Jean Peyrelevade, ancien directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy à Matignon

franceinfo

05/05/2023

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00:00 L'invité éco, Olivier Delagarde.

00:03 C'est un livre qui va passionner ceux qui aiment l'histoire, ceux qui aiment les idées,

00:08 ceux qui adorent l'histoire des idées.

00:10 Un livre qui retrace l'histoire des réformes en France ou plutôt de l'absence de réformes.

00:15 Son auteur, c'est vous Jean-Pierre Levade.

00:17 Bonjour.

00:18 Bonjour.

00:19 "Réformer la France", c'est le titre de ce livre que vous publiez aux éditions Odile

00:22 Jacob.

00:23 Alors avant de rentrer dedans, il faut que je vous présente parce que l'endroit d'où

00:27 vous parlez est intéressant.

00:28 Vous avez été ce que l'on appelle un grand serviteur de l'État, un homme de gauche.

00:32 En 1981, vous êtes directeur adjoint du cabinet de Pierre Moroy, chargé des affaires économiques.

00:37 Votre livre réhabilite d'ailleurs l'oeuvre de Pierre Moroy.

00:40 Vous avez été après cela président de nombreuses entreprises publiques puis privées

00:44 comme Suez, l'UAP.

00:46 C'est vous qui avez repris et remis sur les rails le crédit lyonnais après sa quasi-faillite

00:52 et vous êtes aujourd'hui un esprit très libre.

00:54 Et ce livre le montre finalement ce que vous nous dites.

00:58 C'est que la France, notre pays, n'a finalement jamais, depuis la Révolution française,

01:03 été capable de mener de grandes réformes, hors période exceptionnelle.

01:08 Pour quelle raison ?

01:09 Parce que la réforme, normalement, elle est portée plutôt par la gauche.

01:19 La droite, traditionnellement, est conservatrice.

01:22 La droite maintient.

01:23 La gauche réforme.

01:24 Mais la gauche française a toujours été dominée par la radicalité.

01:29 La gauche française, depuis sa formation en 1905, le parti socialiste de Jean Jaurès,

01:36 Jean Jaurès est un démocrate, mais il est anticapitaliste.

01:41 Il est pour la disparition du patronat.

01:43 Il est pour la disparition du capitalisme privé.

01:48 Il est collectiviste.

01:50 Et donc la gauche française a toujours été dominée par cette espèce de radicalité.

01:55 On le voit d'ailleurs encore aujourd'hui.

01:57 En fait, les Français ne délisent pas les réformistes.

02:00 Ils n'aiment pas la réforme.

02:02 Non, mais personne ne leur a expliqué ce que c'est que la réforme.

02:05 Autrement dit, lorsque vous regardez les campagnes électorales, les campagnes présidentielles,

02:10 il y a une sorte de déni de réalité en permanence.

02:14 On leur parle toujours d'un monde qui est un monde virtuel.

02:18 Regardez aujourd'hui la liste fantastique de défis gigantesques que nous avons à relever.

02:26 La révolution écologique, climatique, le déficit des finances publiques,

02:34 le déficit extérieur de la France, la dette extérieure.

02:38 Je ne sais pas si les Français le savent, la France est un pays qui a une dette nette vis-à-vis de l'extérieur.

02:44 Nous avons plus de dette vis-à-vis de l'extérieur que nous n'avons d'actifs sur l'étranger.

02:49 La désindustrialisation, l'hôpital, l'école, tout ça.

02:54 Qui fait un diagnostic global en disant voilà où on en est, voilà ce qu'il faut faire.

03:00 Et donc, nos élus sont toujours élus sur une réalité virtuelle.

03:07 Les deux seuls gouvernements réformistes qui sont arrivés au pouvoir en France

03:11 dans des conditions électorales à peu près normales, démocratiques, c'est...

03:17 - Le Front Populaire. - Le Front Populaire, Léon Blum, en 1936.

03:24 Ça a duré un an. Il a fabriqué toute une vague de réformes sociales qui était indispensable.

03:30 Et puis ça s'est arrêté. Et le deuxième, dont je parle un peu longuement dans les livres,

03:36 c'est Pierre Moroy en 1981, 1983.

03:39 Mais ça, les Français l'ignorent parce que la volonté réformiste de Pierre Moroy

03:46 a été d'une sorte de commun accord entre lui et Mitterrand, dissimulé, caché.

03:53 - Ils vont le découvrir dans votre livre. Jean-Pierre Levade, pour parler de l'actualité,

03:58 vous n'accordez pas beaucoup de crédits à Emmanuel Macron. - Aucun.

04:02 - C'est quoi son problème ? - Celui que je viens de vous décrire,

04:05 c'est-à-dire il est la répétition... - Il ne présente pas la gauche radicale, lui.

04:10 - Non, il est le monarque. Il est le roi. Il est Jupiter. Il l'a dit.

04:16 Et quand vous fabriquez Jupiter à la tête de l'État, vous répétez ce qui s'est passé

04:20 à plusieurs reprises dans l'histoire française, c'est-à-dire par rapport au roi

04:25 qui veut avoir la totalité du pouvoir et qui écrase les corps intermédiaires,

04:30 il y a en face le pouvoir de la rue. Et donc le peuple veut couper la tête du roi.

04:35 Les casseroles qui sonnent, c'est une répétition. C'est déjà arrivé en 1848.

04:42 Donc les casseroles dans la rue, c'est un geste symbolique qui veut dire

04:46 en fait j'aimerais bien couper la tête du roi. Et donc il est le roi,

04:52 il n'a pas besoin de résoudre le problème. Il exerce le pouvoir, ça lui suffit.

04:56 Et donc il n'a pas de vision d'avenir. Vous avez entendu un discours sur les défis

05:01 que je viens de relever ? Vous avez entendu un discours long,

05:04 une vision longue de l'avenir ? Une méthode pour résoudre tous ces problèmes

05:09 les uns après les autres ? Non, non, non, non. Je vais vous résoudre

05:12 les problèmes du lycée professionnel.

05:14 - Alors justement, vous donnez des pistes dans ce livre. Pour réformer, dites-vous,

05:19 il faut une vision et une réforme. Et une méthode. La vision, bon, c'est selon chacun.

05:25 Et la méthode, ça serait quoi la bonne méthode pour réformer ?

05:29 - Il faut nécessairement d'abord faire un diagnostic précis.

05:35 Aussi précis que possible. Tout problème est résolu si on est capable de lire son énoncé.

05:44 Donc il faut d'abord le diagnostic. Et ce diagnostic, il faut ensuite

05:48 l'expliquer aux Français. Il faut le présenter aux Français.

05:52 Parce que si vous ne dites pas aux Français quels sont les efforts qu'il va falloir faire

05:56 collectivement, vous n'avez aucune chance de les convaincre.

06:00 Au moment des élections, délire un réformiste. Donc il faut un diagnostic.

06:05 Il faut parler, dire la vérité aux Français sur les difficultés dans lesquelles nous sommes aujourd'hui.

06:12 Et une fois que vous avez le diagnostic et que vous avez expliqué où nous sommes

06:16 et ce qu'il faudrait faire, vous décomposez le problème de manière méthodique,

06:20 je dirais de manière presque scientifique, en mettant dans le temps,

06:24 imbriquer les unes dans les autres, les réformes les unes après les autres,

06:28 qui vont permettre de résoudre la totalité du problème.

06:30 - Mais le conflit autour des retraites, il aurait pu être évité à votre avis ?

06:33 - Bien entendu. Bien entendu.

06:37 Premièrement, je me permets de vous rappeler que ça fait six ans que dure la discussion,

06:43 la soi-disant discussion sur les retraites. Six ans.

06:48 Et que deuxièmement, on ne présente pas aux Français le vrai diagnostic,

06:54 on présente aux Français un diagnostic biaisé.

06:58 On oublie en particulier la retraite de la fonction publique, qui est le poids le plus lourd.

07:05 - Eh bien on lira tout ça dans votre livre "Réformer la France" aux éditions Odile Jacob.

07:11 Merci Jean-Père Levade d'avoir accepté d'être l'invité de l'écho ce soir de France Info.

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