Cindy BOUDEVIN - Vidéo Dailymotion

ici Normandie (Calvados - Orne)

06/10/2023

Cindy Boudevin, bâtonnière de Caen, estime la nouvelle prison située à Ifs, dans l'agglomération caennaise, risque d’être rapidement confrontée à un problème de surpopulation carcérale

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00:00 - 8h15, il est bienvenu ici, vous nous rejoignez l'invité du 6/9, Cindy Boudvin, bâtonnière de Caen,

00:07 pour évoquer l'inauguration de la nouvelle prison dans l'agglomération cannaise. Didier ?

00:11 - En direct avec nous en studio, Cindy Boudvin, bonjour. - Bonjour.

00:14 - Aujourd'hui, Elisabeth Borne vient inaugurer la nouvelle prison de Caen située à Yves.

00:19 Elle va remplacer progressivement l'actuelle maison d'arrêt, on le sait, elle est plus que vétuste.

00:24 Vous avez été invitée, si vous avez l'occasion de parler à la Première Ministre en quelques mots,

00:29 vous allez lui dire quoi ?

00:31 - Alors, ce ne sera pas insatisfaissi, puisque cette nouvelle maison d'arrêt est simplement

00:35 l'occasion de respecter nos engagements de dignité pour les détenus, à la fois nationaux et internationaux.

00:41 - 551 places dans cette nouvelle maison d'arrêt. - Tout à fait.

00:45 - C'est plus que nécessaire quand on regarde la surpopulation carcérale à Caen, dans la maison d'arrêt actuelle ?

00:51 - Alors, hier, le chiffre était de 416 détenus, pour 222 places à la maison d'arrêt de Caen.

00:57 Donc, on est quasiment en doublement d'un effectif normal.

01:01 Donc, la marge est petite, finalement, si on regarde les 551 futures places du nouvel établissement.

01:07 - Au tout début de l'année, selon l'Observatoire international des prisons, il y avait 330 détenus dans cet établissement.

01:12 On est à 416 aujourd'hui ? - Oui, tout à fait.

01:15 - Comment on explique ? - Alors, c'est un mouvement qu'on a constaté au niveau national,

01:19 c'est l'augmentation des détentions provisoires, c'est-à-dire la détention avant d'être jugée par une juridiction.

01:25 - Pour une personne soupçonnée, on va le rappeler. - Tout à fait.

01:28 - Les juges mettent trop souvent, trop systématiquement, une personne derrière les barreaux ?

01:34 - Alors, si vous regardez la loi pénale, la détention provisoire doit rester l'exception,

01:38 puisque c'est un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence qui doit s'appliquer dans le principe.

01:44 Mais, effectivement, il y a de plus en plus de recours à la détention provisoire,

01:48 et je pense parce que les gens qui sont soupçonnés d'infraction,

01:51 n'ont pas toujours les gages d'insertion et de logement stable pour pouvoir donner à la justice.

01:57 - C'est-à-dire qu'une personne n'en est pas certaine de...

02:00 Quels sont les gages, comme vous dites, pour la placer sous contrôle judiciaire et que la mesure soit efficace ?

02:05 - C'est une question de pouvoir se représenter devant le juge dans le cadre d'une enquête ou devant le procureur.

02:11 Donc, ça peut poser une difficulté, effectivement,

02:14 et dans ce cas-là, le juge peut estimer que le contrôle judiciaire

02:17 ou l'assignation à résidence sous surveillance électronique n'est pas suffisante.

02:21 - C'est le bracelet électronique, pour dire les choses simplement.

02:24 Donc, quelque part, vous comprenez cette mise en incarcération,

02:28 parce qu'il n'y a pas les garanties pour être certain que la personne ne s'échappe pas ?

02:32 - Je m'y oppose. Je m'y oppose au quotidien.

02:34 - Vous l'expliquez simplement.

02:35 - Mais je l'explique parce que je pense qu'il y a dans la population

02:38 de plus en plus de personnes en difficulté du point de vue du logement et de l'insertion,

02:42 et mécaniquement, ça produit un effet sur les détentions provisoires.

02:46 - Les détentions, maintenant, pour des personnes condamnées,

02:49 on l'a dit, 416 détenus dans cette maison d'arrêt de camp pour 222 places, très concrètement.

02:55 C'est indonnable pour vos clients ? Que vous disent-ils ?

02:58 - Il y a beaucoup plus d'incidents qu'auparavant dans la maison d'arrêt de camp.

03:02 On est sur des augmentations de violences entre détenus,

03:05 d'actes d'incivilité à l'égard du personnel pénitentiaire,

03:09 et même de violences à l'égard du personnel pénitentiaire,

03:11 qu'elles soient verbales ou physiques.

03:13 Donc effectivement, quand vous mettez des gens dans une prognoquité en détention,

03:17 il y a des risques que cela dégénère.

03:19 - La Cour des comptes a publié un rapport hier sur l'état de nos prisons.

03:23 Il y a une phrase assez frappante, "les prisons conservent une vocation asilaire".

03:28 Ce côté asile, hôpital psychiatrique actuellement,

03:31 des prisons, est régulièrement dénoncé par des associations.

03:35 Vous arrivez au même constat ?

03:37 - Oui, en fait, on a des unités spéciales qui sont prévues,

03:39 et pour nous, on dépend de Rennes,

03:41 et on a constaté que sur l'année 2022,

03:44 il y avait 40% de moins d'hospitalisation sur ces services spécialisés.

03:47 Tandis que 70% des détenus à Caen sont sous un traitement médical.

03:52 Donc ça pose une question légitime de suivi des pathologies en détention.

03:58 - Alors, on le dit, ce matin, la France construit de nouvelles prisons,

04:02 c'est le cas à Yves, il y a beaucoup d'autres projets.

04:05 C'est l'unique solution pour sortir de cette situation ?

04:07 - Alors, tout dépend. Vous placez le curseur sur les moyens.

04:10 Si vous créez des places de prison,

04:12 effectivement, ça vous permet de mettre les gens à l'abri pendant un certain temps.

04:17 Mais que fait-on de ces personnes à la sortie ?

04:19 Donc si on met le curseur sur la détention, effectivement,

04:22 mais on observe que la courbe des détentions,

04:24 de toute façon, elle augmente corrélativement au nombre de places disponibles en France.

04:28 Donc à mon sens, ce n'est pas une solution.

04:30 De toute façon, l'avocat que je suis ne vous plaidera jamais que la détention est une solution.

04:34 Et que si on mettait la dynamique...

04:36 - Elle peut être jugée nécessaire ?

04:38 - Elle peut être jugée nécessaire, effectivement,

04:40 et elle est nécessaire dans certains cas pour protéger la société.

04:44 Mais en revanche, si vous placez la dynamique sur l'insertion de la population,

04:47 effectivement, ce n'est pas le même coup.

04:49 Recruter plus de conseillers d'insertion pénitentiaire,

04:53 ça vous coûtera plus cher que de construire des places de prison.

04:56 - Est-ce que vous pensez que l'opinion publique est prête à entendre ça ?

05:00 Il faut mieux soigner les détenus pour éviter la récidive ?

05:05 - Je pense qu'il faut le mettre dans le débat,

05:07 de toute façon, on constate que la prison en soi,

05:10 ce n'est pas une solution.

05:12 On a un taux de récidive sur des courtes peines qui est énorme.

05:15 Là, aujourd'hui, on crée de nouvelles structures,

05:17 et c'est notamment ce nouvel établissement qui va être créé,

05:21 non pas à Caen-Yves, mais à côté du centre pénitentiaire actuel.

05:25 C'est la structure d'accompagnement à la sortie.

05:28 On va essayer justement, dans une structure adéquate,

05:31 avec moins de population carcérale et plus de moyens,

05:34 de booster la réinsertion des personnes

05:36 pour ne plus qu'elles retournent en prison.

05:38 C'est-à-dire leur trouver une réelle chance et un réel potentiel

05:41 pour qu'elles ne puissent pas retourner en prison.

05:44 Et ne pas recommettre d'infraction, bien évidemment.

05:46 - A 551 places sans cellules dans cette nouvelle prison à Yves,

05:49 en attendant, ça va vraiment régler le problème, à quand ?

05:52 - Je ne pense pas, puisque, comme vous le savez,

05:55 il y a les Jeux Olympiques l'année prochaine.

05:57 On va forcément avoir... - Quel rapport ?

05:59 - Eh bien justement, c'est important de l'évoquer,

06:02 on a forcément un appel d'air

06:04 qui va se faire des prisons en région parisienne

06:07 pour venir occuper les quelques places libres

06:09 sur les établissements de province.

06:12 Parce qu'en vue des Jeux Olympiques,

06:14 on veut essayer de soulager un petit peu

06:16 les détentions en région parisienne,

06:18 au cas où il y ait des incidents et des placements en détention là-bas.

06:22 - Donc vous allez surveiller l'évolution du nombre de détenus ?

06:25 - Tout à fait. - Et notamment en détention provisoire ?

06:27 - Avec une attention certaine.

06:29 - Merci beaucoup Cindy Boudewijn, bâtonnière de Caen,

06:32 invitée ce matin de France Bleu et France 3 Normandie.

06:35 - A réécouter sur francebleu.fr

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