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  • 26/05/2023
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.

Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00 toute subjectivité ce vendredi avec la Présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Maïfer,
00:06 bonjour ! Ce matin, Anne-Cécile, vous nous parlez d'une industrie.
00:10 Et de ses ouvrières, mais surtout d'une histoire française.
00:12 C'est en 1963, à Tourcoing, qu'Anselme de Warouin créait la marque Verbaudet.
00:17 Anselme, c'est la 11ème génération de la famille de Warouin, une grande famille de
00:21 négociants textiles du Nord.
00:23 Verbaudet, c'est une marque pour enfants.
00:24 Combien sommes-nous à n'avoir pas porté la tenue, puis devenu parent, souhaiter voir
00:28 notre enfant ainsi revêtu ?
00:29 D'autant que soutenir l'emploi en France n'est pas si aisé tant elles sont nombreuses
00:33 les usines à avoir délocalisé.
00:34 Verbaudet fait partie de ces entreprises qui résistent et réussissent.
00:38 11 millions d'euros de bénéfices l'an dernier.
00:40 Ça ne l'a pas empêché d'être balotté par le capitalisme financier et ses menaces
00:44 sismiques, d'abord vendues à son concurrent La Redoute, puis trimballées sur fonds de
00:48 capital risque.
00:49 Pourtant, secousse après secousse, l'activité a continué, fondée sur l'attachement de
00:54 ces exceptionnelles brodeuses, empaqueteuses, logisticiennes.
00:57 Mais en ce début d'année 2023, pour la première fois depuis 70 ans, les Verbaudets
01:02 ont débrayé.
01:03 Et la grève a mis en lumière les visages de ces ouvrières.
01:07 A commencer par Manon, leur porte-parole.
01:09 Il faut l'admirer, cette déléguée CGT d'à peine 30 ans, debout, sur le piquet.
01:13 Comme ses camarades, presque aucune d'entre elles n'avait jamais manifesté.
01:17 Ce qui les a fait se lever, c'est qu'il n'y a aucune augmentation prévue cette
01:21 année alors que galope l'inflation.
01:22 Certaines d'entre elles travaillent depuis 10, 20 ou 30 ans, avec des salaires nets
01:27 stagnants entre 800 euros et 1500.
01:29 L'une d'entre elles confie « Avec mon salaire, je paye la cantine, la crèche, le
01:34 loyer.
01:35 Au 15 du mois, j'ai déjà 300 euros de découvert.
01:37 Ces femmes qui brodent la layette, qui empaquètent aux 3/8 nos emplettes n'ont plus les moyens
01:41 de vivre.
01:42 Pour elles et leur famille, c'est la disette.
01:44 Elles pensaient que la direction reviendrait à la raison, que ça durerait à peine quelques
01:47 jours.
01:48 Mais la direction s'est braquée, a refusé les augmentations, a outrepassé le droit
01:52 de grève en ayant recours à des intérimaires.
01:54 Et peu à peu, la situation s'est ornimée.
01:56 Les ouvrières ont été intimidées, ont reçu des lettres pour être licenciées et
02:00 l'une d'entre elles a fini à l'hôpital avec la clavicule cassée suite aux violences
02:03 des policiers venus les déloger.
02:05 Ces ouvrières qui ne demandaient rien de plus que la dignité se trouvent aux premières
02:08 loges d'un combat syndical en passe de devenir national.
02:11 Cagnottes, caisses de grève, pétitions, la mobilisation s'étend alors que cet après-midi
02:15 la direction reprendra enfin le chemin de la négociation.
02:18 Et pour vous c'est un combat révélateur de la situation des femmes ?
02:21 Comme hier, celle des femmes de chambre, leur lutte nous rappelle que mépris de classe
02:25 et sexisme se combinent et rendent la vie des femmes doublement difficile.
02:28 Souvent, les inégalités salariales persistantes sont mises sur le dos des femmes qui n'oseraient
02:32 pas demander.
02:33 Mais la réalité c'est qu'on leur claque la porte au nez.
02:35 Pourtant, le salaire d'une femme n'est pas un salaire d'appoint mais toujours la
02:38 condition de sa liberté, quand ce n'est pas la condition de survie de millions de
02:42 familles qu'elles sont bien souvent seules à alimenter.
02:44 A l'heure où l'on ne cesse de plaider à la réindustrialisation jusque sur les
02:47 bancs de l'Assemblée, ces ouvrières qui portent un savoir-faire enraciné ne doivent
02:51 pas être ignorées.
02:52 S'il nous reste encore un peu de dignité, alors elles doivent gagner.
02:55 Anne-Cécile Maifer, merci et à vendredi prochain !

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