Anny Pelouze - Fragiles - Biennale d'art sacré actue

  • il y a 10 ans
Abeilles. Comme un essaim dont la fragilité des individus participe à une plus grande force, cette toile peuplée de multiples détails compose au final une étroite verticale de plus de sept mètres. La proportion, associée à un mouvement ascendant-descendant, évoque le lien entre la terre et le ciel, entre le ciel et la terre. S'y adjoint la légèreté d'un papier asiatique que le moindre souffle met en mouvement... Le fragile s'associe volontiers au subtil. La trame de lin, matériau ancestral, évoque un travail sur la trace, un lien au temps et à l'Origine.
Au premier regard, la pièce semble imposante. Puis vient l'énergie. Une multitude d'ondes. Ondes blanches : pleine lumière, sérénité, eau pure. D'ocre rouge : argile, incarnation, adama. Noires : référence au nocturne, au caché, au fertile et à l'attente. Au sein d'une multitude d'individus, chaque abeille, d'une émouvante vulnérabilité, habite ce réseau vibratoire. Impact profond et joyeux. Un parti pris du lumineux, du numineux, dans cette dominante blanche de la toile sur laquelle, tout aussi fragiles, se posent quelques rappels floraux, du plus léger papier.
Dans la densité de cet espace aux abeilles, un cercle, un monde, un ailleurs ... Celui, imaginaire et intérieur, d'un rêve où la fragilité ne serait pas menacée. Car cette sentinelle de notre environnement nous avertit aussi de la précarité de notre espèce au sein d'un monde que nous exploitons plus que nous ne le cultivons. Je repense à ces abeilles entrevues à Malte, bourdonnantes dans le sol et les rochers d'une grotte: un panneau demandait de ne pas perturber leur tranquillité. Craindre pour elles plutôt que craindre leur dernière morsure.
Chaque butineuse est d'or, certes comme son miel, mais surtout parce que, depuis la nuit des temps, elle est un des symboles du sacré: attribut de nombreuses déclinaisons de la Grande Déesse, symbole christique ensuite, elle est messagère divine, associée à la parole inspirée et au nectar des prophètes. Elle dont la danse est langage, elle à qui la vision ouvre l'accès à d'autres fréquences lumineuses, plus élevées, de quelle perception du Tout Autre pourrait-elle témoigner ?
Fragilité ? Quelle puissance !