Parmi les pistes d'économies sur le budget de l'État évoquées par le Premier ministre François Bayrou, il y a la suppression d'une partie des agences de l'État : des agences inquiètes pour leur avenir. Ce matin à 7h50 nous recevons Philippe Henry, agriculteur bio et vice-président de l’Agence bio. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50-du-week-end/l-invite-de-7h50-du-we-du-dimanche-20-juillet-2025-1254423
00:00A 7h52, parmi les pistes d'économie sur le budget de l'Etat évoqué par le Premier ministre François Bayrou,
00:11en début de semaine, il y a la suppression d'une partie des agences de l'Etat.
00:172 à 3 milliards d'euros seraient ainsi récupérés selon Bercy.
00:21Voilà qui inquiète les agences concernées et les fonctionnaires qui y travaillent.
00:26Bonjour Philippe-Henri.
00:27Bonjour.
00:27Vous êtes vice-président de l'agence bio qui travaille au développement et à la promotion de l'agriculture biologique.
00:34Vous êtes vous-même agriculteur bio. Elle va disparaître, cette agence bio ?
00:40On est très inquiets au jour d'aujourd'hui parce qu'elle a été attaquée il y a 6 mois.
00:44Les parlementaires ont réussi à contrer un peu cette démarche de supprimer cette agence.
00:50Le Sénat, les sénateurs par un amendement voulaient supprimer l'agence bio ?
00:54Absolument. Ça a été contré. Ça revient aujourd'hui. On vient de nous supprimer 60% de notre budget.
01:00C'est-à-dire qu'on ne peut plus beaucoup travailler. C'est ça le résultat.
01:03Et puis effectivement, on est sur la sellette.
01:05Alors on ne comprend pas parce qu'il y a deux ans, il y a un rapport de la Cour des comptes qui dit qu'il faut doubler les effectifs, tripler le budget de l'agence.
01:11Et puis aujourd'hui, on nous dit le contraire. Donc il y a quand même quelque chose qui ne va pas.
01:14Et puis derrière cette histoire de suppression de l'agence bio, c'est quand même tout le secteur de la bio qui est visé.
01:21Est-ce que vous avez eu, on va rentrer dans le détail bien sûr, mais est-ce que vous avez eu des discussions avec votre tutelle, le ministère de l'Agriculture ?
01:30Alors on a des discussions. On a appris les choses tout à fait par la bande.
01:33Mais après, évidemment, on a des discussions, puisque comme vous l'avez rappelé, nous sommes sous tutelle du ministère de l'Agriculture.
01:39Mais on n'a aucune certitude aujourd'hui. On n'a absolument aucune certitude.
01:43Et on est quand même très inquiets. Ça fait deux fois que ça revient.
01:46Pour l'instant, on ne vous dit ni l'un ni l'autre.
01:47Voilà, on ne nous dit trop ni l'un ni l'autre. On nous dit vous inquiétez pas, évidemment.
01:51On nous dit de toute façon, l'émission continuera de les faire d'une façon ou d'une autre.
01:54Mais derrière, on sent bien que quelque part, c'est le bio qu'on met en cause.
01:59Justement, le gouvernement, en parlant des agences de manière générale, insiste sur la lourdeur, selon lui, des structures,
02:08en assurant que les missions de ces agences, elles ne seraient pas remises en cause, mais internalisées, dans votre cas donc, au ministère de l'Agriculture.
02:16Est-ce que vous vous dites quand même, si les missions sont gardées, si l'agence disparaît, est-ce que c'est si grave ?
02:22Sauf que quand on va dispatcher les missions dans les différents services, on va éteindre plus ou moins cette bio.
02:28C'est-à-dire qu'on va mettre des gens à droite, à gauche, alors que le fait d'être dans une agence, du matin au soir, de penser la bio, dans une équipe qui est consacrée à ça, ça la rend visible.
02:39Il faut comprendre aussi que dans les filières agricoles, chaque filière organisée a ses agences ou ses interprofessions, qui défendent le lait, qui défendent les céréales, qui défendent les différents produits.
02:47Et la bio ne l'a pas. Donc l'agence, elle joue aussi ce rôle-là. L'agence bio, elle rassemble aussi tous les acteurs de la bio.
02:53Je rappelle que la bio, c'est quand même 215 000 emplois en France, c'est 12 milliards d'euros, c'est pas un petit secteur.
02:58Et on a une agence de 25 personnes. Il ne faut quand même pas nous raconter que supprimer 25 personnes, ça va résoudre les problèmes du déficit de la France.
03:05Il y a un moment, il faut...
03:06Ça n'est pas une agence qui fait donc que de la communication, comme on a pu l'entendre, parce que notamment, le budget dont vous parliez tout à l'heure, qui a été raboté largement, c'était notamment pour une campagne de communication.
03:20Mais quel est le rôle de l'agence bio ?
03:22L'agence bio, elle fait de la communication. Aujourd'hui, on a une campagne qui s'appelle C'est bio la France, que vous avez peut-être entendu.
03:29On structure aussi les filières agricoles, c'est-à-dire qu'on aide les PME qui se lancent dans la bio, des meuniers, des laiteries, des distilleries et de plantes aromatiques.
03:37On les aide pour structurer la filière, donc au travers de subventions.
03:43Et puis, on observe aussi ce qui se passe.
03:46C'est-à-dire, si vous voulez que le secteur se développe, il faut que vous sachiez s'il faut faire un peu plus de lait, un peu plus de céréales.
03:52Il faut que vous observiez tout ça, donc on a tout un pôle observatoire.
03:55Si on supprime l'agence, tout ça va se diluer, va s'éteindre petit à petit, évidemment.
04:00Alors, c'est ce que j'allais vous demander.
04:01Vous pensez que la disparition de l'agence bio en tant que telle aurait des grosses conséquences sur la filière elle-même ?
04:10Le bio ne va pas disparaître de la carte si l'agence bio disparaît ?
04:14Non, mais on a un outil qui est précieux au jour d'aujourd'hui.
04:17Un outil qui nous est envié d'ailleurs par les autres pays européens.
04:20Parce qu'en Europe, on nous dit que vous avez de la chance en France, parce que vous avez cette agence.
04:23C'est vrai, ça n'existe pas forcément ailleurs.
04:25Voilà, ça n'existe pas forcément ailleurs.
04:26Donc, on a un temps d'avance et on est en train de, quelque part, de perdre cette avance tout à fait précieuse.
04:31Donc, c'est un petit peu ridicule.
04:32Puisque je vous dis encore une fois, c'est ridicule par rapport aux économies qui vont être générées.
04:36Et on a quand même besoin de l'agriculture biologique.
04:39C'est le moins qu'on puisse dire.
04:40Oui, parce qu'en plus, le bio, ces dernières années, alors ça s'est à peu près stabilisé sur la dernière année.
04:48Mais depuis le Covid, il y a eu une chute de la vente des producteurs bio.
04:53On a même vu des bio se reconvertir, se déconvertir.
04:56J'allais dire revenir dans l'autre sens, aller dans le sens de l'économie, de l'agriculture, pardon, conventionnelle.
05:02Parce que ça ne rapportait plus assez.
05:04Oui, alors effectivement, d'où l'intérêt de cette campagne de promotion, c'est Bio la France.
05:08Et puis, on a quand même des gros soucis.
05:10La bio, elle a tout son intérêt.
05:11En particulier, je pense au captage d'eau potable.
05:13On a un vrai souci aujourd'hui de pollution des eaux potables.
05:16On sait que la bio est une bonne solution.
05:18Si vous la mettez sur les aires d'alimentation de capteurs, vous avez derrière une autre qualité.
05:22Donc, c'est vraiment le moment pour répondre à ces contraintes-là.
05:24Je pense à celle-là, mais il y en a d'autres, biodiversité et autres.
05:29Soit dit en passant, les producteurs bio, c'est les premiers qui plantent des haies en France, par exemple.
05:33Donc, voilà, il y a des éléments-là qu'il faut absolument mettre en œuvre.
05:37La bio, c'est une vision d'avenir.
05:39Il faut savoir aussi qu'entre 30 et 50% des jeunes agriculteurs qui veulent s'installer veulent faire de la bio.
05:45Donc, il y a un vrai avenir.
05:46Donc, supprimer l'agence, c'est un message qui est complètement contre-productif par rapport à la tendance qu'il faut adopter absolument.
05:51Au-delà de l'agence bio, parmi les autres opérateurs de l'État dans le viseur de ces économies, il y a l'ADEME, l'agence de l'environnement, de la maîtrise de l'énergie.
06:02Il y a aussi l'Office français de la biodiversité, remis en cause par certains agriculteurs ces derniers temps.
06:09Est-ce que vous voyez ça, là, vous parlez, vous, pour l'agence bio, mais comme un effet de ce qu'on appelle le backlash écologique, là, comme on dit, c'est la remise en cause, en fait, un peu partout dans le monde, des questions d'environnement et de climat ?
06:23Ben oui, ça fait partie un peu, je pense, de ce mouvement qu'il faut absolument qu'on arrive à contrer.
06:30Un dernier mot au sujet de la loi Duplon, puisqu'on parlait aussi de backlash écologique, qui a entre autres réautorisé un néonicotinoïde, un pesticide tueur d'abeilles potentiellement dangereux, l'acétamipride.
06:43Une pétition a été lancée sur le site de l'Assemblée nationale pour un nouveau débat sur le texte dans l'hémicycle.
06:49Depuis déjà plus de 700 000 signatures, pardon, en quelques heures, qu'est-ce que ça vous inspire comme mouvement ?
06:58Je crois que c'est intéressant, je crois que c'est intéressant.
07:01La loi Duplon, c'est une loi, je trouve, qui s'appuie sur les schémas du passé, tout simplement, et il faut qu'on passe à autre chose.
07:07La bio, elle propose aussi autre chose.
07:09Donc je pense que cette dynamique de signature des citoyens, elle est tout à fait intéressante.
07:13Elle nous conforte dans notre position.
07:16Mais il faut aussi qu'on pense à remettre l'alimentation au centre du débat, c'est quand même le sujet.
07:24Aujourd'hui, l'alimentation, elle est un peu secondaire pour beaucoup de gens.
07:27Quand vous pensez qu'une tonne d'ordures vaut plus cher qu'une tonne de blé, il y a quand même, je pense, un problème.
07:33Quand vous pensez qu'on a 25% des produits alimentaires qui sont gâchés, il y a quand même un problème.
07:37Donc je pense qu'on a vraiment des leviers pour avancer.
07:40Philippe Henry, agriculteur et vice-président de l'agence bio.
07:45Merci d'avoir été l'invité de France Inter ce matin et très bonne journée.