Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • avant-hier
C’est l’un des grands dogmes du marketing : la data parle et noud dit la vérité. À écouter les experts, les plateformes, les cabinets de conseil, on croirait que les données sont une nouvelle forme de révélation. Objectives. Neutres. Incontestables. Les données ont parlé, dit-on, comme autrefois on disait Dieu l’a voulu. Mais c’est une illusion. Une illusion scientiste, presque théologique. Car la data ne parle pas. Elle répond — à ce qu’on lui demande, avec les outils qu’on lui donne, dans les cadres qu’on lui impose. La croyance dans la neutralité de la donnée repose sur une illusion profondément ancrée dans notre culture technicienne : celle d’un monde qui pourrait être entièrement modélisé, expliqué, prédit. [...]

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00C'est l'un des grands dogmes du marketing, la data parle et nous dit la vérité.
00:13À écouter les experts, les plateformes ou les cabinets de conseil,
00:17on croirait que les données sont une nouvelle forme de révélation.
00:20Objective, neutre, incontestable.
00:24Les données ont parlé, dit-on, comme autrefois on disait Dieu l'a voulu.
00:27Mais c'est une illusion, une illusion scientiste presque théologique.
00:32Car la data ne parle pas, elle répond à ce qu'on lui demande
00:36avec les outils qu'on lui donne dans les cadres qu'on lui impose.
00:40La croyance dans la neutralité de la donnée repose sur une illusion profondément ancrée dans notre culture technicienne.
00:48Celle d'un monde qui pourrait être entièrement modélisé, expliqué, prédit.
00:53La donnée serait alors une forme de révélation, une lumière dans le brouillard décisionnel, une boussole dans l'incertitude.
01:01Ce fantasme est puissant.
01:03Il flatte notre désir de contrôle, notre obsession du pilotage et notre goût de la rationalisation.
01:10Mais il repose sur un malentendu fondamental.
01:13Les données ne sont pas le réel, elles sont tout au plus une construction du réel.
01:19La donnée n'est pas un miroir, c'est un filtre.
01:23Ce qu'elle montre dépend de ce qu'on cherche à voir.
01:25Elle est le produit d'un cadrage, d'une intention et d'un protocole.
01:30Elle ne parle pas, elle répond à une requête dans un cadre déterminé avec des instruments spécifiques.
01:36Tout ce qui ne rentre pas dans ce cadre, l'indicible, le subjectif, le contradictoire, est purement et simplement évacué.
01:46Et cette évacuation passe inaperçue, car elle est déguisée en neutralité.
01:51Une décision prétendument pilotée par les données n'est bien souvent qu'un habillage rationnel d'une intuition ou d'un arbitrage qui est déjà tranché.
02:00On sélectionne l'indicateur qui conforte.
02:03On dit souvent « les données ne mentent pas », c'est exact, mais elles ne disent pas tout et elles ne disent pas forcément ce qui compte.
02:12Ce que la data évacue, c'est tout ce qui fait la richesse du rapport au monde,
02:16tout ce qui se construit dans le frottement entre ce que l'on voit et ce que l'on vit, entre le chiffre et le sens.
02:23Avec la data, un client n'est plus une personne, mais une suite d'interactions.
02:28Une séquence d'événements numériques captés, classés, convertis en potentiels.
02:33Il est frappant de constater que plus les outils d'analyse se perfectionnent, plus le réel se dérobe.
02:39Comme si l'excès de données créait du bruit, mais pas du sens.
02:43On finit par tout mesurer, sauf ce qui compte vraiment.
02:47Ce client qui n'achète pas, mais vous recommande.
02:49Cet internaute qui clique par automatisme, mais n'éprouve rien.
02:53Ce collaborateur qui remplit ses objectifs, mais perd le sens de son travail.
02:57Il ne s'agit donc pas de rejeter les données, mais de les remettre à leur place, à savoir des signaux utiles, jamais des oracles.
03:06Car la data aujourd'hui joue le rôle d'un dieu moderne.
03:09Elle ne ment pas, mais elle ne parle jamais seule.
03:12Elle dit ce qu'on veut bien lui faire dire.
03:15Elle reflète moins le réel que notre volonté de le cadrer, de le simplifier, de l'instrumentaliser.
03:21Et dans ce miroir sans aspérité, ce n'est pas la vérité que l'on contemple,
03:26c'est notre refus obstiné de reconnaître ce que nous ne comprenons pas.
03:30Sous-titrage Société Radio-Canada

Recommandations