La lampe de saint Michel de Félicie de Fauveau ou la chevalerie rêvée

  • il y a 7 ans
par Anne Dion-Tenenbaum, département des Objets d’art

La lampe de saint Michel est commandée vers 1829-1830 par le comte Alexandre de Pourtalès-Gorgier (1776-1855), grand banquier et collectionneur, à Félicie de Fauveau (1801-1886), jeune sculpteur, qui lui a été présentée par le peintre Paul Delaroche. Le groupe en bronze patiné, argenté, doré et peint, fondu à la cire perdue par Honoré Gonon, représente une scène de bivouac. Au fond, l’archange saint Michel, vêtu en chevalier de l’ordre de saint-Michel, debout sous un édicule gothique, veille telle une sentinelle. Autour de la vasque contenant le feu sont regroupés quatre anges, le porte-lance, le poursuivant d’armes, le porte-heaume et le simple écuyer.
L’iconographie savante est décryptée par l’artiste dans un opuscule publié en 1832, à la demande du commanditaire. Le thème de saint Michel, patron de l’ordre créé par Louis XI, est récurrent dans l’œuvre de Félicie de Fauveau. Ce culte aux racines médiévales exprime sa nostalgie d’un monde chevaleresque et son idéal politique, qui la conduira à s’engager avec passion dans la défense de la branche aînée des Bourbons après la Révolution de 1830, puis à s’exiler à Florence en 1833.

En complément de la présentation de la lampe de saint Michel, un film a été réalisé au château d’Ussé (Indre-et-Loire), grâce la bienveillance de Monsieur le duc de Blacas.
Le château d’Ussé est la demeure de la fidèle amie de Félicie de Fauveau, la comtesse de La Rochejaquelein, qui lui commande des œuvres tout au long de sa vie. Depuis son exil florentin, Félicie dirige en outre pour Ussé des programmes de décoration (vitraux, plafond de la bibliothèque…), œuvres collectives, à l’image du travail d’un atelier médiéval. Elle y applique sa parfaite connaissance de l’art de la Première Renaissance italienne et son idéal d’unité entre l’art et la religion.

Conservateur en chef au département des Objets d’art du musée du Louvre, Anne Dion-Tenenbaum se consacre à l’étude des arts décoratifs du XIXe siècle. Elle a organisé de nombreuses expositions, comme L’orfèvre de Napoléon : Martin-Guillaume Biennais (musée du Louvre, 2003), Trésors d’argent, les Froment-Meurice (musée de la Vie romantique, 2003), Marie d’Orléans, Princesse et artiste romantique 1813-1839 (musée du Louvre, 2009). Parmi ses publications, on peut mentionner le catalogue de l’orfèvrerie française du musée du Louvre (2011). Anne Dion-Tenenbaum s’intéresse aux rapports entre la sculpture et les arts décoratifs et elle a déjà étudié sous cet angle les sculpteurs Geoffroy-Dechaume, Triqueti, et plus récemment Félicie de Fauveau, à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue successivement aux Lucs-sur-Boulogne (Vendée) et au musée d’Orsay à Paris.