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Comprendre le paradoxe de la masculinité avec Léane Alestra
Les Éclaireurs
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22/06/2023
Catégorie
📚
Éducation
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00:00
Sur cette image, on a vraiment l'impression de voir l'affiche de comédie romantique "The Notebook".
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On a vu apparaître en top tweet énormément d'hommes qui commentaient cette photographie en disant "c'est l'amour, le vrai".
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Comme ils sont a priori hétéros, ça passe, c'est toléré socialement.
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Ce qui est intéressant avec le terme "bromance", c'est hyper paradoxal
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parce qu'on va superposer "bro", "frère" avec "romance", "romantique", "amour".
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Oui, on assume que notre relation est romantique, mais attention, il y a "bro" devant, donc ça passe.
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Quand on s'arrête deux secondes et qu'on l'analyse, ça n'a aucun sens, vraiment.
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Mais c'est des trucs qu'on a tellement acceptés et intériorisés qu'on se dit "c'est comme ça, c'est ok".
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Mais en fait, si on décortique, la "bromance", c'est vraiment aussi un terme homophobe
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parce que c'est dire "on s'aime, il y a quelque chose de très fort entre nous".
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Attention, ne nous mettez surtout pas dans le même sac que les hommes homosexuels.
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Les adolescents sont conditionnés à trouver qu'une histoire entre garçons, c'est beaucoup plus intéressant.
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Les hommes que j'ai interrogés me disaient "c'est une relation qui est égalitaire,
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c'est une relation où il n'y a pas de contingence matérielle, donc on s'éclate ensemble
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mais il n'y a pas de prise de tête sur qui fait le ménage, qui garde les enfants, etc."
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Et il y a cette idée que c'est potentiellement une relation rassurante qui peut durer la vie.
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C'est pour ça que les adolescents, par exemple, adorent les duos de youtubeurs.
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On voit quand il y a eu la séparation de Cyprien et Squeezie,
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il y a énormément d'internautes qui disaient que c'était un déchirement, limite un idéal qui se brise.
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Pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose d'extrêmement attirant dans ce modèle de
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deux hommes qui passent leur journée ensemble, qui partagent une passion commune.
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Si mon meilleur pote était une femme, on serait ensemble depuis longtemps,
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mais je pense que la phrase se suffit quasiment à elle-même et montre à quel point,
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quelque part, on distancie forcément l'amour romantique de l'amitié,
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comme si c'était deux boîtes complètement distinctes
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et qui ne pouvaient jamais se chevaucher ou être un peu plus compliquées que ça.
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Et ensuite, c'est une phrase extrêmement homophobe dans ce qu'elle veut dire "je t'aime"
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de façon romantique, mais je préfère mon statut d'homme hétérosexuel
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pour les avantages sociaux que ça m'apporte.
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On restera sur ce registre amical qui nous permet quand même d'avoir une relation intime,
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mais sans être réprimé socialement.
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Derrière l'expression "ce mec c'est un canard",
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on va le rabaisser parce que sa loyauté va plus à sa femme que à ses potes.
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On devient un canard du moment où on a trop d'estime, trop de temps,
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trop d'attention pour la femme avec laquelle on relationne.
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À qui va ma loyauté en tant qu'homme ?
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Elle doit aller aux hommes en priorité, sinon je suis un canard.
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On a cette contradiction.
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Comment expliquer que les hommes soient à la fois homophobes, hétéros et amants des femmes ?
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Les potes avant les putes, un certain nombre d'hommes voient encore
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les rapports femmes-hommes comme des rapports marchands.
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Les femmes ramenées aux putes, c'est la stigmatisation des TDS,
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mais derrière ça, c'est toujours le fait de dire
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les femmes sont avant tout un corps et un corps qui doit m'apporter quelque chose,
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et pas un humain aussi important que mes potes.
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On n'est pas des pédés, derrière ça, bien sûr, c'est de l'homophobie crasse,
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mais on peut assumer que c'est une variante de "on n'est pas des femmes lettres",
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parce qu'encore une fois, il y a cette idée que nous, on est la classe de genre supérieur,
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et que les autres sont le genre inférieur dont on doit se distancier par l'insulte.
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J'ai lu un documentaire dessus où il y avait des rugbymen qui, avant un match,
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se serraient et disaient 40 fois d'affilée "on n'est pas des pédés, on n'est pas des pédés".
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Je pense que les rugbymen ne sont pas les pires et qu'ils ont un peu évolué sur le sujet,
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mais derrière ça, on pourrait se demander pourquoi avoir besoin de répéter
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en s'enlaçant, en petite tenue de match avant de partir "on n'est pas des pédés".
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Et derrière ça, il n'y a pas besoin d'expier la peur d'être amené à l'inférieur,
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parce qu'on doit écraser l'adversaire.
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Et là, qu'est-ce qu'ils ont à entendre par le fait d'être un homme hétéro,
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que l'hétérosexualité, c'est une sexualité de la domination et de la prise de pouvoir sur l'autre.
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Mais alors comment on fait pour lutter ?
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Déjà, je pense que tout le monde ne peut pas lutter de la même manière,
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parce qu'il y a certaines personnes, tout simplement, qui essayent juste de survivre,
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et qui n'ont pas forcément la possibilité de faire d'autant plus de sacrifices.
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Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'on peut tous faire ce que j'appelle des actes de mutinerie.
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Comment, à notre échelle, on peut refaire du lien social,
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qui ne passe pas par le fait d'oppresser les autres,
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mais qui passe par le fait de créer des modèles de société plus égalitaires.
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Ça peut être tout simplement investir plus de temps dans l'associatif,
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essayer, par exemple, vous êtes un mec, vous voyez que votre collègue,
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elle n'a jamais de temps libre, vous lui proposez de garder ses enfants un soir.
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C'est des actes de solidarité, en fait, tournés vers l'autre,
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mais c'est aussi extrêmement réjouissant, parce que cette reconnaissance
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qu'on n'a pas par le fait de dominer, mais qu'on a par le fait d'aider
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ou de créer du lien social, ou de se marrer, ou de créer des nouvelles complicités,
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je pense qu'elle est beaucoup plus enrichissante humainement.
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C'est super encourageant.
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Merci.
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