Intelligence artificielle : «Quel prix est-on prêt à payer ?»

Europe 1

Chaque lundi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Philippe Val livre son regard sur l'actualité. Retrouvez "Philippe Val - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/philippe-val-les-signatures-deurope-1

Transcript

00:00 - Europe 1 Matin

00:02 - 8h36 sur Europe 1, l'heure de retrouver les signatures Europe 1 du lundi.

00:06 Et comme tous les lundis, on retrouve Philippe Val. Bonjour Philippe.

00:08 - Bonjour Lionel.

00:10 - Alors en ce jour de Pentecost, où les apôtres ont reçu le don des langues,

00:13 nous allons parler de l'intelligence artificielle.

00:16 - Oui, devant une problématique aussi nouvelle que l'intelligence artificielle,

00:20 la difficulté n'est pas de trouver des réponses hâtives,

00:24 mais de poser les bonnes questions.

00:26 - Et vous en avez trouvé des bonnes questions Philippe ?

00:28 - Alors, à vous de juger, mais j'aimerais savoir pourquoi,

00:31 dans un monde où le sport tient une place aussi massive,

00:35 et où règne le culte du biceps gros comme une cuisse,

00:39 le cerveau est le seul organe que l'on néglige.

00:42 L'intelligence artificielle, dans son usage populaire actuel,

00:45 épargne tout effort au cerveau avec la conséquence fatale

00:49 de voir l'intelligence et la mémoire s'atrophier,

00:52 au risque de substituer, à la devise romaine,

00:55 un esprit sain dans un corps sain, un esprit sain dans un cornichon.

00:59 - Oui, mais vous savez Philippe, enfin vous le savez sans doute,

01:02 que l'humanité paye toujours le prix d'un nouvel outil.

01:05 - D'où la question, quel prix est-on prêt à payer ?

01:09 Lorsque la roue fut inventée, 4000 ans avant notre ère en Ménopotamie,

01:14 nul doute qu'elle a mis au chômage les livreurs de cailloux,

01:17 mais elle a soulagé des millions de vertèbres lombaires.

01:20 Et quand on a inventé l'automobile,

01:22 si l'on avait su qu'elle ferait 30 000 morts par an,

01:25 que la sédentarité provoquerait l'obésité et des cancers,

01:28 et que la pollution empoisonnerait les villes,

01:30 l'aurait-on mise sur le marché ?

01:32 Et il a fallu 3 ou 4 bonnes générations

01:35 pour perfectionner le code de la route et réguler son usage.

01:37 - Et pourquoi ?

01:38 - Parce qu'il est beaucoup plus difficile de réguler a priori,

01:42 de réguler, oui, a posteriori, pardon, qu'a priori.

01:46 Plus une chose existe, par exemple la voiture,

01:49 moins on a envie de la réguler,

01:51 parce qu'il est plus facile de se priver

01:53 de ce dont on ignore les bénéfices.

01:55 La science et la recherche ne sont nullement en cause

01:57 dans l'intelligence artificielle.

01:59 Ce qui est en cause, ce sont les applications.

02:02 Il faut les réguler en ayant à l'esprit

02:06 que l'ignorance et la science ne cessent de se chevaucher

02:09 au sein d'une même personne,

02:11 en témoignent les cas du professeur Montagné

02:13 et de ses délires anti-vaccinaux par exemple,

02:15 ou de Benveniste et sa mémoire de l'eau.

02:17 - Alors à cela s'ajoute, Philippe, que derrière

02:19 cette intelligence artificielle, il y a tout simplement des hommes.

02:22 - Eh oui, et ils sont très peu nombreux et très riches

02:26 et leur puissance menace celle des États,

02:29 comme on le voit avec Elon Musk.

02:31 Le débat n'est pas le même pour l'utilisation

02:34 de l'intelligence artificielle en médecine

02:36 ou en génie climatique, que pour l'information

02:39 et la transmission des savoirs.

02:41 Pour l'instant, dans ce domaine, les leaders sont

02:43 en gros issus de deux familles intellectuelles.

02:46 Les dictateurs, comme Xi Jinping,

02:48 et les libertariens américains.

02:50 A première vue, tous les opposent,

02:52 sauf un point commun.

02:54 Leur maîtrise de l'information peut modifier le passé

02:58 jusqu'à faire de l'humanité

03:00 la victime d'un gigantesque 1er avril apocalyptique.

03:04 Dans le monde réel, le passé n'est pas modifiable

03:08 et le futur est imprévisible.

03:10 Dans le monde idéal de toutes les utopies meurtrières,

03:13 c'est l'inverse, et c'est d'ailleurs à ça qu'on les reconnaît.

03:15 Il est probable qu'un jour,

03:17 l'intelligence artificielle sera régulée,

03:19 qui quand elle sera régulée,

03:21 rendra de grands services à l'humanité.

03:23 Mais la question c'est quand,

03:25 et entre-temps, dans quel monde allons-nous vivre ?

03:27 - Alors question, Philippe, qu'est-ce qu'on peut faire ?

03:29 - Déjà, trouver une réponse juridique

03:31 à la question de la propriété intellectuelle.

03:34 L'intelligence artificielle fonctionne en pillant

03:37 tout ce qui se trouve sur Internet,

03:39 sauf, pour l'instant, les réseaux sociaux,

03:41 mais à mon avis, ça ne va pas durer.

03:43 Or, cela inclut

03:45 les productions intellectuelles de scientifiques,

03:47 d'artistes, qui relèvent du droit d'auteur

03:50 et qui vont faire la fortune des pillards

03:52 et la ruine des créateurs.

03:54 - Alors les créateurs de demain devront-ils se résigner,

03:56 finalement, à devenir les employés de, je sais pas moi,

03:58 d'Elon Musk ou de Xi Jinping, pour survivre ?

04:00 - Bah, c'est évidemment inimaginable.

04:02 Mais cela démontre

04:04 que les grandes inventions

04:06 demandent deux génies bien distincts.

04:09 Celui de l'inventeur et celui du législateur.

04:12 Peut-être qu'il y a 4000 ans,

04:14 un génie a inventé la roue

04:16 dans le but d'écraser les pieds de son voisin

04:18 et qu'il a fallu attendre quelques siècles

04:20 pour qu'un autre génie ait l'idée

04:22 de s'en servir pour faire avancer une brouette.

04:24 - Allez savoir, effectivement !

04:26 Merci Philippe Valle, à lundi prochain !

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