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Dans cet épisode de STORY, nous recevons Linda Testouri. Psychologue clinicienne, elle est spécialisée en psychocriminologie et en victimologie.
Elle s’est formée à plusieurs approches thérapeutiques comme l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, en français : désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires ) ou encore l'hypnose, afin d’accompagner au mieux les personnes en souffrance.
Elle est aussi fondatrice de deux associations : La Clinique Judiciaire, qui permet aux étudiants en droit d’assurer des permanences pour le public, et Thérapie Sans Frontières, engagée pour une santé mentale accessible à tous. Un parcours fort, au croisement de la psychologie et de la justice.

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Transcription
00:00C'est des métiers de conviction, c'est des métiers où on se sent très seul aussi,
00:03parce que même s'il y a des supervisions, on ne peut pas en parler.
00:06Autour de nous, tiens, j'ai reçu une famille parce qu'il y a le mari
00:12qui s'est mis une coup de carabine dans la tête, dans la chambre de sa fille.
00:18Voilà, on fait quoi de ça ?
00:30Alors, je m'appelle Linda Testouri, j'ai 37 ans, je suis psychologue clinicienne,
00:37j'ai une spécialité en psychocriminologie et victimologie.
00:41Je suis praticienne également au MDR, donc en psychotrauma.
00:44Ce que je vais vous raconter aujourd'hui, c'est mon parcours,
00:47certaines tranches de vie qui m'ont amenées à ce métier,
00:50les rencontres, les expériences que j'ai vécues,
00:54et aussi comment je suis venue à créer une association
00:58qui s'appelle Thérapie sans frontières,
01:00et aussi la clinique judiciaire qui vient soutenir
01:04les publics vulnérables et les professionnels de santé et de droit.
01:12Alors, mon métier de psychocriminologie et victimologue
01:16consiste concrètement à recevoir des personnes victimes,
01:22tout type de fait, qui est plainte, pas plainte,
01:26que ce soit des personnes qui se sentent victimes
01:28ou qui sont des victimes, disons, réelles avec des faits avérés,
01:32qui me permettent d'avoir un bagage, une compréhension,
01:36un accompagnement spécifique à ces profils,
01:39et également pour, et en psychocriminologie,
01:42pour comprendre les passages à l'acte, les récidives,
01:45pouvoir accueillir, accompagner des auteurs de faits.
01:48Donc, pour en arriver là, j'ai fait des études en psychologie
01:53et j'ai eu un master en spécialisation psychocrimino-victimaux
01:58qui me permet d'avoir un bagage dans ces domaines.
02:02Dans mon parcours professionnel, j'ai pu travailler
02:05au sein d'un service de criminologie appliquée,
02:08ce qui m'a permis de pouvoir, à la fois,
02:10avoir des prises en charge de victimes d'auteurs
02:12et à la fois de pouvoir créer des programmes spécifiques
02:15pour améliorer la qualité de vie des personnes,
02:18pour comprendre comment, après avoir eu des traumatismes dans la vie
02:26ou vécu des délais ou des crimes, comment on peut s'en sortir.
02:31Donc, pendant une dizaine d'années, j'ai travaillé au sein d'un service
02:33qui m'a permis de pouvoir créer des programmes
02:35et des programmes pour des professionnels au niveau national et européen
02:40sur des bonnes pratiques, on va dire,
02:43parce que lorsqu'on reçoit des discours de féminicides
02:47ou de violences sexistes et sexuelles,
02:50on ne sait pas toujours comment faire.
02:52Donc, il est important d'avoir une certaine compréhension des méthodes,
02:56des méthodes également d'évaluation,
02:58pour savoir de quoi on parle au début,
03:01comment ça avance au milieu
03:02et finalement, à la fin,
03:06comment on peut améliorer la qualité de vie des personnes
03:08et surtout, qu'elles puissent se voir autrement qu'en étant victime à hauteur.
03:12Donc, la journée type, c'est de recevoir ce type de profil.
03:16Et moi, je travaille à 8 ans comme ça aujourd'hui, en libéral.
03:19Donc, je reçois tout type de profil
03:21qui me sont venu par des institutions
03:24comme les services probationnaires
03:26où j'ai des personnes en obligation de soins.
03:29Voilà, ça veut dire qu'ils ne vont pas en prison
03:31et qu'ils ont soit des brasses électroniques
03:32ou soit pendant deux ans, ils doivent pointer, on va dire,
03:35et voir une psychologue.
03:37Donc là, il y a tout intérêt à créer une alliance
03:39pour qu'ils trouvent un intérêt à être là.
03:41Et puis, je reçois tout type de victimes également,
03:44que ce soit des personnes qui sont déjà en cours de procédure judiciaire
03:47ou des personnes qui viennent d'avoir ce qu'on appelle,
03:53en effet, de mise en mémoire de leur traumatisme,
03:59ce qu'on appelle une période d'amnésie traumatique
04:02qui fait que dix ans plus tard, les gens se disent
04:04« Tiens, il s'est passé quelque chose et ça éclate toute ma vie.
04:08Et qu'est-ce qu'on en fait ? » et voilà.
04:15Alors, j'ai eu de tout,
04:16puisque ma première partie de carrière était au sein
04:20des milieux pénitentiaires, des maisons d'arrêt,
04:23centres de détention.
04:24Donc là, ce sont déjà des personnes condamnées
04:26ou en détention prévisoire,
04:28c'est-à-dire qu'ils attendent un jugement.
04:30Donc là, on a de la petite délinquance
04:31à la grande criminalité
04:33où des profils se disent
04:36« Moi, je suis convivileur professionnel. »
04:38Donc, il y a vraiment différents types de degrés
04:40où des personnes se disent à un moment donné
04:42« Ça devient une profession parce que ça devient une identité
04:45et ils se voient faire rien d'autre que ça. »
04:48C'est-à-dire qu'à un moment donné,
04:49ils arrivent à un point dans leur vie
04:50où ils se disent « Je ne peux être que ça
04:52et je ne vis que de ça. »
04:54Et puis, vous avez de l'autre côté
04:55ce qu'on appelle de la petite délinquance
04:58où là, il y a encore des choses à faire
04:59de pouvoir leur proposer une alternative identitaire
05:02de « Ce n'est pas que ça,
05:04il y a autre chose dans la vie. »
05:07On voit bien que ça peut être déterminé
05:09par plein de choses.
05:11Déjà, il n'y a pas d'égalité des chances.
05:13La personne, elle peut avoir des grandes difficultés
05:15à commencer sa vie.
05:16Ça explique, ça ne le justifie pas
05:20parce qu'on n'est pas tous à être dans la délinquance non plus.
05:23Mais ça permet d'avoir des leviers de ressources
05:26que la personne peut mobiliser,
05:27qu'elle a oubliés
05:28et venir équilibrer avec les facteurs de risque
05:32qui incombent à ce qu'elle est en train de mettre en place
05:36parce que là où nous, on voit que c'est illégal,
05:39la personne voit que...
05:41Non.
05:41Je vous donne un exemple concret.
05:42J'ai rencontré tout petit...
05:45J'ai tout type de profil, tout petit âge.
05:47Ça va de 3 ans à 85 ans.
05:51Avec tous différents types de problématiques.
05:53Donc, j'ai reçu un gamin de 14 ans
05:55qui avait déjà un cagé d'huissière long comme mon bras.
05:58Je me suis dit « Mais qu'est-ce qui se passe ? »
06:00Sur de la vente de drogue, des choses comme ça.
06:04Mais sans vraiment de conviction
06:05et en faisant rien de l'argent qu'il a quand il les dépense.
06:09Donc, il y a vraiment un vide derrière ça
06:11de perte de sens.
06:14Et donc, c'était de l'avenir.
06:17Donc, pour certains jeunes, il n'y a que ça comme possibilité.
06:20Voilà, c'est toute cette globalité de compréhension
06:24qui nous permet d'ajuster au mieux l'accompagnement de la personne
06:27et surtout de ne pas l'afficher comme ça.
06:29Si la personne s'identifie en tant que criminelle,
06:31bon, ça devient une profession.
06:33Si vous voulez, ce qui est intéressant dans ma profession
06:34et de la façon dont moi je la fais,
06:37d'autres le font autrement,
06:38mais la façon dont moi je le conçois, c'est de trouver,
06:41de rencontrer la personne dans le présent
06:44et de savoir ce qui l'a amené à ça
06:45et de la questionner sur aussi les bénéfices, on va dire,
06:51que ça lui apporte d'aller jusque-là
06:53parce que les bénéfices sont à court terme,
06:55mais il n'y a pas, si vous voulez, d'horizon et de projection au futur.
06:58Futur, c'est plus tard.
06:59Donc c'est là où l'intervention du professionnel est tout à fait pertinent,
07:03c'est de pouvoir co-construire ensemble une projection future,
07:07une autre forme, une identité, se voir autrement.
07:12Là, je me vois devant un miroir et je vous parle en même temps.
07:16Cet exercice était intéressant d'ailleurs
07:17pour se poser, se voir vraiment et se poser des questions.
07:21C'est vrai que la posture est différente.
07:29Il peut y avoir des points communs entre les deux,
07:31c'est-à-dire situé sur le curseur de la souffrance,
07:37que je reçois un auteur de fait, avéré ou pas.
07:40Il peut être tout à fait dans le déni et se dire que c'est injuste, etc.
07:44Et une victime qui va se dire, c'est de ma faute
07:46et avoir plutôt une posture de honte et de culpabilité.
07:50Donc vous voyez, il y a vraiment des postures différentes à un même endroit
07:55où la personne, par exemple auteur de fait, de délits ou de crimes,
08:00va se sentir victime déjà.
08:04Alors même qu'on va parler de ce que la personne a fait,
08:06puisqu'elle a été soit condamnée, soit en cours,
08:09la personne va se sentir victime de ne pas avoir été comprise,
08:11que c'est injuste, que c'est trop, etc.
08:13Donc là, la posture, effectivement, elle va être beaucoup plus pertinente
08:18à faire parler la personne dès là où elle en est,
08:21je ne suis pas dans une posture de faire la loi,
08:23je ne suis pas juge, je ne suis pas magistrat,
08:25donc moi, ça me sécurise aussi de me dire,
08:27mais moi, tout ce que la personne me dit, qu'elle ne me ment ou pas,
08:31ce n'est pas mon affaire, puisque moi, je vais travailler sur d'autres choses.
08:33Et surtout, je ne vais pas refaire un procès.
08:36Donc là où la personne va déposer sa souffrance
08:39et sa posture victimaire et sa façon de se justifier
08:43va, moi, me donner des billes pour pouvoir l'orienter
08:48à ce qu'elle puisse se poser des bonnes questions
08:50de sa propre responsabilité à avoir fait ça.
08:54Exemple d'auteur de fait, il y a de la répétition de schémas,
08:57c'est-à-dire que, bon, ce n'est pas tout le monde,
08:59mais il y a vraiment plus de la moitié quand même.
09:03Lorsqu'il n'y a pas de prise en charge,
09:04pris à temps et de prévention,
09:05les personnes répètent des schémas.
09:07Donc si, à l'enfance, il y a eu des violences conjugales,
09:11des violences intrafamiliales,
09:12il y a déjà des mécanismes ou des schémas
09:15qui se mettent en place,
09:17qui deviennent une normalité pour eux
09:19et qui ne l'est absolument pas,
09:22se réitèrent adultes.
09:24Et les personnes adultes se disent
09:25« c'est normal de faire appel à la violence
09:28puisque je n'ai connu que ça. »
09:29Donc vous voyez, il y a aussi toute une démarche
09:31de faire déjà prendre conscience
09:32que ça, ce n'est pas la normalité.
09:34Donc la posture ne va pas être la même
09:36pour les auteurs de faits,
09:36qui va être plus de les responsabiliser,
09:39qu'ils ne soient plus dans un déni,
09:41qu'on rationalise les faits
09:42et de pouvoir permettre une écoute
09:46pour se restaurer soi.
09:48S'ils ont été victimes dans le passé,
09:49on va réparer le passé,
09:50mais à l'heure actuelle, ils sont en hauteur.
09:52Donc vous voyez, il y a le curseur
09:53à mettre à chaque fois au bon endroit,
09:55mais toujours avec une écoute attentive.
09:57Et pour les victimes, la posture est différente
09:59parce que ça va être de leur donner confiance,
10:03de pouvoir les accompagner
10:04à ce qu'ils puissent ne pas revivre
10:06le traumatisme en le racontant,
10:08parce qu'il faut aussi connaître
10:10le parcours des victimes,
10:10parce qu'avant d'aller porter plainte,
10:13et très peu portent plainte,
10:14et ça, ça interroge,
10:16parce qu'elles ont peur de ne pas être crues,
10:18parce qu'il y a 90% aujourd'hui
10:20des classements sans suite
10:21pour des cas de viol.
10:23Donc ça pose question aussi
10:24de la procédure judiciaire
10:28et de ce qu'on y attend
10:29sur la caractérisation matérielle,
10:32on va dire, des preuves, quoi.
10:33Parce que c'est la parole de la victime
10:35contre la parole de l'auteur,
10:37il y a très peu d'éléments,
10:38donc c'est très éprouvant déjà
10:40de s'avouer qu'il s'est passé quelque chose
10:42et ensuite d'entamer des démarches.
10:44Donc moi, dans ma posture,
10:45et avec Thérapie sans frontières
10:46et la clé nuvisiaire,
10:48c'est de pouvoir les accompagner
10:49quand il n'y a plus de l'amnésie traumatique
10:52et la sidération,
10:53les accompagner à ce qu'il y a plus de traumatisme,
10:55pour libérer la parole
10:56et pour qu'il puisse aussi avoir
10:58les oreilles qui les entendent aussi.
11:05Alors, je vais vous expliquer
11:06ce que c'est l'EMDR.
11:08Donc l'EMDR, c'était un acronyme
11:10qui a été fait par Feux Chapirot,
11:12qui a été décédé en 2018,
11:14qui a créé le concept.
11:16C'est une anecdote qu'on a bien racontée,
11:18peut-être que, bon,
11:19je me la suis appropriée
11:21et peut-être que ce n'est pas tout à fait juste,
11:24mais Chapirot,
11:25qui est chercheuse et mérite,
11:28qui a réfléchi sur tout ce qui est neurosciences,
11:30comment calmer les choses,
11:34elle a trouvé un peu l'EMDR par hasard,
11:36c'est-à-dire qu'elle a été perturbée
11:38de quelque chose
11:38et puis ensuite,
11:39elle est allée dans un parc
11:40pour pouvoir s'évader,
11:43se changer les idées
11:44et là, à un moment donné,
11:45elle se pose
11:46et elle regarde un écureuil
11:47qui fait des allers-retours
11:49entre deux arbres
11:49et elle reste, elle se pose
11:50et ses yeux font ça très rapidement.
11:52Je vous explique ça
11:53parce que souvent dans l'EMDR,
11:55on dit qu'il faut bouger les yeux
11:55mais on ne comprend pas pourquoi.
11:57Donc là,
11:58on regarde l'écureuil,
11:59elle s'assoit
12:00et puis elle est là
12:01et puis,
12:02au fur et à mesure,
12:03elle sent qu'il y a une amélioration,
12:04qu'elle se sente mieux,
12:06qu'elle oublie même
12:07ce pourquoi elle a été perturbée,
12:08dérangée.
12:10Et elle arrive le soir
12:10et elle raconte à son compagnon
12:13et elle essaie de savoir
12:14qu'est-ce qui lui a fait
12:14qu'elle était bien,
12:15est-ce que c'était l'oiseau,
12:16est-ce que ce n'était pas
12:17ce qui faisait bon
12:17et à un moment donné,
12:18elle prend un stylo,
12:19elle bouge les yeux,
12:20elle essaye de voir
12:21entre les hémisphères
12:21qu'est-ce qui se passe.
12:23Ce qui est assez incroyable
12:25de l'OMDR,
12:26c'est que finalement,
12:28c'est un mauvais traitement
12:29de l'information,
12:30c'est qu'on a un traitement
12:31de l'information,
12:32on le reçoit
12:32de but en blanc émotionnellement,
12:34on n'arrive pas à le gérer,
12:36ça nous envahit,
12:37on ne sait pas quoi en faire
12:38et du coup,
12:39ça c'est le premier cortex,
12:40c'est l'amygdale,
12:41on est d'une façon
12:43intuitive, instinctive,
12:45tout est émotionnel
12:46et ensuite,
12:46on analyse des choses.
12:48L'analyse,
12:48c'est le deuxième cortex,
12:49c'est l'hippocampe
12:50qui va à un moment donné
12:51se dire,
12:52qu'est-ce qui se passe,
12:53comment on analyse ça
12:53et mettre en mémoire
12:54à court terme
12:54et à long terme
12:55ce qu'on vit.
12:57Donc là,
12:57elle met tout ça en lien
12:58et elle se dit,
12:59en fait,
13:00ça va mieux.
13:01Ce qui se passe,
13:02c'est que quand on a
13:02un traumatisme,
13:04ça bloque dans le cerveau
13:05et les deux hémisphères
13:06font la grève en fait,
13:08ils ne bougent plus.
13:08Pour ça,
13:09le MDR,
13:09on fait ce qu'on appelle
13:10la stimulation,
13:12gauche-droite,
13:13on marche,
13:13on fait bouger les yeux,
13:14ce qui fait qu'on oblige
13:15les hémisphères
13:16à traiter l'information.
13:17Donc,
13:18en termes plus simples,
13:20on se met en bonne disposition
13:22avec la personne,
13:23on lui explique
13:23comment le trauma
13:24se loge dans la tête
13:25et fait que,
13:26même de par nous-mêmes,
13:28ça met des années
13:29et des années à se régler.
13:31Comment faire
13:31pour que ça ne soit plus là,
13:32que ça ne soit plus une souffrance
13:33et que ça n'impacte plus nos vies ?
13:35Ces séances-là permettent
13:37justement de pouvoir
13:38retraverser les traumatismes
13:40avec une professionnelle formée,
13:41des professionnels formés,
13:44et tout en faisant bouger
13:46justement les yeux
13:47qui permettent de pouvoir
13:48faire activer les hémisphères
13:51et,
13:52si vous voulez,
13:53on tire la chasse,
13:54on enlève tous les traumatismes,
13:56que ce soit sur des viols,
13:58des agressions sexuelles,
13:59sur des accidents de voiture,
14:00sur même des perturbations.
14:01Le MDR,
14:02c'est comment on réadapte
14:04une information
14:04pour que le cerveau
14:05puisse encoder
14:06une bonne fois pour toutes.
14:12Alors,
14:12il n'y a pas de profil type.
14:14En fait,
14:14chaque victime réagit
14:15comme elle peut
14:15à ce qui lui est arrivé.
14:17Il peut y avoir une victime,
14:18par exemple,
14:18qui a eu toute sa vie,
14:20on va dire,
14:21vécu de l'inceste
14:23et puis une autre victime
14:23qui a également vécu de l'inceste
14:25et l'une et l'autre
14:26ne vont pas réagir
14:27de la même façon.
14:28Et c'est d'accord.
14:29Une personne va dire
14:30il faut en parler,
14:32il faut libérer la parole,
14:33il ne faut plus que ça recommence,
14:35il faut qu'on soit entendus,
14:36il faut qu'il y ait des vrais
14:37qui entendent,
14:37il faut que le gouvernement
14:38puisse nous donner aussi
14:39du poids
14:41à ce que ça ne recommence plus,
14:43qu'il n'y ait pas
14:43d'homerta là-dessus.
14:44Parce que c'est très difficile
14:45quand ça se passe
14:47au sein d'une famille
14:47et sachez que
14:48la plupart du temps,
14:51toutes les agressions
14:52et les viols
14:52se passent au sein
14:53d'un entourage.
14:54c'est 2% en fait
14:57quand il s'agit
14:58de personnes inconnues
14:59ou de drogues
15:00dans un bar,
15:01etc.
15:02au GHB.
15:03La plupart du temps,
15:04c'est 80%
15:05au sein d'un entourage.
15:08Donc il n'y a pas
15:08de profil type
15:09d'une victime,
15:10une victime va dire
15:10il faut parler,
15:11une autre victime va dire
15:12il ne faut surtout pas parler.
15:13Donc c'est comment accueillir
15:14aussi là où elles en sont.
15:16Donc il n'y a pas
15:18de profil type,
15:18il y a des personnes
15:19en souffrance
15:20qui essayent de sortir
15:21de cette souffrance.
15:21Parce que ce qu'il faut savoir
15:23lorsqu'on devient victime,
15:25on ne le choisit pas.
15:28C'est qu'à un moment donné,
15:29on est de facto lié
15:30à quelqu'un
15:31qui nous a causé du tort.
15:34Et ce tort-là,
15:35ça fait un peu
15:36une peine à perpétuité.
15:37Parce que même s'il y a
15:38une procédure judiciaire
15:39et que la personne
15:41se dise ça y est,
15:42il y a une procédure,
15:42la personne est punie,
15:44on voit bien
15:45dans les statistiques
15:45d'aujourd'hui
15:46qu'il y a une insatisfaction
15:47du côté des auteurs
15:48et du côté des victimes.
15:50Ce n'est pas suffisant.
15:51Peut-être qu'il y a
15:51autre chose encore
15:52à réfléchir.
15:53Donc, il n'y a pas
15:54de profil type de victime.
15:56Il y a des souffrances communes,
15:59on va dire,
15:59et une volonté
16:00de pouvoir en sortir.
16:02Mais pour ça,
16:02il faut reconnaître
16:03qu'il s'est passé quelque chose.
16:04Des anecdotes marquantes
16:10du côté des victimes,
16:11j'ai envie de dire,
16:12c'est quotidien.
16:13C'est des choses
16:14qui interpellent,
16:15c'est des choses
16:15qui, à un moment donné,
16:16en tant que personne
16:17et professionnelle
16:19et personne aussi derrière,
16:20parce que c'est des métiers
16:22de conviction,
16:23c'est des métiers
16:23où on se sent très seul aussi,
16:25parce que même s'il y a
16:26des supervisions,
16:27on ne peut pas en parler
16:27autour de nous.
16:28où j'ai reçu une famille
16:32parce qu'il y a le mari
16:34qui s'est mis
16:35une coup de carabine
16:36dans la tête,
16:38dans la chambre de sa fille.
16:40Voilà.
16:41On fait quoi de ça ?
16:42Comment est-ce qu'on va
16:43venir soutenir les familles ?
16:44Comment est-ce qu'on peut
16:45expliquer un pourquoi ?
16:46Il n'y a pas de lettres,
16:47il n'y a rien.
16:48Donc voilà,
16:48on arrive dans des choses
16:50comme ça,
16:50où on se dit
16:50par où on commence
16:51et qu'est-ce qu'on fait ?
16:53Et ensuite,
16:53on a bien sûr
16:54toutes les personnes
16:55victimes de viols,
16:56d'agressions sexuelles,
16:58sur des personnes,
17:02on va dire,
17:03des personnalités publiques.
17:06Et là,
17:06c'est compliqué
17:07parce que
17:08comment porter plainte
17:09quand la personne
17:10elle est connue
17:11et qu'on voit la télé,
17:12etc.
17:12Donc tout ça,
17:13ce sont pour moi
17:14des faits marquants
17:15parce qu'à chaque prise en charge
17:18ou à chaque accompagnement,
17:19il y a de l'investissement.
17:21J'ai plein d'anecdotes
17:22du côté des auteurs,
17:24il y a aussi des personnes
17:25qui ont culpabilisé
17:26très longtemps,
17:27d'avoir,
17:27il y a 20 ans de ça,
17:30dû supprimer un corps.
17:33C'est assez dur tout ça,
17:34c'est d'avoir dû
17:35découper en petits morceaux
17:37l'un de leurs compères
17:39pour enlever toute preuve.
17:42Et 20 ans plus tard,
17:43la personne n'endort plus
17:44et c'est dénoncé.
17:45Donc on a des histoires
17:46comme ça
17:47assez...
17:50enfin inimaginables.
17:51On pense que c'est
17:51comme dans un film
17:52mais en fait non,
17:53c'est la réalité
17:53et c'est la réalité
17:55des personnes.
18:00Mon ressenti face à ça,
18:02c'est...
18:04En fait,
18:04on ne s'habitue jamais
18:05à l'horreur
18:05et c'est peut-être
18:07ça ma force aussi.
18:10La force aux professionnels
18:11qui font ça aussi,
18:12c'est de se dire
18:12« Ok, comment on peut sortir de ça ? »
18:17C'est horrible.
18:20Les personnes ne peuvent pas
18:21rester dans cette situation-là.
18:23C'est comment surmonter
18:24le sentiment d'impuissance
18:25qu'on peut avoir.
18:26Donc à côté,
18:27moi je milite,
18:29ça devient militant en fait
18:30à ce degré-là
18:31pour améliorer
18:33la prise en charge
18:34des personnes victimes
18:35pour également repenser aussi
18:38à la réinsertion,
18:40à la réhabilitation des auteurs
18:41parce que l'incarcération
18:43à tout va,
18:44ça ne fonctionne pas.
18:45Et à côté,
18:47par rapport au manque
18:49justement alloué
18:50à venir soutenir
18:52les personnes
18:52en mauvaise santé mentale
18:54et puis en difficulté
18:57par rapport à tout ce
18:58qui leur est arrivé
18:58en délit ou en crime,
19:00c'est de développer
19:01ensemble,
19:02entre professionnels,
19:04des méthodes
19:04pour que nous aussi
19:06nous puissions être bien
19:07avec ce métier
19:08parce qu'à la suite
19:10de ces discours,
19:11et de ces fragments de vie,
19:14on est humain aussi
19:15et puis on peut être saisi,
19:17on peut ne pas pouvoir
19:19aussi dormir
19:19parce qu'on s'inquiète,
19:21parce qu'on se demande
19:22ce que la personne
19:23va devenir.
19:24Exemple,
19:25moi je reçois des enfants
19:26de 2-3 ans
19:27qui ont déjà vécu
19:28des choses assez terribles,
19:31notamment de l'inceste
19:32au sein de la famille
19:33et je me rends compte
19:36que l'enfant
19:37a déjà vu
19:3812 professionnels
19:39avant moi.
19:40Donc là,
19:41il y a des choses
19:42à réfléchir
19:42entre structures,
19:44institutions,
19:44comment collaborer ensemble,
19:46comment réfléchir ensemble
19:47au bien-être
19:48et à la prise en charge
19:49efficace
19:50pour les personnes
19:51qui sont déjà démunies,
19:52en souffrance.
19:54Moi,
19:55comment je peux le vivre
19:55au mieux,
19:56c'est de trouver
19:57des sas de décompression
19:59pour que ça n'empiète pas
20:00à ma vie privée.
20:02Je ne vous cache pas
20:02que ce n'est pas toujours évident
20:04quand on est saisi
20:06par des histoires de vie
20:08de personnes
20:10qui reviennent
20:11de zones de guerre,
20:12des personnes
20:13qui ont échappé
20:15à la mort
20:16et qui vous disent
20:16qu'ils ont perdu
20:17toute leur famille
20:18à coups de machette.
20:20Waouh !
20:21Et après,
20:21nous,
20:22on rentre le soir
20:22à la maison
20:23pour ceux qui ont
20:24de la chance
20:25d'avoir une vie de famille,
20:26un conjoint de conjoint,
20:27des enfants, etc.
20:28C'est de se dire
20:29« Ok,
20:29il faut trouver un sas
20:30avant de rentrer
20:31dans un autre univers
20:33d'amour
20:35qui aide justement
20:36à pouvoir
20:38ne pas voir uniquement
20:40ce qui ne va pas
20:41dans l'humanité
20:41parce que là,
20:42vraiment,
20:42on touche du doigt
20:43le sordide et l'horreur.
20:50La question de l'impact
20:52que ça a
20:52sur la justice
20:53et sur l'humanité
20:54dans un deuxième temps,
20:55les deux sont bien sûr ensemble,
20:59c'est que ça m'a éclairée
21:01sur la volonté au départ
21:03que le milieu judiciaire
21:05soit humaniste
21:06et pour les droits
21:09de l'humain
21:09et comment,
21:11fur et à mesure,
21:11on voit qu'il y a
21:12des manquements
21:12à pas mal d'endroits
21:13et des volontés
21:14de bien faire,
21:15mais il y a un manque
21:16de moyens humains,
21:17un manque de moyens financiers
21:18et on se retrouve
21:19aux différentes strates
21:22si vous voulez,
21:22à en pâtir.
21:24Donc,
21:25l'impact que ça a pour moi,
21:27c'est de me donner
21:27encore plus de force
21:28et d'énergie
21:29pour militer,
21:30pour améliorer
21:31vraiment les prises en charge,
21:32améliorer,
21:33si vous voulez,
21:33la communication
21:35entre le milieu judiciaire
21:36et le milieu
21:38de la santé mentale
21:39et le milieu psychologique.
21:40Certes,
21:40il y a des experts psy
21:41qui sont mandatés
21:42par la justice,
21:43mais je trouve
21:43qu'il y a un manque
21:44encore de communication
21:45commune,
21:46de langage commun,
21:47de collaboration
21:48pour savoir
21:50qu'est-ce qu'on fait
21:50des personnes victimes
21:51qui,
21:52pour l'instant,
21:52ont un parcours
21:53des victimes
21:53avant de porter plainte,
21:54qu'est-ce qu'on fait
21:55pendant,
21:55qu'est-ce qu'on fait
21:56ensuite dès qu'il y a
21:57la procédure judiciaire
21:58qui est actée,
21:59qu'est-ce qu'on fait
21:59des non-lieux,
22:00des classements sans suite
22:01et aussi des prescriptions
22:02judiciaires.
22:03Vous vous rendez compte,
22:04une personne qui,
22:05à un moment donné,
22:05a une amnésie traumatique
22:06et se réveille
22:07dans 30 ans
22:08et se dit
22:08mais il s'est passé
22:09quelque chose
22:09et que ça bousille
22:11toute sa vie.
22:12La justice,
22:12il me dit
22:13c'est trop tard,
22:15on ne peut rien y faire.
22:17Tout ça,
22:18moi,
22:18ça me révolte
22:19et c'est pour ça
22:21que l'association
22:22Thérapie Sans Frontières
22:23ou la clinique judiciaire
22:24sont là pour venir
22:25alimenter tous ensemble.
22:27Toutes personnes bénévoles
22:28sont les bienvenues
22:28pour venir réfléchir ensemble
22:29à comment améliorer tout ça
22:31et je crois que c'est ça
22:32qui me permet
22:32de ne pas
22:33être dans un désespoir
22:36et dans une profonde
22:37mélancolie
22:37parce qu'on peut encore agir
22:39et tant qu'il y a de la révolte
22:40et qu'il y a de l'action,
22:42on continue.
22:43Et ma vision de l'humanité,
22:46c'est de pouvoir,
22:50vous savez,
22:50dans les prises en charge,
22:52on est un peu en huis clos
22:53et quand on voit
22:53que ce qu'on fait
22:55sert à quelque chose,
22:57ça fait du bien
22:58et ça,
22:58ça me donne de l'espoir.
23:05Tout cette expérience-là
23:06a amassé
23:06et des rencontres professionnelles
23:08et des constats aussi
23:09quand même d'amertume
23:12et de sentiments d'injustice
23:14que ça ne va pas assez vite
23:15m'a fait réfléchir
23:18à créer une association
23:20où plusieurs professionnels
23:22en font partie
23:23qui s'appelle
23:23Thérapie sans frontière
23:24et qui permet
23:25de venir soulager
23:26des professionnels démunis,
23:28pouvoir avoir un programme
23:29d'accompagnement
23:31des victimes
23:32parce que c'est un parcours ça
23:33et l'accompagnement
23:35des parcours
23:35des auteurs également.
23:37Et c'est pour éviter
23:37d'être déprimé de l'avenir.
23:41C'est aussi tout à fait
23:43personnel
23:45pour toute cette sensibilité
23:47et cette créativité
23:48que j'ai en moi
23:48de la mettre en matière
23:50et d'en faire quelque chose.
23:52Et pour la clinique judiciaire
23:54qui est bien sûr
23:56une prestation
23:58de Thérapie sans frontière
23:59la clinique judiciaire
24:01vient faire le pont
24:03entre la justice
24:03et la psychologie
24:05venir
24:07accompagner
24:09toute personne
24:10qui à un moment donné
24:10se pose la question
24:11de comment être pris en charge
24:14avec ou sans plainte
24:16parce que des personnes
24:17qui ne portent pas plainte
24:18ont quand même des traumatismes.
24:20Donc voilà
24:20où sont venus les motivations
24:21et puis de fur et à mesure
24:23les rencontres
24:23les professionnels
24:24qui se disent
24:25tiens moi aussi
24:25je veux travailler là-dessus
24:27de sentir moins seul
24:29à cette montagne
24:32de choses
24:33à créer ensemble.
24:35Donc c'est peut-être
24:36une pierre à l'édifice
24:37ou un goudon dans la mer
24:38c'est peut-être
24:39l'effet colibri
24:40qui était un feu de forêt
24:42mais je ne me vois pas
24:43rien faire.
24:45La Linda d'il y a 10 ans
24:46le conseil
24:46que j'ai allu donner
24:47à elle
24:49c'est d'avoir confiance en elle
24:52qu'elle va y arriver
24:54que le doute c'est bien
24:58mais voilà
25:00qu'elle travaille
25:00sur son syndrome d'imposteur
25:01aussi
25:02qu'elle puisse
25:03se donner la possibilité
25:05de dire des choses
25:05même si c'est des bêtises
25:06au moins elle les a dites
25:07et puis elle se corrigera
25:08plus tard
25:09qu'elle fonce
25:09qu'elle a des personnes
25:12bienveillantes autour d'elle
25:13et que même si
25:16c'est intimidant
25:19de se dire que des fois
25:20on dit des choses
25:21et qu'on peut impacter
25:22la vie des gens
25:22et sans
25:23pour moi une volonté
25:25d'être une porte-parole
25:26mais au moins
25:27de contribuer
25:28à vouloir faire changer
25:31un peu les choses
25:31le monde
25:32de se faire confiance
25:36et d'y aller
25:36et on va gagner du temps
25:40si elle a plus confiance
25:40en elle il y a 10 ans

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