Santé. Bercy ne suspendra pas l’additif controversé E171, malgré le vote du Parlement

  • il y a 5 ans
L’utilisation de cet additif très controversé dans les produits alimentaires aurait dû être suspendue le 1er janvier. Le ministère de l’Économie fait finalement marche arrière, mettant en avant des « évaluations différentes » sur la potentielle dangerosité du produit.

C’était un des chevaux de bataille du ministère de la Transition écologique et solidaire. La suspension de l’utilisation du dioxyde de titane, un additif alimentaire soupçonné d’être cancérigène, aurait dû être effective au 1er janvier.

Mais Bercy a annoncé qu’il continuera d’être autorisé pendant au moins 6 mois. En cause, des « évaluations différentes » sur la dangerosité du produit, comme l’a déclaré le ministre de l’Économie Bruno le Maire sur France 5, mardi 8 janvier.

Un additif cancérigène chez les rats
Signalé sur les étiquettes d’ingrédients par le nom « E171 », cet additif alimentaire est principalement utilisé comme colorant dans les bonbons, les gâteaux et les plats cuisinés. Il contient des nanoparticules, qui pénètrent facilement dans l’organisme, et le risque qu’il présente pour la santé humaine et pour l’environnement est dénoncé depuis longtemps par les ONG.

Bien que prévue par la loi Alimentation, la suspension de l’E171 ne peut s’appliquer sans un arrêté du ministère de l’Économie. Et Bruno le Maire n’a pas l’intention de signer quoi que ce soit avant le résultat de nouvelles expertises, qui ne seront pas réalisées avant plusieurs mois. Le ministre de l’Économie met en avant les résultats contradictoires de plusieurs analyses sur la nocivité du produit.

Des études contradictoires
Selon une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) datant de 2017, l’exposition au E171 favorise la croissance de lésions précancéreuses chez le rat. Les effets sur l’homme n’ont pas été formellement démontrés. Mais en juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a estimé que cette étude et trois autres soumises par la France ne remettaient pas en cause sa propre évaluation de 2016, qui concluait que le dioxyde de titane n’était « pas de nature à entraîner un risque sanitaire ».

« Dans le doute, c’est aux industriels de s’abstenir », a encore déclaré Bruno le Maire. Un propos qui a suscité l’indignation des ONG, qui accusent le ministre d’avoir cédé aux pressions des industriels. « Dans le doute, c’est le principe de précaution qui doit s’appliquer, et s’appliquer prioritairement à la protection des consommateurs et pas à la protection des procédés de l’industrie », a dénoncé Olivier Andrault, chargé de mission à l’UFC-Que choisir.

En colère, plusieurs représentants d’associations avaient prévu de se réunir ce vendredi matin devant Bercy avec des sacs de produits contenant de l’E171. Le ministre a finalement décidé de les recevoir pour apaiser les tensions.

Des industriels ont déjà renoncé
Bercy avait initialement promis de délivrer cet arrêté avant fin 2018. En décembre, une vingtaine d’associations – dont 60 millions de consommateurs, la Ligue contre le Cancer ou Greenpeace — avaient signé une tribune dans Le Monde, où elles enjoignaient au ministre de l’Économie de le signer rapidement. Sans succès.

Le mécontentement gronde jusqu’au sein de la majorité, où des voix s’élèvent pour critiquer la décision de Bruno Le Maire. « La loi doit être appliquée », a notamment insisté le député LREM Matthieu Orphelin. « Ce n’est pas en fonction des intérêts de tel ou tel secteur d’activité qu’il faut maintenant revenir dessus ».

De leur côté, certains industriels ont annoncé qu’ils allaient retirer le dioxyde de titane de leurs magasins. Parmi eux, Carambar and Co, Carrefour, Super U ou encore Leclerc. D’autres groupes ont fait valoir des délais d’adaptation, durant lesquels ils continueront à utiliser l’E171.

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