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  • il y a 5 jours
Chères lectrices, chers lecteurs,

Voici la captation de notre soirée du 25 juin 2025 en compagnie de l'historien Charles-Éloi Vial autour de son essai Talleyrand, la puissance de l'équilibre (éditions Perrin | Bibliothèque nationale de France).

🎙️ Discussion animée par Casimir De Beaumont

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume 🌊

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La Quatrième : Le plus " illustre " des diplomates.

La vie de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, le plus célèbre des diplomates français, a été scrutée à de nombreuses reprises par les historiens, tour à tour fascinés par les talents de négociateur de l'homme du congrès de Vienne ou révulsés par la corruption et les multiples trahisons du " diable boiteux ". Les plus grands artistes, de Chateaubriand à Sacha Guitry, ont alimenté sa légende noire, tout en faisant passer à la postérité quelques-uns des plus beaux traits d'esprit de la langue française.

Tâchant de réconcilier les différentes facettes de ce personnage mythique, cette biographie étudie à nouveaux frais, à l'aide de témoignages peu connus, la formation et l'évolution de la pensée de l'évêque défroqué devenu le premier président du Conseil de notre histoire, mais aussi ses goûts artistiques et littéraires, ses réseaux, ses méthodes de travail et enfin ses relations houleuses avec Napoléon, qu'il admirait et haïssait tout à la fois, mais aussi avec Louis XVIII, Charles X et enfin Louis-Philippe, sans oublier son meilleur ennemi Fouché.

Splendidement illustrée par les collections de manuscrits, de gravures, de livres rares et de dessins de la Bibliothèque nationale de France, cet ouvrage a bénéficié de l'apport inattendu de documents inédits tirés des Archives diplomatiques et d'une sélection de tableaux provenant des plus grands musées. Le récit percutant de cette vie hors du commun constitue, pour les étudiants comme pour le grand public, une introduction à l'histoire mouvementée de l'âge des révolutions, mais aussi une synthèse efficace sur l'histoire des relations internationales au XIXe siècle.
Transcription
00:00:00Bonjour, merci d'être venu par cette chaleur, par ce temps.
00:00:05Désolé d'être un peu en retard, je me suis arrêté pour boire une bière,
00:00:08parce qu'il fait vraiment très chaud, et comme je suis l'historien, je suis censé avoir une veste.
00:00:11Donc ça fait encore plus chaud.
00:00:14Déjà, merci de l'invitation.
00:00:16Merci à vous d'avoir accepté. Bonsoir, mesdames et messieurs.
00:00:19Merci d'être venus aussi nombreux, ça fait plaisir,
00:00:22pour parler d'un personnage, pour parler du plus illustre des diplomates.
00:00:26J'ai pour les données Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,
00:00:29et pour parler plus précisément de la dernière biographie écrite par M. Charles-Éloi-Vial,
00:00:34« Talleyrand, la puissance de l'équilibre ».
00:00:36Alors, Charles-Éloi-Vial, vous êtes un historien, bibliothécaire, également archiviste, paléographe français.
00:00:42Vous êtes également conservateur au département des manuscrits à la Bibliothèque nationale de France.
00:00:47Vous êtes un des spécialistes du Premier Empire français,
00:00:50et vous publiez cette année une biographie chez Perrin,
00:00:53sur le diplomate Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,
00:00:56intitulé « Talleyrand, la puissance de l'équilibre »
00:00:59avec la participation de la Bibliothèque nationale de France,
00:01:03en lien avec la Bibliothèque des Illustres.
00:01:05Donc, que dire pour commencer sur Talleyrand ?
00:01:09Talleyrand…
00:01:10Je vais peut-être commencer par dire deux, trois mots du projet que représente cette biographie
00:01:15et de la collection d'elle-même,
00:01:18qui est donc une collection qui s'appelle la Bibliothèque des Illustres.
00:01:22On va dire que c'est la page de publicité.
00:01:24Donc, c'est une collection qui a été lancée par les éditions Perrin
00:01:27et la Bibliothèque nationale de France en coédition il y a quelques années.
00:01:31Il y a déjà eu plusieurs titres de publier,
00:01:34notamment un Napoléon, une Marie-Antonette, un Mazarin,
00:01:36un Marquis de Sade dernièrement, un Victor Hugo,
00:01:39enfin, on essaie de faire un panel assez large.
00:01:42Et l'idée de cette collection, le principe de cette collection,
00:01:45c'est d'une part d'avoir des biographies courtes,
00:01:48donc accessibles au plus grand nombre,
00:01:51aux étudiants, éventuellement aux lycéens,
00:01:52aux étudiants de licence, aux étudiants de master,
00:01:54au grand public qui ne connaîtraient pas forcément l'histoire,
00:01:59et d'avoir des biographies illustrées, non pas…
00:02:03C'est le cas pour le Premier Empire, beaucoup,
00:02:04avec des peintures un peu pompiers du XIXe siècle,
00:02:07mais illustrées avec des documents contemporains
00:02:09au plus proche de l'événement.
00:02:11Des documents qui peuvent être à la fois des documents d'archives,
00:02:14mais également des images, pardon,
00:02:17et également des documents d'archives.
00:02:18Donc, c'est un texte qui est censé être accessible,
00:02:23mais également une sorte d'initiation.
00:02:26Qu'est-ce que ça peut être le commentaire d'un document ?
00:02:29Comment appréhender une source archivistique ?
00:02:31Comment appréhender une image ?
00:02:32Donc, c'est vraiment pensé pour les étudiants
00:02:36et pour ceux qui aiment l'histoire,
00:02:37et qui sont curieux, qui sont curieux d'en savoir plus
00:02:39sur les archives, sur les sources, sur les manuscrits.
00:02:42Donc, il y a une alliance entre le texte et l'image
00:02:45qui est assez compliquée à faire.
00:02:47Chaque volume, c'est un petit peu un travail d'orfée,
00:02:49vu qu'il y a un calibrage extrêmement précis
00:02:51au niveau du nombre de pages,
00:02:52au niveau du nombre d'illustrations.
00:02:54Donc, ça implique de vraiment moduler son discours,
00:02:57ça implique d'avoir le bon choix de l'iconographie.
00:02:59C'est toujours extrêmement compliqué.
00:03:02Et pour Talleyrand, je dirais, le grand problème,
00:03:03c'est qu'il y a beaucoup de documents d'archives.
00:03:07Il y a quelques portraits qui sont canoniques, iconiques,
00:03:10que l'on connaît tous, comme celui en couverture.
00:03:12Mais après, c'est très difficile de creuser et d'aller au-delà.
00:03:17Donc là, tout le challenge, ça a été d'essayer de trouver des images
00:03:21que Talleyrand a pu connaître, que Talleyrand a pu voir,
00:03:23qu'il a pu avoir sous les yeux,
00:03:25qui ont pu faire partie éventuellement de sa bibliothèque,
00:03:29de sa collection de livres.
00:03:30Donc, c'est vraiment un pari.
00:03:32Chaque ouvrage a un équilibre qui est relativement différent.
00:03:36Là, on travaille l'opus suivant de la collection,
00:03:39qui sera sur François 1er.
00:03:40Là aussi, il faut faire la part entre des documents administratifs
00:03:43de la Renaissance, des enluminures, des imprimés du XVIe siècle.
00:03:48Donc, c'est vraiment un équilibre qui est très fragile.
00:03:52C'est assez dur à atteindre.
00:03:52Je ne sais pas si le pari a été atteint pour ce livre.
00:03:55En tout cas, on a réussi à retrouver, je dis moi,
00:04:00mais également les conservateurs avec qui j'ai pu travailler,
00:04:03différents historiens, différents collègues qui m'ont orienté,
00:04:05et puis les conservateurs, par exemple, les conservateurs de Balancay.
00:04:09On a pu arriver à une sorte d'équilibre, je pense.
00:04:11C'est bien cette notion d'équilibre pour Talleyrand,
00:04:14avec des images relativement représentatives
00:04:17de chacune des grandes périodes de sa vie.
00:04:19Donc, il n'y a pas de blanc, il n'y a pas de trou,
00:04:21il n'y a pas d'énigme de moments où on n'aurait pas au moins une image
00:04:25qui permette d'évoquer où ce qu'il a fait, où ce qu'il a vu,
00:04:28où les personnes qu'il a pu fréquenter,
00:04:29où les endroits où il a pu passer.
00:04:31Donc, rien que de ce point de vue-là, je voudrais en parler
00:04:33parce qu'on dit toujours que la biographie, c'est une sorte de pari.
00:04:37Ça peut être un pacte éventuellement avec le lecteur comme l'autobiographie.
00:04:42Là, il y a aussi une sorte de pari à la fois littéraire
00:04:45et iconographique et scientifique
00:04:46parce qu'il faut réussir à trouver des documents
00:04:48qui viennent nourrir un peu aussi l'imaginaire du lecteur.
00:04:54Ça n'est pas qu'un texte, c'est une alliance entre le texte et l'image.
00:04:56Donc, pardon, je suis très bavard, mais...
00:04:58Non, non, mais c'est très intéressant.
00:05:00Et puis, je peux vous dire que le pari est vraiment réussi
00:05:02parce que dans votre biographie, on comprend toute sa vie
00:05:05et les images servent parfaitement cette idée-là.
00:05:09Alors, la première question que je vais vous poser,
00:05:10c'est une question un peu personnelle.
00:05:12Simplement, est-ce que vous pourriez nous dire
00:05:13pourquoi vous avez décidé d'écrire sur ce personnage-là,
00:05:17sur un personnage dont, dans le fond, peut-être tout n'a pas été dit,
00:05:20mais beaucoup ont écrit, beaucoup ont dit, on a ses mémoires.
00:05:24Donc, pourquoi est-ce que vous pourriez nous dire
00:05:25pourquoi vous êtes lancé dans ce projet-là ?
00:05:28Il y a plein de livres sur Talleyrand, bien sûr.
00:05:30Il y a ses mémoires, il y a la très grande biographie
00:05:34d'Emmanuel de Varesquel, qui est une des plus grandes biographies
00:05:36qui a été écrite dans ces 50 dernières années,
00:05:39je pense, si ce n'est même la meilleure.
00:05:41C'est vraiment un livre fondamental
00:05:42quand on s'intéresse au Premier Empire.
00:05:44Donc, il y a des grandes biographies, il y a des grands textes,
00:05:47il y a des témoignages également de certains proches de Talleyrand.
00:05:50Il y a une bibliographie qui est absolument colossale
00:05:53pour un tel personnage, qui, moi, m'intéressait.
00:05:57Et là, la démarche ne vient peut-être pas forcément
00:05:59de l'historien, mais plutôt du conservateur.
00:06:02C'est la démarche de voir qu'il y a des documents inédits qui subsistent,
00:06:05que l'on en a retrouvés depuis une vingtaine d'années,
00:06:07depuis qu'Emmanuel a écrit sa biographie.
00:06:10Donc, il y a des nouvelles sources qui ont pu réapparaître.
00:06:13Il serait bien de les mettre en valeur d'une certaine façon,
00:06:16pour faire ressortir de nouvelles facettes du personnage,
00:06:20alimenter également la connaissance qu'on peut avoir de Talleyrand,
00:06:24et la confronter avec le renouveau de la bibliographie sur le premier empire,
00:06:29sur la diplomatie, sur la géopolitique.
00:06:31Ce sont quand même des champs qui se sont beaucoup renouvelés
00:06:33dans les 20-30 dernières années.
00:06:36Donc, Talleyrand a quelque chose à dire, je pense, dans ce contexte-là.
00:06:40C'est bien de le faire parler, c'est bien de se repencher sur le dossier Talleyrand,
00:06:45mais surtout, c'est très bien, je pense, de signaler à l'attention des chercheurs
00:06:48des sources qui sont inédites.
00:06:50Et c'est aussi ça, un peu, l'idée de ce type de livre.
00:06:53Je disais que c'est destiné aux étudiants, au grand public, bien sûr,
00:06:56mais aussi aux étudiants.
00:06:57C'est aussi une sorte de produit d'appel,
00:06:59qu'ils sachent que des sources existent.
00:07:01Déjà que les sources, ça existe.
00:07:03Ce n'est pas évident de le savoir quand on commence les études,
00:07:05mais les manuscrits, les archives, c'est quelque chose de passionnant.
00:07:08On peut s'en servir, on peut y trouver du neuf, très facilement.
00:07:12Je m'en suis rendu moi-même compte quand j'étais étudiant.
00:07:16On trouve très vite des choses inédites.
00:07:17C'est absolument fascinant.
00:07:19Et sur Talleyrand, là, il y a du neuf.
00:07:21C'est bien de le présenter.
00:07:22Après, je dirais que c'est aux autres de creuser ensuite.
00:07:26Mais là, en l'occurrence, et je vais terminer là-dessus,
00:07:29les quelques documents inédits qui, moi, m'avaient beaucoup intéressé,
00:07:31c'était d'une part le catalogue de la bibliothèque de Talleyrand,
00:07:35qui a été offert à la Bibliothèque Nationale,
00:07:37où je travaille par un donateur qui est décédé tout récemment.
00:07:41J'avais pu lui parler du livre juste avant qu'il meure.
00:07:44Il avait acheté ça aux enchères.
00:07:46Il l'a donné à la bibliothèque.
00:07:47Il voulait que ce soit la bibliothèque avant de mourir.
00:07:49Donc, il y avait déjà ce premier document,
00:07:51puisque Talleyrand, bibliophile, Talleyrand, lecteur,
00:07:54c'est déjà, je pense, éclairé une bonne partie de sa personne.
00:07:58Et enfin, aux archives du ministère des Affaires étrangères,
00:08:01qui est un établissement que je fréquente beaucoup,
00:08:03parce qu'on y trouve des richesses tout à fait insoupçonnées,
00:08:06il y a eu une politique d'acquisition très volontaire dans les dix dernières années
00:08:11de documents en lien avec Talleyrand.
00:08:14C'est dû peut-être au hasard du marché.
00:08:15Il y a beaucoup de documents sur Talleyrand qui sont passés en vente,
00:08:19mais justement, les archives en ont acheté énormément.
00:08:22Et on retrouve dans ce livre et dans la Paracritique,
00:08:24dans les notes de bas de page du livre,
00:08:26beaucoup de correspondances, beaucoup de documents,
00:08:29qui sont des achats en réalité très récents,
00:08:31qui sont des documents qui avaient pu être vus rapidement par des historiens
00:08:36qui étaient connus parce que des collectionneurs les avaient.
00:08:38Mais là, ça permet de vraiment les regarder à tête reposée.
00:08:41C'est le cas, notamment, pour des passages inédits,
00:08:45des mémoires de Talleyrand qui sont conservées depuis quelques années
00:08:48au ministère des Affaires étrangères.
00:08:50Et pour des lettres de Talleyrand, des correspondances très ponctuelles
00:08:54avec quelques diplomates, notamment Alquier,
00:08:57qui est un diplomate tout à fait intéressant,
00:09:00assez haut en couleur du Premier Empire.
00:09:01Et les Affaires étrangères ont acheté toute la correspondance de Talleyrand avec Alquier.
00:09:06Et enfin, aussi dernier point, j'oubliais bien sûr,
00:09:09une partie de la correspondance de Talleyrand durant son séjour, son exil, aux États-Unis.
00:09:14Et là, pareil, c'est un achat qui est tout récent.
00:09:17Je me souviens, je me souviens encore d'être allé les voir
00:09:19quand c'est passé en vente chez le libraire, c'est il y a quelques années.
00:09:22Donc, c'est bien d'être le premier à déchiffrer,
00:09:25à déchiffrer, à défricher aussi ces nouvelles sources
00:09:29que des étudiants ou des chercheurs n'ont pas encore eu voir.
00:09:32Donc, c'est ça aussi le challenge de ce livre,
00:09:34c'est de se pencher sur de nouvelles sources.
00:09:37Tout à fait. En tout cas, le pari est réussi.
00:09:39Alors, nous allons maintenant rentrer dans le vif du sujet.
00:09:42Et la première question que j'aimerais vous poser,
00:09:43c'est, elle est assez simple,
00:09:45on comprend en lisant votre biographie
00:09:47que la relation entre Napoléon et Talleyrand
00:09:49était extrêmement complexe.
00:09:51On les qualifie souvent
00:09:52Napoléon du feu et Talleyrand de l'Auf.
00:09:55Est-ce que vous considérez,
00:09:57comment vous résumeriez leur dynamique
00:09:59depuis leur première rencontre en 1796,
00:10:03c'est-à-dire au lendemain de la première campagne d'Italie,
00:10:05à leur rupture, on va dire définie,
00:10:08peut-être leur dernière entrevue en 1814 ?
00:10:11Alors, comment dire ça ?
00:10:14J'irais presque tisser la métaphore
00:10:18du côté du vieux couple.
00:10:20C'est quasiment ça.
00:10:21Enfin, c'est presque une histoire d'amour déçu,
00:10:22en réalité, puisque quand Talleyrand et Bonaparte
00:10:25se rencontrent, donc fin 1797,
00:10:28au retour de la campagne d'Italie,
00:10:30il y a une forme de jeu de séduction entre eux.
00:10:32Il y a une sorte de fascination,
00:10:34puisque c'est vraiment l'un et le contraire de l'autre.
00:10:38C'est quelque chose de fascinant.
00:10:40Talleyrand est plutôt grand,
00:10:41il est aristocratique, il est élégant,
00:10:44il a toujours ses cheveux poudrés,
00:10:46ses perruques à cheveux poudrés
00:10:47de la fin de l'Ancien Régime.
00:10:49C'est un personnage qui incarne en toute sorte le passé,
00:10:52la tradition, et je cite André Suárez
00:10:53avec ses pages sur Napoléon
00:10:55qui sont fascinantes dans le livre.
00:10:58Donc, Talleyrand, c'est le passé,
00:11:01Bonaparte, c'est le présent, c'est aussi l'avenir.
00:11:03C'est un républicain, surtout à l'époque
00:11:04où il surjoue ce personnage général révolutionnaire.
00:11:08Donc, il est mal habillé, il est mal élevé,
00:11:10il est tout petit,
00:11:11c'est quand même un homme de la très petite noblesse.
00:11:16Donc, il sent un peu la rôture.
00:11:17Donc, les deux personnages ne s'entendent absolument pas.
00:11:21Ils sont extrêmement différents.
00:11:22Mais étrangement, la mayonnaise va prendre,
00:11:25ils vont s'entendre,
00:11:26ils vont se rapprocher,
00:11:28probablement parce qu'il y a un moment
00:11:29où leurs buts sont communs,
00:11:32leurs buts sont proches ou sont complémentaires.
00:11:34Alors, c'est peut-être difficile à expliquer,
00:11:36mais en 1797, Bonaparte veut prendre le pouvoir.
00:11:40Tout simplement, déjà à ce moment-là,
00:11:42on est avant la campagne d'Égypte,
00:11:43son ambition, c'est déjà de renverser le directoire.
00:11:45L'ambition de Talleyrand, au même moment,
00:11:47c'est aussi de renverser le directoire.
00:11:49Il ne le fait pas pour les mêmes raisons,
00:11:51il ne le fait pas par ambition personnelle,
00:11:52il ne le fait pas pour être chef de l'État.
00:11:54Il le fait parce que, selon lui,
00:11:57la France doit sortir du système révolutionnaire
00:11:59des guerres incessantes
00:12:00contre les différentes monarchies européennes
00:12:02pour en arriver à un système de l'équilibre,
00:12:05un retour, un concert des nations
00:12:08où la France dialoguerait, discuterait,
00:12:12ne serait pas trop puissante,
00:12:13ne serait pas trop menaçante pour ses voisins,
00:12:16ce qui permettrait de favoriser le maintien de la paix
00:12:18et donc le commerce.
00:12:20Donc, Talleyrand, de ce côté-là,
00:12:21a une vision relativement pacifiste,
00:12:23relativement progressiste,
00:12:24relativement capitaliste aussi,
00:12:26mais il veut la paix.
00:12:28Bonaparte veut la paix aussi,
00:12:30mais il veut la paix parce que la paix,
00:12:31c'est le meilleur moyen de contenter les Français
00:12:33et donc de consolider une éventuelle arrivée au pouvoir.
00:12:36Donc, en tout cas, tous les deux sont d'accord
00:12:38sur ce point que la France doit très vite
00:12:41ramener la paix en Europe.
00:12:43Il y a cette idée, bien sûr,
00:12:44de l'expédition d'Égypte,
00:12:46cas sans doute Talleyrand,
00:12:48puisque Bonaparte doit prendre un peu de champ
00:12:50avant d'être prêt à renverser le directoire
00:12:53qui n'est pas tout à fait mûr pour tomber.
00:12:55Donc, leurs vues sont complémentaires.
00:12:57Elles sont complémentaires ensuite
00:12:58durant le XVIII Brumaire.
00:13:00Talleyrand soutient Bonaparte
00:13:01quand il doit faire sa conspiration
00:13:05pour réussir à prendre le pouvoir.
00:13:07Talleyrand redevient ministre de Bonaparte.
00:13:10Leurs visions sont toujours complémentaires
00:13:11quand il s'agit de signer les grands traités de paix
00:13:13qui marquent le début du consulat,
00:13:15puisque le consulat, en réalité,
00:13:16c'est une période de pacification.
00:13:18On imagine toujours Napoléon en conquérant.
00:13:20En réalité, après la bataille de Maringo
00:13:22en juin 1800,
00:13:24Bonaparte devient vraiment un pacificateur.
00:13:27Et il y a toute une série de traités
00:13:29qui sont signés avec les États-Unis,
00:13:31avec l'Autriche,
00:13:32avec la Russie,
00:13:33avec l'Angleterre,
00:13:34avec l'Empire ottoman,
00:13:36la Régence d'Alger,
00:13:37le Maroc,
00:13:37enfin, j'en passe,
00:13:38et des meilleurs.
00:13:38Donc, on réussit, en 1802,
00:13:42à ramener la paix sur tout le continent.
00:13:44Et ça, c'est l'œuvre commune de Talleyrand
00:13:46et de Bonaparte.
00:13:48Alors, les premières dissensions
00:13:49commencent à apparaître à ce moment-là,
00:13:51puisque Bonaparte a tendance
00:13:53à s'attirer tout le mérite
00:13:54de cette pacification à lui,
00:13:56à son entourage de militaires.
00:13:58Donc, en réalité,
00:14:00Talleyrand a une marge de manœuvre
00:14:01qui est extrêmement limitée
00:14:03comme ministre,
00:14:04puisque, comme ministre,
00:14:05tout ce qu'il a à faire,
00:14:07c'est s'occuper de la partie
00:14:08un peu technique,
00:14:10la rédaction des traités,
00:14:12la finalisation de la partie juridique
00:14:13des traités.
00:14:14Il fait ça avec son équipe
00:14:15et, en réalité,
00:14:16c'est l'équipe de Bonaparte.
00:14:18Ce sont des militaires
00:14:18qui n'y connaissent rien
00:14:19à la diplomatie,
00:14:20qui sont nommés là
00:14:21parce qu'ils sont des proches
00:14:22du nouveau chef de l'État.
00:14:24Ce sont eux
00:14:24qui récupèrent tout le mérite
00:14:25de la négociation
00:14:27des différents traités.
00:14:28Donc là, il y a quelque chose,
00:14:29déjà, qui est un peu,
00:14:31on va dire, un peu inégal
00:14:32et Talleyrand
00:14:33n'est sans doute pas très satisfait,
00:14:34mais malgré tout,
00:14:35son but premier est atteint.
00:14:37Seulement, en 1803,
00:14:38catastrophe,
00:14:40la guerre reprend avec l'Angleterre.
00:14:42La guerre reprend avec l'Angleterre
00:14:43pour beaucoup de raisons.
00:14:44Une des principales raisons,
00:14:46c'est que la France
00:14:46est devenue trop puissante
00:14:47en réalité très vite
00:14:48puisque,
00:14:49je ne vais pas trop rentrer
00:14:50dans les détails,
00:14:51mais la France,
00:14:52agrandie par les conquêtes
00:14:54de la Révolution,
00:14:54est déjà très grande.
00:14:55C'est la France
00:14:56plus la Belgique
00:14:57plus la rive gauche du Rhin.
00:14:59On y ajoute
00:14:59la présidence
00:15:00de la République italienne
00:15:01que Napoléon récupère
00:15:03à la fin de l'année 1802.
00:15:05Donc, ça commence
00:15:05à faire déjà,
00:15:06d'un point de vue géopolitique,
00:15:07une masse assez lourde.
00:15:09Donc, ça contrarie l'Angleterre
00:15:10qui veut pouvoir commercer
00:15:12avec des États
00:15:13plutôt affaiblis,
00:15:14plutôt divisés
00:15:15sur le continent.
00:15:17Ça déplaît forcément
00:15:18aux autres monarchies européennes
00:15:19d'avoir une France
00:15:20trop menaçante,
00:15:21trop puissante,
00:15:22notamment du côté
00:15:24de l'Allemagne
00:15:25avec cette domination française
00:15:26du côté
00:15:27de la rive gauche du Rhin.
00:15:28Donc, ça n'est pas l'équilibre.
00:15:30Il y a eu la paix,
00:15:31mais Talleyrand se rend compte
00:15:32qu'il n'y a pas l'équilibre
00:15:33et que Bonaparte,
00:15:34en réalité,
00:15:35ne recherche pas l'équilibre.
00:15:36Il a recherché la paix
00:15:37parce que ça servait
00:15:38ses buts personnels,
00:15:40sa soif de pouvoir,
00:15:41mais il n'y a pas
00:15:42l'équilibre.
00:15:43Et l'équilibre,
00:15:44il ne va être atteint,
00:15:44en réalité,
00:15:45tant bien que mal
00:15:46qu'en 1815.
00:15:47Donc, la guerre
00:15:48avec l'Angleterre reprend.
00:15:50Talleyrand est déçu.
00:15:51Il reste du côté
00:15:52de Bonaparte
00:15:52durant plusieurs années,
00:15:53entre autres,
00:15:54parce qu'il n'y a pas
00:15:54d'autres candidats viables.
00:15:56Il est encore trop tôt
00:15:56pour une restauration.
00:15:58Il n'y a pas
00:15:58de personnages
00:16:00suffisamment charismatiques,
00:16:01suffisamment brillants
00:16:01pour reprendre
00:16:02les reines
00:16:03après Bonaparte.
00:16:04Donc, il continue
00:16:05à soutenir Bonaparte
00:16:06lors de l'avènement
00:16:07de l'Empire,
00:16:07puis durant les premières
00:16:08années de l'Empire,
00:16:11avec les grandes campagnes
00:16:12contre l'Autriche
00:16:13en 1805
00:16:14et contre la Prusse
00:16:15en 1806.
00:16:16Talleyrand soutient Napoléon,
00:16:18mais il le soutient
00:16:18de plus en plus
00:16:19à contre-coeur.
00:16:20Et je montre notamment
00:16:21une lettre
00:16:22dans ce livre.
00:16:24Je ne sais pas
00:16:24si je peux vous la retrouver
00:16:26comme ça
00:16:26un peu spontanément.
00:16:28Il y a une lettre
00:16:28de Napoléon
00:16:29à Talleyrand.
00:16:31Et Napoléon
00:16:31exprime dans cette lettre,
00:16:32c'est plutôt Bonaparte,
00:16:33on est à la toute fin
00:16:34du consulat.
00:16:35Avec son écriture inimitable,
00:16:37Bonaparte demande
00:16:38à Talleyrand
00:16:39de brusquer
00:16:39l'ambassadeur d'Angleterre.
00:16:41Donc, en réalité,
00:16:42de le malmener,
00:16:42d'être mal poli avec lui
00:16:44pour accélérer
00:16:45la reprise de la guerre.
00:16:46Et ça, c'est quelque chose
00:16:47que Talleyrand
00:16:48est incapable de faire.
00:16:49Pour lui,
00:16:50brusquer un interlocuteur,
00:16:51renoncer aux bonnes manières,
00:16:52renoncer aux convenances,
00:16:54renoncer aux formes
00:16:55qui sont en fait
00:16:56extrêmement importantes
00:16:56dans la diplomatie,
00:16:58pour lui,
00:16:58c'est quelque chose
00:16:59de tout à fait impossible.
00:17:00Et là,
00:17:01on voit des méthodes divergentes
00:17:02en matière de diplomatie,
00:17:04puisque Bonaparte,
00:17:05qui au début
00:17:06laisse beaucoup
00:17:06Talleyrand faire,
00:17:08se familiarise
00:17:09avec les questions diplomatiques
00:17:10et développe
00:17:11sa propre méthode.
00:17:13La méthode de Bonaparte
00:17:14puis de Napoléon,
00:17:14c'est une méthode
00:17:15très brutale.
00:17:16C'est menacer l'adversaire,
00:17:17le laminer militairement,
00:17:19le mettre à genoux,
00:17:20puis ensuite,
00:17:21lui extorquer
00:17:21les conditions
00:17:22les plus dures possibles,
00:17:24ce qui n'est pas favorable
00:17:25pour le maintien
00:17:26d'une paix
00:17:26vraiment durable.
00:17:28Talleyrand,
00:17:29lui,
00:17:29est plus pour négocier,
00:17:30composer,
00:17:32faire des concessions,
00:17:33respecter les formes,
00:17:34ne pas,
00:17:35par exemple,
00:17:36comme le fait Bonaparte,
00:17:36insulter ses interlocuteurs,
00:17:38ce qui n'est quand même
00:17:39pas très diplomatique
00:17:40comme attitude.
00:17:41Donc,
00:17:41finalement,
00:17:42c'est la méthode Bonaparte
00:17:43qui prend le dessus
00:17:44progressivement.
00:17:46Talleyrand doit l'appliquer
00:17:47au départ.
00:17:48En 1805,
00:17:49avec le traité de paix
00:17:50avec l'Autriche
00:17:51après Austerlitz,
00:17:53Talleyrand doit se montrer
00:17:53très dur
00:17:54parce que Napoléon
00:17:55lui demande d'être très dur,
00:17:56mais on sent
00:17:56qu'il n'est pas à l'aise.
00:17:58Et en 1807,
00:17:59enfin,
00:18:00après la,
00:18:01au moment de l'entrevue
00:18:02qu'il cite,
00:18:03donc là,
00:18:04à nouveau,
00:18:05Talleyrand doit matraquer
00:18:06la Prusse,
00:18:07doit se montrer
00:18:07assez dur,
00:18:08un peu moins,
00:18:08mais quand même
00:18:09assez dur
00:18:09avec le tsar de Russie.
00:18:11Et là,
00:18:11Talleyrand se met à,
00:18:13il décide de jeter
00:18:14l'éponge.
00:18:15Ça n'est pas pour lui,
00:18:16ce ne sont pas ses méthodes
00:18:17et il se rend compte
00:18:18que ses méthodes
00:18:19ne peuvent pas amener
00:18:20à l'établissement
00:18:21d'une paix durable,
00:18:22à la création
00:18:23d'un vrai système
00:18:24équilibré
00:18:25sur le continent européen.
00:18:26Donc, Talleyrand
00:18:27tourne le dos
00:18:28à Napoléon.
00:18:29Il ne lui tourne pas
00:18:30complètement le dos
00:18:30parce qu'il est tellement
00:18:31impliqué
00:18:32dans le régime impérial
00:18:33comme Grand Chambelan,
00:18:35puis comme vice
00:18:36grand électeur de l'Empire
00:18:37qui sont des titres
00:18:37honorifiques,
00:18:38mais quand même,
00:18:39il continue à conseiller
00:18:40Napoléon
00:18:40de manière occasionnelle
00:18:41jusqu'en 1808.
00:18:44À partir de 1808,
00:18:45il y a la campagne
00:18:46d'Espagne.
00:18:47Talleyrand se dit
00:18:48que cette histoire
00:18:48de campagne d'Espagne,
00:18:49ce serait peut-être
00:18:50pour Napoléon
00:18:51une bonne leçon.
00:18:52Je pense que là,
00:18:53il commet une erreur majeure.
00:18:54Il conseille à Napoléon
00:18:55d'envahir l'Espagne,
00:18:56de détrôner les Bourbons
00:18:57et il pense,
00:18:59à mon avis,
00:18:59Talleyrand a dû se dire,
00:19:01il va très vite
00:19:01se rendre compte
00:19:02que l'Espagne
00:19:02est une poudrière,
00:19:03que c'est une erreur
00:19:04et faire marche arrière.
00:19:04Mais Napoléon,
00:19:05sans tête,
00:19:06la guerre civile en Espagne
00:19:08va saigner à blanc
00:19:08la grande armée
00:19:09et ça va être
00:19:10une guerre civile
00:19:11absolument atroce,
00:19:12une violence terrible.
00:19:13Et là,
00:19:14je pense que la faute
00:19:15en revient peut-être
00:19:16en partie à Talleyrand.
00:19:18Il a une certaine
00:19:18responsabilité là-dedans.
00:19:19En tout cas,
00:19:20après 1808,
00:19:21il y a cette affaire,
00:19:22ce fameux complot
00:19:23à peine esquissé
00:19:24par Talleyrand et Fouché
00:19:25pour envisager
00:19:26de remplacer Napoléon
00:19:27par Murat.
00:19:28Mais bon,
00:19:29ça c'est presque
00:19:29un complot pour rire,
00:19:30là aussi,
00:19:31pour essayer d'avertir
00:19:32Napoléon
00:19:32que les oppositions
00:19:34ne sont pas éteintes
00:19:35et qu'il pourrait
00:19:36éventuellement
00:19:36essayer de se débarrasser
00:19:38de lui,
00:19:38qu'il y a quand même
00:19:39des hommes politiques
00:19:39qui comptent
00:19:40dans le régime impérial.
00:19:42Mais ça lui vaut
00:19:42une disgrâce
00:19:43extrêmement sèche
00:19:44début 1809
00:19:45et à partir de ce moment-là,
00:19:47Talleyrand comprend
00:19:48non seulement
00:19:48qu'il est disgracié,
00:19:49qu'il est grillé
00:19:50auprès de Napoléon,
00:19:51mais aussi
00:19:52que Napoléon,
00:19:54par sa surenchère guerrière,
00:19:55par sa volonté
00:19:56de sans cesse
00:19:56faire la guerre,
00:19:57de vouloir dominer
00:19:59complètement le continent
00:20:00et d'avoir
00:20:00non plus des monarchies
00:20:02qui sont des partenaires,
00:20:03des interlocuteurs,
00:20:04mais avoir uniquement
00:20:04des vassaux
00:20:05qui sont enchaînés
00:20:06par des traités
00:20:07très durs
00:20:07et qui reçoivent des ordres
00:20:09et avec qui on ne négocie pas.
00:20:10Donc à partir
00:20:11de 1809,
00:20:12Talleyrand comprend
00:20:12qu'il ne doit pas y avoir
00:20:13d'équilibre européen
00:20:14avec Napoléon définitivement.
00:20:16Donc là, clairement,
00:20:17il prépare la fin,
00:20:18il prépare la suite,
00:20:19il entrevoit
00:20:20la chute de l'Empire,
00:20:21il va commencer
00:20:22par essayer de vendre
00:20:23des renseignements militaires
00:20:25à l'Autriche,
00:20:26puis à la Russie,
00:20:27mais en réalité,
00:20:28c'est assez limité
00:20:29parce que ce sont
00:20:30quand même des hommes
00:20:30d'honneur globalement
00:20:31dans les pays étrangers,
00:20:33on n'aime pas trop
00:20:34cette attitude de traître
00:20:35qui nous voit
00:20:36d'un régime à l'autre,
00:20:37donc son influence,
00:20:38je pense qu'il faut
00:20:38quand même l'aminerer.
00:20:41qu'il est décidé
00:20:41à passer le cap
00:20:43et pour l'Autriche,
00:20:45pour la Russie,
00:20:45ça n'est pas rien
00:20:46que de voir
00:20:47qu'on a déjà
00:20:47dès 1809
00:20:48un ministre
00:20:49qui est prêt
00:20:49à envisager
00:20:50un changement de régime,
00:20:51qui est prêt
00:20:51à travailler avec eux
00:20:52à éventuellement
00:20:54un détronnement de Napoléon
00:20:55et à la construction
00:20:56d'un nouveau système
00:20:57ou les Bourbons
00:20:58ou n'importe quoi d'autre,
00:20:59mais là n'est pas encore
00:21:00la question,
00:21:01mais en tout cas,
00:21:02ce sont des signes très forts
00:21:03qu'il adresse à l'étranger.
00:21:05Napoléon se fait battre
00:21:06en Russie,
00:21:06il se fait battre
00:21:07donc en 1812,
00:21:08il se fait battre ensuite
00:21:09en Saxe
00:21:11en 1813
00:21:11et vient en 1814,
00:21:14en effet,
00:21:14la dernière entrevue
00:21:15de Napoléon
00:21:18et de Talleyrand
00:21:19qui est quelques jours
00:21:20avant le début
00:21:20de la campagne de France.
00:21:22Talleyrand sait
00:21:22que Napoléon
00:21:23n'a aucune chance
00:21:24de l'emporter,
00:21:25qu'il ne va faire
00:21:26que se défendre
00:21:27mais que Paris
00:21:28va finir par tomber
00:21:29et que forcément,
00:21:31il va avoir
00:21:32le premier rôle
00:21:33à ce moment-là
00:21:33parce qu'il est le personnage
00:21:34sur lequel
00:21:35tous les autres souverains
00:21:36de l'Europe comptent
00:21:37et Napoléon
00:21:39ne peut pas faire arrêter
00:21:40Talleyrand
00:21:40parce qu'objectivement
00:21:41il n'a rien
00:21:42à lui reprocher.
00:21:43Il a sans doute
00:21:43très envie de le faire
00:21:44mais ça serait
00:21:45très mauvais
00:21:47du point de vue
00:21:47de l'image,
00:21:48très mauvais message
00:21:49aussi adressé
00:21:50aux autres dignitaires
00:21:51de l'Empire
00:21:51qui suivent Napoléon
00:21:52mais qui commencent
00:21:53à en avoir assez
00:21:54et donc finalement,
00:21:56Napoléon laisse Talleyrand,
00:21:58il le laisse tranquille,
00:22:00il aurait peut-être dû
00:22:01le faire arrêter
00:22:02et le faire fusiller,
00:22:02peut-être que l'histoire
00:22:04aurait été différente
00:22:05mais en tout cas,
00:22:05à ce moment-là,
00:22:06Talleyrand sait
00:22:07que c'est son heure,
00:22:08il sait que son heure
00:22:09va bientôt sonner
00:22:09et il sait peut-être aussi
00:22:11quand il dit adieu
00:22:12à Napoléon
00:22:13lors de cette fête
00:22:14aux Tuileries
00:22:15pour le nouvel an
00:22:16de 1814,
00:22:18le 1er janvier 1814,
00:22:19il sait sans doute
00:22:20aussi que c'est
00:22:21la dernière fois
00:22:21qu'il reverra Napoléon
00:22:23parce que
00:22:23où il se fera tuer
00:22:24sur un champ de bataille,
00:22:26où il sera battu,
00:22:27arrêté,
00:22:27il partira en exil
00:22:28mais il se doute
00:22:29sans doute
00:22:29que les jours
00:22:29de l'Empereur
00:22:30aux Tuileries
00:22:31tirent complètement
00:22:32à leur fin
00:22:33et à ce moment-là,
00:22:34il a déjà repris
00:22:35des contacts
00:22:36avec Louis XVIII
00:22:37et il se rend compte
00:22:38que là,
00:22:39la France est probablement
00:22:40mûre,
00:22:41les souverains de l'Europe
00:22:42sont également mûres
00:22:43ou sont prêts
00:22:43à envisager
00:22:44une restauration,
00:22:46le retour des Bourbons
00:22:47après dix années d'Empire,
00:22:48ça revient quelque chose
00:22:49d'envisageable,
00:22:50ça ne l'était pas
00:22:51en 1804
00:22:52mais ça l'est
00:22:53en 1814.
00:22:55Pardon,
00:22:55j'ai été très long.
00:22:57Non mais c'est très intéressant
00:22:59et vous avez un peu
00:23:00anticipé mon autre question,
00:23:01vous avez évoqué
00:23:02évidemment l'image du traître
00:23:03qu'on a aujourd'hui
00:23:04et dans votre livre
00:23:06à la page 158
00:23:07vous mettez cette caricature
00:23:09qui est extrêmement célèbre
00:23:10avec plusieurs visages
00:23:12de Talleyrand
00:23:13avec tous les serments
00:23:14qu'il a prêtés
00:23:15et ma question
00:23:16ce serait
00:23:17est-ce que déjà
00:23:18vous partagez
00:23:19vous cette image
00:23:20qu'on a
00:23:21et qu'on avait
00:23:23et qu'on a
00:23:23je pense encore
00:23:24aujourd'hui de lui
00:23:25ou est-ce que pour vous
00:23:26Talleyrand suit
00:23:28une sorte de ligne directrice
00:23:29plus cohérente
00:23:30qu'on ne le croit
00:23:31et peut-être plus personnelle ?
00:23:33Alors,
00:23:33la réponse à votre question
00:23:36enfin vous venez de le dire
00:23:37oui
00:23:37bien sûr
00:23:39il vit à une époque
00:23:39de girouette
00:23:40ça n'est pas le seul
00:23:41à être une girouette
00:23:42donc à changer
00:23:42d'allégeance
00:23:43à plusieurs reprises
00:23:44comme sa carrière
00:23:45est très longue
00:23:45il a beaucoup d'opportunités
00:23:47de changer d'allégeance
00:23:49ce qui n'est pas le cas
00:23:50d'autres personnes
00:23:50qui disparaissent
00:23:52plus tôt
00:23:53plus jeunes que lui
00:23:54lui il vit très longtemps
00:23:55donc il voit
00:23:55une très grande succession
00:23:56de régime
00:23:57donc il change
00:23:59beaucoup d'allégeance
00:23:59il a beaucoup d'opportunités
00:24:01parce que c'est un opportuniste
00:24:02il a un instinct politique
00:24:04qui lui dicte avant tout
00:24:05de veiller
00:24:05à sa propre survie
00:24:06et ça je pense que
00:24:07pour tous les hommes politiques
00:24:09c'est important
00:24:09ça n'est pas le seul
00:24:10à tourner kazakh
00:24:12régulièrement
00:24:13ça n'est pas le seul
00:24:14à trahir
00:24:14ça n'est pas le seul
00:24:15à changer d'avis
00:24:16très régulièrement
00:24:17en tout cas
00:24:18je pense qu'il a
00:24:19un projet pour la France
00:24:21il a une vision
00:24:22pour la France
00:24:23qui est assez constante
00:24:25donc il est constant
00:24:26dans ses idées
00:24:26il n'est pas constant
00:24:27dans ses fidélités politiques
00:24:29il a tendance
00:24:29à tourner le dos
00:24:31à tous les dirigeants
00:24:32à tous les systèmes politiques
00:24:34qui selon lui
00:24:35vont contre l'intérêt
00:24:37de la France
00:24:37et pour lui
00:24:38l'intérêt de la France
00:24:39en réalité
00:24:39c'est le projet
00:24:40des monarchiens
00:24:41de 1789
00:24:42c'est à dire
00:24:43que la France
00:24:44soit gouvernée
00:24:45par un système
00:24:46qu'on appelle à l'époque
00:24:48à l'anglaise
00:24:48c'est à dire
00:24:49une monarchie constitutionnelle
00:24:50tempérée
00:24:51avec un roi qui règne
00:24:52mais ne gouverne pas
00:24:53l'égalité civique
00:24:55et les libertés individuelles
00:24:57qui sont garanties
00:24:58et en plus de ça
00:24:59l'idée de Talleyrand
00:25:00c'est de voir une France
00:25:01qui fonctionne
00:25:02bien intégrée
00:25:03au sein
00:25:04d'un concert diplomatique
00:25:05européen
00:25:06avec comme je le dis souvent
00:25:08des petites
00:25:09des moyennes
00:25:09des grandes puissances
00:25:10qui forment
00:25:11ensemble
00:25:12des coalitions
00:25:12des alliances
00:25:13qui se verrouillent
00:25:14et en définitive
00:25:14puisque tout le monde
00:25:16équilibre à peu près
00:25:17la puissance de tout le monde
00:25:17en s'y mettant
00:25:18à plusieurs états
00:25:19que tout le monde
00:25:19peut faire tampon
00:25:20en cas de guerre
00:25:21s'il y a des guerres
00:25:22entre un état
00:25:23il y en a toujours un autre
00:25:23qui est lié entre les deux
00:25:24qui peut faire tampon
00:25:25donc en définitive
00:25:26ça limite
00:25:27ça bloque
00:25:28quasiment complètement
00:25:29le risque de guerre
00:25:30donc c'est ça l'idée
00:25:31de Talleyrand
00:25:32une monarchie constitutionnelle
00:25:33et un concert européen
00:25:35ça c'est une idée
00:25:36qu'il a très tôt
00:25:36dès 1789
00:25:37il pense la concrétiser
00:25:39en 1814
00:25:41mais ça n'est pas
00:25:41tout à fait ça
00:25:42avec la charte constitutionnelle
00:25:44de Louis XVIII
00:25:45ça n'est encore
00:25:46pas tout à fait ça
00:25:47en 1815
00:25:48quand la charte
00:25:49est légèrement révisée
00:25:51mais pas suffisamment
00:25:52le roi garde
00:25:53trop de pouvoir
00:25:54ça n'est pas vraiment
00:25:56un régime parlementaire
00:25:57au sens propre
00:25:58et par contre
00:25:59il voit
00:26:00je pense
00:26:00enfin du moins
00:26:01il pense voir
00:26:01ses idées arriver
00:26:02vraiment au pouvoir
00:26:04en 1830
00:26:05avec l'avènement
00:26:06de Louis-Philippe d'Orléans
00:26:08il avait vécu
00:26:09dix ans de plus
00:26:10il aurait vu la chute
00:26:11de la monarchie de Juillet
00:26:13il aurait vu
00:26:13que l'échec
00:26:15de sa monarchie constitutionnelle
00:26:16du système orléaniste
00:26:18dont il rêvait
00:26:19depuis 1789
00:26:20pour les mêmes raisons
00:26:21qu'avec Charles X
00:26:22ou qu'avec Napoléon
00:26:23c'est qu'on considère
00:26:24que le monarque
00:26:25est trop autoritaire
00:26:26et conserve encore
00:26:26trop d'autorité
00:26:27ou qu'il a
00:26:28dans le cas de Louis-Philippe
00:26:29peut-être récupéré
00:26:30trop d'autorité
00:26:31donc là
00:26:33peut-être que Talleyrand
00:26:34aurait encore changé
00:26:35d'allégeance
00:26:36peut-être qu'il serait
00:26:36devenu républicain
00:26:37en 1848
00:26:38je ne le sais pas
00:26:40en tout cas
00:26:40il n'est pas le seul
00:26:41à être déçu
00:26:41par la monarchie de Juillet
00:26:43il n'est pas le seul
00:26:43à avoir vécu très longtemps
00:26:44je me rappelle toujours
00:26:46on raconte des anecdotes
00:26:47de Chateaubriand
00:26:49qui est mourant
00:26:52quasiment en 1848
00:26:53mais qui entend
00:26:54le bruit des émeutes
00:26:55de 1848
00:26:56donc la chute
00:26:57de Louis-Philippe
00:26:57qu'il déteste
00:26:58parce que Chateaubriand
00:26:59est resté légitimiste
00:27:01et il demande
00:27:01qu'est-ce qui se passe dehors
00:27:02on lui dit
00:27:02Louis-Philippe
00:27:03est en train de fuir
00:27:05la monarchie s'est effondrée
00:27:06Chateaubriand
00:27:07a beau être en train
00:27:07de mourir
00:27:08tout ce qu'il arrive
00:27:09à murmurer
00:27:10c'est je veux y aller
00:27:11très touchant
00:27:12et peut-être que Talleyrand
00:27:13s'il avait été déçu
00:27:14par Louis-Philippe
00:27:15au bout de quelques années
00:27:16aurait fini par dire
00:27:17la même chose
00:27:17et par devenir
00:27:18presque pu être député
00:27:21en 1848
00:27:21finalement
00:27:22malheureusement
00:27:23c'est audacieux
00:27:24c'est de l'histoire-fiction
00:27:25je vous l'accorde
00:27:25mais ça aurait pu être amusant
00:27:27c'est ça comme vous dites
00:27:28voilà
00:27:29il est mort
00:27:29il est parti
00:27:30c'est pas impossible
00:27:31de rescaper de la révolution
00:27:34on en trouve encore
00:27:35en 1848
00:27:36des personnages
00:27:38comme Thibodeau
00:27:38par exemple
00:27:39qui est le dernier
00:27:40des régicides
00:27:41qui est un contemporain
00:27:41de Talleyrand
00:27:42et qui meurt
00:27:42je crois
00:27:43quasi centenaire
00:27:44en 1953
00:27:45il me semble
00:27:46qui est encore sénateur
00:27:47sous le second empire
00:27:48donc ça n'était pas impossible
00:27:50mais
00:27:50Talleyrand n'était pas
00:27:53en très bonne santé
00:27:53à la fin de sa vie
00:27:54il a quand même eu
00:27:55une vie assez usante
00:27:56probablement
00:27:57il a beaucoup
00:27:57beaucoup travaillé
00:27:58malgré ses airs
00:27:59de dilettante
00:27:59et oui
00:28:00la machine n'a pas pu tenir
00:28:0210 ans de plus
00:28:03tout à fait
00:28:05alors vous avez évoqué
00:28:06évidemment
00:28:07tous les grands hommes
00:28:08qui ont eu
00:28:09une longue vie
00:28:09qui ont traversé des régimes
00:28:11alors évidemment
00:28:12il y a Talleyrand
00:28:13j'en citerai un autre
00:28:14qui est le général Lafayette
00:28:15Lafayette qui comme
00:28:15Talleyrand
00:28:16va naître sous Louis XV
00:28:18et mourir sous Louis Philippe
00:28:19et ce sont des hommes
00:28:20qui vont tous les deux
00:28:21alors pas forcément
00:28:22carrière
00:28:22mais qui vont tous les deux
00:28:24réussir à traverser
00:28:25cinq régimes
00:28:26et donc selon vous
00:28:26comment Talleyrand
00:28:28a fait justement
00:28:29pour traverser
00:28:30tous ces régimes
00:28:31sans perdre
00:28:32dans le fond
00:28:33de son influence
00:28:33même s'il y a
00:28:34quelques disgraces
00:28:35il reste quand même
00:28:36très haut placé
00:28:36et très important
00:28:38même pour Louis Philippe
00:28:39alors
00:28:39vous amenez le sujet
00:28:41de Lafayette
00:28:41alors en histoire
00:28:42on est censé faire preuve
00:28:43de nuance
00:28:44mais en même temps
00:28:45de temps en temps
00:28:45être catégorique
00:28:46être un peu définitif
00:28:47c'est très rafraîchissant
00:28:48donc je veux dire
00:28:49il y a une différence fondamentale
00:28:50entre Lafayette et Talleyrand
00:28:52c'est que Talleyrand
00:28:52est extrêmement brillant
00:28:53il survit
00:28:54d'un régime à l'autre
00:28:56parce que
00:28:57il a une sorte de vision politique
00:28:58qui lui permet d'anticiper
00:29:00les grands changements
00:29:00les grands revirements
00:29:01et donc de s'adapter au mieux
00:29:03c'est un animal politique
00:29:04et les animaux politiques
00:29:05ça évolue très vite
00:29:07contrairement aux dinosaures
00:29:08qui évoluent très lentement
00:29:09Lafayette
00:29:10c'est le cas contraire
00:29:11s'il survit à tous les régimes
00:29:12c'est parce que c'est un idiot
00:29:13il a une seule bonne idée
00:29:15en 1789
00:29:17il entrevoit
00:29:18qu'est-ce que va être l'avenir
00:29:19et il devient une sorte d'icône
00:29:21il l'est déjà d'ailleurs
00:29:22un petit peu
00:29:22avec la révolution américaine
00:29:24mais Lafayette
00:29:25c'est plus
00:29:26une sorte de figure de proue
00:29:27de mascotte
00:29:28que l'on va voir
00:29:29que l'on sollicite
00:29:30qui est célèbre
00:29:3140 ans après
00:29:32son heure de gloire
00:29:34qui le reste
00:29:35mais Lafayette
00:29:36il n'est pas très malin
00:29:37en réalité
00:29:37et c'est peut-être ça
00:29:39qui le saut
00:29:39je suis désolé
00:29:40s'il y a des fans
00:29:40de Lafayette
00:29:41dans la salle
00:29:42mais regardez
00:29:43relisez des biographies
00:29:45du personnage
00:29:45il y a souvent
00:29:47des agéographies
00:29:47malheureusement
00:29:48mais en réalité
00:29:49Lafayette
00:29:49n'est pas très malin
00:29:50je ne crois pas
00:29:51qu'on ait beaucoup
00:29:52de traces
00:29:52de rapports
00:29:53ou d'échanges
00:29:53entre Talleyrand
00:29:55et Lafayette
00:29:56et je pense que
00:29:57Talleyrand
00:29:57devait trouver
00:29:58Lafayette
00:29:58profondément ennuyeux
00:29:59c'est quelqu'un
00:30:01qui n'est pas très malin
00:30:02par contre
00:30:03c'est un personnage
00:30:03fascinant
00:30:04parce qu'il a beau
00:30:05être pas très malin
00:30:06comme je vous le disais
00:30:06il est quand même
00:30:08au diapason
00:30:09avec les idées
00:30:10de son siècle
00:30:10très en avance
00:30:12en 1789
00:30:14il devient une icône
00:30:16et par conséquent
00:30:17quelqu'un d'incontournable
00:30:18c'est quelqu'un
00:30:19qu'on vient voir
00:30:19les archives
00:30:20de Lafayette
00:30:21sont absolument fascinantes
00:30:23pour ça
00:30:23ils sont conservés
00:30:24pas très loin d'ici
00:30:25la fondation de Chambrun
00:30:27pardon je fais un aparté
00:30:28mais les archives
00:30:29de Lafayette
00:30:29il y a une correspondance
00:30:30reçue qui est colossale
00:30:31parce qu'il est
00:30:32de tous les combats
00:30:33il est la personne
00:30:34que l'on sollicite
00:30:35il est la personne
00:30:35que l'on vient voir
00:30:36à qui on demande conseil
00:30:38à qui on demande
00:30:39des soutiens
00:30:40durant des années
00:30:41et ces archives
00:30:42sont d'une richesse
00:30:43absolument extraordinaire
00:30:44il est au centre de tout
00:30:46alors que quand même
00:30:47il est vraiment
00:30:48pas malin
00:30:49du tout
00:30:50du tout
00:30:50contrairement à Talleyrand
00:30:52qui lui comme je vous le disais
00:30:53est très intelligent
00:30:54oui c'est un animal politique
00:30:57donc il sent les choses
00:30:58voilà
00:30:58mais on peut être
00:30:59un animal politique
00:31:00et très bête
00:31:00il y a plein
00:31:01plein d'hommes politiques
00:31:02qui ont l'instinct politique
00:31:03et qui savent survivre
00:31:04qui savent revenir
00:31:05de beaucoup de choses
00:31:05mais qui n'ont pas forcément
00:31:06de vision
00:31:07sur le très long terme
00:31:08et qui n'ont pas forcément
00:31:09une sorte de profondeur
00:31:11d'analyse
00:31:13notamment pour Talleyrand
00:31:15de la diplomatie
00:31:16Talleyrand a l'instinct
00:31:18il a l'intelligence
00:31:20qui va avec
00:31:20les deux vont rarement ensemble
00:31:22c'est ça
00:31:22les très grands hommes d'état
00:31:23ils ont l'intelligence
00:31:25et ils ont également l'instinct
00:31:26et ils ont également
00:31:27peut-être Talleyrand moins
00:31:28mais ils ont également
00:31:29une très profonde compréhension
00:31:30de la nature humaine
00:31:31ça c'est ce que
00:31:32Napoléon a
00:31:33à un très très haut degré
00:31:34je pense que Talleyrand
00:31:36je pense que Napoléon
00:31:38vous contemple
00:31:39il a instantanément compris
00:31:40qui vous étiez
00:31:41quels sont vos désirs
00:31:42vos ambitions
00:31:43vos secrets
00:31:44il a besoin de quelques secondes
00:31:45pour décoder quelqu'un
00:31:46Talleyrand devait avoir ça
00:31:47peut-être un tout petit peu moins
00:31:49je pense
00:31:49mais ça c'est aussi
00:31:50un instinct presque animal
00:31:52que seuls les très grands
00:31:54personnages politiques ont
00:31:55donc Talleyrand coche
00:31:57toutes les cases
00:31:58Napoléon aussi
00:31:59peut-être
00:31:59niveau au-dessus
00:32:00pour certaines choses
00:32:02sauf que
00:32:03Napoléon est
00:32:03malheureusement
00:32:04Napoléon est fou aussi
00:32:05au bout d'un certain moment
00:32:07malheureusement
00:32:07mais Talleyrand
00:32:09est un très grand animal politique
00:32:11Lafayette
00:32:11beaucoup moins
00:32:12mais Lafayette
00:32:13a quand même
00:32:14cet instinct des hommes politiques
00:32:15qui est de survivre à tout
00:32:16ça il faut le lui reconnaître
00:32:18il a survécu à la prison
00:32:19il a survécu à l'Empire
00:32:20il a revenu de toutes les révolutions
00:32:23c'est assez remarquable
00:32:25tout à fait
00:32:27et puis vous évoquez
00:32:29évidemment
00:32:29le côté animal politique
00:32:30de Talleyrand
00:32:30et ça se verra
00:32:31évidemment
00:32:32au congrès de Vienne
00:32:32qui reste quand même
00:32:33peut-être pas son chef-d'oeuvre
00:32:35mais un grand acte
00:32:36de diplomatie
00:32:37de diplomatie
00:32:38en tout cas à l'époque
00:32:39alors ma prochaine question
00:32:41ce serait plus centré
00:32:42sur le titre
00:32:43de votre chapitre 5
00:32:44que vous intitulez
00:32:44complot et trahison
00:32:45vous fixez ça à 1805-1813
00:32:47puisque vous l'avez dit
00:32:48à partir de 1803-1804
00:32:50il y a un éloignement
00:32:51entre Napoléon
00:32:52et Talleyrand
00:32:53mais la question
00:32:53que j'aimerais vous poser
00:32:54c'est
00:32:54vous pensez
00:32:55est-ce que
00:32:56vous pensez pas
00:32:57plutôt que
00:32:58sa toute première trahison
00:32:59aurait lieu
00:33:01quand il propose
00:33:02alors soit
00:33:03la confiscation
00:33:04des biens du clergé
00:33:04ou la nationalisation
00:33:05des biens du clergé
00:33:06tout dépend
00:33:06des termes qu'on emploie
00:33:07est-ce que pour vous
00:33:08ce ne serait pas
00:33:09sa toute première trahison
00:33:09puisqu'il est quand même
00:33:10un homme d'église
00:33:11et c'est lui
00:33:11qui va proposer
00:33:13à l'assemblée naissante
00:33:14de confisquer
00:33:15les biens du clergé
00:33:16pour renflouer
00:33:16les caisses
00:33:17de l'état
00:33:18est-ce que pour vous
00:33:19ce ne serait pas
00:33:19peut-être
00:33:20sa toute première trahison
00:33:21alors oui
00:33:22oui et non
00:33:23bien sûr
00:33:24puisque
00:33:24en tant qu'agent général
00:33:26du clergé
00:33:27de 1780-1785
00:33:28il est responsable
00:33:30de l'administration
00:33:31du suivi
00:33:31des biens temporels
00:33:33de l'église
00:33:34et il connaît très bien
00:33:35la situation financière
00:33:36et foncière
00:33:37de l'église de France
00:33:38en 1789
00:33:39je resitue
00:33:40pour le public
00:33:41c'est lui
00:33:41qui propose
00:33:42de nationaliser
00:33:44les biens du clergé
00:33:45mais ça ne se fait pas
00:33:46sans contrepartie
00:33:47c'est-à-dire qu'en échange
00:33:48il va négocier
00:33:49le fait que
00:33:50les ministres du culte
00:33:52vont recevoir
00:33:53de la part de l'état
00:33:54un traitement
00:33:55que les églises
00:33:56vont être entretenues
00:33:57aux frais de l'état
00:33:57donc en définitive
00:33:59on se retrouve
00:33:59dans une situation
00:34:00complètement inextricable
00:34:01qui est la situation
00:34:02de 1789
00:34:04avec une dette
00:34:04complètement insurmontable
00:34:06aucune solution
00:34:07en vue
00:34:07pour essayer
00:34:08de renflouer
00:34:09les caisses de l'état
00:34:10il prononce
00:34:11finalement
00:34:12il trouve en définitive
00:34:13la solution
00:34:13qui est la plus équitable
00:34:15qui est la plus favorable
00:34:17à l'intérêt général
00:34:19la plus favorable
00:34:19aux intérêts du pays
00:34:20je pense que pour lui
00:34:22c'est une forme
00:34:23de trahison
00:34:23ses collègues
00:34:24ses confrères
00:34:25du clergé
00:34:26le ressentent
00:34:27comme une trahison
00:34:27mais pour lui
00:34:28c'est simplement
00:34:28un pisalet
00:34:29parce que
00:34:30on aurait pu laisser
00:34:31la situation
00:34:32s'envenimer
00:34:33encore quelques temps
00:34:33et là ça aurait peut-être
00:34:34été une confiscation
00:34:35pure et simple
00:34:36des biens du clergé
00:34:38pour renflouer
00:34:38les caisses de l'état
00:34:39comme on n'était pas
00:34:40tout à fait aux abois
00:34:41qu'on était dans un moment
00:34:42un peu d'entre-deux
00:34:43avec la révolution
00:34:44il propose une solution
00:34:45qui est plutôt
00:34:46favorable
00:34:47favorable au clergé
00:34:48qui ne blesse pas trop
00:34:50les intérêts du clergé
00:34:51donc c'est une trahison
00:34:53bien sûr
00:34:53mais ça montre aussi
00:34:55qu'il avait su analyser
00:34:56la situation
00:34:56en animal politique
00:34:58qu'il avait compris
00:34:59que s'arc-bouté
00:35:00de manière très conservatrice
00:35:02sur un statut quo
00:35:03ça n'est pas possible
00:35:04qu'il faut accepter
00:35:05une évolution
00:35:05et finalement
00:35:06c'est lui qui devance
00:35:07puisqu'il n'est pas marqué
00:35:10forcément comme le député
00:35:11le plus progressiste
00:35:12en 1789
00:35:13mais il devance
00:35:14finalement les initiatives
00:35:15d'autres
00:35:16qui auraient pu avoir
00:35:16l'idée de s'en prendre
00:35:17ou bien de l'église
00:35:18le fait que ce soit
00:35:19un évêque
00:35:19qui propose ça
00:35:20c'est quand même
00:35:21symboliquement extrêmement
00:35:22important
00:35:22donc oui c'est une trahison
00:35:24si on veut
00:35:25je dirais que c'est plutôt
00:35:26une sorte de renoncement
00:35:27mais mûrement réfléchi
00:35:29oui on sent déjà
00:35:30dès 1790
00:35:32son côté animal politique
00:35:34il a la vision
00:35:35il sent tout de suite
00:35:36il sent qu'il fait un changement
00:35:38voilà c'est ce que disait
00:35:39François Furet
00:35:40Talleyrand est très doué
00:35:41pour flairer l'avenir
00:35:42tout à fait
00:35:44et donc du coup
00:35:45on a évoqué évidemment
00:35:46son côté animal politique
00:35:47donc on va évoquer
00:35:48évidemment peut-être
00:35:49le terme chef-d'oeuvre
00:35:51est peut-être un peu exagéré
00:35:52mais évidemment
00:35:52le congrès de Vienne
00:35:53et son action
00:35:54au congrès de Vienne
00:35:55qui permet à la France
00:35:57de retrouver ses frontières
00:35:59d'avant 1792
00:36:00donc c'est-à-dire
00:36:00qu'on enlève
00:36:01toutes les conquêtes
00:36:03de la
00:36:03une grande partie
00:36:04des conquêtes de la révolution
00:36:05et toutes les conquêtes
00:36:06de l'Empire
00:36:06mais ça n'écrase pas
00:36:08le congrès de Vienne
00:36:11n'écrase pas
00:36:11la France
00:36:12et ça c'est vraiment
00:36:13du fait de Talleyrand
00:36:14qui va réussir à s'imposer
00:36:16et donc ma question
00:36:17est assez simple
00:36:18c'est pour vous
00:36:19quelle était la vision
00:36:20européenne
00:36:21qu'avait Talleyrand
00:36:22quand il arrive
00:36:22au congrès de Vienne
00:36:23qu'est-ce qu'il veut
00:36:23mettre en place
00:36:25c'est compliqué
00:36:25c'est un sujet de livre
00:36:26ça c'est très compliqué
00:36:27c'est très vaste
00:36:28mais plutôt pour vous répondre
00:36:30de façon très
00:36:31très brève
00:36:32et le plus clair possible
00:36:33donc la France est vaincue
00:36:35en 1814
00:36:36la France de Napoléon
00:36:37est vaincue
00:36:37Louis XVIII revient
00:36:38sur le trône
00:36:39mais les alliés
00:36:41c'est-à-dire
00:36:42les vainqueurs de Napoléon
00:36:43principalement l'Autriche
00:36:45la Prusse
00:36:45la Russie
00:36:45considèrent toujours
00:36:47la France
00:36:47comme vaincue
00:36:48ils considèrent Louis XVIII
00:36:49comme celui qui a été battu
00:36:50et donc ils sont
00:36:52décidés à rétrécir
00:36:53la France le coup possible
00:36:54si possible
00:36:55à faire payer
00:36:56la France
00:36:56et à faire également
00:36:57payer
00:36:58les alliés
00:37:00qui sont restés
00:37:01plus longtemps
00:37:01fidèles
00:37:02à Napoléon
00:37:03principalement
00:37:04la Saxe
00:37:04qui était le grand allié
00:37:05de Napoléon
00:37:06jusqu'en octobre
00:37:071813
00:37:08donc
00:37:09cette idée
00:37:10qu'on va un peu
00:37:11se repaître
00:37:13sur la carcasse
00:37:14du vaincu
00:37:15il y a l'idée
00:37:16également
00:37:16pour toutes ces grandes
00:37:17monarchies
00:37:18de récupérer
00:37:19les territoires
00:37:20qu'elles ont perdus
00:37:21l'Autriche veut récupérer
00:37:22la Lombardie
00:37:23la Vénétie
00:37:24l'Angleterre veut récupérer
00:37:25le Hanovre
00:37:25la Russie veut mettre
00:37:28la main sur la Pologne
00:37:29donc il y a une idée
00:37:30qu'on va s'agrandir
00:37:31qu'on va s'agrandir
00:37:32aux dépens des autres
00:37:33et ça c'est quelque chose
00:37:34qui d'emblée
00:37:35menace
00:37:36les intérêts de la France
00:37:37bien sûr
00:37:37mais également
00:37:38la vision de cet équilibre
00:37:39européen
00:37:40que Talleyrand poursuit
00:37:41donc on va dire
00:37:43que dès
00:37:43dès le moment
00:37:44où il arrive à Vienne
00:37:45en septembre 1815
00:37:46tous ces
00:37:47il a les oreilles dressées
00:37:49il est en alerte permanente
00:37:51il comprend
00:37:51que la France
00:37:52risque de ne pas avoir
00:37:53voix au chapitre
00:37:54et son premier acte
00:37:56très habile
00:37:56c'est de rappeler
00:37:57qu'il n'y a pas de vainqueur
00:37:58il n'y a pas de vaincu
00:37:59tout le monde
00:38:00doit discuter
00:38:01égalité
00:38:02autour de la table
00:38:03que c'est Napoléon
00:38:05qui a été vaincu
00:38:05ça n'est pas Louis XVIII
00:38:07donc déjà
00:38:07réussir à ramener la France
00:38:09autour de la table
00:38:11de négociation
00:38:11c'est déjà très habile
00:38:13il le fait
00:38:14parce qu'il a
00:38:14un charisme personnel
00:38:15il le fait
00:38:16parce qu'il a une habileté
00:38:17on va dire
00:38:18une rouerie
00:38:19ou en tout cas
00:38:19un art
00:38:20de la rhétorique
00:38:21qui lui permet
00:38:22de convaincre
00:38:23les diplomates
00:38:24et les souverains étrangers
00:38:25de l'accepter
00:38:25lors des négociations
00:38:27et ensuite
00:38:28son idée
00:38:28c'est de ne pas
00:38:29se ranger du côté
00:38:31des grandes puissances
00:38:32que la France est
00:38:33malgré sa défaite
00:38:34c'est un pays gigantesque
00:38:36extrêmement peuplé
00:38:36très riche
00:38:38l'adhérent se range
00:38:39plutôt du côté
00:38:40des petites
00:38:41et des moyennes puissances
00:38:42donc de ceux
00:38:43qui risquent d'être
00:38:44le plus lésés
00:38:45si jamais
00:38:46les grands
00:38:46décident
00:38:47de s'agrandir
00:38:48en profitant
00:38:49de ce congrès
00:38:50pour augmenter
00:38:51leurs frontières
00:38:52donc Talleyrand
00:38:53se fait le défenseur
00:38:54non pas des vaincus
00:38:55enfin des vaincus aussi
00:38:57mais des petits
00:38:57des faibles
00:38:58et beaucoup de faibles
00:39:00ça finit quand même
00:39:01par représenter
00:39:01une force
00:39:02qui est assez importante
00:39:03donc ça
00:39:03c'est la grande habileté
00:39:05de Talleyrand
00:39:05c'est d'arriver
00:39:06ses interlocuteurs
00:39:08de mener ses interlocuteurs
00:39:10jusqu'à cette idée
00:39:11du conseil européen
00:39:12en se faisant
00:39:13le défenseur
00:39:14des plus faibles
00:39:15il faut quand même
00:39:16une ligne directrice
00:39:17pour réussir à justifier
00:39:18le fait que tout le monde
00:39:20se range derrière Talleyrand
00:39:21et cette idée directrice
00:39:23ça va être celle qui
00:39:24domine quasiment l'Europe
00:39:26durant tout le XIXe siècle
00:39:27c'est la défense
00:39:28de la légitimité
00:39:28qu'est-ce qui peut permettre
00:39:30que tous ces pays
00:39:30ne sombrent pas
00:39:32dans la révolution
00:39:32qu'est-ce qui peut justifier
00:39:33de leur existence
00:39:34de leur maintien
00:39:35tel quel
00:39:36c'est la légitimité
00:39:38donc le premier travail
00:39:39de Talleyrand
00:39:40ça va être de convaincre
00:39:41ces interlocuteurs
00:39:42de remettre
00:39:43les souverains légitimes
00:39:44sur leur trône
00:39:45afin de limiter la casse
00:39:46c'est-à-dire que
00:39:47les Bourbons sont revenus
00:39:48en France
00:39:49le roi de Saxe
00:39:50la Saxe c'est très joli
00:39:51c'est au centre de l'Allemagne
00:39:52ça pourrait très bien
00:39:52être dépecé
00:39:53entre l'Autriche
00:39:54la Russie
00:39:56entre d'autres pays
00:39:57et bien non
00:39:57on va remettre
00:39:58le roi de Saxe
00:39:58sur son trône
00:39:59à Parme
00:40:01pardon
00:40:02à Naples
00:40:02il y a Murat
00:40:03on va essayer
00:40:05de se débarrasser
00:40:06le plus vite possible
00:40:06de Murat
00:40:07pour remettre
00:40:08les Bourbons
00:40:08de Naples
00:40:09à Parme
00:40:11il y avait des Bourbons
00:40:12bon là
00:40:12Talleyrand
00:40:14va faire une sorte
00:40:14de tour de passe-passe
00:40:15mais l'idée
00:40:16c'est que les Bourbons
00:40:16reviennent également
00:40:17à Parme
00:40:18que les Bourbons
00:40:19d'Espagne
00:40:19reviennent en Espagne
00:40:21que le roi d'Angleterre
00:40:22récupère le Hanover
00:40:23qui est sa possession ancestrale
00:40:24donc essayer de revenir
00:40:25en quelque sorte
00:40:27à la tradition
00:40:27de solidifier la tradition
00:40:29par des traités
00:40:30par une entente diplomatique
00:40:31très concrète
00:40:32signée sur le papier
00:40:33pas seulement par des alliances
00:40:34matrimoniales
00:40:36comme sous l'ancien régime
00:40:37qui peuvent éventuellement
00:40:38être dénoncées
00:40:40mais donc c'est cette idée
00:40:42très forte
00:40:42de la légitimité
00:40:43qui permet de maintenir
00:40:44un ensemble géopolitique
00:40:46à peu près ensemble
00:40:47ça c'est très habile
00:40:48il lui faut beaucoup de temps
00:40:49pour réussir à le faire accepter
00:40:50à ces différents interlocuteurs
00:40:52et le congrès de Vienne
00:40:53c'est aussi un moment
00:40:54d'éloquence
00:40:56et de mondanité diplomatique
00:40:57extrêmement fort
00:40:58c'est à dire que
00:40:59les discussions
00:41:00ne se discutent pas seulement
00:41:02autour d'une table
00:41:03avec les interlocuteurs autorisés
00:41:06ça se discute aussi beaucoup
00:41:07au cours de balles
00:41:08au cours de chasse
00:41:09au cours de concerts
00:41:10de balles
00:41:12de représentations à l'opéra
00:41:14donc il y a une vie de cours
00:41:15qui est extrêmement dense
00:41:16beaucoup de mondanité
00:41:18et là Talleyrand est très fort
00:41:19pour jouer au jeu d'influence
00:41:21c'est à dire
00:41:22plutôt que d'aller voir
00:41:23le ministre qui est inflexible
00:41:24il va discuter avec le souverain
00:41:25qui est peut-être plus malléable
00:41:27ou le contraire
00:41:28voir la maîtresse d'un tel
00:41:29le contisan
00:41:30le grand officier
00:41:32le grand étudier
00:41:33donc des personnes d'influence
00:41:34donc cette notion de réseau
00:41:36cette notion d'un peu de soft power
00:41:39ça c'est un aspect de la diplomatie
00:41:40que Talleyrand maîtrise également
00:41:43au plus haut point
00:41:44donc il est à la fois très bon
00:41:45dans la représentation
00:41:46dans les mondanités
00:41:48c'est essentiel dans la diplomatie
00:41:49parce qu'on ne peut pas seulement
00:41:50négocier autour de la table
00:41:52mais il est également très bon
00:41:54quand il s'agit d'être autour d'une table
00:41:56et de négocier de manière concrète
00:41:58en renvoyant
00:41:59ces interlocuteurs
00:42:01face aux autres
00:42:02c'est à dire
00:42:03en faisant prendre conscience
00:42:05qu'ils ont tous des intérêts antinomiques
00:42:07en réalité
00:42:07ils sont tous ennemis
00:42:08et qu'il faut réussir
00:42:10à parvenir à une entente
00:42:11qui va être un statut quo
00:42:12le plus durable
00:42:13et le plus solide possible
00:42:15en définitive
00:42:16l'Europe du congrès de Vienne
00:42:17telle que Talleyrand
00:42:18est méternique
00:42:19et qu'assellerait
00:42:20la construise
00:42:21c'est une Europe
00:42:22qui est pensée
00:42:22pour être extrêmement stable
00:42:24qui est pensée
00:42:25pour durer
00:42:25le plus longtemps possible
00:42:28c'est Napoléon
00:42:29qui gâche un peu
00:42:30le travail de Talleyrand
00:42:32avec les 100 jours
00:42:33puisque Napoléon revient
00:42:34donc le congrès de Vienne
00:42:36est quand même signé
00:42:37il y a quand même
00:42:37le traité qui est signé à la fin
00:42:38mais on signe un autre traité
00:42:40complémentaire par la suite
00:42:42pour réduire
00:42:44les frontières de la France
00:42:46donc la France va principalement
00:42:47perdre la Savoie
00:42:48donc la France passe
00:42:49de ses frontières de 1792
00:42:50à ses frontières de 1790
00:42:53donc la France est affaiblie
00:42:55et finalement
00:42:56le fait que la France
00:42:56soit affaiblie
00:42:57discrédité au point de vue
00:42:59international
00:42:59c'est quelque chose
00:43:00qui déséquilibre aussi
00:43:01le concert des nations
00:43:03puisque dans l'idée
00:43:04de Talleyrand
00:43:04il faut une France forte
00:43:05il faut une Angleterre forte
00:43:07une Russie forte
00:43:08une Autriche forte
00:43:09une Prusse forte
00:43:10il faut qu'il y ait
00:43:11des grandes puissances
00:43:11qui permettent
00:43:12d'équilibrer
00:43:13d'équilibrer tout le continent
00:43:16donc là
00:43:17je dirais
00:43:18Talleyrand fait un travail
00:43:19qui est extraordinaire
00:43:20il est au sommet de son art
00:43:21et celui qui vient ruiner
00:43:23en partie ses efforts
00:43:25c'est Napoléon
00:43:27c'est Napoléon
00:43:28mais Napoléon
00:43:29comme beaucoup d'historants
00:43:31l'ont montré
00:43:31c'est peut-être
00:43:33l'erreur qu'il fait
00:43:34au départ
00:43:34c'est de revenir
00:43:35quand le congrès de Vienne
00:43:36existe encore
00:43:39a lieu
00:43:39un peu trop
00:43:41il est toujours en cours
00:43:41et donc évidemment
00:43:43comme vous l'avez dit
00:43:43Talleyrand doit composer
00:43:45avec son retour
00:43:47et puis la campagne de Belgique
00:43:48il n'y avait pas vraiment
00:43:49de bon moment
00:43:50pour Napoléon
00:43:51pour revenir en réalité
00:43:52il serait revenu plus tôt
00:43:54c'était trop tôt
00:43:56par exemple
00:43:57il serait revenu en hiver
00:43:58il n'aurait pas pu
00:43:59tenter son vol de l'aigle
00:44:00il n'aurait pas pu passer
00:44:01par les
00:44:02par les Alpes de Haute-Provence
00:44:04pour marcher sur Grenoble
00:44:05donc il fallait que ça soit
00:44:06suffisamment tard
00:44:07dans l'année
00:44:08il s'intéresse surtout
00:44:09à l'opinion publique
00:44:10donc il fallait que
00:44:11le roi soit suffisamment
00:44:12impopulaire
00:44:13il aurait pu attendre
00:44:14un peu que le congrès
00:44:15soit terminé
00:44:16mais en juin
00:44:16et en juin
00:44:17c'est trop tard
00:44:18il devait se dire
00:44:19peut-être que le roi
00:44:19va avoir un sursaut
00:44:20de popularité
00:44:22avec la signature
00:44:23du congrès de Vienne
00:44:25donc il n'y a pas
00:44:25vraiment de bon moment
00:44:26quel que soit le moment
00:44:28Napoléon en réalité
00:44:29part battu
00:44:31sa tentative
00:44:32des 100 jours
00:44:33est une tentative
00:44:33qui est complètement
00:44:34désespérée
00:44:35c'est un champ du signe
00:44:36c'est aussi peut-être
00:44:37un coup de folie
00:44:38ou un mouvement d'égo
00:44:40de la part de Napoléon
00:44:41qui est génial
00:44:42qui peut se lancer
00:44:44dans ce genre d'entreprise
00:44:45mais qui après
00:44:47ne se soucie pas forcément
00:44:48de savoir si ça va durer
00:44:51Napoléon c'est un joueur
00:44:52c'est un aventurier
00:44:53c'est quelqu'un
00:44:53qui aime bien jouer
00:44:54il parie
00:44:55c'est ce que dit
00:44:56Chateaubriand
00:44:57je crois
00:44:57la main qui broyait le monde
00:44:59se plaisait
00:45:00au jeu des osclets
00:45:01ou quelque chose
00:45:02de ce genre
00:45:02donc c'est un pari
00:45:04qu'il lance
00:45:04il va le perdre
00:45:05mais j'ai l'impression
00:45:06en définitive
00:45:07que le père
00:45:08dont le gagné
00:45:08lui est presque indifférent
00:45:10à partir du moment
00:45:10où il a pu se lancer
00:45:11dans cet immense
00:45:12baroude d'honneur
00:45:13qu'il finisse
00:45:14au Tuileries
00:45:15ou à Saint-Hélène
00:45:16dans les deux cas
00:45:17sa postérité
00:45:19sa légende
00:45:19est assurée
00:45:20tout à fait
00:45:21mais elle n'a peut-être
00:45:22pas été la même
00:45:23si il serait réussi
00:45:24il était resté
00:45:24à l'île d'Elve
00:45:26alors ma dernière question
00:45:28parce qu'il faut
00:45:29quand même conclure
00:45:30vous évoquez
00:45:31dans votre biographie
00:45:32évidemment
00:45:33la légende noire
00:45:34de Talleyrand
00:45:34malgré son image
00:45:36de plus illustre
00:45:37des diplomates
00:45:37c'est un homme
00:45:38qui encore aujourd'hui
00:45:39est victime
00:45:40d'une légende noire
00:45:40et vous évoquez aussi
00:45:41tous les grands acteurs
00:45:43qui l'ont porté
00:45:44à l'écran
00:45:44notamment Sacha Guitry
00:45:45John Malkovich
00:45:47dans la série
00:45:48avec Christian Clavier
00:45:49plus récemment
00:45:49je n'ai plus le nom
00:45:51de l'acteur
00:45:52mais dans le Napoléon
00:45:52de Ridley Scott
00:45:53ma question serait
00:45:55assez simple
00:45:55pour vous
00:45:56quel a été
00:45:57le meilleur
00:45:58celui
00:45:59l'acteur
00:45:59qui l'a possiblement
00:46:00le mieux incarné
00:46:01à l'écran
00:46:02où on voit
00:46:02peut-être les différentes
00:46:04facettes
00:46:04de cet homme là
00:46:05c'est difficile à dire
00:46:06c'est comme pour Napoléon
00:46:07il n'y a pas vraiment
00:46:08encore eu
00:46:09le vrai bon acteur
00:46:10qui joue Napoléon
00:46:11n'est pas encore né
00:46:12à mon avis
00:46:12il y a quand même
00:46:13certaines facettes
00:46:14du personnage
00:46:15qui sont mieux mis en avant
00:46:16par exemple
00:46:17moi j'ai grandi
00:46:17avec le Napoléon
00:46:18de Christian Clavier
00:46:19parce que je suis extrêmement vieux
00:46:21et donc
00:46:21le John Malkovich
00:46:23m'a beaucoup marqué
00:46:23mais en y réfléchissant
00:46:25en essayant de prendre
00:46:25un peu de recul
00:46:26sur ce qui m'a le plus
00:46:27frappé
00:46:28dans son interprétation
00:46:29c'est peut-être
00:46:30ce côté un peu laconique
00:46:31de Talleyrand
00:46:33et même silencieux
00:46:34puisqu'en réalité
00:46:34on parle toujours
00:46:35des bons mots de Talleyrand
00:46:36mais plus le temps passe
00:46:37plus je retrouve
00:46:38des citations
00:46:39de gens qui disent
00:46:40mais en fait
00:46:41il ne dit pas un mot
00:46:41il ne dit rien
00:46:42il ne parle pas
00:46:42il est muet
00:46:43il n'ouvre jamais la bouche
00:46:44donc beaucoup de ces bons mots
00:46:46en réalité
00:46:46sont peut-être inventés
00:46:48ou alors
00:46:48c'était assez exceptionnel
00:46:50qu'il en sorte
00:46:51donc ce côté laconique
00:46:52un peu distant
00:46:54il n'est pas mal
00:46:55après justement
00:46:55pour le Talleyrand
00:46:57de la légende
00:46:58le Talleyrand
00:46:59un peu fantasmé
00:47:00le Talleyrand
00:47:00de la légende noire
00:47:02puisque
00:47:02la légende noire
00:47:04se construit
00:47:04au 19e siècle
00:47:05avec Napoléon
00:47:06qui forge
00:47:07cette image de traître
00:47:08puis après
00:47:09dès les dernières années
00:47:11de Talleyrand
00:47:12on brode aussi
00:47:13sur cette image
00:47:14du diable boiteux
00:47:15retort
00:47:16habile
00:47:18avec un esprit
00:47:19extrêmement spirituel
00:47:20extrêmement caustique
00:47:21mais extrêmement cruel
00:47:21également
00:47:22donc il y a
00:47:23à la fois
00:47:24cette double réputation
00:47:25du traître
00:47:26mais du traître
00:47:27très spirituel
00:47:28qui apparaît
00:47:28dès les années 1830
00:47:291840
00:47:31celui qui réussit le mieux
00:47:33dans cette veine
00:47:34évidemment
00:47:36c'est Sacha Guitry
00:47:37mais le problème
00:47:39de Sacha Guitry
00:47:40c'est que son interprétation
00:47:41de Talleyrand
00:47:41est tellement marquante
00:47:42elle est tellement bonne
00:47:43que quand on voit Talleyrand
00:47:46on se dit
00:47:47tiens c'est Sacha Guitry
00:47:48finalement
00:47:48l'acteur finit par dévorer
00:47:51par masquer
00:47:52la réalité du personnage historique
00:47:54donc ça en est presque
00:47:55gênant
00:47:56Guitry a tellement bien exploité
00:47:58les mémoires
00:47:59a tellement bien exploité
00:48:00toute la légende noire
00:48:02autour de Talleyrand
00:48:03il l'a tellement bien interprété
00:48:04qu'il est très très dur
00:48:05de s'en détacher
00:48:06essayer de dire
00:48:07mais non
00:48:07Talleyrand ne ressemblait pas
00:48:08du tout à Guitry
00:48:09les gens ne vous croient pas
00:48:11alors que
00:48:12bon
00:48:12peut-être qu'au physique
00:48:13il y avait une petite ressemblance
00:48:15mais
00:48:16je pense qu'au moral
00:48:17le Talleyrand
00:48:19le Talleyrand réel
00:48:21était assez différent
00:48:23comme je le disais
00:48:24plus silencieux
00:48:25plus laconique
00:48:26sans doute
00:48:26beaucoup plus froid
00:48:27physiquement
00:48:29peut-être quand même
00:48:30malgré tout
00:48:30assez différent
00:48:31puisque Talleyrand
00:48:32était relativement grand
00:48:33sachez Guitry
00:48:35je ne crois pas
00:48:35qu'il a été très grand
00:48:36donc même physiquement
00:48:38donc assez différent
00:48:39donc
00:48:40le bon Talleyrand
00:48:41à l'écran
00:48:42n'est pas encore né
00:48:43mais ça peut
00:48:45ça peut venir
00:48:47peut-être
00:48:47on ne sait jamais
00:48:47dans quelques années
00:48:48un biopic
00:48:49de Ridley Scott
00:48:50sur Talleyrand
00:48:52vu son
00:48:53alors je suis
00:48:56alors c'est une bonne question
00:48:58je ne suis pas fan
00:48:59du souper
00:49:00justement pour la raison
00:49:01que je viens de vous évoquer
00:49:02qui est que
00:49:03en réalité
00:49:04durant tout le souper
00:49:05Talleyrand n'a pas dit un mot
00:49:07ça on a des tas de témoignages
00:49:08et de documents d'archives
00:49:09qui le prouvent
00:49:10donc c'est très beau
00:49:11parce qu'on a
00:49:12toute une réflexion
00:49:14tout un affrontement
00:49:15à fleur et mouchetée
00:49:16entre Fouché et Talleyrand
00:49:17de vision du monde
00:49:18qui s'oppose
00:49:18mais rien de tout cela
00:49:19n'est vrai
00:49:20donc là pour l'historien
00:49:21c'est encore plus dur
00:49:23parce qu'on se demande
00:49:24sur quoi l'auteur
00:49:25a pu construire
00:49:26sur des légendes
00:49:27sur des fantasmes
00:49:28il n'y a même pas
00:49:29le fondement historique
00:49:30qu'on peut peut-être
00:49:30trouver encore
00:49:31chez Vitry
00:49:32puisque j'avais été surpris
00:49:34d'ailleurs
00:49:35j'avais retrouvé
00:49:35le témoignage
00:49:37d'un des convives
00:49:39du fameux souper
00:49:40Talleyrand n'a rien dit
00:49:41il n'a pas ouvert la bouche
00:49:43il s'est contenté
00:49:43d'être présent
00:49:44et ça suffisait
00:49:45visiblement
00:49:46donc ce qui en dit long
00:49:47sur le personnage
00:49:48ça montre à quel point
00:49:50finalement
00:49:50il était impressionnant
00:49:52infosant
00:49:53à quel point
00:49:53sa stature politique
00:49:55était importante
00:49:56et qu'il n'avait même pas
00:49:56besoin de parler
00:49:57pour que sa voix porte
00:49:59c'est quand même
00:50:00incroyable
00:50:01merci beaucoup
00:50:03Charles-Éloi
00:50:03pour cet échange
00:50:05très intéressant
00:50:06alors y a-t-il des questions
00:50:15en sachant que la première
00:50:18est toujours la plus compliquée
00:50:19il y en a déjà eu une
00:50:21sur Claude Riche
00:50:21tout à fait
00:50:23maintenant c'est la deuxième
00:50:24la deuxième
00:50:24pour lancer
00:50:28les choses
00:50:30qu'on va y avoir
00:50:30après
00:50:30il y a quand même
00:50:31une espèce
00:50:32de réhabilitation
00:50:35des grands personnages
00:50:36des grands perdants
00:50:37des personnages
00:50:39plus compliqués
00:50:40on a Napoléon III
00:50:41par exemple
00:50:42et on a eu
00:50:43des bibliographies
00:50:45plus récentes
00:50:47sur le travail
00:50:49des coups
00:50:50tout simplement
00:50:50c'est que
00:50:51le combat
00:50:52l'anarchie
00:50:53république
00:50:54peut-être
00:50:55interminé
00:50:56alors je pense
00:50:57que ça en dit long
00:50:58peut-être sur le travail
00:50:59des sources
00:50:59plutôt
00:51:00puisque
00:51:00je suis bien placé
00:51:03pour le savoir
00:51:03on a un regard
00:51:04très différent
00:51:05sur les sources
00:51:05d'archives
00:51:07depuis une quinzaine
00:51:08d'années
00:51:08avec un accès
00:51:10beaucoup plus facile
00:51:10aux sources
00:51:11par internet
00:51:13tout simplement
00:51:13par la numérisation
00:51:14et ça change
00:51:15complètement le regard
00:51:16qu'on peut avoir
00:51:17sur certains personnages
00:51:18la façon dont un historien
00:51:19peut aujourd'hui
00:51:20constituer
00:51:21ou compléter
00:51:22sa documentation
00:51:23donc je pense
00:51:25en réalité
00:51:25que c'est plutôt
00:51:26qu'on a un nouveau regard
00:51:27qu'on a des sources
00:51:28très précieuses
00:51:29extrêmement importantes
00:51:30qui passaient
00:51:30complètement inaperçues
00:51:31il y a encore
00:51:32quelques années
00:51:33qui sont sorties du bois
00:51:34et forcément
00:51:35ça incite à revenir
00:51:36sur des grands personnages
00:51:38après
00:51:38on pourrait peut-être
00:51:40encore se poser
00:51:41d'autres questions
00:51:41est-ce que
00:51:42ce goût
00:51:43qu'on peut avoir
00:51:43il y a quelques années
00:51:44pour la biographie
00:51:45ça n'est pas
00:51:46que c'est une façon
00:51:47plus facile
00:51:47d'entrer dans une époque
00:51:48dans un contexte
00:51:49parce qu'on maîtrise
00:51:51peut-être moins
00:51:51l'histoire du premier empire
00:51:52ou la chronologie
00:51:53du 18ème
00:51:54du 18ème siècle
00:51:55et c'est une porte
00:51:56d'entrée vers l'histoire
00:51:57pour beaucoup de lecteurs
00:51:58qui est plus aisé
00:51:59que des bouquins
00:52:00d'histoire générale
00:52:01ça c'est possible aussi
00:52:03donc je pense
00:52:04qu'il n'y a pas vraiment
00:52:04une seule réponse
00:52:06il y en a sans doute
00:52:07plusieurs
00:52:08comme toujours
00:52:09mais en tout cas
00:52:10je pense que
00:52:11cette question des sources
00:52:12et de la révolution numérique
00:52:14qui a permis
00:52:14aux historiens
00:52:17de complètement changer
00:52:18leur méthode de travail
00:52:19et de documentation
00:52:20en quelques années
00:52:21je pense que ça compte
00:52:22vraiment pour beaucoup
00:52:23parce que
00:52:24autant
00:52:24les biographies
00:52:25que l'on pouvait voir
00:52:26de Talleyrand
00:52:27de Napoléon
00:52:28de Fouché
00:52:28pendant très longtemps
00:52:29disaient un peu
00:52:30les mêmes choses
00:52:31avec parfois
00:52:32un ou deux aspects
00:52:33novateurs
00:52:34mais globalement
00:52:35c'était des sentiers
00:52:36extrêmement balisés
00:52:37de sources
00:52:38et de bibliographie
00:52:39en réalité
00:52:40et là maintenant
00:52:41comme je vous le disais
00:52:42tout à l'heure
00:52:42on peut trouver du neuf
00:52:43extrêmement facilement
00:52:45on peut trouver
00:52:46des lettres inédites
00:52:46de Talleyrand
00:52:47dans les catalogues
00:52:48d'archives
00:52:48ou de bibliothèques
00:52:49en quelques clics
00:52:51alors qu'auparavant
00:52:52il fallait des années
00:52:53de recherche
00:52:54alors après
00:52:55elles ne seront pas
00:52:55toutes inédites
00:52:56éternellement
00:52:56mais là on est
00:52:57à ce moment-là
00:52:57où l'on défriche
00:52:58un peu cette jungle
00:52:59numérique
00:53:00et où on trouve
00:53:01très facilement
00:53:01de la documentation
00:53:03là pour ce livre
00:53:04je me suis servi
00:53:05des papiers
00:53:06de la famille impériale
00:53:07donc le fonds
00:53:08des archives nationales
00:53:08qu'on appelle
00:53:09le fonds 400 AP
00:53:10qui est sa cote
00:53:11qui est un fonds gigantesque
00:53:13colossal
00:53:13avant pour aller le voir
00:53:15il fallait aller
00:53:16à Pierfitte-sur-Seine
00:53:16commander des microfilms
00:53:18ça prenait un temps fou
00:53:19il fallait consulter
00:53:20des inventaires papier
00:53:21qui étaient parfois
00:53:21des inventaires tapés
00:53:22à la machine à écrire
00:53:23vous alliez un premier jour
00:53:24pour consulter l'inventaire
00:53:26vous commandiez
00:53:26vous reveniez
00:53:27le deuxième jour
00:53:27vous passiez ça
00:53:28avec des bobines
00:53:29vous faites de la recherche
00:53:30plein texte
00:53:31vous tapez Talleyrand
00:53:32Tonk
00:53:33et vous avez l'image
00:53:34qui arrive sur votre écran
00:53:35d'ordinateur
00:53:36c'est beaucoup plus rapide
00:53:37donc ça permet
00:53:39de consacrer peut-être
00:53:40plus de temps
00:53:40à étoffer son corpus
00:53:42et essayer de réfléchir
00:53:44à comment le mettre en musique
00:53:45là pour les lettres
00:53:47de Talleyrand
00:53:47par exemple
00:53:48il y avait des lettres
00:53:49de Talleyrand
00:53:49à Joseph Bonaparte
00:53:50et je me suis demandé
00:53:51qu'est-ce que je peux en faire
00:53:52ce sont des lettres
00:53:53un peu personnelles
00:53:54c'est là où il parle
00:53:55des problèmes urinaires
00:53:56de Bonaparte
00:53:57c'est amusant
00:53:59est-ce que c'est de l'anecdote
00:54:00est-ce que c'est de la petite histoire
00:54:01mais je me dis non
00:54:01au contraire
00:54:02ça vient nourrir
00:54:03l'histoire des rapports
00:54:05entre Talleyrand
00:54:06et Napoléon
00:54:07le fait qu'il s'intéresse
00:54:08autant à sa santé
00:54:09à un certain moment
00:54:10qu'il l'observe de si près
00:54:11ça veut bien dire
00:54:13qu'il a peur
00:54:14probablement
00:54:15qu'à un moment
00:54:15il fasse un burn out
00:54:17parce qu'il est trop occupé
00:54:18à réformer
00:54:19à réformer l'État
00:54:20et qu'il craque
00:54:21et qu'on se retrouve
00:54:23sans joker
00:54:24donc c'est intéressant
00:54:26de voir ce soin
00:54:27cet intérêt
00:54:28à la santé
00:54:29tout à fait physique
00:54:30biologique
00:54:30du premier consul
00:54:31chez Talleyrand
00:54:32ça donc
00:54:33en y réfléchissant
00:54:34on peut l'intégrer
00:54:35dans un discours général
00:54:36donc on peut un peu
00:54:37nuancer
00:54:37et infléchir
00:54:39ou alimenter
00:54:40en tout cas
00:54:41la réflexion
00:54:42que l'on peut avoir
00:54:43sur la relation
00:54:43entre Talleyrand
00:54:44et Napoléon
00:54:46et après
00:54:47cette histoire
00:54:47donc Napoléon
00:54:49a du mal à faire pipi
00:54:49visiblement
00:54:50en 1803
00:54:51ça me paraît anodin
00:54:53moi je lis ça
00:54:54au surmenage
00:54:56puisque Napoléon
00:54:57est une expression
00:54:58favorite
00:54:59quand quelqu'un
00:55:00fait un burn out
00:55:01dans son entourage
00:55:02le burn out
00:55:02est un terme contemporain
00:55:03mais quand il y a
00:55:04vraiment un surmenage
00:55:05terrible
00:55:05et que la personne
00:55:06n'est plus en état
00:55:06de travailler
00:55:07l'expression favorite
00:55:08de Napoléon
00:55:09c'est qu'il n'arrive
00:55:09même plus à pisser
00:55:10debout
00:55:11il le dit très souvent
00:55:12dès qu'un de ses ministres
00:55:13un de ses collaborateurs
00:55:14craque
00:55:14l'expression revient
00:55:15et là
00:55:16on sent que l'expression
00:55:17n'est pas loin de venir
00:55:18pour Bonaparte lui-même
00:55:19et ça complète
00:55:20ça corrobore
00:55:21par exemple
00:55:22les témoignages
00:55:22de Corvizar
00:55:23le médecin de Napoléon
00:55:25qui dit bien
00:55:25qu'à un moment
00:55:26il souffre de surmenage
00:55:27donc même lui
00:55:28même Napoléon
00:55:29même avec toute sa puissance
00:55:30de travail
00:55:31il lui arrive
00:55:31d'être parfois
00:55:33pas loin de sa limite
00:55:34donc on cherche
00:55:36on trouve
00:55:37et quand on arrive
00:55:38à réarticuler ça
00:55:39ça vient nuancer
00:55:40nourrir
00:55:41alimenter
00:55:41modifier
00:55:42le discours d'histoire générale
00:55:43donc finalement
00:55:44les sources ont une telle richesse
00:55:46que là l'histoire
00:55:47est en plein renouvellement
00:55:49donc je suis très bavard
00:55:51je ne sais pas si j'ai
00:55:51exactement répondu
00:55:52à la question
00:55:53mais voilà
00:55:54oui
00:55:56parmi les documents
00:55:57vous avez parlé
00:55:58d'une correspondance
00:55:58avec Alké
00:55:59en quoi cette correspondance
00:56:00a permis peut-être
00:56:01d'affiner
00:56:01ou de comporter
00:56:03certaines pensées
00:56:03sur le problème
00:56:04alors ce qui m'intéressait
00:56:06dans cette correspondance
00:56:07avec Alké
00:56:07c'est de voir
00:56:08que c'était une correspondance
00:56:08personnelle
00:56:09c'était une correspondance
00:56:11autographe
00:56:12ce qui n'est pas le cas
00:56:12pour les autres
00:56:13pour les autres diplomates
00:56:15déjà ça la place
00:56:16un peu à part
00:56:17et de voir
00:56:18les thèmes
00:56:18qui sont abordés
00:56:19dans cette correspondance
00:56:22puisque c'est le moment
00:56:23où Alké
00:56:24est en poste
00:56:25en Espagne
00:56:26c'est pas lui
00:56:27qui a la manœuvre
00:56:27c'est pas lui
00:56:28qui négocie
00:56:28c'est Berthier
00:56:29qui négocie le traité
00:56:31avec l'Espagne
00:56:31mais on sent
00:56:32justement
00:56:33qu'Alké
00:56:33est là
00:56:34en backup
00:56:35pour aider Berthier
00:56:36dans les aspects
00:56:37les plus techniques
00:56:37donc la gloire
00:56:38de la négociation
00:56:39revient à Berthier
00:56:40et ensuite à Bonaparte
00:56:41mais celui
00:56:42qui fait tout le travail
00:56:43derrière
00:56:43c'est plutôt Alké
00:56:44et c'est intéressant
00:56:45de voir dans cette correspondance
00:56:47diplomatique
00:56:48également des renseignements
00:56:49militaires
00:56:50notamment sur la position
00:56:51de la flotte espagnole
00:56:52de la flotte française
00:56:54qui sont échangés
00:56:55donc ça transite
00:56:55entre le ministre
00:56:56et son diplomate
00:56:58donc on voit
00:56:58que cette correspondance
00:57:00personnelle
00:57:01secrète
00:57:01sert aussi
00:57:02à faire transiter
00:57:03des renseignements militaires
00:57:04qui sont pas anodins
00:57:06à l'époque
00:57:06donc là
00:57:08il y a un niveau
00:57:08d'intimité
00:57:10un niveau de secret
00:57:10aussi
00:57:11qu'on atteint
00:57:11qu'on atteint pas vraiment
00:57:13dans les autres
00:57:13correspondances
00:57:14de l'époque
00:57:15avec d'autres
00:57:16d'autres ambassadeurs
00:57:18puisque sans doute
00:57:18les sujets
00:57:19sont pas aussi brûlants
00:57:20pas aussi urgents
00:57:21donc c'est une correspondance
00:57:22qui de ce côté là
00:57:23m'a paru vraiment
00:57:25vraiment frappante
00:57:26et on voit
00:57:27Talleyrand au travail
00:57:28puisque en définitive
00:57:29quand on regarde
00:57:30les documents d'archives
00:57:31on voit beaucoup
00:57:32les secrétaires
00:57:32de Talleyrand au travail
00:57:33c'est rare
00:57:34qu'il écrive une lettre
00:57:35entièrement à la main
00:57:36et on se rend compte
00:57:37que beaucoup des idées
00:57:38qui sont brassées
00:57:39dans ces lettres
00:57:39ce sont bien sûr
00:57:40ses idées
00:57:41mais ce sont ses idées
00:57:42parce que ses collaborateurs
00:57:43ses secrétaires
00:57:44connaissent bien ses idées
00:57:45et peuvent utiliser
00:57:46la première personne
00:57:47dire je
00:57:47et refléter à peu près
00:57:49la pensée du ministre
00:57:51mais là
00:57:51c'est vraiment ses idées
00:57:52alors spontanément
00:58:03je dirais
00:58:03Méternich
00:58:04même vision
00:58:06pour l'Europe
00:58:08même froideur
00:58:09mais moins d'inconstance
00:58:10il y avait
00:58:12une certaine
00:58:12d'ailleurs antipathie
00:58:13entre les deux
00:58:14puisque la fidélité
00:58:15de Méternich
00:58:16va plutôt Habsbourg
00:58:17en premier lieu
00:58:18donc il pense plutôt
00:58:19au souverain
00:58:20à la légitimité
00:58:22du monarque
00:58:23Talleyrand
00:58:24a une vision
00:58:24qui est
00:58:25comme je l'ai dit
00:58:25beaucoup plus
00:58:26versatile
00:58:27il pense avant tout
00:58:28au pays
00:58:29et la question du régime
00:58:30ou de l'identité
00:58:32du souverain
00:58:33est plutôt secondaire
00:58:35donc je dirais
00:58:35c'est plutôt à lui
00:58:36qu'il faut le confronter
00:58:37sachant qu'il correspond
00:58:39qu'il échange
00:58:40qu'il sont proches
00:58:42sans doute
00:58:43à un certain moment
00:58:44quand Méternich
00:58:45est en poste
00:58:46comme ambassadeur
00:58:46à Paris
00:58:47donc ce sont
00:58:48je dirais
00:58:49les deux diplomates
00:58:51les plus importants
00:58:52en 1814
00:58:531815
00:58:54les autres
00:58:54Nesselrode
00:58:55pour la Russie
00:58:57ou Castelleret
00:58:58pour l'Angleterre
00:59:00je dirais
00:59:00c'est peut-être
00:59:01un peu moins
00:59:02important
00:59:03ils ont moins la vision
00:59:04peut-être aussi
00:59:05parce qu'ils ont été
00:59:06moins confrontés
00:59:07à Napoléon
00:59:08donc ils ne
00:59:08ils savent
00:59:11très bien
00:59:11Méternich
00:59:12à Talleyrand
00:59:13à quoi l'Europe
00:59:13a échappé
00:59:14avec Napoléon
00:59:14qu'est-ce qu'a été
00:59:16l'Europe de Napoléon
00:59:17vraiment
00:59:18il ne faut surtout pas
00:59:19revenir en arrière
00:59:19peut-être que Castelleret
00:59:20n'a pas vraiment
00:59:21la même vision
00:59:22de cet étau de fer
00:59:24qui a été la puissance
00:59:24impériale
00:59:25durant quelques années
00:59:26pardon
00:59:28oui
00:59:29est-ce que vous pouvez
00:59:29dire un mot
00:59:30de sa relation
00:59:30avec Fouché
00:59:31je peux
00:59:34alors
00:59:35il se déteste
00:59:37vraiment en un mot
00:59:39ce serait ça
00:59:39là aussi
00:59:40c'est
00:59:41tout est son contraire
00:59:42ils ne se ressemblent
00:59:43absolument pas
00:59:43le régicide
00:59:46de Roturier
00:59:47le grand aristocrate
00:59:48de Versailles
00:59:49enfin on peut
00:59:49beaucoup broder
00:59:50bien sûr
00:59:51sur le fait
00:59:51qu'ils soient
00:59:51extrêmement
00:59:52extrêmement différents
00:59:53ils sont extrêmement
00:59:55différents
00:59:55politiquement également
00:59:57puisque Fouché
00:59:58a passé de Jacobin
00:59:59il est encore très proche
01:00:00des réseaux
01:00:01Jacobins
01:00:01sous le consulat
01:00:03qui sont des réseaux
01:00:04que Talleyrand
01:00:04ne maîtrise absolument pas
01:00:06et auxquels il est
01:00:07plutôt opposé
01:00:08donc politiquement
01:00:09ils ne sont pas
01:00:10du tout
01:00:11dans le même cercle
01:00:12ils ne se ressemblent pas
01:00:15ils ne s'apprécient
01:00:15guère
01:00:16ils sont tous les deux
01:00:16très ambitieux
01:00:17ils se rendent bien compte
01:00:19qu'ils sont aussi
01:00:19un peu rivaux
01:00:20dans la faveur
01:00:21du premier consul
01:00:22à une époque
01:00:22ils se rapprochent
01:00:23une première fois
01:00:24fin 1808
01:00:25début 1809
01:00:26avec ce premier complot
01:00:27parce qu'au moins
01:00:28ils sont d'accord
01:00:29sur un point
01:00:29c'est que Napoléon
01:00:30va trop loin
01:00:31et est en train
01:00:32de jouer contre
01:00:33les intérêts
01:00:33de la France
01:00:34ils retrouvent
01:00:36des raisons
01:00:37de collaborer
01:00:38en 1814
01:00:391815
01:00:40ils prennent des contacts
01:00:42en réalité
01:00:42dès le congrès de Vienne
01:00:43puisque Fouché
01:00:44avertit Talleyrand
01:00:44de la baisse de popularité
01:00:46de l'instabilité
01:00:47de la restauration
01:00:48dès la fin de l'année
01:00:491814
01:00:50puis finalement
01:00:51ils sont ministres ensemble
01:00:52pendant quelques semaines
01:00:53parce que
01:00:54avoir un tandem
01:00:55Talleyrand-Fouché
01:00:56à la tête de l'État
01:00:57ça permet de contenter
01:00:59le maximum de monde
01:01:00dans tout l'éventail
01:01:02politique
01:01:03mais c'est un ministère
01:01:04qui ne dure pas
01:01:05Fouché par en exil
01:01:08je pense que Talleyrand
01:01:09ne le regrette pas
01:01:10il est ravi d'ailleurs
01:01:11d'annoncer son renvoi
01:01:14à Fouché
01:01:14quelques jours
01:01:15avant d'être renvoyé
01:01:16lui-même
01:01:16par Louis XVIII
01:01:17ce qu'on peut remarquer
01:01:18par contre
01:01:19ce qui est assez amusant
01:01:20et je m'en suis rendu compte
01:01:21en fouillant dans les archives
01:01:22de Fouché
01:01:23c'est que Fouché
01:01:25est vraiment un homme
01:01:25du renseignement
01:01:26Talleyrand aussi
01:01:28mais moins
01:01:28Fouché
01:01:30a la correspondance
01:01:31de Talleyrand
01:01:32et de Napoléon
01:01:33sous le coude
01:01:33il a des copies
01:01:34des premiers chapitres
01:01:35des mémoires de Talleyrand
01:01:36qui commencent à écrire
01:01:37sous l'Empire
01:01:38qu'un de ses espions
01:01:39lui a recopié
01:01:40il les a avec lui
01:01:41donc je dirais que Fouché
01:01:43est infiniment plus effrayant
01:01:44que Talleyrand
01:01:45être à ce point redoutable
01:01:47à ce point obsédé
01:01:48par le renseignement
01:01:49à ce point menaçant
01:01:50c'est pas du tout
01:01:51le même personnage
01:01:53Emmanuel de Varesquel
01:01:54disait bien
01:01:55la phrase m'avait frappé
01:01:56il avait raison
01:01:57Talleyrand faisait disparaître
01:01:59ses archives
01:01:59en homme du monde
01:02:00Fouché c'est autre chose
01:02:03on est vraiment
01:02:03dans une sorte de maniaquerie
01:02:04policière
01:02:05qui fait un peu peur
01:02:06qui fait très peur
01:02:07je sais pas si
01:02:09oui pardon
01:02:09Alors
01:02:20j'en parle un peu
01:02:23dans la conclusion
01:02:23je peux pas aller trop loin
01:02:25parce que mon but
01:02:26n'est pas de prendre position
01:02:27sur la diplomatie actuelle
01:02:28parce que
01:02:29vis-à-vis de mon devoir
01:02:30de réserve
01:02:31mais
01:02:31il y a quand même
01:02:32un héritage de Talleyrand
01:02:34je pense
01:02:34qui subsiste
01:02:35chez beaucoup de diplomates
01:02:36l'idée de la modération
01:02:37de l'équilibre
01:02:39l'idée chez beaucoup de diplomates
01:02:40qu'il ne faut pas
01:02:41prendre des décisions à chaud
01:02:43mais plutôt
01:02:44laisser un peu
01:02:45l'opinion publique parler
01:02:47et prendre des décisions
01:02:48le plus à froid
01:02:49à tête reposée possible
01:02:50donc il y a quand même
01:02:51cette tradition
01:02:52de la prudence
01:02:53qui nous vient de Talleyrand
01:02:54qui est très forte
01:02:55cette tradition
01:02:59également du soft power
01:03:00que l'on voit
01:03:01chez Talleyrand
01:03:02les mondanités
01:03:03aujourd'hui
01:03:04ça va plutôt être
01:03:04par exemple
01:03:05les instituts français
01:03:06la culture française
01:03:08que l'on fait rayonner
01:03:08à l'étranger
01:03:09ça c'est quelque chose
01:03:10qui nous vient d'assez loin
01:03:12en définitive
01:03:12que Talleyrand a repris
01:03:13mais qui est perpétué
01:03:14aujourd'hui
01:03:16cette tradition
01:03:17des congrès
01:03:18des grandes concertations
01:03:19diplomatiques
01:03:20là aussi
01:03:21c'est quelque chose
01:03:22que Talleyrand incarne
01:03:23il n'a pas inventé
01:03:24il y avait eu le congrès
01:03:25de Westphalie
01:03:25au 17ème siècle
01:03:26mais le congrès de Vienne
01:03:27a quand même
01:03:28été extrêmement marquant
01:03:29cette idée
01:03:30qu'on doit se réunir
01:03:30autour du table
01:03:31pour discuter
01:03:32et mettre à plat
01:03:32les problèmes
01:03:33et pas être à trois
01:03:34ou à quatre
01:03:35c'est mieux que de discuter
01:03:36face à face
01:03:37avec un adversaire
01:03:38ça c'est une idée
01:03:39qui est très forte
01:03:40et qui subissent encore
01:03:40aujourd'hui
01:03:41et si vous fallait un grand nom
01:03:42je vous dirais simplement
01:03:44Henry Kissinger
01:03:44qui est mort maintenant
01:03:45qui était le secrétaire d'état
01:03:47de Nixon
01:03:48qui est un des grands diplomates
01:03:50américains
01:03:51du 20ème siècle
01:03:52et qui se réclame
01:03:53comme un admirateur
01:03:54du congrès de Vienne
01:03:55et entre autres
01:03:56comme un élève
01:03:56de Talleyrand
01:03:57donc ce serait lui
01:03:59la grande figure
01:03:59il y en aurait peut-être
01:04:00d'autres actuels
01:04:01mais je ne sais pas
01:04:02si je ne repasserai pas
01:04:03mon devoir de réserve
01:04:04donc voilà
01:04:05Madame d'abord
01:04:08pardon
01:04:09alors la neutralité
01:04:30c'est un devoir
01:04:31pour un historien
01:04:32il faut être le plus neutre possible
01:04:33on peut difficilement être neutre
01:04:36à 100%
01:04:36puisqu'on a quand même
01:04:37forcément un moment
01:04:38son opinion
01:04:39ou ses idées
01:04:40qui transparaissent
01:04:41mais il faut avoir
01:04:42beaucoup de froideur
01:04:42et ça c'est ce que disait
01:04:43toujours Jean Tullard
01:04:44il faut regarder
01:04:45enfin lui disait
01:04:46il faut regarder son sujet
01:04:48avec la froideur
01:04:50du regard du libertin
01:04:51bon voilà
01:04:52je préfère dire
01:04:53avec la froideur
01:04:54d'un chirurgien
01:04:54c'est peut-être mieux
01:04:55il faut essayer
01:04:57d'être le plus froid possible
01:04:58ce n'est pas facile
01:04:59mais il faut s'y efforcer
01:05:00c'est aussi une honnêteté
01:05:01vis-à-vis du lecteur
01:05:02donc l'exigence méthodologique
01:05:04en réalité elle est là
01:05:05c'est essayer de ne pas prendre partie
01:05:07ou si vous prenez partie
01:05:08c'est en ayant sous-pesé
01:05:10au mieux
01:05:11les sources
01:05:12des sources pour
01:05:13des sources contre
01:05:13en connaissant le mieux possible
01:05:15la bibliographie
01:05:16donc il y a vraiment
01:05:16une forme d'honnêteté
01:05:17on n'y arrive jamais tout à fait
01:05:19c'est jamais possible
01:05:20de même que l'histoire
01:05:22ça n'est pas de la vérité
01:05:23c'est essayer d'approcher
01:05:23de la vérité
01:05:24mais c'est un effort
01:05:26que l'on doit faire
01:05:27c'est un effort méthodologique
01:05:28ça peut être très fatigant
01:05:30après il y a bien sûr
01:05:31un sentiment de familiarité
01:05:32puisque ce sont des personnages
01:05:34que ce soit Talleyrand
01:05:35ou d'autres historiens de l'Empire
01:05:37vous les côtoyez au quotidien
01:05:40donc on finit par avoir l'impression
01:05:42de les connaître
01:05:43donc ça n'est qu'une impression
01:05:44c'est très rigolo
01:05:45quand on en parle entre nous
01:05:46mais il faut aussi faire attention
01:05:48ça n'est qu'une impression
01:05:49et pardon monsieur
01:05:51alors pas spécialement
01:06:05je suis désolé de vous décevoir
01:06:07non
01:06:08sur Carême
01:06:10vous avez eu un très bon livre
01:06:11il n'y a pas très longtemps
01:06:12de ma collègue
01:06:13Marie-Pierre Rey
01:06:14vous avez également
01:06:16une série télé
01:06:17il n'y a pas très longtemps
01:06:17non plus
01:06:18je n'ai pas trouvé
01:06:19de documents d'archives
01:06:20en particulier sur Carême
01:06:21j'aurais bien aimé trouver
01:06:23davantage de choses
01:06:24je l'avoue
01:06:24sur la maison de Talleyrand
01:06:26sur le fonctionnement
01:06:27de la cuisine de Talleyrand
01:06:28mais les archives de Valençay
01:06:30sont un peu incomplètes
01:06:31il y a quelques documents
01:06:32sur la cave
01:06:33il y a des comptes
01:06:34mais c'est assez
01:06:35ce n'est pas très précis
01:06:36donc contrairement
01:06:37à d'autres personnages
01:06:38je ne peux pas vraiment
01:06:38vous dire ce qu'il y avait
01:06:39au menu
01:06:40il n'y a pas de comptes de bouche
01:06:41c'est un peu dommage
01:06:43d'ailleurs
01:06:43mais là je vais vous dire
01:06:46je n'ai pas trouvé les sources
01:06:47il y en a sans doute
01:06:48puisque Marie-Pierre Rey
01:06:49a fait une biographie
01:06:49sur Carême
01:06:50mais pas vraiment
01:06:51centrée sur Talleyrand
01:06:52tout ce que je reproduis
01:06:54dans l'ouvrage
01:06:54c'est une illustration
01:06:57de ses livres de recettes
01:06:58avec une recette
01:06:59qui est une recette
01:07:00à la Périgord
01:07:01donc a priori
01:07:02une recette
01:07:03inventée pour lui
01:07:04de toute façon
01:07:05la cuisine de cette époque
01:07:07ce n'est pas très compliqué
01:07:08vous prenez des écrevisses
01:07:09vous prenez des truffes
01:07:10vous prenez des escalopes
01:07:11de foie gras
01:07:12et vous mélangez le tout
01:07:12c'est à peu près ça
01:07:13la cuisine de l'époque
01:07:15Y a-t-il d'autres questions ?
01:07:21Vous avez parlé
01:07:22de la pacification de l'Europe
01:07:24grâce à Talleyrand
01:07:25et son équipe
01:07:26mais qu'en équipe
01:07:27la pacification intérieure
01:07:28avec notamment
01:07:29la paix religieuse
01:07:30et le concordat
01:07:31quelle est la position
01:07:31de Talleyrand à ce sujet ?
01:07:33Alors
01:07:33la pacification intérieure
01:07:35il y a deux volets
01:07:36il y a d'un côté
01:07:36les choix
01:07:37la Vendée
01:07:39et de l'autre
01:07:39la pacification religieuse
01:07:42donc avec
01:07:43semble-t-il
01:07:44avec les chefs royalistes
01:07:46Talleyrand
01:07:46est plus là
01:07:47pour les présenter
01:07:48les introduire
01:07:49et c'est Bonaparte
01:07:50qui les brusque
01:07:51et là
01:07:52c'est une négociation
01:07:53qui est plutôt
01:07:53une négociation militaire
01:07:54en réalité
01:07:55donc là
01:07:56Bonaparte est plutôt
01:07:57dans son rôle
01:07:57de chef de guerre
01:07:58qui le joue très bien
01:07:59c'est là que Talleyrand
01:08:00a cette fameuse expression
01:08:01je crois que c'est
01:08:02le 31 décembre
01:08:031800
01:08:04quelque chose comme ça
01:08:04non 1799
01:08:06pardon
01:08:06quand il dit
01:08:07à propos de Bonaparte
01:08:09s'il passe une année
01:08:09il ira loin
01:08:10donc il se rend compte
01:08:12que là
01:08:12il y a quand même
01:08:13quelqu'un de première force
01:08:14à la tête de l'État
01:08:15et pour ce qui est du concordat
01:08:16donc c'est plutôt négocié
01:08:17par Joseph Bonaparte
01:08:19à nouveau
01:08:20avec
01:08:21des proches de Talleyrand
01:08:23qui sont plutôt là
01:08:25pour assurer
01:08:25le suivi juridique
01:08:26et administratif
01:08:27derrière
01:08:28en revanche
01:08:29moi ce qui m'a frappé
01:08:30c'est de constater
01:08:31qu'on a souvent dit
01:08:33que Talleyrand
01:08:33était parti boudé
01:08:34parce qu'il n'était pas content
01:08:35que Bonaparte
01:08:36négociait avec le pape
01:08:37en tant qu'évêque
01:08:38défroqué et autres
01:08:40en réalité
01:08:41j'ai l'impression
01:08:42en lisant les sources
01:08:43que Talleyrand
01:08:44s'est plutôt retiré
01:08:45pendant quelques semaines
01:08:46pour faciliter
01:08:47les négociations
01:08:48et on trouve
01:08:49quelques lettres
01:08:50de Bonaparte
01:08:51enfin de Talleyrand
01:08:52à Bonaparte
01:08:53où il lui donne
01:08:54des conseils
01:08:54à distance
01:08:55sur ce sujet
01:08:56il lui rappelle
01:08:56qu'il y a cette
01:08:57grande négociation là
01:08:58puis qu'après
01:08:58il y a la négociation
01:08:59avec l'Angleterre
01:09:00qui doit commencer
01:09:00qui est aussi importante
01:09:01donc j'ai l'impression
01:09:02qu'il n'est pas du tout
01:09:03parti boudé
01:09:04il s'est simplement dit
01:09:06que s'il était
01:09:07dans les pattes
01:09:08des cardinaux
01:09:09venus négocier
01:09:10ça ne serait pas très bon
01:09:11donc il a une sorte
01:09:12de retrait tactique
01:09:13donc en définitive
01:09:14là aussi
01:09:15même en ne faisant rien
01:09:16on peut jouer un rôle
01:09:16je suis venu aussi
01:09:23à Talleyrand
01:09:23par Dutry
01:09:24donc j'ai
01:09:25du coup après
01:09:26j'ai commencé
01:09:27à faire des biographies
01:09:27du coup j'ai deux biographies
01:09:29j'ai une biographie
01:09:29parce que
01:09:30l'image d'épinal
01:09:31que j'adore
01:09:32par Dutry
01:09:33puis le vrai
01:09:34Talleyrand
01:09:34et parmi les dernières
01:09:36biographies
01:09:37finalement
01:09:37les deux choses
01:09:38alors même si je reste
01:09:39que ça reste
01:09:40un personnage extraordinaire
01:09:41ou plutôt une sorte
01:09:42positive
01:09:43il a quand même
01:09:43alors l'affaire d'Espagne
01:09:53j'en ai parlé
01:09:54et pour ce qui est
01:09:55du duc d'Anguin
01:09:55effectivement
01:09:56c'est une tâche
01:09:58mais après
01:09:58il ne faut pas oublier
01:09:59que la responsabilité
01:10:00première
01:10:00c'est celle de Napoléon
01:10:02et il endosse
01:10:03pleinement
01:10:03la responsabilité
01:10:05à Sainte-Hélène
01:10:06il le dit
01:10:06il le dit
01:10:07y compris quelques jours
01:10:08avant sa mort
01:10:08il le dit à plusieurs reprises
01:10:09si c'était à refaire
01:10:11je le ferais
01:10:11et là
01:10:12selon Bonaparte
01:10:14ce qu'il invoque
01:10:14c'est la raison d'État
01:10:15c'est ce qu'il doit
01:10:16primer avant tout
01:10:17et je pense que
01:10:18Talleyrand
01:10:18à ce moment là
01:10:19comme je vous l'ai dit
01:10:20en 1804
01:10:20il n'est pas du tout certain
01:10:22que la solution
01:10:23ce soit le retour
01:10:24des Bourbons
01:10:25il est encore
01:10:26partisan plutôt de Bonaparte
01:10:28il soutient encore
01:10:28la marche vers l'Empire
01:10:30donc pour lui
01:10:31là aussi
01:10:31c'est la raison d'État
01:10:32qui prime
01:10:33et la raison d'État
01:10:33qu'est-ce que c'est
01:10:34que la vie d'un homme
01:10:35y compris un innocent
01:10:36face à la raison d'État
01:10:37ça n'est rien
01:10:38donc là
01:10:39c'est vraiment
01:10:39une sorte de froideur
01:10:40d'homme de pouvoir
01:10:42qui met très peu
01:10:44d'affect dans ses décisions
01:10:45donc on peut le lui reprocher
01:10:46en tant qu'humain
01:10:47après politiquement
01:10:48je dirais même
01:10:50c'est lui et toute l'équipe
01:10:51autour de Napoléon
01:10:52qui à ce moment là
01:10:53assume cette décision
01:10:54ensuite
01:10:55ils vont tous réussir
01:10:56à s'en dédouaner
01:10:57parce que
01:10:57sous la restauration
01:10:58ça ne joue plus du tout
01:10:59en leur faveur
01:11:00mais à ce moment là
01:11:01ils assument tous
01:11:02et ils font le front
01:11:03je dirais collectivement
01:11:03merci beaucoup
01:11:09merci
01:11:10merci
01:11:11merci
01:11:12Merci.

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