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  • 20/11/2023
Hanna Assouline est la coprésidente et fondatrice de l’association Les guerrières de la paix et de la deuxième édition du Forum mondial des femmes pour la paix.

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Transcription
00:00 de paix justement, est-ce qu'on peut se dire que dans 20, 30 ans, peut-être 10 ans, il y aura de la
00:06 paix ? Comment on le voit aujourd'hui ? Je sais pas, toi qui oeuvres justement pour cette paix ?
00:10 - Bah moi, c'est le combat de ma vie donc évidemment que j'y crois. J'y crois d'autant plus que c'est
00:17 pas un truc déconnecté de Bisou l'Ours comme on pourrait l'entendre, etc. C'est-à-dire que là,
00:25 nous on travaille avec des gens qui sont sur le terrain, on en revient, on était avec eux,
00:30 des palestiniens et des israéliens, en l'occurrence beaucoup de femmes, des palestiniennes et des
00:34 israéliennes, qui luttent au quotidien pour la paix, pour la justice, qui se rencontrent,
00:40 qui sont capables justement de bousculer un petit peu leur propre narratif, leur propre vision pour
00:46 essayer d'accueillir une autre vérité qui est celle de l'autre. Et encore une fois, c'est des
00:51 gens qui vivent ce conflit dans leur chair. C'est pas les commentateurs français qui attisent la haine
00:56 à distance comme on peut le voir depuis quelques jours. Voilà, c'est des gens qui...
01:01 - Il y a des gens qui attisent la haine à distance aujourd'hui ?
01:03 - Tout à fait, oui, depuis toujours. Et je crois qu'on le sait, je sais pas si on est exactement de la
01:07 même génération, à peu près, je crois à quelques années près, mais je pense qu'on a tous grandi
01:12 avec ce conflit qui est venu par vagues dans nos vies, souffler sur les braises, attiser la haine
01:22 entre les communautés ici en France, particulièrement entre les communautés juives et musulmanes, où
01:26 tout le monde est dans la surenchère sur les réseaux sociaux, où tout le monde se sent obligé
01:30 de prendre un camp. Enfin, je veux dire, c'est quelque chose qui a... Enfin, moi, je sais en tout
01:34 cas qu'il a beaucoup impacté ma vie et mes relations avec les autres. Et c'est vrai que...
01:39 - On doit choisir un camp ?
01:41 - Non, absolument pas. Et si on doit choisir un camp, c'est celui de... D'ailleurs, quand je te parle là,
01:47 je me fais le porte-voix de militants qui sont sur le terrain. C'est important aussi, je crois,
01:51 pour replacer la légitimité des propos, parce qu'on parle beaucoup à la place des autres,
01:56 en se croyant très... Voilà, encore une fois, j'ai été jusqu'au jour de l'attaque, encore sur le terrain,
02:03 avec des femmes du monde entier. On a rencontré des militantes. Quand je vous disais... C'est pas un truc
02:07 de bisounours. Les militants qu'on a rencontrés, c'est des gens qui vivent les conséquences de ce conflit,
02:11 non seulement dans leur quotidien, mais qui, pour nombre d'entre eux, l'ont vécu dans leur chair
02:16 en perdant un proche. Je pense à un militant extraordinaire qui s'appelle Ali Abouawad,
02:20 qui a perdu son frère, qui a été assassiné à un checkpoint par un saldaïs réélien,
02:24 qui a ensuite voulu prendre les armes pour se venger, qui a fait de la prison,
02:28 et qui a un parcours de résilience extraordinaire et qui, aujourd'hui, tient un discours, mais juste...
02:32 Qu'on a envie de diffuser dans le monde entier, tellement on n'entend jamais ces voix-là.
02:37 Je pense à une femme, Roby Damlin, dont le fils a été tué par un sniper palestinien et qui, aujourd'hui,
02:42 fait le tour du monde pour diffuser la voix de la paix, va dans les écoles pour, justement,
02:47 essayer de faire de la pédagogie, essayer de raconter. Donc, tous ces gens-là, si vous voulez,
02:52 quand on a entendu tout ça, quand on est allés sur le terrain, qu'on s'est confrontés à ça,
02:56 et qu'on revient et qu'on voit les guéguerres sur Twitter de ceux qui, de manière très irresponsable,
03:01 non seulement n'ont pas la décence de respecter le deuil, d'avoir un mot clair, sans relativisme,
03:10 sans contextualisation sur l'horreur qui s'est déroulée ces derniers jours,
03:15 et qui sont en permanence en train d'attiser les haines, je vous avoue que ça, pour le coup,
03:23 c'est très difficile et ça met en colère. Et c'est tout le temps, en fait, si vous voulez,
03:31 par vague, c'est vraiment la même chose qui revient à chaque fois, c'est-à-dire qu'on est pris
03:35 entre à la fois la grande tristesse et le grand désarroi par rapport à ce qui se passe sur place,
03:40 l'inquiétude que ça suscite chez nous, chez chacun d'entre nous, pour des raisons différentes,
03:44 intimes, politiques, etc. Et il y a, en plus, les conséquences que ça a sur notre débat en France,
03:51 la manière dont ça crée des tensions entre tous, et c'est vrai que ça, c'est particulièrement
03:58 difficile à avaler en ce moment.
04:01 Qu'est-ce que la voix des femmes a en plus ?
04:05 La voix des femmes, ça c'est... Encore une fois, je le redis au cas où, mais on revient d'une semaine
04:12 où on est allé rencontrer des militantes sur le terrain, des Palestiniennes et des Israéliennes,
04:17 qui font partie des mouvements Women's Wage Peace et Women of the Sun, et mercredi dernier,
04:23 ont marché à leur côté avec des dizaines de milliers de femmes qui se sont rassemblées
04:29 dans une marche qui s'appelait "L'appel des mères" pour interpeller justement leur dirigeant et dire
04:35 "Assez", elles criaient toutes ensemble "Assez, assez d'enterrer nos enfants, assez de ces guerres sans fin,
04:41 de ce sang coulé, de ce cycle de vengeance, etc." Et donc ces femmes, on nous demande souvent
04:50 pourquoi les femmes pourraient faire la paix. Il y a des femmes qui sont très très violentes,
04:55 qui tiennent des discours très violents, qui ne sont pas du tout dans l'apaisement, etc.
04:58 Donc on ne va pas aller dans un truc caricatural qui consisterait à dire que les femmes sont plus apaisées,
05:06 plus empathiques, etc. Ce n'est pas vrai. Moi, je crois que ce n'est pas vrai.
05:09 En revanche, il y a quelque chose qui est vrai et qui, selon moi, est la clé, c'est que les femmes
05:15 sont plus pragmatiques, elles sont plus ancrées dans le réel. Elles ont un rapport à la vie et à l'engagement
05:21 qui est beaucoup plus ancré dans la vie. Certaines femmes, comme ces femmes israéliennes et palestiniennes,
05:27 peuvent dire "Nous sommes des mères, nous donnons la vie et donc nous avons la responsabilité de préserver
05:32 la vie sur Terre." D'autres femmes ne souhaitent pas être mères, ne le sont pas, ne le seront peut-être jamais,
05:37 et elles ont quand même ce rapport au réel, au concret et au quotidien qui est particulier.
05:42 Et dans le cas de ce conflit, le pragmatisme, c'est la paix. C'est exactement ce que je vous disais juste avant,
05:48 c'est-à-dire quand on est pragmatique, quand on pense à l'avenir concret de nos enfants, de nos vies,
05:54 de notre futur, etc., on sait qu'il n'y a pas d'autre solution que la paix. Et donc, c'est en ça que je crois
06:01 que les femmes sont la clé. Par ailleurs, on le sait, elles sont celles qui sont en première ligne dans les conflits.
06:07 Encore là, il y a des femmes qui ont été enlevées, on nous rapporte des témoignages de viol, etc.
06:13 Donc, elles sont celles qui payent un lourd tribut des guerres et des conflits qu'il y a dans le monde.
06:21 Et on le sait, il y a d'ailleurs la résolution 1325 de l'ONU qui en parle quand elles sont à la table des négociations de paix.
06:27 Non seulement la paix advient plus rapidement quand elles sont là, mais en plus, c'est une paix qui est plus durable.
06:35 Et donc, pour toutes ces raisons, je crois avec force que les femmes peuvent nous sortir de cet impasse et de ce drame collectif dans lequel on est.

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