La Commission Inceste publie son rapport final: Édouard Durand, président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) est l'invité de 6h20
L'invité de 6h20 (6h20 - 17 Novembre 2023 - Edouard Durand)
Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter
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00:00 6h23 et à votre micro Marion Lourds, notre invité est juge des enfants, il co-préside
00:05 la CIVIS, commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites sous enfants.
00:10 Commission inceste créée il y a deux ans et demi après la publication du livre de
00:13 Camille Kouchner, La Familia Grande et il rend son rapport final aujourd'hui.
00:17 Bonjour Edouard Durand.
00:18 Bonjour.
00:19 Alors votre commission a recueilli 27 000 témoignages, on avait déjà les chiffres
00:23 un enfant victime d'inceste ou de violences sexuelles toutes les trois minutes en France,
00:26 un enfant sur dix concerné.
00:28 Dans votre rapport publié aujourd'hui, ce qui est intéressant c'est que vous donnez
00:31 maintenant les pistes pour essayer d'éradiquer, en tout cas de réduire ce fléau.
00:35 Celle qui va peut-être le plus faire parler c'est l'imprescribilité des crimes et
00:39 délits sexuels sur mineurs.
00:41 Pourquoi c'est important ça ?
00:42 30 000 témoignages, un tour de France, des réunions publiques chaque mois dans toutes
00:51 les villes de France et cette parole.
00:52 Il faut comprendre que cette parole doit structurer la société dans sa légitimité,
01:00 rendre imprescriptible la poursuite des viols et des agressions sexuelles commises contre
01:06 les enfants et notamment l'inceste.
01:09 Le 23 janvier 2021, nous les membres de la civise, nous savions que nous ne pourrions
01:15 pas esquiver cette question.
01:18 Et alors pourquoi ?
01:19 Parce que peut-on opposer le temps qui passe aux enfants enfermés par l'agresseur et
01:29 par la société complaisante dans le silence ?
01:32 Peut-on reprocher à un enfant à qui on brûle la langue avec un mégot de cigarette
01:41 de ne pas parler à temps ?
01:44 Ça c'est un exemple concret ?
01:45 Bien sûr que c'est un exemple réel.
01:47 Il ne faut pas passer à côté du fait que la violence c'est violent, c'est même
01:54 extrêmement cruel.
01:55 C'est ce que le mot veut dire.
01:56 Alors je viens très vite à votre question parce qu'elle est évidemment fondamentale.
02:00 Nous devions y répondre.
02:01 Et nous avons d'abord considéré qu'il n'y avait aucun obstacle insurmontable
02:09 pour ne pas répondre oui, il faut rendre imprescriptible ces crimes et délits ou non.
02:15 Et nous devions faire un choix.
02:17 Les fondements de la prescription, les fondements principaux, quels sont-ils ?
02:19 La paix sociale.
02:21 Ce que les humains ont inventé pour garantir la paix sociale, c'est de rendre justice.
02:26 Le deuxième fondement théorique de la prescription, c'est la carence du plaignant.
02:31 Vous auriez dû le faire plus vite, avec une amnésie traumatique ?
02:35 Avec toute une famille qui vous menace ?
02:38 Avec une justice qui vous fait peur et qui dans 70% des cas remplace la vérité judiciaire,
02:44 la substitue à la vérité.
02:45 Et puis ensuite il y a le fait que le criminel, par l'inquiétude d'être poursuivi,
02:51 se serait autopuni.
02:53 Mais il y a des victimes qui subissent jusqu'à 2000 viols pendant 20 ans.
02:58 Parmi les 82 mesures que propose la commission inceste, il y en a une autre.
03:02 Le dépistage systématique à rendez-vous annuel pour les écoliers avec le médecin
03:07 ou l'infirmière scolaire.
03:08 On a les moyens de faire ça aujourd'hui alors que les professionnels de santé manquent dans les écoles ?
03:13 Le 12 juin 2023, nous avons montré que le coût économique annuel de l'impunité des
03:18 violeurs d'enfants, c'est 9,7 milliards d'euros par an.
03:21 Donc ma réponse est claire, oui nous avons les moyens.
03:24 Il suffit de savoir si nous préférons les laisser entre les mains des pédos criminels
03:28 ou les consacrer aux enfants qui sont les victimes de ces pédos criminels.
03:31 Le repérage systématique, je vais l'expliquer d'une manière extrêmement simple.
03:35 Tout le monde dit aujourd'hui, personne ne le conteste, dans une classe de 30 élèves,
03:39 il y a 3 enfants qui sont victimes de viols ou d'agressions sexuelles.
03:42 Mais lesquels ? Pour le savoir, il faut poser la question aux 30.
03:47 Pour que les 3 enfants victimes puissent se dire "ah oui, à mon institutrice, à mon
03:52 professeur, je peux le dire, elle va me croire, il va me croire".
03:55 Mais il y a des enfants qui ne sont pas à l'école, il y a des enfants qui ne vont
03:58 pas chez le médecin tous les ans.
03:59 Pour garantir que quel que soit le cadre de vie de l'enfant, il y ait cet espace, il
04:05 faut dire, chaque année, que ce soit à la PMI, à l'école, à l'aide sociale à l'enfance,
04:11 dans un institut spécialisé, chaque année, il y aura un entretien d'évaluation du bien-être
04:16 et du développement et de dépistage des violences.
04:19 Alors, il y a beaucoup de mesures, je le disais, 82, l'une de ces mesures, elle est soutenue
04:23 par des associations, elle est soutenue par des sénateurs, elle est soutenue par des
04:26 députés, c'est de reconduire la civisme, dont le mandat est censé se terminer à la
04:30 fin de l'année.
04:31 Vous aussi, vous êtes pour ça, est-ce que vous seriez candidat pour continuer à co-présider
04:35 cette civisme ?
04:36 Bien sûr, oui, c'est une évidence qui s'est affirmée pour moi progressivement, il faut
04:43 maintenir la civisme.
04:44 Qui peut prétendre sérieusement que trois années auraient suffi pour lutter contre
04:49 un déni qui est enraciné en chacun de nous depuis tant d'années ? C'est impossible.
04:56 Pour ma part, je souhaite, oui, poursuivre cet engagement.
05:00 Pourquoi ? Parce que la civisme, c'est d'abord une doctrine et il faut garantir cette doctrine.
05:06 C'est un engagement, c'est le prix à payer, mais c'est le prix de la fidélité à la
05:09 parole des victimes et de faire toutes ces préconisations sans jamais rien renoncer.
05:14 Un rapport que vous allez détailler aujourd'hui.
05:17 Merci Edouard Durand, co-président de la commission Incest.
05:20 Vous rendez donc aujourd'hui ce rapport final.
05:23 Merci à vous d'être venu sur France Inter.