"Rendre les défunts jolis, c'est mon métier", Stéphanie nous raconte l'art de la thanatopraxie

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Transcript

00:00 Pourquoi on ne pourrait pas, au cours d'un repas,

00:02 parler de la mort ou du deuil comme on parle des anniversaires et des naissances ?

00:05 Je m'appelle Nanou, j'ai 38 ans, j'ai trois enfants

00:11 et je suis thanatopracteur depuis 16 ans.

00:13 Le métier de thanatopracteur, il consiste à effectuer des soins de conservation,

00:19 des toilettes mortuaires, des soins de reconstruction,

00:22 des retraits de pacemakers ou aussi parfois des soins internationaux.

00:28 L'art de la thanatopraxie, c'est déjà d'avoir une dignité

00:31 et un respect pour l'être humain, même dans son décès.

00:34 Le but n'est pas de faire beau une personne,

00:37 le but est de ne pas dénaturer un être humain.

00:40 Il faut faire très attention de ne pas enlever certains stigmates

00:45 qui permettent aussi aux proches, au moment du décès,

00:47 de réaliser vraiment qu'il est décédé.

00:49 J'ai vécu ce moment-là, grâce à un soin de conservation,

00:52 en tout cas de manière sereine, parce qu'il n'y a pas eu de problème,

00:55 il n'y a pas eu d'odeur, il n'y a pas eu de visuel inacceptable.

00:59 Je vais effectuer ce qu'on appelle une injection

01:04 à base d'un liquide formaldéhyde.

01:06 Je vais extérioriser une artère.

01:09 On va mettre le système artériel en pression

01:12 grâce à ce liquide qu'on va envoyer

01:14 et on va récupérer le sang artériel.

01:18 Ensuite, on va effectuer une ponction thoracique

01:21 et une ponction en cavité abdominopelvienne

01:24 pour enlever tous les gaz, pour enlever les urines, etc.

01:28 On va drainer un produit qu'on appelle le cavité

01:32 pour pouvoir vraiment assécher les tissus au maximum

01:35 et réduire le phénomène de décomposition.

01:37 On va ensuite laver les cheveux parfois,

01:40 relaver le visage,

01:42 les faire tout propre, les habiller, les maquiller.

01:46 On va aussi faire une migature de bouche

01:48 parce qu'on ne peut pas se permettre de laisser rentrer des insectes,

01:52 qui pourraient, eux, vraiment abîmer le corps très rapidement.

01:56 Ensuite, on va mettre le défunt en présentation pour sa famille.

02:00 Tu n'as pas peur qu'il se réveille, mais comment tu es sûr qu'il est mort ?

02:06 Il y a des gens qui me disent

02:08 "Pourquoi, quand j'ai touché les jambes de mon défunt,

02:10 j'ai senti un espèce de sachet plastique ?"

02:13 Le fait de répondre à cette question en disant "c'est une housse mortuaire",

02:16 voilà, c'était passé, il s'était passé autre chose.

02:18 C'est vraiment des détails

02:20 où les professionnels du funéraire doivent se rendre compte

02:23 de l'importance des explications

02:25 et du temps qu'on prend à parler avec les gens.

02:28 J'ai perdu mon papa très tôt, à l'âge de 7 ans, d'un accident de moto.

02:33 À l'époque, ma famille m'a amputée d'une partie de mon deuil

02:36 puisqu'ils m'ont interdit d'assister à la cérémonie.

02:39 Je ne l'ai pas vue, je n'ai pas vu son cercueil non plus.

02:42 Et en tant qu'enfant, il me manquait vraiment une partie de mon deuil.

02:47 C'est arrivé qu'on me demande un chignon très élaboré sur une dame.

02:51 Je ne suis pas coiffeuse.

02:53 Il y a aussi parfois des demandes de vêtements qui sont très particulières,

02:57 notamment les personnes qui veulent partir avec leur robe de mariée.

03:01 Alors si le mariage était récent, ça va,

03:04 mais il arrive parfois que la robe de mariée qu'on doit mettre

03:10 avait été achetée peut-être parfois même jusqu'à 50 ans auparavant.

03:14 Forcément, 50 ans, le corps, il change

03:16 et du coup, c'est très difficile.

03:19 Il y a des gens qui ont des tenues vestimentaires très cocasses,

03:22 qui partent habillés en cow-boy, en vêtements de motard.

03:27 Alors ça, c'est des vêtements qui sont très difficiles à mettre,

03:30 qui sont très rigides.

03:31 J'avais eu aussi un monsieur qui avait voulu partir habillé tout en jaune,

03:37 mais jaune, tout simple.

03:38 Costume jaune, chemise jaune, cravate jaune, chaussette jaune,

03:42 caleçon jaune et chaussures jaunes. C'est incroyable.

03:46 Déjà, il faut être assez polyvalent

03:47 parce que c'est un métier qui regroupe plusieurs autres métiers.

03:50 Il faut quand même avoir une imagination

03:53 et quelque chose d'artistique et de créatif sur certains cas.

03:56 Il faut surtout une grande humanité,

03:58 un grand respect de l'être humain, même dans son décès.

04:02 Même les gens qui sont hypersensibles,

04:03 ils ont toute leur place dans mon métier.

04:05 Ce qu'on me dit souvent, c'est "moi, je pourrais pas

04:08 "parce que je suis trop sensible."

04:09 Moi, je suis quelqu'un d'hypersensible,

04:11 je pleure pour un oui ou pour un non.

04:13 C'est cette sensibilité-là dans nos métiers du funéraire

04:17 qui est la plus importante.

04:18 Parce que quand on en est dénué,

04:20 je pense qu'on n'a plus notre place au sein de ce métier.

04:23 Sous-titrage ST' 501

04:25 ...

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