Copland : Quiet City (Orchestre philharmonique de radio France / mikko Franck)
  • il y a 6 ans
L'Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Franck, joue Quiet City de Copland, suite pour cor anglais, trompette et cordes, avec Alexandre Baty et Stéphane Suchanek. Concert enregistré en direct le 5 octobre 2018 à la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris.

AARON COPLAND (1900-1990) - Quiet City - Composé en 1939 et créé dans cette version le 28 janvier 1941 à New York. Dédicace à Ralph Hawkes.
Né en 1913 dans une famille juive de New York, l’écrivain Irwin Shaw, de son vrai nom Irwin Gilbert Shamforoff, conçut de nombreux textes radiophoniques avant d’écrire ses premières pièces de théâtre. En 1936, Bury the Dead (Enterrez les morts) évoquait des soldats tués au combat et qui, après leur mort, refusent leurs funérailles. Trois ans plus tard, Irwin Shaw interrogeait sa propre identité dans Quiet City ( «Ville tranquille »), mis en scène en avril 1939 par Elia Kazan pour le Group Theater, et dans lequel un propriétaire juif de grand magasin, converti au christianisme après avoir anglicisé son nom Mellnikoff en Gabriel Mellon (à l’image de Shaw), s’apprête à devenir ambassadeur américain en Finlande, abandonnant ses employés à leur sort. Face à lui, son jeune frère, pauvre trompettiste de jazz, le ramènera au judaïsme de leurs ancêtres et à une plus grande empathie sociale. La musique de scène, confiée à Aaron Copland, deviendra une pièce orchestrale dans laquelle une trompette et un cor anglais incarnent chacun de ces deux personnages. Dans cette partition mélancolique dont le succès n’a pas faibli depuis sa création en 1941, Copland semble avoir autant puisé dans la cantillation hébraïque que dans les chants afro-américains.
Juif new-yorkais lui aussi, Aaron Copland sera sensible à ce texte délicat : « Cela faisait appel à une musique évocatrice de la nostalgie et de la détresse intérieure d’une société profondément consciente de son insécurité. Le porte-parole de l’auteur était un jeune trompettiste appelé David Mellnikoff, dont le jeu de trompette permettait l’éclosion de la conscience de ses partenaires, ainsi que celle du public […] Plusieurs amis me pressèrent d’utiliser le matériau thématique de la partition comme élément de départ d’une nouvelle pièce orchestrale. C’est ce que je fis pendant l’été 1940, dès la fin de mes engagements au Centre musical du Berkshire. Je reprenais le titre et la trompette, ainsi que plusieurs thèmes de la pièce originale. Dans la version scénique, j’étais limité à une clarinette, un saxophone et un piano, en plus de la trompette bien sûr. L'ajout d’un cor anglais, d’un orchestre à cordes, et la forme de la pièce dans son ensemble, tout cela fut le résultat d’un travail de studio dans une grange à trois kilomètres de Tanglewood [centre musical dans les monts Berkshire du Massachusetts et résidence d’été de l’Orchestre symphonique de Boston]. L’orchestration fut terminée fin septembre, et la partition dédiée à Ralph Hawkes, de la maison londonienne Boosey and Hawkes qui publia la composition. »
D’une structure trop complexe, la pièce fut retirée de l’affiche au bout de deux représentations, et Irwin Shaw orientera plutôt sa carrière vers le scénario cinématographique, travaillant pour Anatol Litvak, Richard Thorpe ou René Clément dans Barrage contre le Pacifique, d’après Marguerite Duras. Shaw rencontrera surtout le succès mondial comme romancier, grâce à The Young Lions (« Le Bal des maudits ») porté à l’écran par Edward Dmytryk avec Montgomery Clift, Two Weeks in another Town (« Quinze jours ailleurs ») adapté par Vincente Minelli avec Kirk Douglas, ou encore Rich Man, Poor Man (« Le Riche et le Pauvre ») à l’origine d’une série télévisée avec Peter Strauss et Nick Nolte. Victime du maccarthysme, il s’installera en Suisse où il mourra en 1984. Six ans plus tard, c’est Aaron Copland qui rendra l’âme, en laissant à la postérité une œuvre évocatrice d’une certaine grandeur des États-Unis, qu’au cinéma et en musique on appelle l’« Americana », héritière de la grandeur des paysages américains, et de la multiplicité de ses racines.
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