Éric Petitgand, directeur général de Crédit Mutuel Alliance Fédérale, était l'invité d'Erwan Morice, ce jeudi 31 juillet. Il est revenu sur ses résultats semestriels satisfaisants, témoignés par un bénéfice net bancaire de 8,8 milliards d'euros, avant de déplorer les surtaxes d'impôts qui limitent la rentabilité de la banque et de parler de son pari sur l'Allemagne pour accélérer la croissance future, dans Good Morning Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
01:40je pense qu'on va payer en impôt normal, indépendamment de la surtaxe, à peu près 1,4 milliard cette année.
01:46Donc, vous voyez qu'on est un contributeur social et fiscal très conséquent.
01:52Trop conséquent ?
01:53Écoutez, moi, je trouve que, vu la situation de la France, il faut faire des efforts.
01:57Je pense que tous les acteurs économiques pensent la même chose.
02:00Par contre, on aurait peut-être aimé quelque chose calculé un peu différemment,
02:03parce qu'on est loin d'être la première banque française.
02:06En tout cas, on espère l'être dans le dynamisme et puis dans la qualité, mais en taille, pas du tout.
02:11Et par contre, nous sommes ceux qui vont payer le plus de surtaxe, parce que nous faisons nos résultats en France.
02:17Donc, il y a une espèce de contradiction.
02:18On veut aider la France ou aider la situation française.
02:22Et en fait, ceux qui le font, ce sont ceux qui travaillent justement en France.
02:25Voilà, donc il y a un petit paradoxe.
02:26De l'injustice.
02:29En tout cas, une frustration.
02:30Bon, malgré tout, vous visez un résultat annuel en ligne avec celui de l'an dernier.
02:34Je rappelle qu'il s'élevait à un peu plus de 4 milliards d'euros en 2024.
02:38Donc, vous restez quand même sur une belle croissance.
02:42Oui, oui, tout à fait.
02:43On bénéficie d'un petit retour de l'activité.
02:46Donc, en tout cas, surtout au premier trimestre.
02:48Ça, c'est très positif.
02:49On l'a vu.
02:50Il y avait plus de volonté de réinvestir de la part de nos clients, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises.
02:56Ça s'est un peu calmé, malheureusement, au deuxième trimestre.
02:59Mais cet effet volume va être bénéfique.
03:01Et puis, on revient dans une situation où les marges sont positives.
03:04C'est-à-dire, les taux courts ont été fortement baissés par la BCE plusieurs fois.
03:08Et ça, ça retrouve un système normal pour une banque.
03:11Et donc, ça va nous permettre de revenir à la normale et donc de suivre la trajectoire que nous nous étions fixées.
03:16Vous êtes un excellent thermomètre pour nous parce que vous êtes justement au contact direct des patrons et des entreprises qui cherchent à investir, à se financer.
03:26Quelle est l'ambiance du moment pour les petites, les moyennes entreprises notamment ?
03:30Écoutez, tout à l'heure, on entendait un commentaire sur ce que pensent les Indiens de la situation économique.
03:35Je ne sais pas quelle est la situation politique là-bas.
03:37Mais en France, on a les impacts de cette situation économique nouvelle voulue par l'administration américaine.
03:43Et en plus, on a beaucoup de mal à savoir où on va aller économiquement.
03:47Donc, les acteurs économiques, je me répète, du particulier jusqu'à l'entreprise, ils sont un peu dans l'attente de savoir ce qui va se passer,
03:54de savoir à quelle sauce fiscale, sociale, économique, ils vont être traités.
03:58Et ce n'est jamais bon.
04:00En fait, on diffère.
04:01On est dans un monde où il y a des ruptures très fortes, où les choses vont très, très vite.
04:05Et notre pays est un peu à l'arrêt, à se regarder le nombril, à se demander ce qu'il va devoir faire.
04:08Et c'est évidemment pas bon.
04:10Et les acteurs économiques souffrent de ça.
04:12Et qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
04:14Il faudrait de la clarté.
04:14Alors là, ce n'est pas à moi de dire ce qu'il faut faire globalement.
04:17C'est aux citoyens de faire des choix.
04:19Mais il faut de la clarté.
04:20Et puis, il faut peut-être tirer les conséquences de ce qu'on est en train de vivre.
04:25Les questions de souveraineté sont fondamentales.
04:27On l'avait peut-être un petit peu oublié.
04:29Et je pense qu'il est vraiment important de se reposer les bonnes questions.
04:32On est en train de le faire sur la défense.
04:34Mais on pourrait le faire aussi sur l'industrie agroalimentaire.
04:37Sur toute l'industrie en général.
04:39Il faudrait essayer de ne pas flinguer l'industrie bancaire,
04:42qui est un des fleurons industriels de la France et de l'Europe.
04:46Avec des réformes qui sont saugrenues.
04:48Enfin bref, il faut se reposer les bonnes questions.
04:51Et se dire que dans un monde qui est difficile,
04:53où les gens peuvent changer d'alliance,
04:55il faut d'abord pouvoir compter sur soi-même.
04:58Et ça serait vraiment, vraiment utile, je pense, à notre société.
05:00Ce qui intéresse les entreprises, comme les particuliers,
05:04c'est aussi d'avoir des perspectives sur les taux, sur le crédit.
05:07Est-ce qu'ils vont pouvoir emprunter ?
05:09Et à combien ?
05:09Est-ce que vous avez, vous pouvez offrir de la visibilité à ce sujet ?
05:13Écoutez, oui.
05:14En tout cas, déjà, rassurer tout le monde sur le fait que les banques en général,
05:17et nous en particulier, ont vie du crédit.
05:20Donc, des fois, on entend dire que les banques freinent, etc.
05:23Je ne sais pas ce que font les autres.
05:24Mais en tout cas, nous, c'est clairement, on n'a jamais freiné.
05:26On est un acteur qui accompagne ses clients dans ses projets.
05:29Et donc, le crédit fait partie, je dirais, du cœur de notre activité.
05:33Et dans une période où le risque, il est encore élevé,
05:35je pense notamment aux entreprises.
05:36Alors, le risque est élevé, effectivement.
05:38Mais c'est un peu paradoxal.
05:39Ce sont les entreprises, on va dire, du segment intermédiaire
05:42qui souffrent particulièrement pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure.
05:45Les très grandes entreprises s'en sortent quand même.
05:47Vous publiez pas mal de comptes et vous voyez que ça va à peu près.
05:51Et puis, en dessous, sur les segments des PME, des TPE,
05:54il y a des situations évidemment très difficiles.
05:57Mais globalement, on revient à quelque chose d'habituel
06:00qu'on pouvait constater avant le Covid.
06:03Épargne très sécurisée et pas du tout risquée des Français.
06:07Côté particulier, à partir de demain, 1er août,
06:09les taux des livrets A et de LDD vont dégonfler aussi à 1,7%.
06:13Ça va vous permettre de faire quelques économies, au passage ?
06:17Alors, ça va nous permettre de faire des économies, c'est vrai.
06:19Mais il ne faut pas le prendre pour ce que ça n'est pas.
06:22Si on veut que les taux des crédits puissent être bas,
06:25il faut que la couverture globale des taux soit plutôt basse,
06:30y compris sur les taux courts.
06:32Et donc, oui, effectivement, ça va nous permettre de retrouver un petit peu d'air.
06:36Éric Petitgan, vous avez annoncé il y a quelques mois le rachat de la banque allemande d'OLB.
06:41Ça devrait être effectif début 2026.
06:45C'est votre plus grosse acquisition depuis 2008.
06:48L'histoire du crédit mutuel, désormais, elle se dessine et elle s'écrit au niveau européen ?
06:54Oui, tout à fait. On a fait clairement le choix de l'Europe.
06:56On ne peut pas dépendre d'une seule économie.
06:58On le voit bien, c'est trop risqué, trop aléatoire.
07:01Et donc, nous, nous avons fait le choix de nous développer en Europe prioritairement.
07:06Et en Europe, nous avons choisi l'Allemagne,
07:08tout simplement parce que c'est le pays où nous avons déjà aujourd'hui la plus grosse filiale.
07:12C'est le pays où, après la France, nous avons le plus de collaborateurs.
07:16C'est aussi le premier partenaire économique en import, en export de la France.
07:20Donc, on est, je dirais, et puis on est en proximité géographique.
07:23Notre sillage est à Strasbourg.
07:24Donc, on a une espèce de culture commune.
07:26Et donc, l'Allemagne, c'est le pays où on veut se développer.
07:29Et l'achat d'OLB, c'est une très bonne nouvelle pour notre banque.
07:32Il y aura d'autres acquisitions ?
07:33Écoutez, on regarde. On n'achètera pas n'importe quoi.
07:36L'Allemagne, toujours ?
07:37Oui, on va se concentrer d'abord en Allemagne parce que là, on veut vraiment devenir une banque assurance.
07:42Comme on le fait en France, comme on a su le faire, on a été précurseur.
07:45Et donc, on veut développer la banque assurance en Allemagne.
07:48Et si de belles opportunités se présentent, on les regardera.
07:51On a les moyens de le faire.
07:52Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation ce matin.
07:55Éric Petitgan, directeur général du Crédit Mutuel Alliance Fédérale.