Ronan est coloriste : il patine des souliers selon le goût de ses clients

neo

Ronan est coloriste, il patine des souliers pour leur donner une seconde jeunesse. Pour neo, il présente son procédé qui est devenu rare.

Transcript

00:00 Les gens, des fois, pensent que leur paire de chaussures est foutue,

00:03 mais c'est du cuir.

00:04 À partir du moment où c'est du cuir, ça peut vivre vraiment très longtemps,

00:07 même pour des cuirs qui ne sont pas incroyables.

00:08 Le but, c'est de retirer la couleur existante pour la remplacer par une autre.

00:11 Patiner un soulier, ça veut dire en gros le colorer.

00:13 Un modèle que j'adore, qui est un gris un peu bleuté.

00:17 Les grands, grands, grands, grands classiques, les marrons chocolat.

00:20 C'est un métier qui est très peu connu.

00:22 Ça existe dans les grandes maisons depuis longtemps.

00:24 Des gens comme nous qui le faisons en direct dans la vitrine,

00:28 c'est relativement rare en France.

00:30 Alors moi, je m'appelle Ronan, j'ai 31 ans.

00:33 On est coloriste, donc on fait fabriquer des souliers en cuir brut,

00:36 donc non patiné.

00:37 Et les clients choisissent leur patine.

00:40 C'est eux qui déterminent toute la couleur.

00:42 Et nous, on fait tout à la main à l'atelier ici.

00:44 Mais c'est vrai qu'on est très, très peu nombreux.

00:45 Avec pignon sur rue comme ça, en France, on doit être une quinzaine, grand max, je pense.

00:50 Patiner un soulier, ça veut dire normalement le vieillir, en gros.

00:54 En gros, c'est un soulier neuf avec un aspect un peu vieilli,

00:58 parce que les plus connus et les plus grands classiques,

01:00 c'est les patines boisées, un peu à l'image de Berluti,

01:03 qui est plus ou moins ceux qui ont inventé et démocratisé ce truc-là.

01:06 Maintenant, ça veut beaucoup moins dire vieillir.

01:10 Maintenant, la patine, patiner un soulier, ça veut dire en gros le colorer.

01:14 Alors là, celle-ci, c'est pas du tout une paire de chez moi.

01:17 Pour le coup, c'est une stan de chez Adidas.

01:20 On en fait un petit peu aussi.

01:21 Et là, je suis en train de la vernir.

01:22 Ça fait partie des choses qu'on fait aussi à la boutique,

01:24 mais qu'on fait quand même beaucoup moins.

01:26 Les paires plus classiques qu'on fait, ce sera par exemple ce genre de choses,

01:30 ce genre de choses.

01:31 Voilà, très bon exemple de patines qu'on peut réaliser.

01:34 Là, on a un modèle que j'adore, qui est un gris un peu bleuté.

01:42 Donc, c'est une patine presque un peu ardoise.

01:43 Les grands, grands, grands, grands classiques,

01:46 c'est-à-dire les marrons chocolat.

01:48 Et là, on a les gros boisés.

01:51 Donc, lui, il a voulu mettre du vert un petit peu à l'intérieur.

01:54 C'est particulier.

01:55 Certains aimeront, d'autres n'aimeront pas, mais c'est marrant à faire en tout cas.

01:59 Alors là, je vais commencer une ceinture.

02:03 Je cherche mon pinceau qui est celui-ci.

02:08 Donc là, je mets la première couche sur une ceinture.

02:11 Ça va être une ceinture gold.

02:12 Nous, on n'est pas très partisans de la mode de manière générale.

02:17 Dans le monde un peu costume, etc.,

02:20 c'est plutôt du code que de la mode réellement.

02:22 Un costume croisé bleu à rayures,

02:25 ça a été élégant il y a 50 ans et ce sera élégant dans 50 ans.

02:29 Nous, on aime tout ce qui est beau, les montres, tout ça.

02:32 En fait, ces trucs-là, c'est fait de un pour durer et ça ne suit pas de mode.

02:35 Donc, c'est sûr qu'on trouve ça extrêmement important.

02:39 Par exemple, quand il y a une femme qui vient avec un sac Chanel

02:41 qui s'est décoloré à l'avant, etc., il faut absolument le refaire.

02:44 Les clans, ils hallucinent de récupérer leur père.

02:47 Quand on les remet sous embauchoir, on refait toute la patine,

02:50 on la change de lacet, on la remet nickel, on la glace.

02:52 C'est un monde.

02:53 On trouve ça important de redonner un second souffle à certains articles.

02:58 Une cliente qui m'a amené une paire de chaussures.

03:02 Et la paire de chaussures est abîmée, vieille.

03:05 Ou vieille, je ne sais pas, mais voilà.

03:08 Et elle veut modifier la couleur.

03:11 Elle veut qu'on fasse un marron un peu type Berluti, ce dont je parlais avant.

03:16 On va la décaper, passer à un plutôt quelque chose d'un peu plus gold.

03:20 Et ensuite, on va nuancer toutes ces parties-là pour lui camoufler la tâche qui est ici.

03:25 Pour refaire une patine, de toute façon, ce n'est pas compliqué.

03:28 Il faut retirer la couleur dessus pour la remplacer par une autre couleur.

03:33 C'est le but de l'opération.

03:36 Si on recouvre directement avec une autre couleur,

03:39 il y a énormément de chances que le cuir ne prenne pas,

03:42 que la patine stagne dessus.

03:44 Bon, ça ne marche pas bien.

03:47 Je dirais que c'est un peu comme poncer du placo.

03:50 On ne vend pas de souliers femmes.

03:51 On est un magasin de chaussures hommes chez Monsieur.

03:53 En même temps, on ne peut pas s'équivoquer.

03:57 Mais on travaille pour les hommes et aussi pour les femmes.

04:00 Par exemple, on fait des sacs à main.

04:01 Les patines chez nous extérieures sur les chaussures coûtent en général 60 euros.

04:06 De toute façon, c'est évalué au temps de travail.

04:08 En général, pour les sacs, on va être honnêtement grand minimum à 100 euros.

04:13 Je suis en train de faire un porte-carte qu'un client a voulu en violet et en vert.

04:19 Avec ces petites initiales sur le côté.

04:22 Une fois qu'on a fini la patine, que tout a séché, etc.,

04:26 il faut nourrir le cuir, donc le crémer.

04:31 C'est un métier qui est très peu connu parce qu'en fait, il n'y a pas du tout d'école.

04:37 Moi, je faisais du dessin industriel.

04:39 Je devais faire des plans de machine à la base.

04:42 J'ai voulu faire un master.

04:45 Je m'y suis pris trop tard.

04:48 J'ai travaillé dans une boutique de chaussures au début pendant un an en me disant

04:52 je reprendrais. Au bout de quelques mois, je me suis quand même vite dit que

04:55 je n'allais pas reprendre grand chose.

04:56 J'ai découvert la patine par les réseaux, tout bêtement.

05:00 Et je trouvais ça incroyable.

05:02 C'était incroyable. Je voulais faire ça.

05:04 C'était vraiment mon projet.

05:05 C'était faire ça. Je trouvais ça fou.

05:06 J'ai eu la chance d'être formé par un gars incroyable à Cannes.

05:11 Ensuite, je suis rentré.

05:13 J'ai pris des paires et j'ai...

05:15 C'est pas plus compliqué que ça. C'est comme ça que ça s'est passé.

05:18 C'est vraiment un peu un hasard.

05:20 Alors après, par contre, le côté costume, etc.

05:23 Mon père était grand fan de costume.

05:26 Il en a porté toute sa vie.

05:27 Mon grand-père pareil.

05:29 Très, très, très costume, très habillé tout le temps, etc.

05:32 Je pense que ça joue un petit peu quand même.

05:34 Je suis content de faire un métier comme ça.

05:37 Extrêmement particulier. Je trouve ça super.

05:40 Après, je suis patriote.

05:41 C'est important.

05:43 Je suis obligé de défendre mes couleurs.

05:45 L'artisanat français, c'est incroyable.

05:47 Je suis obligé.

05:48 On regarde la moitié des plus grandes maisons du monde.

05:50 Il y en a plein qui sont françaises.

05:51 Je suis très attaché à ça.

05:52 Je trouve ça très important d'y être attaché, d'ailleurs.

05:54 Faites de l'artisanat.

05:55 N'ayez pas peur de faire que des BTS communication.

05:58 Il y a plein de trucs super dans plein de domaines.

06:00 Il y a des mecs incroyables partout.

06:01 Et il faut absolument remettre la lumière sur l'artisanat

06:05 et sur des vieux métiers parce que ça ne peut pas se perdre.

06:08 Ce serait criminel de laisser l'artisanat se perdre.

06:12 C'est ça.

06:13 ♪ ♪ ♪

06:16 [Générique de fin]

06:18 [SILENCE]

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