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  • il y a 4 jours
Interview de Luc Besson pour son film Dracula.

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Transcription
00:00Bonjour Luc Besson.
00:01Et bien bonjour.
00:02Dracula. Il y a entre 120 et 200 versions de Dracula au cinéma.
00:07Pourquoi retenter une aventure Dracula ?
00:11Il y a eu 8000 westerns aussi.
00:14Donc, ce n'est pas de la fierté ou de l'arrogance, c'est que ma vision c'est la mienne, c'est que humblement c'est la mienne.
00:22En fait, je suis retourné sur le roman.
00:24Le roman est une histoire d'amour incroyable, puisque un homme va attendre 400 ans pour retrouver la réincarnation de sa femme.
00:34Il ne va aimer personne d'autre dans sa vie et il ne va avoir qu'une seule ambition, c'est de revoir la femme qu'il aime.
00:41C'est ça le cœur de l'histoire, c'est ça le cœur du film.
00:45Et il s'avère que pour tenir 400 ans, il vaut mieux être un vampire, puisqu'il a été condamné par Dieu.
00:54Il a été damné et Dieu lui refuse le droit de mourir.
01:00Voilà, donc c'est là où le vampirisme arrive, mais il arrive pour moi dans un deuxième temps.
01:05Je n'ai jamais été un grand fan des monstres et des films d'horreur, je n'aime pas trop les films d'horreur.
01:10Mais voilà, après m'amuser avec la gousse d'ail, le crucifix, les dents longues, les morsures,
01:17oui, après je m'amuse, j'en profite, je m'amuse.
01:21Mais vraiment le cadre principal, c'est cette confrontation avec Dieu d'abord,
01:27et puis c'est cette histoire d'amour incroyable.
01:31Vous avez des choses à dire à Dieu peut-être, vous avez des choses à régler avec lui.
01:34J'aimerais bien que lui m'en dise un peu, parce qu'on ne l'entend pas beaucoup en ce moment.
01:38J'ai l'impression que j'ai fait que ça, raconter des histoires d'amour.
01:41Alors peut-être avec plus de distance, parce que quand on est plus jeune,
01:46d'abord on sait moins ce que c'est, l'amour.
01:49Mais je pense qu'à chaque fois, je pense que le cinquième élément, ça parle aussi beaucoup d'amour.
01:56Je pense que Léon, ça parle d'amour.
01:58J'ai vraiment l'impression que Jeanne d'Arc, ça parle d'amour aussi.
02:01L'amour encore une fois de Dieu.
02:05Non, c'est un thème central.
02:07C'est un thème central et je pense que c'était peut-être le bon moment pour en reparler.
02:15Je trouve qu'on est dans un monde qui devient vraiment de plus en plus cynique et détaché.
02:22Et j'avais simplement envie de dire, excusez-moi, mais peut-être que l'amour,
02:26peut-être que l'amour, ça pourrait peut-être un peu nous sauver.
02:31Parce qu'il y a un vieux proverbe indien qui dit, quand l'homme aura abattu le dernier arbre sur terre,
02:41il comprendra que l'argent ne se mange pas.
02:45Et je pense qu'on n'est pas loin de ce point-là.
02:48Donc la bonté, l'amour, c'est des choses qui peuvent encore nous sauver un petit peu.
02:54Donc parlons-en.
02:55Et de religion et de Dieu.
02:58Je ne sais pas, vous êtes au clair avec la religion ?
03:01Au clair ?
03:02Oui, oui, je regarde ça avec beaucoup d'intérêt, beaucoup de respect.
03:05Je trouve que, quelle que soit la religion, quand elle fait du bien à celui qui croit,
03:11je trouve ça très beau.
03:13Après, le problème, c'est quand ça se dérègle.
03:16Je crois que vous avez touché absolument à tous les genres.
03:18L'épouvante, je pense que c'est la première fois.
03:21Alors, on est d'expliquer que c'était une grande histoire d'amour,
03:23mais c'est un genre, quand même.
03:25Oui, ce n'est pas très épouvantable, quand même, le Dracula.
03:28Il est très soft.
03:30Je pense que les gamins de 13-14 ans qui veulent voir le bon film d'horreur
03:35vont être un peu déçus, parce qu'il y a de la tension,
03:40mais ce n'est pas ce qu'on appelle un film d'horreur.
03:42Il y a quelques morsures, quand même, dans le coup.
03:44Oui, il y a des morsures, il y en a.
03:46Voilà, les westerns aussi, je ne saurais pas faire un western.
03:49On peut parler un peu de la fabrication ?
03:50Alors, en fait, il faut partir du personnage.
03:52Il y a un dessinateur avec qui je travaille depuis le cinquième élément,
03:56qui s'appelle Patrice Garcia,
03:58qui, lui, pendant des mois, a planché.
04:00Et on a déjà trouvé le personnage de Dracula,
04:03sa couleur, qui est le violet,
04:05et ce côté un peu dandy.
04:09Voilà, il traverse les siècles,
04:11et en fait, il aime bien les tissus soyeux,
04:13il aime bien les bagues, il aime bien la musique classique,
04:15qui est assez...
04:17C'est un peu un artiste, un peu, quelque part.
04:19Il est un peu nostalgique.
04:21Et à partir de là...
04:22Jusque-là, il vous ressemble.
04:24Comment va être son château ?
04:26Donc là, Hugues Tissendier, chef décorateur,
04:29fait d'abord ce qu'on appelle un mood board
04:30de tout ce qui existe.
04:32Et je voulais quelque chose d'un peu baroque,
04:36un peu décalé.
04:38Mais on n'avait pas envie non plus de tomber dans un château
04:41à Alice au Pays des Merveilles.
04:45Il faut à la fois qu'il fasse vrai,
04:48et à la fois qu'il soit un peu différent,
04:52un peu excentrique.
04:54C'est un terrain de jeu important, d'abord, pour le film.
04:57C'est surtout des mois.
04:59Je pense qu'entre le moment où on a fait les premiers dessins
05:01et le début de fabrication,
05:03il y a six mois de travail de tout le monde,
05:05même les costumes.
05:06Elle a fait 2000 costumes pour le film.
05:08Et il y a une espèce de...
05:09Voilà, il faut trouver une alchimie entre tout ça
05:11et lui trouver une couleur, une texture,
05:15et s'y tenir après.
05:17Vous le mettez dans quelle famille de Dracula ?
05:20Celui que vous avez inventé ?
05:22Famille Coppola ?
05:23Non, sincèrement, je ne sais pas du tout.
05:25J'aimais beaucoup...
05:26Moi, je l'ai vu assez jeune,
05:27parce que le Coppola, il a 35 ans maintenant.
05:32Donc je l'ai vu assez jeune.
05:33J'avais énormément aimé.
05:35Mais il était beaucoup plus près du roman,
05:39mais pas du tout dans l'histoire d'amour, en fait.
05:41Il était plus justement dans les capacités surnaturelles de Dracula
05:45et les transformations.
05:48Et il aimait sa femme,
05:50mais il en aimait aussi les trois qu'il avait dans son château.
05:52Il aimait bien la copine de sa fiancée.
05:54Il aimait bien un peu tout le monde.
05:55Alors que là, il est tellement fidèle.
05:57Vous avez fait un Dracula fidèle ?
05:59Il est amoureux, surtout.
06:01Il est amoureux.
06:02Il n'aime que elle.
06:03Coppola, vous l'avez vu très jeune,
06:04donc ça vous a imprégné à un moment donné.
06:07Sans doute d'autres films sur Dracula.
06:09Il y a eu tel temps, vous vous a imprégné.
06:11Il y a des références ?
06:14Les références inconscientes, je ne peux pas en parler,
06:18puisque par nature, elles sont inconscientes.
06:21Après, les conscientes, en fait, il n'y en a pas tellement.
06:25Il y a deux, trois clins d'œil que je fais,
06:27qui sont là, bon, des clins d'œil,
06:30à d'autres, Dracula ou à d'autres films.
06:32Mais en réalité, il y en a très peu.
06:35Ce qui se passe, c'est que quand on discute avec des gens comme vous,
06:39qui avez vu beaucoup de films,
06:40évidemment, vous avez une telle connaissance de tous les films
06:43qu'on finit toujours par se dire,
06:45tiens, ça ressemble un peu à ça ou à ça.
06:47Mais même moi, ça me le fait sur d'autres films.
06:50Ça ne me le fait pas sur les miens.
06:52Mais souvent, je vois ça.
06:56Mais par exemple, ce Dracula-là,
06:59je pense que de façon consciente ou un peu inconsciente,
07:02il va vers Amadeus, quelque part.
07:07Parce qu'il y a cette espèce de rapport de raconter son histoire.
07:10Donc, même par rapport à l'époque, même par rapport à tout ça,
07:13mais il est plus vers Amadeus que vers un Dracula, en fait.
07:17Le précédent film, vous l'avez fait avec des téléphones portables,
07:21avec une sorte d'énergie très différente de celle qui est déployée dans ce film,
07:27qui a un gros budget, évidemment.
07:28C'est agréable de passer de l'un à l'autre.
07:33Et vous vous dites, je vais continuer à faire le yo-yo comme ça,
07:37parce que je suis réalisateur et que finalement,
07:39ce n'est pas la technique qui me lie au cinéma.
07:41En fait, j'ai l'impression maintenant,
07:43ça fait quand même plus de 40 ans que je fais ce métier,
07:45donc j'ai l'impression de commencer à bien le saisir.
07:50Et je pense que la souplesse est importante.
07:55Et d'être capable de passer...
07:56À June & John, il y avait 12 techniciens avec un téléphone.
08:00Et sur celui-là, il y avait, je crois, 480 techniciens avec 5 caméras.
08:08Donc ça n'a rien à voir, mais on doit garder cette souplesse,
08:13parce que la souplesse qu'on a physiquement, on l'a aussi dans la tête,
08:15et d'être capable de passer d'un truc à l'autre.
08:17Et avec des acteurs qui n'ont aucune expérience,
08:19et des acteurs qui ont deux Oscars,
08:22on a besoin de cette souplesse-là,
08:24parce que c'est ça qui permet d'avoir accès à des choses...
08:27Dès qu'on se bloque un peu, on se rédit,
08:29on ne sait pas faire autrement que comme on a appris à faire.
08:32Je pense qu'on perd du terrain,
08:35on perd de l'intérêt.
08:36Il y a une jeune fille qui est juste en train de parler à côté de nous.
08:42Je crois que c'est la fille d'une actrice
08:46avec qui vous avez travaillé il y a bien longtemps.
08:50L'histoire, elle est assez incroyable,
08:51parce que je tourne avec Rosanna Arquette dans le Grand Bleu.
08:55Rosanna a 28 ans.
08:58Et sa fille, Zoé, qui joue dans Dracula, a 28 ans.
09:02Donc je l'ai connue quand elle est née, quasiment.
09:05Elle avait trois jours, il y a 400 ans.
09:08Et puis on s'est perdu de vue quand même pas mal.
09:11Mais l'histoire est belle parce qu'en fait,
09:15d'abord, elle a passé des essais.
09:17Parce que la fille de Rosanna ou pas la fille de Rosanna,
09:20si elle n'est pas bonne, ça ne va pas être possible.
09:24Donc elle a passé des essais durs.
09:28Vraiment durs.
09:29Parce que j'ai besoin d'une actrice
09:32qui va pouvoir tenir 14 semaines face à Christophe Walls,
09:35face à Caleb.
09:38Donc on est obligé de tester sa capacité à encaisser
09:44les recommandations, le jeu.
09:46J'ai fait des essais qui ont duré plusieurs heures de suite,
09:49sans arrêt, plusieurs fois de suite.
09:52et elle est costaud.
09:54Elle est costaud et douée.
09:56Donc elle a eu le rôle parce qu'elle le mérite.
10:00Et puis, ce qui est beau, c'est qu'en plus, c'est la fille de Rosanna.
10:03La méthode Besson avec ces acteurs, c'est quoi ?
10:07Vous avez les lignes, vous les avez apprises
10:11et venez comme vous êtes pour faire vos propositions.
10:16Ou au contraire, c'est des semaines et des semaines de répétition
10:19pour le jour J, être vraiment à l'endroit et au moment où je l'ai décidé.
10:26C'est des mois de répétition.
10:29Non, non, je suis très...
10:30Non, non, je passe beaucoup de temps avec eux.
10:31Il faut d'abord qu'on se connaisse.
10:33Il faut que les acteurs se connaissent entre eux.
10:36Je sais que Caleb, Zoé et moi, on est partis en thalasso
10:40parce qu'en plus, il fallait que lui perde 15 kilos.
10:42J'en ai profité aussi, moi, pour en perdre un peu
10:44parce que ça m'a fait du bien.
10:46Mais voilà, avec texte, texte, texte tous les jours, répétition, des exercices.
10:55Et c'est à cet endroit-là où justement le comédien a la liberté de dire
10:59« Mais cette phrase-là, j'arrive pas à la mettre en bouche, je comprends pas bien. »
11:03C'est là où on discute, c'est là où même moi je reviens, je me remets en question.
11:07Je me dis « S'il arrive pas à le dire, peut-être qu'il y a un truc. »
11:10Donc on corrige tout ça et on arrive au tournage, on est prêt.
11:15Mais alors à 100%.
11:16En tout cas, les acteurs et la mise en scène.
11:21Le déplacement, c'est le déplacement ?
11:24Ah bah même les déplacements.
11:25Les caméras ?
11:26Toutes les scènes. Les caméras, non.
11:27Parce qu'en fait, je me balade autour d'eux avec mon téléphone.
11:30Mais le placement, par exemple, à table, comment on bouge, etc.
11:34Tout ça, c'est fait avant pour que quand on arrive sur le tournage,
11:38je puisse avoir du temps pour la technique
11:40et non pas avoir un acteur qui est en demande.
11:43Donc à chaque fois que je vais voir Caleb en lui disant
11:46« Excuse-moi, il faut que j'aille voir la lumière. »
11:48Il me fait « Vas-y, c'est bon. »
11:49Il sait tout déjà.
11:51Il n'a pas de soucis, ils sont nourris.
11:53Voilà.
11:53Il faut que pour moi, les comédiens soient nourris à 100%.
11:57Et ce n'est plus qu'une formalité, en fait, le tournage.
12:01La caméra, en revanche, vous laissez une liberté.
12:07J'ai l'impression, c'est-à-dire que vous arrivez avec le téléphone.
12:11Quelle est la méthode ?
12:13En fait, pendant les répètes, je n'ai même pas vraiment besoin de téléphone.
12:16J'ai besoin de mes yeux.
12:18Donc je me déplace un peu comme ça pour regarder les angles,
12:21voir la lumière, voir le...
12:23Voilà, on engrange toutes ces informations-là.
12:25Et après, sur le tournage, ça va beaucoup plus vite.
12:26Mais en fait, je cadre, je suis derrière la caméra, c'est moi qui cadre les trucs.
12:31Donc ça me permet d'attraper les acteurs pendant le plan, de les replacer.
12:36En fait, il faut comprendre que quand on dit action, un acteur est sous anesthésie.
12:41Voilà.
12:41Donc vous pouvez le manipuler, lui dire « Vas-y, reprends, souffre, repars, remets-toi là, machin. »
12:45Tant qu'on n'a pas découpé, il est anesthésié.
12:48Et je profite de cette anesthésie, en fait, pour...
12:51Non, non, ce n'est pas une marionnette.
12:52Parce que ce qui est très important, c'est de le suivre.
12:56Je vous donne un exemple très simple, parce que ça arrive souvent.
12:59On a envie d'une émotion, par exemple, une larme ou une émotion un peu forte,
13:03à tel endroit de la phrase.
13:06Il y a souvent des comédiens, par exemple, ça se décale.
13:10La phrase est passée, mais l'émotion commence à arriver.
13:13Mais elle n'est pas au bon endroit.
13:14Donc il faut être capable, à ce moment-là, de dire à l'acteur « Reprends ton texte maintenant, tout de suite, parce qu'on sent que ça monte. »
13:21Pour le recaler par rapport à la bonne...
13:23Voilà, de le faire souffler, de lui dire « Respire, respire, respire, vas-y, reprends. »
13:28Voilà, toute cette...
13:30C'est un peu comme la manipulation d'un kiné, qui vous fait craquer le dos un peu de partout.
13:35On est dans un moment suspendu entre l'action et le coupé.
13:42Et c'est là où ça manipule, c'est là où il faut que ça sorte.
13:45Et c'est généralement là où on a les choses les plus incroyables.
13:48Merci Luc Besson.
13:49Dracula, sortie 30 juillet.
13:52Eh oui !

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