:21 mutuelles, dans laquelle sont finalement, au travers nous, nos concitoyens, c'est que ce soigné coûte de plus en plus cher.
03:27 En 20 ans, les dépenses de santé, elles ont doublé.
03:30 Oui.
03:31 C'est une augmentation de 3,5% en moyenne par an, et ça s'est accéléré depuis la crise sanitaire.
03:35 La richesse nationale, elle n'augmente pas dans la même proportion, elle augmente seulement de 2% par an. Et donc, petit à petit,
03:42 l'effort individuel, l'effort collectif que fait notre société pour permettre à chacun d'accéder aux soins, ça coûte de plus en plus cher.
03:51 Et donc, si on ne veut pas être en difficulté dans les années qui viennent, il nous semble que sous l'égide de l'État,
03:57 l'assurance maladie, nous, les professionnels de santé,
04:01 les partenaires sociaux, les associations de patients, on doit se mettre autour de la table pour
04:06 réfléchir à comment faire évoluer le système de santé,
04:09 comment faire évoluer le financement de notre protection sociale.
04:12 Vous êtes en train de nous dire, pardonnez-moi, vous êtes en train de nous dire qu'une certaine façon, les tarifs ne peuvent qu'augmenter.
04:16 Mécaniquement, oui, parce que la médecine devient plus technique, c'est une bonne chose, parce que ça veut dire que c'est
04:24 du progrès, mais tout ça coûte plus cher. La population
04:29 vieillit et donc le besoin en santé augmente.
04:32 Donc, c'est une tendance, et c'est pour ça qu'il nous semble important de travailler sur les gains d'efficience.
04:37 Vous comprenez que pour nos auditeurs, c'est dur à entendre.
04:41 Bien évidemment que c'est difficile à entendre.
04:43 Mais je préfère leur tenir ce discours de vérité
04:46 plutôt que de les leurrer.
04:49 Nous, les mutuels, nous ne pouvons pas transférer
04:53 le financement de l'année en cours sur les générations futures.
04:57 On ne peut pas lever de la dette. L'assurance maladie le peut.
05:00 Elle peut lisser ses dépenses. L'année prochaine, le déficit de l'assurance maladie sera de 11 milliards d'euros. C'est considérable.
05:06 Nous, nous n'avons pas cette possibilité-là, et par ailleurs, nous ne le souhaitons pas.
05:10 On pense qu'il est préférable de gérer à l'équilibre.
05:12 Et donc, à un moment donné, on a cet enjeu-là. On pense également qu'il est utile de revoir la fiscalité.
05:18 Aujourd'hui, vos éditeurs le savent,
05:21 les contrats de mutuel sont taxés à 13,27 %, c'est-à-dire deux mois de cotisation.
05:27 Pour les personnes qui ne bénéficient pas d'aide
05:30 fiscale ou de prise en charge de l'employeur, notamment les retraités, on demande à ce que la fiscalité soit divisée de moitié
05:39 par équité fiscale. C'est des sujets qui nous semblent importants de mettre sur la table.
05:44 Ce sera ma dernière question. Il semble que de plus en plus de Français renoncent à se faire soigner.
05:47 Est-ce que vous le constatez ? Est-ce que c'est une inquiétude pour vous ?
05:51 Oui, c'est une inquiétude forte. Ça tient notamment
05:56 à la difficulté de trouver
05:58 des médecins, ce qu'on appelle les déserts médicaux.
06:00 On est engagé, aux côtés du gouvernement, aux côtés de l'assurance maladie, pour faire en sorte que chaque Français
06:07 est un médecin traitant. Mais il nous semble important de travailler autrement,
06:12 de travailler à des équipes de soins traitants pour qu'autour du médecin, des sages-femmes, des psychologues, des infirmiers, des pharmaciens,
06:19 puissent interagir et intervenir et permettre à chacun en proximité, en soins de ville,
06:24 de trouver à se soigner en semaine, mais aussi le soir et le week-end.