DÉJEUNER SECRET A L' ÉLYSÉE : QUAND 10 ÉDITORIALISTES FONT LES PERROQUETS DE MACRON (1)

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Cette vidéo est un best-of du "Combat de l'info" diffusé dans le "Toujours Debout" du 26 janvier 2023. Vous pouvez retrouvez l’émission en intégralité ci-dessous:
https://youtu.be/lLq5U0iQRkM

Mardi 24 janvier, on apprenait qu’Emmanuel Macron invitait secrètement 10 éditorialistes de 10 médias différents à déjeuner à l'Élysée. Dans quel but, vous demandez-vous ? Leur transmettre les éléments de langage de la macronie, destinés à influencer une opinion publique hostile au projet de réforme des retraites.

Alors, hasard du calendrier, ou pas, cette entrevue a eu lieu 48h avant la manifestation historique du 19 janvier.

Les réactions ont donc été nombreuses. Beaucoup d’indignation de la part des internautes sur les réseaux sociaux sur cette entrevue aux airs de briefing de campagne. Une sale histoire, qui sert encore à nourrir la méfiance envers les médias mainstream les réduisant, avec leurs journalistes à des « perroquets du pouvoir ».
Une bonne opportunité pour vous rappeler qu’ici, au Média, on parle de politique mais on n’en fait pas.

Mais les réactions de l’autre camp se sont aussi fait entendre, prenant la défense du principe de Off, longtemps pratiqué dans le milieu du journalisme politique.

Pour décrypter cet évènement, Nadiya Lazzouni reçoit dans ce nouveau numéro de votre quotidienne toujours debout, Pauline Bock, journaliste à Arrêt Sur Images, Jean-Baptiste Rivoire, fondateur du média OFF investigation et Mourad Guichard, qui travaille notamment pour le Canard enchainé, Politis, ou encore Street-Press.

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Transcript
00:00 Ah bah si, ils ont fait les perroquets, c'est ce que disait Daniel Stenerman, mais c'est exactement ça.
00:03 Ils ont fait les perroquets, voilà, ils ont fait les perroquets, alors après il peut faire un tweet énervé
00:06 pour dire qu'il est vexé, qu'on a dit qu'il était un perroquet, mais enfin, il est un perroquet.
00:09 En tout cas, il s'est laissé instrumentaliser comme un perroquet.
00:11 Et après, les journalistes se disent "mais alors c'est bizarre, les gens, ils ne nous aiment plus trop,
00:14 ils nous prennent pour des communicants de Macron, je ne sais pas ce qu'ils ont,
00:17 les gens sont vraiment tonnés, ils nous tapent dans les manifs et tout, je ne comprends pas".
00:21 La communication de l'Elysée organise une petite rencontre dont elle a le secret, c'est-à-dire un déjeuner avec le président et 10 éditorialistes de la presse parisienne
00:30 convoqués à peine 24 heures avant, une rencontre en toute discrétion, alors on y trouve Guillaume Tabard, Dufigaro, Dominique Seux de France Inter et des Echos,
00:39 Françoise Fressoz du Monde ou encore Nathalie Saint-Cricq de France Télévisions.
00:42 L'objectif de l'Elysée, c'est qu'Emmanuel Macron, disent-ils, la bonne parole, donne lui-même les éléments de langage
00:48 aux 10 journalistes les plus influents de la presse parisienne, afin que la parole présidentielle infuse dans l'opinion et pourquoi pas l'influence.
00:56 Mais il y a une condition de taille à ce déjeuner, les journalistes ne doivent pas dire qu'ils ont vu Emmanuel Macron et donc ne peuvent pas le citer.
01:03 Alors les réactions ne se sont pas fait attendre et deux camps s'opposent sur le champ de bataille des réseaux sociaux.
01:10 Le premier condamne ces réunions secrètes aux allures de conférences de presse qui réduisent des journalistes au rôle de perroquets du pouvoir,
01:17 tandis que le second rappelle que la pratique du off est répandue depuis des dizaines d'années.
01:21 Alors pourquoi s'indigner aujourd'hui ?
01:24 On débat de cette question avec nos trois invités du jour.
01:27 Pauline Bock, journaliste à arrêt sur images, Jean-Baptiste Rivoire, fondateur du média Off Investigation,
01:32 et Mourad Ghichard, qui travaille notamment pour le Canard Enchaîné, Politis, Readpress ou encore Luma.
01:38 C'est l'heure du combat de l'info.
01:46 Le principe du off, c'est tu me tiens par la barbichette.
01:49 C'est-à-dire que je vais te donner des informations, tu ne vas pas pouvoir les utiliser.
01:53 Tu peux éventuellement nourrir un papier, nourrir un reportage avec les éléments que je vais te donner.
01:58 Si d'aventure tu devais trahir ce off, c'est-à-dire donner la source et l'information de manière brute, tu n'auras plus jamais de retour de ma part.
02:07 Donc il y a une espèce de chantage.
02:08 Il y a une espèce de connivence et de fausse amitié corporatiste entre journaliste et politique
02:14 qui durent depuis toujours, effectivement, comme vous l'avez précisément dit, et qui parfois peut passer.
02:21 Et dans le cas de la tension qui naît de la bataille sur les retraites, visiblement passe plutôt mal parce que le président ne s'est pas officiellement exprimé
02:30 et qu'il a organisé cette espèce d'effet de dîner, de déjeuner.
02:35 On ne sait pas exactement les contours, mais qui aurait dû normalement transparaître de manière plus claire dans les reportages qui ont été faits par la suite
02:43 et qui ne l'ont pas été, comme le précise très justement le reportage de Pauline Pocque dans Arrêt sur images.
02:49 Bon, le off, on comprend que parfois, ça peut avoir un intérêt.
02:52 D'ailleurs, c'est important de préciser que dans les enquêtes, souvent, il y a un intérêt au off, en fait, qui est qu'il faut protéger ses sources
03:00 et que parfois, les sources, en nous donnant des informations, sont en danger elles-mêmes, se mettent elles-mêmes en danger.
03:06 Et donc que parce que pour protéger leur emploi, par exemple, il peut y avoir une vraie utilité au off.
03:11 Le problème, c'est que le off en politique, c'est pas du tout la même question, puisque on parle de politiciens, de gens qui sont dans l'espace public.
03:19 Et là, on parle même du président de la République. Donc s'il y a bien quelqu'un qu'on n'a pas besoin de protéger, c'est Emmanuel Macron.
03:24 Il y avait très clairement des éléments de langage. Et puis bien sûr, on est journaliste. On voit ce genre de papier arriver.
03:30 Quand on lit dans l'entourage, on sait toujours que ça veut dire la personne en question a parlé en off.
03:35 Et donc on est obligé de mettre dans l'entourage ou les proches ou... Donc j'ai fait toute la liste, la chronique.
03:41 C'est ça, ses visiteurs, en interne, ses proches, ses interlocuteurs, ses invités. Mais en fait, le problème, c'est que quand on fait la liste
03:49 et que quand on se dit qu'il a parlé à toutes ces personnes-là, sauf que ses proches et ses invités, et en interne à l'Élysée,
03:57 c'est pas les mêmes personnes, en fait. Il peut très bien avoir invité des gens à l'Élysée et en avoir discuté de la réforme des retraites,
04:04 et en avoir parlé à ses proches, qui peuvent être Brigitte Macron, par exemple, qui n'est donc pas une invitée, et encore en avoir parlé
04:10 en interne à l'Élysée, donc à ses équipes. Donc là, on se retrouve avec 3 groupes de personnes différentes qui ne sont pas les mêmes
04:18 et qui, en fait, veulent tous dire "Je n'ai pas pu citer directement Emmanuel Macron. Donc je dis qu'il en a parlé à telle personne",
04:25 ce qui, en fait, complique complètement le message. — Complique le message. Ça pose pas un problème au niveau même de la démontologie ?
04:31 — Mais c'est toute la question, en fait. C'est que le problème pour beaucoup de lecteurs et lectrices ou auditeurs-auditrices sur France Inter,
04:40 par exemple, c'est que c'est un message qui est pas clair et qu'on ne se dit pas forcément que c'est le président qui parle.
04:45 Mais tout ça pour dire qu'on peut, après coup... Lui peut, après coup, décider qu'en fait, il n'assume qu'une partie.
04:52 Et c'est très problématique sur un sujet aussi politique et aussi important que la réforme des retraites, surtout quand, derrière,
04:59 il dit à tout le monde "Je ne parlerai pas. Je garde le silence. Je ne me montrerai pas en première ligne".
05:04 C'est Elisabeth Borne qui s'en charge. C'est l'un ou l'autre. Faut choisir.
05:07 — Alors Yael Ghos, éditorialiste et chef de service politique de France Inter, a répondu sur Twitter.
05:12 "Que savez-vous de l'usage qui a été fait de cet échange ?" Sur l'antenne, vous pensez que je suis une machine à recracher des éléments de langage.
05:19 Avez-vous écouté le journaux mercredi matin ? Un échange avec le président n'est fait pas de vous. Un perroquet.
05:24 Est-ce que c'est vraiment le cas ? Les convives n'ont pas fait le jeu de la Macronie ?
05:29 — Ah bah si. Ils ont fait les perroquets. Enfin c'est ce que disait Daniel Steynerman. Mais c'est exactement ça.
05:32 Ils ont fait les perroquets. Voilà. Ils ont fait les perroquets. Alors après, il peut faire un tweet énervé pour dire qu'il est vexé,
05:36 qu'on a dit qu'il était un perroquet. Mais enfin il est un perroquet. En tout cas, il s'est laissé instrumentaliser comme un perroquet.
05:40 Et après, les gens, ils se disent... Alors c'est bizarre. Les gens, ils nous aiment plus trop, là. Ils nous prennent pour des communicants de Macron.
05:46 Je sais pas ce qu'ils ont. Les gens, ils sont vraiment teubés. Voilà. Ils nous tapent dans les manifs et tout. Enfin je comprends pas, quoi.
05:50 Bah ils sont des perroquets. Donc quand on est un perroquet, on est un perroquet de Macron. Puis on est traité comme un perroquet de Macron, quoi.
05:55 Ça s'appelle de l'intox. Parce que quand on te dit « Sa femme, son proche, son visiteur », machin, tu te dis « Putain, mais arrête pas de parler
06:01 à tous les gens qui passent pour raconter qu'il en a rien à faire des manifs ». En fait, non. Il n'a pas parlé à du tout de ces gens.
06:05 Il a parlé à des journalistes qui disent que c'est pas eux. Quand le mec du Figaro dit « Alors Macron... », je crois que c'est lui, hein,
06:12 « Il ne reculera pas ». Ah bon ? « Il ne reculera pas ». Mais attends. D'abord, comment tu peux prévoir l'avenir ? Comment tu le sais ?
06:18 Pourquoi tu dis ça ? En fait, il y a une raison. C'est parce que Macron, il dit « Je ne reculerai pas ». Eh bah vas-y, assume-le.
06:23 Mais venir chez Macron pour « Il ne reculera pas » et dire « Il ne reculera pas », c'est de la propagande, quoi. C'est insupportable, quoi.
06:29 – M. Guissard, vous y seriez allé à cette réunion secrète ? – C'est une excellente question. Je pense que c'est une question de fond.
06:36 Mes deux camarades de jeu l'ont effleurée. Dans leur démonstration, il y a le problème de savoir
06:41 est-ce que ces journalistes auraient dû accepter ou auraient dû refuser ce qu'on appelle « poser les micros » ou « poser les caméras » ?
06:47 Dire pourquoi nous et pas une conférence de presse ouverte avec des caméras qui puissent capter la parole présidentielle.
06:53 Je rappelle pendant la crise des Gilets jaunes, le même Macron avait dit qu'il vienne me chercher.
06:59 Donc je veux dire, il a joué à la fois proche des gens complètement capables de rendre des comptes
07:06 et sur quelque chose comme ça d'aussi important que la réforme de retraite, quand même. On ne parle pas d'une petite mesure.
07:09 Il n'est pas capable, comme disait Pauline, d'assumer. Je trouve ça complètement extraordinaire.
07:13 Et là, mais ça, on le voit partout, on le voit à tous les niveaux. Moi, j'ai travaillé pour la presse quotidienne régionale,
07:18 comme beaucoup d'autres journalistes, notamment autour de ces tables. C'est exactement le même problème.
07:23 C'est un problème de servilité volontaire. Et ils ne réalisent pas – je ne peux pas paraphraser Sartre –
07:28 mais ils ne réalisent pas qu'effectivement, Sartre, qui avait refusé le prix Nobel de littérature,
07:33 il faut savoir dire non à un moment donné et dire qu'on ne peut pas rentrer dans ce jeu-là.
07:35 C'est toujours la question que je me pose quand je vois des éditocrates. Je me dis quelle est leur légitimité ?
07:40 À quand remontent, par exemple, que ce soit Geoffrin, Duhamel ou même Pascal Praud, à quand remontent leurs derniers reportages ?
07:48 À quand remontent leurs dernières enquêtes ? Au nom de quoi peuvent-ils parler des Français, les Français ?
07:54 Ils ne font qu'émettre un avis personnel de gens qui se retrouvent maintenant.
07:58 Et on en avait parlé à l'époque du scandale de François de Rugy, avec les fameux repas de François de Rugy.
08:03 C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire du... Le journalisme, ce n'est pas ça.
08:06 On ne peut pas se contenter de la parole de politique, de ministre.
08:10 Et moi, je trouve qu'on entend trop souvent, pour finir là-dessus, je trouve qu'on entend trop souvent, par exemple, à la radio.
08:14 Tout à l'heure, tu as cité France Inter, pour qui j'ai beaucoup de sympathie.
08:18 Simplement, on entend trop souvent dites un proche, dites un ministre, dites un député de la majorité, par exemple,
08:25 alors que ces gens-là n'ont pas à être protégés.
08:29 Il y a mille choses à dire contre le off et les risques du journalisme politique. J'en fuis.
08:35 Mais asséner que les confrères qui ont déjeuné avec Macron se sont fait dicter des éléments de langage,
08:40 tels des petits télégraphistes, est un foutage de gueule et une ignominie.
08:44 Ceux qui jouent les vertueux contre Dominique Seux ou Yael Gousse, je ne parle que de mes amis à Inter,
08:50 ont tous, non ? pratiqué les sources masquées, les proximités de circonstances, pour nourrir des papiers.
08:57 Le journalisme est un compromis pour comprendre l'époque, pas une fausse pureté.
09:01 Et tout ceci posé, oui, la démocratie serait moins monarchique, se porterait mieux si nos gouvernants
09:07 parlaient sans se cacher dans des conférences de presse, par exemple.
09:10 Il a l'air bien énervé, Claude Askolovitch. Il faut qu'il se calme. En même temps, à la fin de son speech,
09:14 il explique que ça tient bien que les politiques parlent franchement. Moi, je suis d'accord avec lui là-dessus.
09:17 Moi aussi, totalement.
09:19 Surtout sur la fin de ce qu'il dit.
09:21 Sur le mot, enfin sur l'expression "foutage de gueule", le problème, c'est que le off en politique,
09:26 quand on parle du président de la République, parce que, je veux dire, même les députés,
09:30 si c'est par exemple un petit député qui n'est pas d'accord avec le chef du parti, je veux dire,
09:35 on peut comprendre. Il y a des off qu'on peut comprendre. Mais le off du président de la République,
09:39 on peut jamais le comprendre, surtout sur un événement aussi important, un enjeu aussi important.
09:45 Donc pour moi, le foutage de gueule, il n'est pas là, en fait. Il va de Macron vers les Français,
09:52 en passant par les journalistes politiques à qui on a proposé de répéter exactement les propos du président.
10:02 — Et puis si on le détaille un tout petit peu... — Et qui n'arrivent pas à voir en quoi...
10:07 En fait, je pense qu'il y a une vraie... Pas un aveuglement, mais une naïveté de la part de ces journalistes
10:12 qui pensent qu'on arrive à voir la différence entre le off présidentiel et les propos du président,
10:21 le fait que parfois on met des guillemets quand même... Par exemple, Le Monde a mis des guillemets
10:24 autour de "victoire de l'irresponsabilité". Mais c'est illisible. Pour beaucoup de gens, c'est illisible.
10:30 — Il faut savoir aussi que quand des journalistes qui enquêtent les contacts loyalement, des fois des mois à l'avance,
10:36 pour leur poser des questions précises sur des affaires de presse, en règle générale, ils répondent très peu.
10:41 Enfin, à ce moment-là, on a passé un an à faire une série documentaire sur Macron.
10:44 On lui a envoyé un mail dès le premier jour. On lui a listé les 8 sujets. On lui a dit
10:47 « Vous avez le temps ». Pas forcément vous, quelqu'un, un chargé de com', n'importe qui, sur des sujets précis,
10:53 l'affaire Alstom, son patrimoine. Bon. Zéro, rien. Il y a une dame de l'Élysée qui m'a rappelé sur un portable
10:58 « Oui, vous voulez faire quoi ? », elle tire la verre du nez. Au moment où elle me raccroche, je me dis
11:02 « Merde, j'ai oublié de prendre son nom. Je fais un petit texto. Excusez-moi, vous êtes qui ?
11:04 C'est quoi votre fonction à l'Élysée ? ». Elle répond pas. C'est-à-dire que ces gens se cachent.
11:08 Non mais tu vois, quand c'est vraiment des trucs journalistiques, il n'y a personne qui répond.
11:10 On les a jamais, même par mail, rien. Même pas de réponse. Sur les violences policières, je t'en parle même pas.
11:15 Et alors par contre, ils ambiancent les journalistes. Donc en fait, c'est de l'intox permanent.
11:19 – Quand il voit qu'il y a un enjeu politique aussi important, peut-être qu'on peut se demander
11:22 est-ce que le offre sert vraiment à quelque chose ? Est-ce que ces gens-là, les 10 qui ont ensuite
11:27 pris la parole dans tous les médias pour expliquer pourquoi ils y sont allés,
11:30 personne n'a expliqué exactement pourquoi, si à un moment, il s'est posé la question d'aller ou pas,
11:36 s'il y a eu un débat dans la rédaction, ni si derrière, quelqu'un a demandé au président
11:40 « Mais est-ce que vous voulez vraiment dire tout ça en offre ? »
11:43 Parce qu'on parle quand même de victoire, de l'irresponsabilité. C'est quand même des mots très forts.
11:49 « La France à feu et à sang ». Après, « les Gilets jaunes », c'est un peu particulier comme expression, je trouve.
11:54 Enfin voilà. Moi, je trouve ça étrange que personne parmi tous ces journalistes
12:00 qui ont tout de même à eux tous une certaine expérience, que personne ne se soit dit
12:07 « Mais peut-être que là, il y a quand même un souci ».
12:10 À l'issue de cette rencontre, on a vraiment l'impression qu'il y a un bourrage de crâne médiatique.
12:15 Elle est peut-être là, en fait, la différence avec les rencontres qui ont pu précéder.
12:20 Là, il a peur. C'est simple, je crois qu'il a peur.
12:24 Il a peur. Il y avait une histoire de rigidité. On pensait vraiment qu'il allait...
12:26 Effectivement, on peut le penser toujours. Je n'ai pas de boule de cristal.
12:31 Mais c'est vrai que depuis l'ère Sarkozy, à peu près avec sa fameuse phrase sur les manifestations,
12:36 quand maintenant, les gens manifestent ou font grève, on ne voit plus,
12:40 il y a cette impression qu'on n'est plus du tout autant... On n'est plus en 95.
12:44 La pression de la rue est beaucoup plus compliquée à faire aboutir un recul du gouvernement.
12:50 Et donc, il a martelé, marqué cette position-là aussi en disant qu'il ne bougerait pas.
12:56 Sauf qu'effectivement, tu as peut-être raison, effectivement, peut-être qu'effectivement, il a peur.
12:59 Et que c'est possible que cette peur ait provoqué cette fameuse réunion.
13:04 — Moi, je le lis comme ça. Je le lis comme quelqu'un qui a peur, qui se rend compte que...
13:08 Enfin je veux dire... Donc il fait son petit dîner avec les éditorialistes.
13:11 Le lendemain, la préfecture de Paris a dû faire un deuxième chemin de la manif tellement il y avait de monde.
13:17 Enfin c'est quand même particulier comme moment. Donc oui, je comprends qu'il ait peur.
13:21 Mais c'est le président de la République. À un moment, il va falloir faire quelque chose.
13:24 Il a été réélu là, l'année dernière, pour faire quelque chose.
13:29 Peut-être que ça inclut écouter ce que disent les Français.
13:34 — La classe politique et l'opposition n'a pas manqué de réagir, elle aussi.
13:38 Le député des Hauts-de-Seine, Aurélien Saint-Aoul, a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire
13:44 sur ces pratiques. Nos camarades Rémi Kenzo-Pagès et André Magnitif sont allés à la rencontre
13:49 du député Saint-Aoul à l'Assemblée nationale pour l'interroger et comprendre
13:54 pourquoi les parlementaires doivent s'emparer de ce sujet. Voici ce qu'il nous répond.
13:58 — On se demande quel est l'intérêt d'un journaliste de rencontrer le président de la République
14:02 s'il peut pas en faire état. On se demande si c'était la seule condition.
14:07 En réalité, ce qui pose problème dans tout ça, c'est qu'on se demande si on est encore journaliste
14:11 quand on est en discussion avec le sommet de l'État et qu'on doit accepter les conditions.
14:17 Parmi les conditions aussi, il y en a une dont on n'est pas tout à fait certain.
14:21 Mais il semblerait que l'Élysée a demandé que les éléments transmis ce jour-là en déjeuner
14:27 soient cités sans guillemets, donc sans que ce soit rapporté comme une source officielle
14:32 ou une source de l'Élysée, ce qui veut dire qu'on a cherché vraisemblablement à instrumentaliser
14:36 ces éditorialistes. Et on leur a demandé de faire leur le point de vue d'Emmanuel Macron
14:42 ou de l'Élysée ou de l'exécutif en général. Donc en fait, on a transformé des journalistes
14:46 vraisemblablement en agents d'influence. Moi, je pense qu'il faut une commission d'enquête
14:49 précisément pour savoir si ça a été uniquement le fait à l'Élysée, mais peut-être que
14:54 tout le gouvernement procède de cette façon. Peut-être qu'à chaque fois qu'il y a une
14:58 réforme qui passe, en réalité, on convie certaines plumes réputées influentes et
15:04 on lui dit ce qu'il faut dire. Je ne sais pas.
15:06 On est l'un des rares pays qui ne possède pas l'équivalent de ce qu'il y a, je crois,
15:11 en Belgique, notamment, d'une espèce de... Pardon pour l'expression, mais une espèce
15:14 de conseil de l'ordre des journalistes. Donc il n'y a pas d'instance qui puisse réguler
15:17 quoi que ce soit. On peut faire, en France, on peut faire une fausse interview de Fidel
15:22 Castro et revenir quelques jours après présenter le 20h de TF1 sans avoir la moindre sanction.
15:27 La carte de presse sera renouvelée. Il n'y a pas... J'ai entendu récemment un de mes
15:32 confrères à Orléans qui travaille pour la presse quotidienne régionale me dire, de
15:36 manière très étonnante, me dire "chacun sa déontologie". Ben non, en fait.
15:39 La commission d'enquête parlementaire de l'FI frappe chide quand tu as 6 milliardaires
15:43 ou 7 qui possèdent 95% des marques d'information privées en France et qui soutiennent le président.
15:47 C'est redoutable d'affronter ce truc là. C'est-à-dire tant qu'ils ne se bougeront
15:51 pas au Parlement pour changer les lois, malheureusement ces pratiques elles vont se développer quoi.
15:55 Alors on a tout de même demandé aux députés insoumis, si ce n'est pas surprenant de la
15:59 part de la gauche, de reprocher cette pratique au pouvoir, puisque les partis d'opposition
16:03 aussi usent du off avec les journalistes, une pratique qui interroge sur les conséquences
16:07 que cela peut avoir sur la qualité du débat public, sur les relations entre journalistes
16:11 et politiques et plus généralement sur le personnel politique et médiatique. Je vous
16:15 propose d'écouter sa réponse. Moi, je peux vous dire ce que je fais à titre individuel,
16:20 je n'accepte pas les off. Donc j'ai un de vos confrères récemment qui m'a proposé
16:24 un off, je lui ai dit non, vous venez et je vous dis tout. Si vous voulez le publier,
16:27 vous le publiez, vous ne voulez pas le publier, vous ne le publiez pas. Je crois qu'il y
16:31 a un problème là de probité et de qualité du débat public. La probité c'est est-ce
16:35 qu'on a des choses à cacher et est-ce qu'on utilise les journalistes pour une communication,
16:39 des coups de billard à trois bandes, etc. Cette histoire du off, effectivement, elle
16:43 permet peut-être de se poser des questions plus générales sur le paysage politique
16:47 et le paysage médiatique. Qui sont les dix personnes qui ont été invitées ? Sur quels
16:51 critères elles ont été invitées ? A quelle rédaction elles appartiennent ? Est-ce qu'elles
16:54 ont rendu compte à leur direction ? Je ne sais pas moi toutes ces choses-là. Mais évidemment,
16:59 j'ai l'impression qu'il n'y a pas de rédacteur du journal l'Humanité ou de Politis. J'ai
17:04 l'impression qu'on a plutôt affaire à des journalistes ou à des éditorialistes
17:08 qui en réalité adhèrent complètement au discours macroniste et qui sont d'une certaine
17:12 façon récompensés de cela.
17:14 Et est-ce que justement les rédactions devraient adopter des chartes d'éontologie qui encadrent
17:19 les off et posent des limites pour définir dans quelle mesure on peut accepter d'en
17:23 faire ou non et notamment avec des politiques ? Est-ce qu'on doit accepter de faire des
17:27 off avec des élus ou des responsables politiques ?
17:29 Il ne faut surtout pas faire des chartes d'éontologie dans les rédactions parce que sinon ça sert
17:32 à quoi de prendre le contrôle d'un grand média pour faire de la propagande ? Alors
17:35 si les journalistes commencent à faire de la déontologie, tu ne peux plus les instrumentaliser.
17:37 Non mais ce n'est pas du tout possible. C'est incompatible avec l'organisation de la propagande.
17:41 Et pour le coup c'est vrai que oui, ils se braquent dès qu'on les appelle. Mais je
17:44 veux dire, ça ne vous rappelle rien en fait. Il y en a un qui est incapable de s'excuser
17:48 depuis six ans qu'il est au pouvoir, c'est Emmanuel Macron. À chaque fois qu'il fait
17:51 une erreur, il est incapable de dire qu'il a fait une erreur. Il est incapable de dire
17:55 les mots "je suis désolé" et de les penser, je veux dire, d'être sincère un petit peu.
17:59 Et ça, normal, c'est son travail peut-être. Mais il n'empêche que c'est la même pour
18:05 les journalistes. On l'a entendu avec Askolovitch. Il n'est pas capable de se remettre en question.
18:09 Et c'est quand même un problème. Peut-être que des chartes de rédaction, c'est une
18:15 idée, je veux dire. Mais il faut vraiment faire une introspection, si je puis dire,
18:21 de personnel et puis professionnel. Et d'ailleurs, Le Monde, il n'y a même pas un mois, c'était
18:27 fin décembre, a fait un long article signé par plein de journalistes importants sur le
18:31 OFF comme quoi c'est une dérive politique et une arme de communication présidentielle,
18:36 enfin sous la présidence Macron. Et moins d'un mois après, ils font exactement la
18:41 même chose. Ils appliquent exactement ce qu'ils ont dénoncé eux-mêmes. Ils le font
18:47 moins d'un mois après.
18:48 Pour Rélien Satoul, cette actualité pose notamment la question des liens entre les
18:53 médias et les pouvoirs politiques et financiers. C'est notamment le sujet de la concentration
18:57 des médias. Le député travaille par ailleurs sur une proposition de loi visant mettre
19:01 fin à la concentration des médias. On l'écoute.
19:04 On a un problème en fait, il faut séparer les médias du monde de l'argent d'une
19:08 manière générale. Les médias appartiennent à des milliardaires, on a une cartographie
19:12 qui est assez claire. Et puis il y a aussi quelque chose de relations incestueuses entre
19:18 les milieux politiques, les milieux du pouvoir et l'information ou la désinformation.
19:23 Alors vous ne le voyez pas, mais il y a énormément de réactions autour de ce plateau, notamment
19:27 Jean-Baptiste Rivoire qui secouait la tête. La concentration des médias. Les milliardaires.
19:34 On peut ne pas trop y croire, à la 9e commission d'enquête qui va s'intéresser au problème
19:38 de la concentration. Moi ça commence un peu à me chauffer, mais en même temps je vais
19:41 faire le contre-pied. En fait il a raison, je pense que le Parlement peut faire quelque
19:44 chose. Il y a quand même un truc qu'il ne faut jamais oublier, c'est qu'en France,
19:47 la loi oblige les citoyens à fouiller leurs poches pour donner de l'argent et des millions
19:51 d'euros aux quelques milliardaires qui ont pris le contrôle de la presse. Peut-être
19:55 qu'on pourrait décider qu'après tout Bernard Arnault a suffisamment de moyens pour payer
19:58 les déficits du Parisien et des éco, que ce n'est pas forcément à nous de le payer,
20:01 et que par contre les petits médias indépendants qui eux ne sont pas contrôlés par un industriel
20:05 dont le métier n'est pas la presse et qui sont contrôlés par des gens comme Plenel
20:07 ou autres, ou Schneiderman, qui sont des vrais journalistes...
20:09 – Il n'est plus. – Il n'est plus, pardon.
20:11 Ex-Schneiderman, donc voilà. Les médias tenus par des journalistes pourraient peut-être
20:16 avoir éventuellement quelques subventions publiques, ou en tout cas on arrête de les
20:19 donner aux milliardaires. Et ça c'est l'argent des Français, c'est tous les jours, ça
20:23 peut changer, ça changerait pas mal de choses.
20:25 – Je pense qu'il faudrait quand même changer aussi le dispositif parce que, je veux dire,
20:30 nous on nous fait tout le temps la réflexion mais vous vivez des subventions, alors de
20:34 fait on ne vit pas des subventions, on vit que des abonnements comme plein d'autres
20:37 médias indépendants. Et c'est frustrant parce que, de un, les subventions publiques
20:41 aux médias c'est votre argent, donc en fait ça ne devrait pas être un truc mauvais
20:47 d'avoir des subventions de la presse. Donc peut-être qu'il faut déjà revoir le dispositif.
20:52 Mais oui, je trouve que c'est intéressant comme débat, mais est-ce que... Comment est-ce
21:00 qu'on pourrait faire pour que les pouvoirs publics subventionnent ou aident la presse
21:05 indépendante sans qu'elle ne soit plus indépendante ? C'est très compliqué comme question en
21:10 fait.
21:11 – Si c'est une subvention automatique qui ne dépend pas de "Monsieur, est-ce que
21:15 je peux avoir ma subvention s'il vous plaît Monsieur le ministre ?" Par exemple, Ayrnaud
21:18 va devoir aller mendier tous les ans par réponse à Radio France "Monsieur le gouvernement,
21:21 puis-je avoir mon budget ? Non, faut enlever 300 millions, excusez-moi. Ah oui, Valex vous
21:24 a énervé, je suis désolé." Bon, ça c'est pas possible, ils vont être sous la coupe
21:27 du pouvoir politique pendant toute la fin du quinquennat. Donc oui, on pourrait imaginer
21:30 des subventions où c'est pas "je demande si tu veux bien", c'est automatique, en
21:33 fonction de critères objectifs.
21:34 – Il y a quelques années, je ne sais pas si c'est toujours le cas, au Paradis, il
21:40 y a quelques années, ce que j'appelle le Paradis c'est la Norvège, il y avait un
21:45 système en gros qui faisait que, on va imaginer le neuil norvégien, il y avait un système
21:50 qui faisait que pour que le Figaro et l'humanité par exemple soient à égalité de présence
21:55 dans les kiosques, il y avait une sur-subvention du journal le moins présent et inversement
22:01 suivant l'endroit où on se trouvait. Donc les subventions étaient attribuées, distribuées
22:05 pour permettre à l'ensemble des titres d'avoir le même niveau de diffusion. Ce qui est pour
22:10 moi un critère beaucoup plus intéressant, parce qu'effectivement quand on regarde
22:12 les aides, plus c'est des groupes avec des actionnaires milliardaires, plus ils tirent
22:17 et plus ils ont de subventions. Alors que ça devrait être l'inverse, mais voilà,
22:20 je pense que si on rationalisait ça, il y aurait peut-être moins cette espèce de
22:26 soupçon permanent que parce que vous percevez de l'argent public, donc vous êtes à la
22:31 solde du gouvernement. Je pense que ça pourrait jouer.
22:33 Cela dit, moi je suis un peu d'accord avec toi, je pense que les gens qui doivent financer
22:35 les journaux, c'est leur lecteur.
22:37 Oui, en fait c'est ça, ça ne devrait pas passer par une quelconque "institution politique",
22:42 parce que le problème c'est qu'à chaque fois on passe par...
22:45 On crée une agence dans ce cas-là, quelque chose d'indépendant.
22:47 Oui, ce serait possible.
22:48 Mais actuellement les subventions vont massivement à ces grands milliardaires de la presse, c'était
22:51 déjà le cas sous Sarkozy, qui avait augmenté de 200 millions d'euros par an l'argent qu'il
22:55 donnait à ses amis.
22:56 Donc à un moment donné, ça suffit, ils sont tous potes, mais ce n'est pas le sujet.
23:00 D'où la nécessité de soutenir des médias indépendants, on compte sur vous bien sûr.
23:06 Merci beaucoup à vous trois.
23:07 Merci Pauline Bock, journaliste à Arrêt sur Image, Jean-Baptiste Rivoire, fondateur
23:11 du Media of Instigation et Mourad Gichard qui travaille notamment pour le Canard en
23:16 Chine et Politis, Street Press ou encore Luma.
23:18 Et merci également à vous, derrière vos écrans, de nous avoir suivis.
23:23 Merci.
23:24 Au revoir.
23:24 Au revoir.
23:24 Au revoir.
23:25 Au revoir.
23:25 Au revoir.
23:26 Au revoir.
23:26 Au revoir.
23:27 Au revoir.

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