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00:00En 2011, les télévisions du monde entier retransmettent le mariage d'Albert Grimaldi,
00:13Albert II de Monaco, avec Charlène Whitstock.
00:19Un milliard de spectateurs à travers le monde.
00:25Pourquoi cette petite principauté attire-t-elle autant les regards ?
00:30À Monaco vit l'état de tout juste deux kilomètres carrés, un habitant sur deux est millionnaire.
00:40Son histoire, et celle des Grimaldi, s'inscrit au cœur des enjeux des grandes puissances européennes.
00:48Monaco a failli disparaître plusieurs fois, mais a su se rendre indispensable.
00:52Plongeons aux fondations de cet état hors sol.
01:01Le roi de Monaco
01:08D'abord, il y a...
01:23D'abord, il n'y a rien.
01:32Rien ?
01:34Pas grand-chose.
01:38D'un côté, la montagne et ses précipices.
01:43De l'autre, la mer et ses abîmes.
01:46Au milieu, la garrigue.
01:58Au fil du temps, de siècle en siècle, quelques bergers et de rares pêcheurs.
02:04Mais alors, où sont les Grimaldus ?
02:08Ils ne connaissent sans doute pas l'existence de ce rocher.
02:12Mais ils ne sont pas loin.
02:14A 150 kilomètres à l'est, à Gênes, Génova.
02:35C'est ici, en Italie, que commence l'épopée monégasque.
02:38Le XIIIe siècle est sans aucun doute l'époque du plus grand développement de la puissance commerciale de Gênes.
02:50Cette téméraire république maritime a la puissance militaire et diplomatique
02:55qui lui permet de s'installer durablement en Espagne, en Corse, en Sicile,
03:01sur les côtes du Maghreb, où ils vont chercher l'or et les esclaves.
03:04La famille Grimaldi est attestée à Gênes depuis les XIe et XIIe siècles.
03:13C'est une grande famille qui occupe des postes importants au sein du gouvernement de la ville.
03:23Périodiquement, ils sont d'auge de cette superbe république, comme on la nomme alors.
03:27Ils sont donc au sommet du pouvoir.
03:34Il reste des traces de leur présence ici.
03:38Leur palais éducal, leurs appartements et l'église Saint-Lucas.
03:42Et puis arrive la catastrophe.
03:51En 1295, une guerre civile très sanglante a éclaté à Gênes.
03:57Elle voit s'affronter les Guelphes et les Gibelins,
04:01factions rivales qui soutenaient les uns le pape et les autres l'empereur du Saint-Empire romain germanique.
04:07Pendant des décennies, les deux parties se battent sans répit pour conquérir le pouvoir.
04:22Les cadavres jonchent le sol génois.
04:25Assassinat, bataille rangée, exécution sommaire,
04:29excommunication, bannissement, errance, sont au rendez-vous.
04:37Rapidement, les Grimaldis, partisans des Guelphes, sont chassés de la ville.
04:42Ils prennent le chemin de l'exil, manuels de survie en main, sans savoir où trouver refuge.
04:51Ils errent de fief génois en fief génois.
04:57Parmi ceux-là, le rocher de Monaco, avec une tour et un tout petit château.
05:02C'est un lieu stratégique avec vue imprenable sur l'espace maritime.
05:07La légende veut que les Grimaldis se soient emparés par la ruse de ce petit château génois.
05:17On ne sait rien véritablement du modus operandi, du mode opératoire qui a été utilisé.
05:23On sait très peu de choses d'ailleurs sur François Grimaldi.
05:25Ce qui est raconté, c'est que d'une façon fort peu diplomatique, Grimaldi attaque la forteresse en se déguisant en moine cherchant l'hospitalité d'un soir.
05:35C'est la version officielle choyer des Monegasques.
05:40Un Grimaldi seul, courageux et roublard, met en déroute une armée entière.
05:46Le Monaco des Grimaldis serait né ce jour-là.
05:49Grand mythe fondateur qu'exige toute nation naissante.
05:53La malicia, la ruse, est devenue l'emblème de Monaco.
05:57Ces moines qui ont gravi le rocher pour prendre le pouvoir.
06:04Et je dirais que ce passé d'usurpation est un passé qui va perdurer durant les siècles,
06:11qui va constamment développer l'idée que ce territoire est un territoire parfois considéré comme illégitime,
06:17dont la présence n'est pas forcément à conserver.
06:19Et que ce statut de fragilité a été sa force dans la mesure où c'est justement dans ces situations de fragilité
06:25que la principauté a constamment rebondi.
06:28Honorer nos ancêtres, notre terre et notre tradition n'est pas le meilleur moyen de nous convaincre
06:34que nous devons continuer à aller de l'avant.
06:40Ici, on fête d'année en année ce Moyen-Âge héroïque
06:43quand s'imposèrent les Grimaldis sur ce rocher sauvage.
06:48Pourtant, un petit point d'histoire est rarement évoqué.
06:51Lorsque François Grimaldi prend la forteresse de Monaco en 1297,
06:57l'un des objectifs est de faire de Monaco un repère de pirates.
07:00Un centre à partir duquel les navires pirates des Grimaldis faisaient la guerre aux navires génois.
07:07Monaco a un repère de pirates.
07:09Dire qu'avec les Grimaldis, on s'attendait à une famille d'aristocrates bien propres sur eux,
07:14et les voilà pirates.
07:17Ah oui, bah alors, mercenaires aujourd'hui.
07:19Victorieux et fragiles, les Grimaldis sont bien à l'étroit.
07:27Ils achètent deux bouts de territoire, rogues brunes et mentons.
07:31Mais ça ne change pas vraiment la donne.
07:34Leur pays reste bien peu attrayant.
07:39À un moment, ils envisagent même de se séparer du rocher,
07:42et de tout le reste,
07:44en proposant de vendre Monaco au plus offrant.
07:46Mais d'acheteurs il n'y en a pas.
07:52C'est dire l'ambivalence d'un bon nombre de princes de Monaco vis-à-vis de ce petit territoire.
07:59Mais alors s'il n'y a pas d'acheteurs,
08:02comment survivre sur ce rocher ?
08:05Bien avant l'invention du casino,
08:07les Grimaldis vont tirer une partie de leur fortune de taxes
08:10qu'ils imposent aux navires marchands.
08:17C'est une taxe de 2% sur la valeur de la cargaison.
08:21Cette taxe était prélevée parce qu'elle était destinée à financer les patrouilles dans les eaux de Monaco
08:26contre les pirates barbaresques.
08:31Mais on ne peut pas vivre seulement d'une forme de raquette.
08:35Monaco est fragile,
08:36mais puisque Monaco est lié,
08:38il va chercher des protecteurs.
08:41Monaco sera allié tantôt avec la Sardaigne,
08:44tantôt avec la Savoie,
08:46tantôt avec la Provence,
08:48tantôt avec l'Espagne,
08:49mais aussi avec le Royaume de France.
08:53Le roi de France compte sur ses vassaux,
08:56sur ses ducs,
08:58sur ses comtes
08:59et parfois effectivement sur des alliés de circonstance
09:02dont la profession est d'être des gendarmes en promo.
09:09Honoré II a choisi,
09:11avec le traité de Perronne en 1641,
09:14de passer du côté de Louis XIII.
09:17Louis XIII lui accorde le titre de prince.
09:19Le rocher devient une principauté.
09:27C'est un tournant.
09:32Le traité de Perronne en 1641
09:34permet notamment au prince de Monaco
09:37d'être fait père de France.
09:39Père, P-A-I-R.
09:41Père, c'est au Moyen-Âge
09:44appartenir à la cour du roi,
09:46à la couria réguise.
09:47Donc c'est le summum de la noblesse française.
09:53C'est une étape majeure dans l'histoire de Monaco
09:55qui scelle le début de la protection française.
09:57Les Grémaldi partent guerroyés pour le roi de France
10:03et en sont généreusement récompensés.
10:06Par ailleurs, ils font souvent de bons mariages
10:08qui leur ouvrent bien des portes.
10:10Ils reçoivent un certain nombre de terres en dotation
10:14dont ils vont tirer des revenus.
10:15Près de 100 fiefs, des grands et des petits,
10:20les Baux-de-Provence, Villeneuve-Loubet,
10:22puis les Baronis, Clé-Souilly, Matignon,
10:23Dolceacro, Malocène, Saint-Lô, Autos-sur-Mer,
10:25Longjumeau, Uzès, Campania, Chille-Mazarin,
10:28Aumont, Grasse, Saint-Récy-en-Normandie,
10:30Valmont, Monteverde.
10:31Depuis quelques années, l'actuel prince de Monaco,
10:37son Altesse Sérénissime Albert II,
10:40prend à cœur de maintenir bien vivant un tel héritage.
10:44Façon puzzle, de ville en ville et de village en village.
10:48Des fiefs, des grands et des petits.
10:51La grande famille des sites historiques Grimaldi de Monaco
10:54vient de s'agrandir.
10:55Des liens étroits qui remontent à des décennies
10:58ont favorisé un échange riche.
11:00Que l'on soit donc sur les rives de la Mayenne,
11:02sous le ciel azuré en monégasque,
11:05les liens des Grimaldi et ses terres
11:07partagent ainsi un véritable témoignage de l'histoire.
11:13À l'aube de la Révolution,
11:15les Grimaldi vivent en France dans de beaux châteaux.
11:18Pourquoi iraient-ils s'installer à Monaco ?
11:22Le voyage se fait par bateau ou à dos d'âne.
11:25C'est fastidieux.
11:27Et puis arrivé là, pas grand-chose à faire.
11:30Les Grimaldi veulent compter à la cour du roi
11:38et avoir l'oreille du roi de France.
11:41Eh bien, il faut entrer dans le système versaillais.
11:44Et donc, ils vont vivre à la cour, à Versailles.
11:47S'ils ne sont pas à Versailles,
11:48ils sont très souvent à Paris.
11:52Et ils deviennent, par mariage au XVIIIe siècle,
11:54la deuxième ou troisième puissance économique du pays.
11:58Ils possèdent une grande partie de la Provence,
12:01de la Normandie,
12:02ils possèdent la totalité du territoire de Belfort,
12:04ils possèdent un certain nombre de fiefs un peu partout,
12:06qui font d'eux un grand féodal français.
12:09Ni plus ni moins.
12:10Ils ont un double statut.
12:12Ils sont à la fois pères de France,
12:13et en même temps princes étrangers.
12:15Et ces grands féodaux français,
12:17comme tout le monde,
12:18perdent leur pouvoir au moment de la Révolution.
12:22Le prince de Monaco est incarcéré
12:24et ses biens sont mis sous séquestre.
12:27Un membre de la famille,
12:29Marie-Thérèse de Choiseul-Pralin,
12:31princesse de Monaco,
12:32est guillotinée à 27 ans.
12:35Ce tableau resta longtemps dans le bureau du prince Regnier,
12:38comme le témoignage d'un traumatisme irréparable.
12:42Regardez ce dont sont capables les Français.
12:45Dira un jour le prince.
12:48À ce moment-là,
12:49ils se retrouvent démunis de leur territoire français,
12:52sauf ce petit territoire,
12:54puisqu'ils ont cette gestion, cette jouissance.
12:56C'est intéressant au niveau des chroniques,
12:58parce que c'est la première fois
12:59qu'on va voir apparaître les monégasques.
13:04Mais qui sont-ils, les monégasques ?
13:07Des piémontés ?
13:09Des génois ?
13:10Des provençaux ?
13:13Des savoyards ?
13:14Je suis né en principauté de Monaco,
13:17comme d'ailleurs mes parents,
13:18mon père et ma maman,
13:19mais si on remonte à la génération précédente,
13:22du côté de ma maman,
13:24en fait, ils venaient du piémont.
13:27Mes grands-parents maternels
13:28sont arrivés avec la crise de 1929.
13:29Une fois par an, un pique-nique est organisé sous la haute autorité du prince,
13:36absolument réservé aux monégasques,
13:39pièce d'identité à l'appui.
13:40Ils sont aujourd'hui environ 9 000, considérés comme monégasques,
13:47parmi les 38 000 résidents de 142 nationalités différentes.
13:51Beaucoup de familles monégasques sont piémontaises.
13:58Bien entendu, il y a des familles encore plus anciennes,
14:01liées aux premières migrations ligures.
14:03Il y a une quinzaine de vieilles familles historiques.
14:07Ces familles, de par leur ancienneté et de par leur connaissance des territoires et de l'histoire de Monaco,
14:14font qu'aujourd'hui, ils ont effectivement des postes administratifs,
14:20des postes économiques et des postes financiers importants
14:25dans l'économie, dans l'administration et dans la direction de la principauté de Monaco.
14:31C'est-à-dire, moi j'avais ma mère dans le piémont,
14:33qui avait toute sa famille là-bas.
14:36Et mon père, il était de pied védité, c'est un autre endroit.
14:40Et quand ils sont arrivés à Monaco, ils sont arrivés avec une charrette
14:43et un peu de meuble dessus et un cheval qui l'a tiré.
14:47Nous étions des migrants, oui.
14:50C'est vrai, mais on ne savait pas à l'époque qu'on était des migrants.
14:53Ils sont venus parce qu'ils cherchaient du travail, ils voulaient travailler.
14:57Rendez-vous compte, monsieur, qu'à l'époque ça pouvait être,
15:00autre que maintenant qu'on fait tant de cinéma.
15:03C'est vrai ou pas ?
15:04En fait, il y a deux catégories de monégasques.
15:06Il y a ceux qui sont monégasques de famille, de père en fils et des origines très lointaines.
15:11Et puis il y a ceux qui acquièrent la nationalité,
15:14souvent en lien avec leur activité,
15:16des personnages ou des personnes qui font partie des milieux mondains,
15:20des milieux économiques, des milieux médiatiques, des milieux sportifs, etc.
15:23Ou par alliance, mais c'est très recherché.
15:26La nationalité monégasque est très courue.
15:29Et obtenir la nationalité monégasque est vue comme une sorte de sésame.
15:33Un sésame qui fait que quand on est monégasque,
15:36on risque peu la pauvreté, y compris lorsqu'on est au plus bas de la classe sociale.
15:40Parce que des logements sociaux, parce que des droits,
15:42parce que tout un ensemble de choses.
15:43Et c'est quelque chose de très rare, être monégasque.
15:49Ça nous donne le sentiment qu'on appartient vraiment à une famille.
15:53Parce qu'il ne nous réunit pas seulement une fois par an,
15:55il nous réunit aussi à chaque événement important de sa vie.
15:59Les 25 ans de règne, ses 50 ans, le mariage.
16:03On est vraiment, vraiment plutôt présents lors des grandes situations.
16:07Et ça, c'est une chose, je pense aussi, qui fait qu'on aime notre famille princière.
16:13Si de nos jours, les gens se battent pour vivre à Monaco,
16:16et les monégasques aiment leur prince,
16:19en 1789, c'est un peu différent.
16:23La population locale existe.
16:26Et elle existe par le biais le plus extrémiste, si j'ose dire,
16:29puisque les monégasques adhèrent au club des Jacobins.
16:31Et ils veulent, comme tous les Jacobins, la destitution de la monarchie et de leur monarchie.
16:36Donc, ils demandent la déchéance du prince de Monaco.
16:39Ils finissent par obtenir, effectivement, la déchéance du prince.
16:45Sale temps pour les Grimaldi, qui perdent tout leur fièvre,
16:47tandis que Monaco est rattaché au tout nouveau département des Alpes-Maritimes.
16:53Avec la Révolution française, finis les Grimaldi.
16:57Finis le beau château et les peintures de maîtres.
17:01Après avoir été chassés de Gênes, il y a près de 500 ans,
17:06les Grimaldi se retrouvent errants dans une Europe qui ne veut pas d'eux.
17:11Fin de l'histoire ?
17:13Non.
17:13Et donc, il faut attendre 1814, à la chute du Premier Empire,
17:21et le Congrès de Vienne, qui inaugure une nouvelle période politique
17:25et dont les relations internationales rétablit les monarchies d'Ancien Régime
17:30et donc celles aussi des Grimaldi sur Monaco.
17:33Les aristocrates, les Grimaldi en tête, retrouvent leur nom de serviette,
17:39comme si la Révolution n'était pas passée par là.
17:41Cependant, à Monaco, la situation économique n'a rien de réjouissante.
17:50Il faut revoir, c'est très important, la géographie du lieu.
17:54Le rocher de Monaco n'a pas d'arrière-pays, rien du tout.
17:56C'est la montagne tombe à pique dans la mer.
17:59En d'autres termes, il n'y a pas de culture.
18:00Les gens qui y habitent, il y a quelques dizaines de maisons,
18:05il y a un petit village de pêcheurs en bas,
18:06il n'y a pas de pêche, pas vraiment d'industrie.
18:09C'est Menton la clé.
18:22Menton est riche, puissante, économiquement,
18:25grâce précisément à sa culture des agrumes.
18:27Mais Menton, qui fait partie intégrante du territoire de Monaco,
18:33va exiger son indépendance et son rattachement
18:35soit à l'Italie, soit à la France,
18:38mais pas à la principauté.
18:40Auk Brun suivra.
18:43Et Monaco perd de ce fait, à partir de 1848,
18:4980% de la surface du territoire national.
18:53C'est le territoire actuel de la principauté.
19:00Charles III de Monaco hérite d'une principauté pour le moins exiguë.
19:05Il se lie à Napoléon III, empereur des Français.
19:09Toute ressemblance avec l'empereur n'est peut-être pas fortuite.
19:13C'est que Monaco, comme tout le comté de Nice,
19:15est retombé sous protectorat français.
19:17Nous sommes en 1861.
19:19Ajoutons que Charles, assez habilement,
19:23a entretenu de bonnes relations avec Napoléon III.
19:28Heurté, bien sûr, mais autant qu'il le pouvait.
19:32Autour de l'empereur, un premier cercle de grands industriels,
19:36de banquiers et surtout de 6 millions jeunes bourgeois conquérants.
19:40Il faut moderniser la France.
19:42Le prince Charles III de Monaco fréquente ses élites.
19:45Ce tableau me paraît très symbolique, d'un certain moment,
19:49d'une domination bourgeoise,
19:51à la fois dans la cohésion de ce groupe,
19:54la satisfaction qu'il exprime,
19:55la vêture aussi, qui distingue très nettement plus qu'aujourd'hui,
19:59ce qu'est la bourgeoisie,
20:01d'autre part, les classes populaires,
20:03la façon de s'habiller.
20:05Il n'y avait pas que les cercles que j'évoque,
20:06il y avait aussi les fêtes.
20:08Napoléon III met beaucoup les fêtes.
20:09Dans ces cercles restreints,
20:12on discute beaucoup de l'avenir du pays
20:14et de son industrialisation.
20:16On y célèbre le capitalisme triomphant
20:18et l'avenir de Monaco va se jouer ici même.
20:21Puis il y a un autre aspect,
20:28c'est que l'impératrice Eugénie,
20:31elle-même espagnole,
20:32et par conséquent tendante à regarder vers le sud,
20:36c'était assez naturel,
20:37a contribué à lancer la mode du balnéaire,
20:40c'est-à-dire l'intérêt pour les rivages.
20:44Les rivages du côté de l'Atlantique,
20:46à Aubéarit, c'est du côté de la Méditerranée,
20:49avec Nice, avec Monaco, etc.
20:51Faire venir des touristes sur des villes d'eau,
21:06c'est bien.
21:07Mais une ville d'eau, ça ne suffit pas.
21:11Donc on va les amuser avec des jeux,
21:13du jeu, du casino, des balles,
21:16de l'opéra, de la musique.
21:17Et c'est là qu'apparaît François Blanc.
21:23C'est un casinotier allemand,
21:25enfin il est français mais il vit en Allemagne.
21:27Et il y a un problème en France,
21:29comme dans toute l'Europe,
21:30et c'est en train de s'opposer en Allemagne,
21:32on interdit les jeux.
21:33Le jeu de hasard va devenir interdit.
21:36Le casino va être interdit partout,
21:38or Monaco n'est pas la France.
21:39Charles III est le premier Grimaldi
21:42à comprendre que sa petite principauté
21:44peut devenir un lieu stratégique.
21:47Il y a un problème majeur,
21:49majeur,
21:50Monaco est inaccessible.
21:51On ne peut y accéder que par des chemins multiers
21:53ou par la mer.
21:55Donc ce projet n'a aucune espèce de possibilité
21:58d'exister même.
21:59Mais si Napoléon III amène le train,
22:03alors là vraiment tout est possible.
22:12Il va leur accorder le train,
22:15il va leur dire,
22:15ben voilà,
22:16on va vous amener le train,
22:18et donc vos projets industriels
22:20basés sur l'économie du jeu
22:22vont pouvoir se développer.
22:24Messieurs, faites le jeu.
22:26Bingo !
22:27Le monopole des casinos,
22:28c'est pour Monaco.
22:29Et plus Monaco se développera,
22:36plus le grand protecteur français
22:37en tirera des bénéfices.
22:41Monaco jouit de son statut à part.
22:44Bien à part.
22:49François Blanc
22:50prend la tête de la société des bains de mer,
22:53la SBM,
22:54essentiellement avec ses propres capitaux,
22:56mais il fait entrer d'autres investisseurs
22:58comme l'évêque de Monaco
22:59et le cardinal Pétchi,
23:02le futur pape Léon XIII.
23:14François Blanc propose au prince Charles
23:16de lui livrer clé en main
23:17tout un espace de divertissement,
23:18non loin du palais princier.
23:21Pour séduire le prince,
23:35François Blanc suggère d'appeler ce nouveau quartier
23:37« Mont-Charles ».
23:40Monte-Carlo.
23:42Ça sonne mieux.
23:45François Blanc, c'est l'homme qui a, d'une certaine manière,
23:47inventé la principauté de Monaco
23:49au sens de ce qu'on connaît aujourd'hui,
23:52c'est-à-dire Monte-Carlo.
23:53« Si l'on me demandait
23:55« Qu'est-ce que c'est que Monaco ? »
23:56Je répondrais « C'est une opérette. »
23:58En effet, voyez donc.
24:00Voyez donc cette principauté souveraine
24:01composée d'une ville et d'un village.
24:04Ce pays qui n'existe pas
24:05puisqu'il n'a pas de nom.
24:06En effet,
24:07Monaco, c'est le nom du village.
24:09Et Monte-Carlo,
24:10c'est le nom de la ville.
24:11Et si le village est ancien,
24:14la ville, elle, est moderne. »
24:16François Blanc avait pensé,
24:17créé,
24:18dans cette principauté de Monaco,
24:20qui est dans les années 1850-1860,
24:22vivoté, pour ne pas dire périclité,
24:24une ville d'attractivité balnéaire,
24:27une ville où les aristocraties européennes
24:30pourront venir dans cette période
24:31où le bord de mer,
24:32le littoral méditerranéen
24:34est en train de prendre de l'importance,
24:351850-1860-1870.
24:38Et d'ailleurs,
24:39aujourd'hui,
24:41quand nous nous déplaçons à Las Vegas,
24:43par exemple,
24:43nous sommes reçus comme un peu
24:45les héritiers des créateurs
24:47de la société mère de Las Vegas.
24:50Ce qu'est Monte-Carlo,
24:50c'est déjà les jeux,
24:53c'est déjà les plus beaux palaces,
24:55les meilleurs restaurants,
24:57c'est l'entertainment,
24:59comme dirait les Américains.
25:00À l'époque, c'est-à-dire,
25:01c'est une clientèle cultivée,
25:03fin du 19e siècle.
25:05C'est l'orchestre philharmonique,
25:07c'est l'opéra.
25:07L'opéra.
25:14Il est construit à l'intérieur même du casino.
25:17On fait appel à Garnier
25:18qui vient d'achever l'opéra de Paris.
25:20Des bourges de stucs et de dorure.
25:23Aucune modération
25:24dans ce qui doit être
25:25un grand geste architectural.
25:26C'est un lieu d'apparat.
25:39Et les princes et les princesses
25:41de Monaco
25:42viendront hanter pour l'éternité
25:44une loge
25:45à l'image de leur excellence.
25:47Donc, François Blanc,
25:55quand il démarre
25:55le projet de casino,
25:58dit que ce n'est pas seulement
25:59d'avoir un casino.
26:01C'est que les touristes,
26:01il faut les loger.
26:03Donc, il faut créer des hôtels,
26:05il faut créer des auberges,
26:07il faut créer des maisons d'hôtes.
26:09Et puis, il va y avoir des gens
26:10qui vont venir s'installer
26:10pour travailler.
26:12Donc, du personnel,
26:13il faut les loger, etc.
26:17Et Monte-Carlo
26:20va être une création
26:21ex nihilo
26:22d'une société privée.
26:25Et cette société privée
26:26va obtenir
26:26du prince de Monaco
26:28en fait,
26:30son dessaisissement
26:30en sa faveur.
26:31C'est-à-dire que,
26:32un, la construction
26:33est précisément
26:34entre les mains
26:34de la société privée.
26:38Les services publics
26:39sont totalement
26:40entre les mains
26:40de la société privée.
26:42L'installation du tramway,
26:43de l'électricité,
26:44du gaz,
26:45tout ce que vous voulez,
26:46se trouve dans le cahier
26:46des charges.
26:48La police,
26:48dans un premier temps,
26:49est créée
26:49pour protéger
26:50les intérêts
26:51de la SBM.
26:52La SBM va même disposer
26:53d'une zone spécifique
26:54qui est encore valable
26:55aujourd'hui,
26:56qui est autour du casino
26:57et des hôtels
26:57qui sont autour du casino.
26:58Et cette zone
26:58est interdite
26:59à la police de l'État.
27:01Elle est entre les mains
27:02d'une police
27:03de la SBM.
27:04Moi, je suis toujours étonné
27:05parce que je suis à la tête
27:06d'une société
27:07qui, au fond,
27:08avec cette année
27:09environ 750 millions d'euros
27:11de chiffre d'affaires,
27:11est une grosse PME
27:12à l'échelle du monde.
27:14Et la SBM
27:14va toujours être
27:15très à cheval
27:16sur sa zone
27:16qui est à elle
27:17et qui n'appartient qu'à elle.
27:18Donc c'est un État
27:19dans l'État.
27:32Les monégasques,
27:33les ouvriers
27:34italiens ou français,
27:36difficile de les apercevoir.
27:39Il faut vraiment
27:39les chercher
27:40dans les archives d'époque
27:41avant que l'on détourne
27:43la tête, vite fait.
27:46C'est des milliers
27:47de travailleurs,
27:48notamment, effectivement,
27:50d'origine italienne
27:51à l'époque,
27:52qui viennent construire
27:53ce nouveau quartier
27:54de la ville,
27:55Monte Carlo,
27:56puis plus tard,
27:57la ville française
27:58de Beau Soleil
27:59qui est construite
28:00à la frontière nord
28:01de Monaco
28:02pour loger, justement,
28:04les salariés,
28:04une partie des salariés
28:05de la société
28:06des bains de mer
28:07et une partie
28:08de tous ces ouvriers
28:09qui viennent bâtir
28:10ce nouveau quartier,
28:11donc Monte Carlo.
28:28Beau Soleil, c'est la France.
28:30C'est finalement
28:31un bassin d'agglomération
28:33qui, au-delà
28:34de ces barrières sociales,
28:36de ce mixte
28:37en peu d'espace,
28:38se retrouve confronté
28:39des populations pauvres,
28:40des populations
28:41à faible revenu
28:42et des populations
28:43très riches.
28:44Ce luxe
28:44et cette pauvreté
28:45se côtoient
28:46dans une faible superficie
28:48avec, en plus,
28:49une frontière
28:50qui sépare
28:51la principauté
28:52de Monaco,
28:53ce bout de territoire
28:54de même pas
28:552 km²
28:56à cette époque-là,
28:58et de ce qui constitue
29:00les communes limitrophes
29:01dont Beau Soleil fait partie.
29:03On a à l'est
29:04Roquebrunca-Martin
29:06et à l'ouest
29:07Capdaille.
29:08Beau Soleil et Capdaille
29:09constituant des communes
29:10ouvrières.
29:12D'ailleurs,
29:12pendant très longtemps,
29:14il va y avoir
29:15dans les années 1950-1960
29:17des maires communistes
29:18qui seront
29:19des maires
29:20qui administreront
29:21ces communes voisines
29:22de la principauté
29:22de Monaco.
29:23Une grande partie
29:24de la population
29:24est composée
29:25de travailleurs immigrés
29:25italiens.
29:26C'est une sorte
29:27de dominante italienne
29:28qui se crée
29:29comme une forme
29:30de banlieue immédiate
29:31de la principauté
29:32de Monaco.
29:33Il y avait là
29:34des poulaillers,
29:36des cultures
29:36de vivrières,
29:38de petites attractions,
29:40des activités
29:41très rurales
29:42qui contrastaient
29:43très fortement
29:43avec le luxe
29:45de la principauté
29:45de Monaco
29:46tout proche.
29:46La plus grande pauvreté
29:49s'incarne
29:50dans le quartier
29:51dit du Tonquin
29:52à Beausoleil
29:53à la lisière
29:54de Monaco.
29:55Le Tonquin,
29:56c'est un terme
29:57qui a circulé
29:58parmi les habitants
30:00de Beausoleil
30:01et même de Monaco
30:02qui signifiait
30:03le,
30:04on peut dire,
30:05le bidonville
30:06de Beausoleil.
30:07C'est-à-dire
30:07cette partie
30:08pas très loin
30:10de la principauté
30:11de Monaco
30:11et à quelques centaines
30:12de mètres
30:12de la place du casino
30:14que l'on appelait Tonquin
30:15parce que selon
30:16un certain nombre
30:17de légendes,
30:19un ancien colonial
30:20qui venait du Tonquin
30:21avait considéré
30:22que dans cette série
30:23de rues
30:24qui était très bruyante,
30:26malodorante,
30:28pestilentielle
30:29et ouverte
30:30sur des activités
30:31peu recommandables,
30:34on était un peu
30:35comme au Tonquin
30:36à l'époque coloniale.
30:37Il faut savoir
30:37qu'il y a une pauvreté
30:38terrible à ce moment-là.
30:40Les pays européens
30:41sont des pays agricoles.
30:42l'injustice sociale
30:44est totale,
30:45il n'y a pas
30:45de politique sociale.
30:47On est en 1870
30:49et donc tous ces travailleurs
30:51meurent de faim
30:52parfois dans les campagnes.
30:54Donc ils arrivent ici
30:55et pour eux
30:56c'est un progrès.
31:00En cette fin
31:01du 19e siècle,
31:03la principauté
31:04que dis-je
31:04la famille Grimaldi
31:06est financée
31:07par les revenus
31:07du casino.
31:09Elle s'enrichit
31:10à vue d'oeil
31:10grâce à la puissance
31:11de l'ASPM,
31:13une entreprise privée.
31:17Et miracle,
31:18dès 1869,
31:20le prince Charles III
31:21peut supprimer l'impôt
31:22sur le revenu
31:23pour les monégasques
31:24puisque les revenus
31:25du casino,
31:27de la société
31:28des bains de mer
31:28sont supérieurs
31:29au prélèvement
31:30de l'impôt
31:31et permettent
31:32au prince
31:32de supprimer l'impôt
31:33ce qui évidemment
31:34le rend très populaire.
31:35Monaco devient
31:41une marque florissante
31:42gérée comme
31:43une grande entreprise.
31:49Alors que les monégasques
31:50ont l'interdiction
31:51de jouer au casino,
31:53Monte-Carl attire
31:54les riches
31:54et ceux qui rêvent
31:55de le devenir.
31:57Une espèce de Disneyland
31:58d'avant l'heure,
32:00mais strictement
32:00réservée aux adultes.
32:02Bref,
32:04la principauté
32:05est entièrement
32:05entre les mains
32:06d'intérêts extérieurs.
32:08Qui alors décide quoi
32:09à Monaco ?
32:11La France d'abord
32:12avec le pouvoir
32:13sur les lois,
32:13la police,
32:14l'armée,
32:14la monnaie
32:15et la SBM
32:17pour toute l'économie
32:18et les services municipaux.
32:20Le prince de Monaco,
32:21qu'est-ce qu'il a
32:22comme pouvoir,
32:23lui, concrètement ?
32:24Celui d'exister.
32:26Alors Charles III
32:27va mourir assez vite
32:28et donc c'est son fils
32:30Albert Ier
32:31qui va avoir le pouvoir.
32:34Quand il s'assoit
32:35sur le trône
32:35en 1889,
32:37Albert est un prince
32:39héritier atypique.
32:40Il est anticolonialiste,
32:42il est anti-esclavagiste,
32:45il se sent proche
32:45de Jean Jaurès,
32:47il est pacifiste,
32:49il va militer
32:49pour la réhabilitation
32:51de Dreyfus,
32:52il est anticlérical
32:53et c'est un grand scientifique.
32:56Il attire une première fois
33:00l'attention en 1870,
33:02il a 22 ans.
33:04Les monégasques
33:04se rebellent
33:05contre la SBM
33:06qui emploie massivement
33:08des Italiens
33:08à leur détriment.
33:11Ils marchent sur le palais
33:12avec la milice nationale.
33:15Charles,
33:15vieillissant quasiment aveugle,
33:17s'enfuit
33:18ainsi qu'Albert.
33:20Albert,
33:20après plusieurs semaines
33:21de troubles,
33:22revient à Monaco
33:23à la tête d'une force armée
33:24que l'on va bientôt nommer
33:26les carabiniers du prince.
33:29Toute rébellion
33:30est matée.
33:33Dans la gestion monégasque,
33:36Albert,
33:36le progressiste,
33:37se dévoile
33:38quelque peu autoritaire.
33:41Image à l'appui,
33:44Albert n'est jamais
33:44à Monaco.
33:48Quasiment jamais.
33:49Il est en voyage,
33:50on l'aperçoit
33:51au Groenland,
33:52au Maroc,
33:53filmant lui-même
33:54comme fasciné
33:56par tant d'altérités.
33:59On le voit même
34:00entre un chef Apache
34:01et Buffalo Bill
34:02au fin fond du Viscontine.
34:09On le croise assez rarement
34:10dans la région,
34:11ici à Toulon,
34:12pour la mise à l'eau
34:13de son dernier bateau.
34:17L'occasion pour le prince
34:18de bien marquer sa différence
34:19avec les autorités locales.
34:21Il attend que l'évêque
34:24de Monaco
34:24le salue
34:25avant de s'incliner
34:27lui-même.
34:31Sa passion,
34:32c'est l'océanographie.
34:35La chasse à la baleine
34:36l'emballe bien plus
34:37que le destin
34:37des monégasques.
34:40Et quand il retourne
34:41dans sa principauté,
34:42c'est pour créer
34:42un gigantesque musée
34:44dédié à la connaissance
34:45des océans.
34:46Il est très, très moderne.
34:54Parce qu'outre
34:55toutes ses qualités,
34:55si j'ose dire,
34:56d'homme quasiment
34:57de centre-gauche,
34:58ce qui est totalement
34:58inhabituel comme monarque,
35:00de surprogressiste,
35:01de surcroît,
35:02il est très moderne.
35:03Il aime la mécanique.
35:04Il sillonne la France
35:05en moto,
35:06il faut imaginer
35:06au début du XXe siècle.
35:11Il apprécie beaucoup
35:12les sports mécaniques,
35:13donc on va faire
35:14des courses motonautiques
35:15à Monaco,
35:17des courses hydravioniques
35:18à Monaco,
35:20des courses d'avion.
35:21Bref,
35:22tout ce qui est sport mécanique
35:23va devenir sport
35:24quasi-national à Monaco.
35:27Ville de plaisir,
35:28la principauté va de décennie
35:29en décennie
35:30faire parler d'elle.
35:32Tout est bon pour cela.
35:35Mais il n'y a pas
35:35que le sport dans la vie.
35:38Il y a le jeu,
35:39l'opéra,
35:40les festivals.
35:40Dans la principauté,
35:44les touristes
35:44ont débarqué en masse.
35:55On comptait
35:56138 000 visiteurs
35:57en 1870.
35:59On en dénombre
36:00un million et demi
36:01en 1904,
36:03soit dix fois plus.
36:04Tout irait pour le mieux
36:11dans le meilleur des mondes.
36:14Sous les paillettes,
36:16Monte Carlo
36:16et son prince
36:17sont pour certains
36:18synonymes de décadence,
36:20d'immoralité,
36:21de dépradation,
36:23de ruines
36:23et de morts.
36:25La légende noire
36:26de Monaco
36:26commence à envahir
36:27l'imaginaire
36:28des joueurs européens.
36:29Et pour couronner le tout,
36:35voilà qu'une mauvaise nouvelle
36:36menace la principauté.
36:40C'est dès 1907
36:41que Monaco
36:42perd son monopole
36:43du jeu
36:44puisque
36:44les jeux de hasard
36:47sont autorisés
36:47en France
36:48dès 1907.
36:50Si Monte Carlo
36:55n'a plus
36:55le monopole
36:56du jeu,
36:57le déclin
36:57hante les esprits,
37:00même si le casino
37:00continue
37:01pour combien de temps
37:02encore
37:03à attirer
37:04les foules.
37:09La fin d'un monde
37:10est pour bientôt,
37:13même si personne
37:13encore ne veut
37:14l'admettre.
37:17Et puis à Monaco,
37:17la situation sociale
37:18s'est dégradée.
37:19C'est toujours
37:21la fête
37:21pour les touristes
37:22mais pas pour
37:22les monégasques.
37:24C'est aussi
37:25un lieu
37:25de mendicité.
37:27C'est aussi
37:27un lieu
37:27
37:28seul le plateau
37:29des Spelux,
37:30cette place du casino
37:31est un lieu mondain.
37:32Mais les autres endroits,
37:33je pense notamment
37:33au Rocher de Monaco
37:34qui est une zone
37:35où habitent
37:35des personnes
37:36pauvres,
37:37appauvries,
37:37vivant sur des bancs,
37:38etc.
37:38Donc
37:39cet espace
37:40n'est pas qu'un espace
37:41de luxe,
37:41c'est aussi un espace
37:42de pauvreté
37:43et où parfois
37:43la question sociale
37:44se joue.
37:45D'ailleurs,
37:46je pense au début
37:46du XXe siècle
37:47en 1910
37:48lorsque le prince
37:49Albert Ier
37:50est contesté
37:50par des manifestations.
37:54Évidemment,
37:55les caméras
37:55de la SBM
37:56et celles
37:56du monde entier
37:57n'ont aucun intérêt
37:58à filmer
37:59la révolte
38:00du peuple
38:00qui gronde.
38:04Le chômage
38:05frappe gravement
38:06le pays
38:06qui manque
38:07de terres agricoles
38:08et d'usines
38:09et des lois
38:10des établissements
38:11de jeu
38:11interdisent
38:12l'embauche
38:13des sujets
38:13du prince.
38:17Et donc,
38:17ces monégasques
38:18se plaignent
38:18de ne pas participer
38:19complètement
38:19à la prospérité.
38:21Ils n'ont pas
38:22le pouvoir,
38:22donc ils n'ont
38:23pas le bénéfice
38:23de cette prospérité
38:24qui appartient
38:24à une boîte privée.
38:26Ils n'ont pas
38:26le bénéfice
38:27de cette prospérité
38:27au plan politique
38:28qui appartient
38:29à la France
38:29ou au prince.
38:30Ils veulent exister.
38:33À qui s'adresser ?
38:35Le prince est rarement là.
38:37Les regards se tournent
38:38vers le fils héritier
38:39d'Albert Ier,
38:39Louis II.
38:41Il s'affiche
38:42quelquefois
38:42à ses côtés
38:43lors de ponctuelles
38:44cérémonies officielles.
38:46Louis II
38:47va être obligé
38:47d'intervenir
38:48dans les affaires
38:48du palais
38:49dès son père
38:50repartit en voyage.
38:56En octobre 1910,
38:59Louis,
39:00représentant
39:00de son père,
39:01arrive en gare
39:02de Monaco
39:02et il est assiégé
39:04par une foule
39:04de manifestants.
39:05ils revendiquent
39:13pour la première fois
39:14une priorité
39:15sur ceux
39:15qu'ils appellent
39:16les immigrés,
39:17français ou italiens.
39:23Et notamment,
39:24une de leurs exigences
39:24qui va être
39:25une permanence régulière,
39:26c'est que les monégasques
39:27soient prioritaires
39:28à la SBM,
39:29qu'on embauche
39:30d'abord des monégasques,
39:31puis d'ailleurs
39:31qu'ils soient prioritaires
39:32dans l'ensemble
39:33des emplois à Monaco,
39:34qui va être également
39:35une demande presque constante
39:36pendant toute la durée
39:37du siècle.
39:38Les monégasques,
39:39au fond,
39:39veulent la préférence nationale.
39:42Le 16 octobre,
39:43plusieurs centaines
39:43de manifestants monégasques
39:45pénètrent dans la cour
39:46du palais
39:46et exigent une audience.
39:48Leur prince
39:49doit les protéger.
39:53Louis reçoit
39:54les insurgés
39:54et gère plutôt bien
39:56la situation.
39:59La SBM,
40:00c'est alors
40:01l'État dans l'État
40:02et les pouvoirs
40:03du prince Albert Ier,
40:04s'arrêtent
40:05aux marches
40:05du casino.
40:07Mais la gouvernance
40:08du royaume
40:09dépend toujours
40:10de lui,
40:11conspuée
40:11pour être toujours
40:12absent,
40:13autoritaire
40:13et autocrate.
40:15Il doit faire
40:15un geste politique
40:16pour retrouver
40:17la confiance
40:17de son peuple.
40:19Le prince,
40:20pour la première fois
40:20de l'histoire
40:21de son pays,
40:22propose de doter
40:23la principauté
40:24d'une constitution
40:24qui donnerait
40:26des droits
40:26à ses sujets.
40:27Donc,
40:30il y avait
40:30des mouvements
40:31sociaux forts
40:32et alors,
40:34ce n'est pas
40:35une révolution
40:35à la française.
40:37Le prince Albert Ier
40:39a bien voulu
40:40partager
40:41ses pouvoirs.
40:43On est devenu
40:43vraiment un pays,
40:45on est parti
40:45de la monarchie absolue
40:47sur la monarchie
40:48constitutionnelle.
40:50Voilà qui est bien
40:51résumé
40:51et qui peut être
40:52autrement appréhendé.
40:54Cette constitution
40:55est le fruit
40:56d'une tension
40:58très forte
40:59entre le prince Albert Ier
41:02que l'on présente
41:02souvent comme un prince
41:03adulé, adoré,
41:04mais qui en 1910
41:05se retrouve contesté
41:08et même mis
41:09sous la critique.
41:10Cette révolution
41:10de 1910
41:11et donc de 1911
41:13puisque la constitution
41:14date de 1911
41:14est considérée
41:15comme l'acte fondateur
41:16du Monaco moderne.
41:17Elle établit
41:24un pouvoir législatif
41:26entre les mains
41:27d'un parlement
41:28qu'on appelle
41:29le Conseil national
41:31élu par
41:32les citoyens
41:34monégasques
41:35mais en même temps
41:37elle maintient
41:38quand même
41:38des prérogatives
41:40majeures
41:41en faveur
41:42du souverain.
41:44À partir de cette constitution
41:45un certain nombre
41:46de tentatives
41:49d'offrir à la principauté
41:51un début de démocratie
41:53s'est mis en place
41:54mais le prince
41:55va beaucoup reculer
41:56sur ce sujet.
41:57Il va y avoir
41:57une tension très forte
41:58entre les partisans
42:00d'une démocratie à Monaco
42:01et finalement le prince
42:02qui conservera la main
42:03sur un pouvoir
42:04qui restera jusqu'alors
42:05et jusqu'à aujourd'hui
42:06un pouvoir
42:07régalien en fait.
42:10En tout cas
42:10le Conseil de l'Europe
42:11ne considère pas
42:13Monaco
42:13comme une véritable démocratie.
42:15Le prince dispose
42:16de tous les pouvoirs.
42:18Il dispose tout d'abord
42:20du pouvoir exécutif
42:21à travers le ministre
42:22d'État
42:23et le gouvernement
42:24qui nomme
42:24et qui peut révoquer.
42:26La principauté de Monaco
42:28vient d'aller aux urnes.
42:29Il s'agissait
42:29pour les 922 électeurs
42:31inscrits
42:31de pourvoir
42:32les 10 vis-sièges
42:32du Conseil national
42:33qui avec le concours
42:35du souverain
42:35tient dans ses mains
42:36le sort du peuple monégasque.
42:37Conseil national
42:38qui peut dissoudre
42:39et dont il promule
42:40que les lois.
42:42Donc si une loi
42:43qui émane
42:44du Conseil national
42:45le dérange
42:47il n'est pas obligé
42:47de la promulguer.
42:48On n'envisage
42:49donc pas de bouleversements
42:50politiques dans cet État
42:51l'un des plus petits du monde
42:52et qui a la réputation
42:53d'abriter un peuple heureux.
42:56Je n'aurais plus jamais
42:56à Monaco pour moi.
42:58C'est sympa.
43:12Et ainsi va la vie.
43:14Et ainsi va la démocratie
43:16à Monaco.
43:17Il faut que tout change
43:18pour que rien ne change.
43:21Faites vos jeux.
43:22Rien ne va plus.
43:23Avec la fin du monopole,
43:25le faste monégasque
43:26a commencé à perdre
43:27un peu d'allure.
43:33Et puis arrive
43:34la guerre de 1914.
43:39Cette guerre,
43:40Monaco la regarde de loin.
43:43Comme un centre commercial
43:44sans client,
43:45la principauté est désœuvrée.
43:49Pendant le conflit,
43:50le prince Albert
43:51s'installe sur son bateau
43:52amarré dans le port.
43:54Et parfois,
43:55pour tromper l'ennui,
43:56il fait le tour
43:57de la rade.
43:58Par mauvais temps
43:59de préférence.
43:59La guerre terminée,
44:16les joueurs se font rares.
44:19Il faut reconstruire l'Europe.
44:21Une page se tourne,
44:22il va falloir tout remettre à plat
44:23et inventer une nouvelle économie.
44:25Fini le temps
44:29de la splendeur ?