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  • 08/03/2023
François Ozon sort "Mon Crime", adaptation d'une pièce de théâtre des années 30 qui devient, grâce au réalisateur de "Huit Femmes", une comédie féministe jouissive, servie par un casting prestigieux. Découvrez ce nouvel épisode des Conversations avec Jérôme Garcin.

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Transcription
00:00 Je vais vite. Une fois que l'idée est enclenchée, les choses s'enclenchent et ça peut aller assez vite.
00:05 Donc vous n'êtes pas à l'abri d'un prochain film l'année prochaine.
00:07 François Ozon, ravi de vous retrouver pour "Mon crime".
00:15 Encore un film dont L'Obs est partenaire, un film de François Ozon.
00:18 On est très fidèles, vous avez remarqué.
00:20 Comment est-ce qu'on trouve et pourquoi on trouve une pièce totalement inconnue,
00:25 à l'origine du film, de 1934, signée de deux dramaturges que je ne connaissais pas ?
00:32 Georges Baird et Louis Verneuil.
00:33 Mais comment ça s'est passé ?
00:34 Par hasard, pendant le confinement, un ami m'a parlé de cette pièce.
00:38 Je voulais faire depuis longtemps un film sur une fausse coupable ou un faux coupable,
00:42 c'est un sujet qui m'a toujours intéressé.
00:43 Il m'a parlé de cette pièce qui avait été adaptée déjà dans les années 30 par les Américains,
00:48 une petite comédie qui n'était pas très réussie.
00:50 J'ai donc lu la pièce. Je me suis souvenu, en entendant le nom Georges Baird et Louis Verneuil,
00:55 que Pierre Barillet, qui avait fait Potiche avec Grady,
01:00 qui étaient les stars du théâtre de Boulevard des années 70,
01:02 m'avait raconté que dans les années 30, il y avait plein d'auteurs complètement oubliés,
01:06 dont d'ailleurs Alain Resnais a fait des adaptations,
01:10 puisque c'est lui qui a un peu remis à la mode Bernstein.
01:12 Pierre Barillet m'avait parlé de Georges Baird et Louis Verneuil,
01:15 qui étaient un peu les deux stars de l'époque,
01:17 et qui faisaient des pièces de théâtre qui étaient vraiment dans l'actualité des années 30.
01:22 J'ai donc lu cette pièce qui parlait vraiment de justice,
01:25 et j'ai senti qu'il y avait la possibilité de pouvoir raconter une histoire
01:30 de deux jeunes femmes qui essayent de s'en sortir dans les années 30.
01:33 Parler de la condition féminine, comme je l'avais fait avec Huyfame et Potiche il y a quelques années.
01:37 Les années 30, c'était évidemment un monde politique totalement corrompu,
01:40 des scandales, des affaires quasiment tous les jours.
01:43 Mais est-ce que dans l'adaptation, la première de la pièce,
01:46 est-ce qu'il y avait déjà ce tempérament féministe que vous insufflez au film ?
01:53 Il y avait beaucoup de phrases extrêmement misogynes,
01:56 parce qu'il n'y avait pas le procès qu'il y a dans le film,
01:59 mais il y avait une scène où...
02:01 Il n'y avait pas le procès, qui est quand même la scène déterminante du film.
02:04 Absolument, mais il y avait un acte entier qui était la délibération des jurés.
02:08 Et là, c'était une ribambelle d'hommes qui lisaient des horreurs.
02:11 Donc j'ai gardé quelques dialogues, dont j'ai mis,
02:13 notamment dans la bouche de Michel Faux qui joue le procureur général.
02:16 Donc j'ai gardé plein de dialogues savoureux,
02:18 mais c'est vrai que j'ai beaucoup réécrit et réadapté pour raconter cette histoire
02:23 en ayant le regard d'aujourd'hui sur ces affaires des années 30.
02:27 Alors moi, j'ai vu un film d'abord sur les comédiens, sur le métier de jouer,
02:32 qui n'est peut-être jamais plus fort dans le film qu'au moment de cette scène,
02:36 effectivement, du procès, où tout d'un coup, l'accusé, joué par Nadia Tereskevic,
02:46 dit le texte qu'a écrit son avocat, qui est joué par Rebecca Marder.
02:53 Le cinéma comme art du mensonge, ou une manière où François Ouzon excelle,
02:59 le théâtre à l'intérieur du cinéma, le théâtre aussi à l'intérieur de la justice,
03:04 j'ai l'impression que vous avez réuni là tout ce qui fait l'essence même du jeu de l'acteur.
03:10 Absolument. Pour moi, il y a vraiment une métaphore autour de ce qu'est le jeu de l'acteur
03:14 qui, grâce aux mots des autres, grâce au mensonge, atteint une vérité.
03:18 Il arrive à toucher le spectateur et nous, spectateurs, on veut croire,
03:22 quand on va au théâtre ou au cinéma, on veut croire à ce qu'on voit.
03:24 Donc il y a le plaisir de mentir pour toucher les gens.
03:28 Et là, ce qui est beau, c'est que ces jeunes filles utilisent le mensonge
03:31 comme un moyen de sortir de leurs conditions et de trouver leur place dans la société.
03:36 Enfin, évidemment, le film repose peut-être sur la distribution la plus exemplaire
03:43 et la plus étonnante et insolite que vous ayez jamais faite
03:48 et qui vous permet de faire un film qui est aussi constamment entre l'humour,
03:52 la drôlerie et la gravité du sujet, l'anti-patriarcat.
03:57 Ces distributions totalement improbables à commencer par...
04:01 - Pas tant que ça.
04:02 - Non pas les deux pétroleuses en chef qui sont formidables,
04:06 Rebecca, encore une fois, Marder et Nadia Tereskevic.
04:09 Mais évidemment, je pensais au mariage d'Isabelle Huppert et de...
04:13 - Regis Laspalès.
04:14 - ...Daddy Boone, de Laspalès et de Michel Faux.
04:17 Un mélange en plus très théâtre et cinéma.
04:20 - Mais moi, j'adore mélanger les familles de cinéma.
04:22 Quand je fais un casting, je n'ai pas de snobisme en me disant
04:24 je ne prends que dans cette famille, j'aime bien mélanger.
04:27 Et là, surtout, il me fallait des très bons acteurs
04:29 parce qu'il y a une langue qui est quand même très compliquée.
04:31 Et donc, il fallait des gens qui aient le sens...
04:33 - C'est aussi un film sur l'éloquence.
04:34 - Voilà, il fallait des gens qui aient le sens de la comédie, du rythme
04:37 et forcément, les acteurs qui viennent du boulevard ou même du one-man show
04:40 parce que Danny Boone vient du one-man show,
04:42 Regis Laspalès, il vient plus du théâtre de boulevard, du café-théâtre.
04:45 Tous ces acteurs, ils ont une science dans le dialogue
04:48 pour faire ressortir le mot de rôle, faire les bons temps.
04:51 Et pour moi, c'était un plaisir de les avoir tous ensemble
04:53 et ça a été... Souvent, j'étais au spectacle moi-même
04:56 parce qu'ils apportent énormément au film.
04:58 Et en fait, c'est marrant, j'en parlais avec Olivier Broch hier
05:01 qui joue aussi dans le film et qui est très drôle,
05:03 qui fait un tandem avec Fabrice Luchini.
05:05 Il me disait que dans les années 30, il y avait une tradition des seconds rôles
05:09 et les seconds rôles, on les appelait les extravagants.
05:11 Les Saturnins, Fabre, tout ce genre d'acteurs.
05:14 Et en fait, moi aussi, j'ai pris des acteurs un peu extravagants
05:17 qui entourent les deux jeunes filles.
05:19 Olivier Broch étant un extravagant XXL.
05:23 Oui, qui est génial.
05:24 Qui est toujours génial, y compris sur scène.
05:28 Cette distribution, évidemment, elle fait monter le plaisir du spectateur.
05:34 Et j'en viens donc peut-être à la dernière question.
05:38 Où j'oubliais du Selier.
05:40 Passer directement de "Tout s'est bien passé" à "Mon crime",
05:44 je dois avouer que c'est une sacrée prouesse d'acteur.
05:47 François Ozon, on le répète souvent, multidoué à un film par an.
05:52 Évidemment, la dernière question, c'est est-ce que le prochain, c'est pour...
05:57 Je ne sais pas encore, je réfléchis, je réfléchis.
05:59 Là, j'ai besoin un peu de me reposer parce que ça a été un gros travail.
06:02 On pense que les comédies, c'est facile.
06:03 Mais en fait, c'est beaucoup de travail.
06:05 Ça demande beaucoup de discipline.
06:06 Autant que "Huit femmes" ?
06:07 Non, celui-là était plus facile.
06:09 "Huit femmes", je n'avais pas l'expérience.
06:10 Donc j'avais huit actrices en face de moi.
06:12 Et puis il y avait la comédie musicale.
06:13 Oui, oui, c'était plus compliqué.
06:14 Donc, c'était plus compliqué.
06:15 "Huit femmes", là, il y avait plus de plaisir.
06:17 Et puis j'avais peut-être plus de moyens aussi pour réaliser le film.
06:19 Donc, c'était peut-être plus facile.
06:21 Mais néanmoins, c'était quand même beaucoup de tensions et de pressions.
06:23 Donc, je sais en tout cas que le prochain film, il sera taiseux.
06:26 Parce que celui-là est très parlant.
06:28 Mais c'est la première fois que vous avez ce temps de, je dirais, de réflexion, de répit ?
06:32 Non, non, mais après, je vais vite.
06:35 Une fois que l'idée est enclenchée, les choses s'enclenchent.
06:38 Et ça peut aller assez vite.
06:39 Donc, vous n'êtes pas à l'abri d'un prochain film l'année prochaine.
06:41 Dont l'homme sera partenaire.
06:44 Comme c'est aussi d'abord du théâtre, je vous dis gros merde, évidemment, pour aujourd'hui,
06:48 pour la sortie de mon crime en salle.
06:51 Merci.
06:52 Croisse les doigts.
06:53 François.
06:55 Sous-titrage Société Radio-Canada
06:59 [SILENCE]

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