00:00Europe 1, 11h-13h, Jean-Pierre Foucault et vous.
00:08Denis Bruniard est toujours avec vous, Jean-Pierre, et nous allons à présent évoquer une tribune signée par une cinquantaine de grands chefs français qui s'inquiètent pour l'avenir de la gastronomie française.
00:18Émilie Léz en a parlé dans le flash tout à l'heure, une cinquantaine de chefs français de renom signent une tribune dans le journal des échos, vous avez raison, ils demandent au pouvoir public de prendre conscience du risque de fermeture de nombreuses tables indépendantes.
00:30Et c'est le chef Juan Arbadez qui est en ligne avec nous. Bonjour chef.
00:34Bonjour.
00:35Comment allez-vous ?
00:37Et bien quand je vous ai au téléphone, tout va bien, vous savez.
00:40Et puis je ne suis pas seul puisque j'ai quelqu'un que vous connaissez sans doute à mes côtés, qui s'appelle Denis Bruniard, qui veut vous saluer.
00:45Salut Juan.
00:46Comment ça va ? Ça c'est une deuxième raison pour être bien parce que Denis c'est la joie, c'est le sport, c'est vraiment un ami de l'onde date.
00:54Mais je disais que tu étais un très bon ambassadeur de cette gastronomie et je comprends ce coup de gueule et je partageais aussi avec Jean-Pierre notre passion commune du sport et de la course à pied en particulier.
01:07Parlez-nous un petit peu de ce risque de dégastronomisation. En réalité à quoi ressemblerait la France en gastronomie ? A rien.
01:16Je pense que pendant très très longtemps, la France a fait un peu sa renommée grâce à la gastronomie qui a été exportée.
01:24Il y a des gens du monde entier qui rêvent, d'ailleurs comme moi.
01:28Moi je suis un immigré qui est arrivé en France avec le rêve de pouvoir vivre de gastronomie.
01:34Ça fait rêver les gens dans le monde entier. C'est une richesse, un savoir-faire. Il y a des producteurs partout en France qui ont une puissance dans leur terroir, dans leurs mains, un savoir-faire qui est unique.
01:47Et c'est vrai que le fait de le perdre serait comme si Rome perdait son charme, ses monuments. C'est pas possible.
01:56C'est une force qui est tellement puissante qu'il est pour moi impossible à vivre.
02:02Pourtant la France reste le pays le plus étoilé du monde. Alors comment expliquer que le secteur soit d'après vous en danger ?
02:10Je pense qu'il y a plusieurs raisons. Le premier c'est qu'il y a des générations qui changent avec des envies qui changent.
02:16On n'a peut-être plus envie de passer 3, 4, 5, 6 heures à table comme c'était le cas il y a quelques années.
02:24Je pense qu'il y a une peur aussi. Je pense que les médias parlent d'histoires qui sont un peu sordides à longueur de journée.
02:33Et quand on a peur, la première chose qu'on va couper dans le portefeuille, c'est peut-être les sorties, c'est les restaurants, c'est ces petits plaisirs qu'on peut se faire en sortant dans les gastros, les bistros,
02:43les différents restaurants qui font aujourd'hui la renommée de la gastronomie française.
02:47Donc je pense qu'il y a plusieurs raisons qui maltraitent de façon aujourd'hui constante notre gastronomie.
02:54Oui, alors on ne va pas se cacher un petit doigt. C'est la concurrence des professionnels qui font de la mauvaise cuisine, de l'assemblage de produits, des plaques industrielles à réchauffer.
03:03Tout ça vous préoccupe ?
03:06Ça fait partie aussi des problèmes qu'on peut soulever.
03:09C'est que comme les méthodes de consommation évoluent, comme on a peur un peu des dépenses, qu'on essaye de faire des économies,
03:16on va se diriger peut-être sur des plats ou des méthodes de consommation qui sont beaucoup moins chères.
03:22Le problème, c'est que c'est un espèce de cercle vicieux dans lequel on rentre dans une consommation rapide
03:29qui ressemble beaucoup à comment on consomme aujourd'hui nos relations, les réseaux et tout l'entertainment, absolument tout.
03:36Et finalement, on perd cette richesse qu'on a mis des années et des années à construire,
03:41qui est la culture de la table, qui est la culture du partage, de se poser et de prendre le temps pour soi.
03:46Il n'y a rien de plus important que se nourrir, que bien de choisir ce que l'on mange.
03:50Et petit à petit, ces nouvelles méthodes de consommation sont en train d'étouffer la richesse qu'est la gastronomie française.
03:57Alors pour être clair, vous réclamez un statut d'exception culturelle pour la gastronomie, comme pour le cinéma.
04:03Concrètement, ça rassemblerait à quoi ?
04:06L'idée, c'est juste qu'on écoute les voix de ceux qui ont fait un peu la renommée du pays en exportant le savoir-faire depuis des longues années.
04:18Le but, c'est d'avoir des aides. Aujourd'hui, on a des restaurants.
04:22C'est difficile à comprendre, mais quand on a un restaurant de 20 places assises,
04:26que la masse salariale a un poids qui est si important, entre 30, 35, voire des fois 40 %,
04:31qu'on essaye de ramener à table des produits d'exception et de préserver certains producteurs qui arrivent à peine à vivre
04:37parce qu'ils ont envie de faire les choses correctement, c'est tout à l'enjeu.
04:41Et je pense que ce genre de profil qui essaye aujourd'hui de sauver non seulement la gastronomie,
04:48mais également, c'est toute la chaîne qui suit derrière.
04:50C'est tous nos producteurs, c'est tous les agriculteurs, les pêcheurs.
04:53C'est toute une chaîne qui se décompose.
04:57Donc, il faudrait trouver des solutions.
04:59Alors, bien évidemment, je ne suis pas financier, je ne suis pas politicien, je ne suis pas diplomate, je suis cuisinier.
05:06Donc, disons que les solutions, je ne les ai pas.
05:08Moi, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est tout simplement faire un signal d'alerte pour dire que la situation est difficile,
05:14qu'on a les épaules sous l'eau, il n'y a que le cou et la tête qui dépassent,
05:17et qu'il va falloir peut-être un coup de main pour aider ceux qui sont dans le besoin, pour préserver cette gastronomie.
05:24Qu'est-ce qui manque aujourd'hui pour donner envie aux jeunes de rejoindre ce secteur,
05:27alors qu'on a l'impression qu'avec les émissions de télévision de cuisine,
05:31il y a de nombreux, il y a de plus en plus de nombreux jeunes qui s'adonnent à cette passion, comme vous, d'ailleurs.
05:36Alors, il y a le double tronchant de la télé, c'est que, oui, ça rend le métier sexy,
05:41mais en même temps, on oublie tout le cheminement qu'il faut faire pour réussir à avoir un restaurant
05:46qui soit non seulement bon, mais qui soit rentable, qui soit tenu et qui soit bon tous les jours.
05:52Dans notre métier, c'est facile d'être bon une fois, c'est facile d'être bon deux fois, c'est facile d'être bon une semaine.
05:57Le plus difficile, c'est de perdurer et de traverser plusieurs années.
06:00Et on le voit aujourd'hui, les restaurants, ils ouvrent et deux ou trois ans après, ils ferment.
06:04Il y a une espèce de surconsommation de restauration qui est un peu effrénée.
06:09Donc, je pense qu'il faut qu'on recentralise un peu l'idée de la restauration, l'idée d'être chef, de devenir cuisinier.
06:18Il y a quand même un travail derrière qui est qu'on oublie, peut-être qu'on zappe un peu.
06:22Je trouve qu'aujourd'hui, en tant que chef et cuisinier, on a un devoir non seulement social, mais un devoir aussi culturel.
06:29Et on devrait déjà imposer peut-être à l'école des cours de cuisine, des cours de marché, expliquer ce que c'est une aubergine, une carotte à des enfants qui pensent qu'un collin, il est en boîte et qu'il n'est pas né déjà.
06:42Il n'est pas carré.
06:43Et qu'il n'y a jamais dans la mer.
06:45Merci beaucoup, chef.
06:46Donc, je pense que notre éducation, c'est un peu la base de la solution déjà.
06:49Merci beaucoup, chef.
06:50Ce combat est absolument magnifique, vous êtes d'accord, Denis ?
06:53Ah ouais, et puis je pense que pour voyager beaucoup dans le monde, quand on parle de la France, on parle de cette exception culturelle, de la gastronomie.
07:01Et je pense qu'il ne faut surtout pas la mésestimer et surtout la protéger.
07:06Donc, je suis entièrement d'accord avec tout ça et il faut donner envie aux gens de venir aussi en France pour cette gastronomie.