- 09/07/2025
ELLE PESAIT 25 KILOS : son combat contre la maladie
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00:00L'anorexie, ça a été un suicide lent, justement.
00:01Et en fait, comme je dis, je ne pilotais plus mon corps, c'était mécanique.
00:05Je n'ai jamais hurlé de douleur, comme j'ai hurlé de douleur en voyant les photos.
00:09Et je me suis vraiment effondrée en pleurs.
00:11J'ai eu le malheur de dormir chez lui, et il a fait ce qu'il n'aurait pas dû faire.
00:15Tiffany, c'était ça, et tout ça, il fallait supprimer, et rapidement.
00:19S'il te plaît, ma puce ne m'abandonne pas, il ne reste que nous deux.
00:22Tiffany, enchantée.
00:24Enchantée, Thibaut.
00:24Merci d'être venue.
00:25Merci à toi de m'avoir invitée.
00:26Si on est là aujourd'hui, c'est pour que tu nous parles et que tu nous racontes ton histoire.
00:30On va rentrer direct dans le vif du sujet.
00:31Toi, tu es tombée dans l'anorexie.
00:33Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce cheminement qui t'a amené à l'anorexie ?
00:36Alors moi, je suis tombée dans l'anorexie de mes 13 ans à 23 ans.
00:39Sachant que j'ai eu aussi des petites phases de boulimie vomitive, et pas d'hyperphagie.
00:43Parce qu'il y a tellement de choses qui découlent des troubles du comportement alimentaire.
00:46Est-ce que tu peux expliquer la différence entre la boulimie et l'hyperphagie ?
00:49Alors l'hyperphagie, ça va être vraiment manger en abondance ses émotions,
00:52sans le sentiment de vouloir purger à côté pour éliminer tout ce qui vient d'être...
00:58On dit purger, c'est vomir.
00:59C'est ça.
01:00D'accord, ok.
01:00Et donc la boulimie vomitive, c'était justement l'effet inverse.
01:04Je pouvais faire des crises de boulimie 6 à 7 fois par jour, dans un laps de temps très réduit.
01:08Et après, j'allais tout purger aux toilettes, pareil, dans un laps de temps très réduit,
01:12parce que tout était très millimétré dans mon processus à chaque fois que je faisais ce genre de choses.
01:17Ça veut dire que tu mangeais et tu savais à quel moment tu allais ensuite te faire vomir ?
01:21Oui.
01:21Parce que, est-ce que du coup, c'était une crainte de grossière, de prendre du poids ?
01:25Pas du tout.
01:26Alors moi, vraiment, pour comprendre le cheminement de mon parcours, je suis née en 98.
01:30J'ai eu un frère qui est né en 94 et j'ai une sœur aînée qui est né en 90.
01:34Donc moi, mon frère, je ne l'ai pas connu parce qu'en 94, il est décédé de la mort subite du nourrisson.
01:38D'accord, ok.
01:39À quel âge, du coup ?
01:40Il avait sorti tout juste de l'hôpital.
01:43D'accord, ok.
01:44Je sais que j'en ai beaucoup discuté avec ma maman et elle sentait, elle, qu'il avait une anomalie, quelque chose.
01:48Sauf qu'ils n'ont rien décelé en faisant des examens. Donc ils l'ont ramené à la maison.
01:52Et donc, en fait, il est décédé dans son sommeil et ma mère, elle l'a retrouvé bleu dans son berceau le lendemain matin.
01:57Le traumatisme pour ta maman.
01:59Et moi, je n'étais pas encore née parce que c'était en 94, je suis née 4 ans après ça.
02:03Et sous le choc émotionnel, ma maman, elle est devenue sourde d'une oreille puisqu'elle a eu un de certains points qui a explosé.
02:08Sous le choc émotionnel de découvrir son enfant dans cet état-là.
02:12Et sachant elle-même, dans son instinct maternel, qu'il y avait un souci et que ça n'avait pas été déceléateur.
02:17Ouais, c'est avec un truc qui n'allait pas, mais pas exactement quoi.
02:19C'est ça.
02:20Tu parles de ta maman, mais ton papa, à ce moment-là ?
02:22Mon papa, malheureusement, s'est tourné vers une addiction qui est l'alcoolisme.
02:26Et ça a un peu mis à volo la famille et le mariage en lui-même.
02:29Donc ma soeur, elle avait 4 ans à ce moment-là.
02:32Donc elle a assisté elle-même à tout ça.
02:33Le décès de ton grand frère, ça a été vraiment l'élément déclencheur un peu de tout ça.
02:36C'est ça.
02:37Donc malheureusement, qui dit alcool, pour la plupart, dit que mon papa aussi devenait très violent dans la sphère familiale.
02:44Et moi, pour contextualiser tout ça, je suis un peu née dans ce chaos.
02:46Parce qu'ils n'avaient pas encore tout à fait divorcé quand je suis née en 98, donc le 23 janvier 98.
02:52Et si tu veux, moi j'ai toujours eu le sentiment, enfant, que j'avais été conçue pour guérir quelque chose.
02:59On te l'a dit ça ou c'est toi qui le percevait ?
03:01On me l'a plus ou moins fait entendre, mais pas vis-à-vis de ma maman.
03:05C'était plus mes grands-parents du côté paternel, mes petits cousins du côté paternel.
03:09Toute cette sphère-là, parce qu'eux, ils n'arrivaient pas à voir que mon papa était malade.
03:13Ils ne voulaient pas le voir ni l'entendre.
03:14Donc en fait, c'était soit ma maman qui mentait.
03:18Et moi, quand je passais des vacances du côté de chez mes grands-parents paternels,
03:23je n'avais pas du tout le même traitement que mes petits cousins cousines.
03:27Ça veut dire qu'ils t'aimaient moins ?
03:29Ça veut dire que c'est des grands-parents qui te traitaient moins bien ?
03:31Je sentais qu'il y avait un sentiment de compensation.
03:34Et je n'avais pas le même traitement dans le sens où, par exemple,
03:37mes petits cousins cousines, ils pouvaient, eux, faire la popote avec grand-mère,
03:40faire des petits gâteaux, des petites choses comme ça.
03:42Et moi, j'étais vraiment exclue, lever un petit canard dans son coin.
03:46Je n'avais pas trop le nom.
03:47Ça, tu le percevais ou on te l'a dit ça déjà ?
03:49Je le percevais et puis on me le disait aussi beaucoup.
03:52Mes petits cousins cousines, ils étaient très renfermés dans leur bulle.
03:55Et moi, je n'arrivais pas à m'insérer dans ce cadre familial.
04:00Donc à chaque fois, je suppliais ma maman pour ne pas y aller.
04:03Parce que je me sentais très mal dans ma peau.
04:05Et je n'arrivais pas simplement à conscientiser même mon existence
04:08et à comprendre pourquoi même j'existais.
04:11Parce que pour moi, il n'y avait aucun intérêt à cela,
04:13étant donné qu'on ne me donnait pas la reconnaissance qu'un enfant mérite à ce moment-là.
04:16Bien sûr.
04:17Tu avais l'impression d'être un peu un bouche-trou, c'est ça, à ce moment-là ?
04:19C'est ça, plus ou moins.
04:21Donc à ce moment-là, tu avais quel âge quand tu ressentais tout ça ?
04:23Parce que mon papa est décédé quand j'avais 6 ans, donc en 2004.
04:26Et c'était, on va dire, à peu près quand on peut conscientiser quand on a enfant,
04:30de 2, 3 ans, toute cette période-là.
04:32Ton papa est décédé suite à une maladie ?
04:35Un cancer du foie.
04:35Un cancer du foie à cause de l'alcool.
04:37À cause de l'alcool, d'accord.
04:38Donc ton papa est décédé, tu avais 6 ans à peu près.
04:40Ensuite, qu'est-ce qui s'est passé de tes 6 ans jusqu'à tes 13 ans ?
04:43Eh bien, j'ai commencé à avoir des pensées très, très noires, vraiment.
04:47Et je pense que c'est quelque chose qui a fait un peu un effet boule de neige,
04:50déjà étant enfant, parce que je n'avais pas les mêmes idées que les autres enfants.
04:54Quand les autres enfants jouaient à des jeux communs,
04:56type la marée, les billes, j'en sais rien, ça changeait les cartes Pokémon.
05:00Moi, j'étais toujours plongée dans mes pensées
05:02et c'était toujours plus sombre.
05:04Vraiment, c'était la noirceur incarnée dans le sens où j'avais envie de me supprimer.
05:08Je le ressentais au fond de moi que je souhaitais vraiment me supprimer,
05:11mais je n'avais pas le courage nécessaire pour le faire.
05:13À la fois, j'avais aussi envie de verbaliser que je souffrais,
05:15mais je n'y arrivais pas non plus.
05:16Bien sûr, tu étais trop jeune peut-être à ce moment-là.
05:18Tu étais peut-être trop jeune.
05:19Et puis à la fois, on n'a pas envie de montrer aux autres qu'on a un problème
05:22ou qu'on pense ce genre de choses.
05:24On ne sait même pas qu'on en a un, ça se trouve.
05:25On ne sait même pas qu'on en a un non plus.
05:27Je me disais juste, je suis différente.
05:32Donc pour moi, ça avait forcément une connotation négative.
05:34Et tu recevais de l'amour de ta grande sœur, de ta mère à ce moment-là ?
05:38De ma maman, beaucoup.
05:39Ma grande sœur, elle-même, elle a vécu ses propres traumatismes avec tout ça.
05:43Donc on va dire qu'elle a une manière à elle de les gérer,
05:45qui n'était pas du tout la mienne.
05:47Puis pareil, elle avait qu'une crise d'ado classique.
05:50Donc moi, j'étais la petite sœur,
05:51donc c'était rentre pas dans ma chambre, ne prends pas mes affaires.
05:54On n'avait pas du tout un lien de sœur fusionnel, pas du tout.
05:58En fait, ma maman, elle a fait vraiment l'effet compensatoire.
06:00Elle était à la fois la maman, le papa.
06:03C'est dur à gérer pour une personne.
06:04C'est ça.
06:05Mais le souci dans tout ça, c'est qu'elle était tellement présente pour moi
06:08que ça s'en devenait étouffant.
06:10Et que même moi, je me disais, finalement, c'est que j'ai bel et bien un problème.
06:13Parce que vis-à-vis de moi, elle n'avait pas le même comportement qu'avec ma sœur aînée.
06:16Ok, je comprends.
06:17Et j'ai dormi avec elle dans son lit jusqu'à mes 13 ans,
06:20par peur que moi aussi, peut-être, je décède dans mon sommeil, ce genre de choses.
06:23C'est dur le rôle de parent quand même,
06:24parce que tu veux être présent pour ton enfant,
06:25il ne faut pas trop l'être non plus.
06:27C'est ça.
06:27Ce n'est pas facile.
06:28Puis même moi, quand j'avais des sorties au collège
06:30ou que j'essayais de négocier pour essayer de faire un tour avec mes copines,
06:34c'était très compliqué.
06:35Si je n'envoyais pas un message dans l'heure,
06:36il fallait vraiment qu'elle soit au courant de mes moindres faits et gestes.
06:39Oui.
06:40Tu avais des amis à ce moment-là, entre tes 6 et tes 13 ans, du coup,
06:43c'est juste avant la période de collège, c'est ça ?
06:44C'est ça.
06:45Alors, j'avais des amis, oui et non, parce que je m'étais beaucoup réfugiée dans...
06:49J'achetais...
06:50Enfin, à la boulangerie, je demandais à ma maman d'acheter, vous savez,
06:52les sucettes qui colorent.
06:53Tu veux me tutoyer, tu sais, je sais que j'ai plus de 30 ans maintenant.
06:56Je dis, vous savez, parce que je m'adresse aussi aux gens.
06:58Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
06:59Mais c'est les fameuses sucettes de boulangerie bleu et rouge
07:02qui coloraient la langue à l'époque.
07:03Ok.
07:03Et j'avais demandé à ma maman d'en acheter vraiment, je ne sais pas,
07:06une trentaine, une cinquantaine.
07:07Et comme j'avais beaucoup de mal à me faire des amis au collège,
07:09j'allais les distribuer aux personnes en disant,
07:12« Tiens, je suis quelqu'un de cool, sympa. »
07:14En fait, ça ne créait pas du tout un vrai lien d'amitié.
07:17C'est que les gens avaient compris que j'étais facilement...
07:20On pouvait me sous-doyer par des cadeaux, par des choses,
07:23parce que j'étais extrêmement généreuse.
07:24Encore une fois, quand tu es enfant, c'est dur de peser un peu le pour et le contre.
07:27Tu es en train de te construire, en fait.
07:29Tu arrives, du coup, à 12-13 ans, c'est ça ?
07:3112-13 ans, oui.
07:32C'est là qu'on va dire que je n'avais pas trop normalisé
07:35le fait que j'avais peut-être un souci avec la nourriture.
07:38Simplement, juste, je mangeais ce qu'on me donnait.
07:40Et c'est là, après, que je me suis rendue compte
07:41que le mal, il devenait de plus en plus insidieux
07:43et que je n'arrivais toujours pas à le verbaliser
07:45et que la seule manière pour moi d'avoir un contrôle quelque part
07:48sur le mal qui m'habitait, c'était à travers mon assiette.
07:52Pour venir un petit peu en arrière, à ce moment-là,
07:54tu n'avais pas consulté un thérapeute, un psychologue
07:57pour essayer de mettre des mots sur ce que tu ressentais ?
08:00Alors si, quand j'étais toute petite,
08:01alors après, je m'en rappelle très vaguement,
08:03j'avais fait une tentative de suicide,
08:05enfin réellement, quand j'étais en primaire.
08:07Et en gros, c'était en plein de cours de récréation
08:11avec une corde à sauter en silicone,
08:14en plastique, un peu, celle qui était comme ça.
08:16Et je voulais m'attacher à un arbre.
08:17J'étais partie pour, j'étais montée sur un banc,
08:19parce qu'il y avait un tout petit banc, un arbre à côté.
08:21J'avais commencé à faire le nœud, ce genre de choses.
08:23Tu avais quel âge à ce moment-là ?
08:24Je crois que c'était peut-être un an ou deux
08:26après le décès de mon papa.
08:27Donc tu avais quoi, 7-8 ans ?
08:28Oui, 6 ans, 7 ans.
08:30Ok, par là.
08:31Et c'est qui, c'est les profs qui t'ont...
08:32C'est les surveillantes.
08:33Je me rappelle que c'est les surveillantes qui m'ont détachée.
08:36Et à ce moment-là, ils ont directement contaché de ma maman.
08:38Et c'est là que ma mère s'est dit,
08:39bon, il faut qu'on aille voir un petit 4.
08:40Mais je crois que ça n'a vraiment pas duré très longtemps.
08:42Parce que moi, je ne me sentais pas capable encore
08:45de mettre des mots sur ça.
08:46Et ni même qu'on vienne creuser dans mon petit jardin à moi.
08:48Donc en fait, je faisais tout pour détourner les questions.
08:50Ou en tout cas, qu'on puisse abréger le plus vite possible
08:53ce type de...
08:54Ça ne te faisait pas du bien forcément d'y aller ?
08:56Pas forcément, non.
08:57Et puis même, ça accentuait ce truc de se dire
08:59« Ah, mais j'ai encore plus un problème ! »
09:01Parce que les gens qui vont voir à l'époque...
09:02C'est pas facile.
09:03Les personnes qui vont voir un psychologue et un psy 4,
09:04c'est que vraiment, ils ne sont pas bien dans leur tête.
09:06Ils vont se faire interner ce jour-là.
09:07Oui, surtout que c'est une époque, encore une fois,
09:10c'était il y a plus de 10 ans.
09:11C'est il y a presque 20 ans au final.
09:12Oui, c'est bon.
09:13C'est il y a 20 ans.
09:14L'image n'était pas la même aujourd'hui, je trouve.
09:16Et c'est tant mieux d'ailleurs.
09:16C'est beaucoup plus accepté d'aller voir un thérapeute,
09:19de se faire aider, d'en parler,
09:27moins normal dans sa manière d'être et de penser.
09:29Et en plus de ça, elle va consulter un psychiatre.
09:32Là, pour moi, c'était sur liste noire
09:34et que plus personne ne voudrait...
09:35Bien sûr.
09:36Donc, on invite toutes les personnes, bien sûr,
09:37qui regardent la vidéo à ne pas hésiter à consulter
09:39un professionnel de la santé.
09:40On les invite plutôt que de rester un peu dans leur noirceur.
09:42Et j'imagine que si le psychiatre, ça peut arriver,
09:45ne correspond pas un petit peu aux attentes,
09:47de ne pas hésiter à changer, d'aller voir quelqu'un d'autre.
09:49Tu arrives au collège.
09:51Comment ça se passe, tes années au collège ?
09:53Tu commences à avoir la maîtrise de l'alimentation, c'est ça ?
09:55Oui, c'est ça.
09:57Au lieu de prendre le bout de pain, je commence à supprimer,
10:00je commence à restreindre pas mal de petites choses.
10:03Mais ça restait très léger et pas de sorte
10:04à ce que ce soit visible non plus.
10:06Est-ce qu'à ce moment-là, c'est parce que tu avais la vision
10:08toujours de te supprimer et te dire
10:09si je mange moins, je vais maigrir et du coup mourir ?
10:12C'est ça.
10:12Pour moi, l'anorexie, ce n'était pas une quête de beauté
10:16dans le sens où je cherchais à être comme les mannequins
10:19sur les magazines plastifiés.
10:21Ce n'était pas du tout ce type de quête-là pour ma part.
10:24C'était vraiment la suppression.
10:25L'anorexie, ça a été un suisse.
10:26Justement, comme je n'avais pas le courage de refaire une tentative
10:29et même je pense que la toute première que j'ai faite,
10:31je ne serais même pas allée jusqu'au bout,
10:33le seul moyen de faire le signal d'alarme,
10:36mais sans le verbaliser et à la fois de me dire
10:38bon, tant pis si jamais j'arrive à aller jusqu'au bout,
10:40c'est que j'étais destinée à ça
10:41et puis moi, j'ai toujours été persuadée
10:43que je ne méritais pas d'exister.
10:45Ça commence à la cantine,
10:46en réduisant par exemple les morceaux de pain.
10:48C'est ça.
10:48À la maison aussi ?
10:50À la maison, je mangeais tout ce que ma mère me donnait,
10:53mais par exemple, on n'avait pas...
10:54Enfin, comme nous aujourd'hui, on pèse les aliments, tout ça.
10:56Oui, bien sûr.
10:57Il n'y avait pas cette notion-là,
10:58donc juste je ne me reservais pas deux fois ou trois fois
11:00comme ce fut le cas avant.
11:02Ok, d'accord.
11:02C'était vraiment en douceur progressif.
11:04Tu te souviens combien tu pesais à ce moment-là ?
11:07Pas du tout.
11:08On ne se pèse pas trop en plus ?
11:09Non, je crois qu'on se pèse que quand on va chez le médecin
11:11pour faire le rendez-vous hebdomadaire.
11:13Je devais peser 60 kilos à peu près.
11:15Ok.
11:16Est-ce que quand tu as commencé à réduire ton alimentation,
11:18tu as commencé à te peser pour savoir où tu en étais ou pas ?
11:21Oui, ça, ça arrivait très fréquemment.
11:23Ok.
11:24Petit à petit, en fait, je commençais à réduire les quantités.
11:26Alors au début, ce n'était pas forcément peser,
11:28mais c'était me prendre en photo sous toutes les coutures.
11:31Ouais.
11:31Mais vraiment, même des photos de moi
11:32que je n'aurais pas pu penser prendre.
11:34Ouais.
11:34Parce que simplement prendre mon bras
11:36et puis même faire ça
11:37ou même laisser la caméra tourner
11:38et me filmer en train de faire ça
11:40pour voir en fait l'avancée vis-à-vis de mon corps.
11:42Tu mesurais comme ça en fait ?
11:43Ouais, je mesurais comme ça vis-à-vis de l'arche de mes doigts.
11:46D'accord.
11:46Je le faisais aussi sur mes cuisses.
11:48Ok.
11:48Je le faisais partout.
11:49Et là, du coup, tu perds du poids.
11:50Tu vois, vraiment, tu maigrissais.
11:52Tu étais contente ?
11:53Tu sais, dans quel état d'esprit tu disais ?
11:54Dans un état d'euphorie.
11:55Ah ouais.
11:56Dans un état d'euphorie,
11:57mais à ce moment-là, c'était que visuel.
11:59Ce n'était pas forcément le poids.
12:00C'était seulement visuel.
12:01Mais bon, comme après, je faisais un peu aussi de dysmorphophobie.
12:04Ok.
12:04Donc la dysmorphophobie...
12:06Ouais, tu peux l'expliquer, bien sûr.
12:07La dysmorphophobie, c'est quand on a une image de soi
12:09qui est erronée dans le miroir
12:10et qu'on ne se perçoit pas tel que l'on est.
12:12Et c'est vrai qu'à ce moment-là,
12:13je me toisais partout, tout le temps.
12:14Je pouvais même me toucher là, partout.
12:17C'était vraiment tout le temps me toucher, me toiser.
12:19Dès qu'il y avait un miroir, me regarder tout le temps.
12:21Pour en faire beaucoup de vidéos avec des personnes aussi anorexiques,
12:23c'est assez rare de trouver des personnes
12:25qui ont pris des photos.
12:26Et c'était ton cas.
12:28Est-ce que ta mère, tes proches, ta sœur
12:30se sont rendue compte, t'ont alerté à un moment ?
12:33Alors ma sœur, je n'avais pas de contact avec elle
12:35puisqu'elle était partie du domicile familial
12:38depuis ses 18 ans.
12:39Donc du coup, on n'avait pas du tout de contact.
12:40Donc elle ne te voyait pas en fait en train de voir du poids ?
12:42Non, non.
12:43Et puis je pense qu'on n'avait tellement pas de rapport ensemble
12:46de sœur à sœur
12:48qu'elle ne se serait même pas permise de me dire
12:50quelque chose à ce moment-là.
12:51Et ma maman, pour elle, comme je le cachais aussi bien,
12:54d'une certaine manière, elle ne pouvait pas le voir.
12:56Est-ce qu'au fur et à mesure où tu es tombée dans l'anorexie,
12:58tu as commencé à perdre tes cheveux, à avoir froid ?
13:01Alors oui, moi j'ai eu du lunago.
13:03Donc c'est la pilosité qui devient beaucoup plus épais et dense
13:06sur les épaules, sur le dos.
13:07C'est quoi cette sorte de protection que le corps met en place ?
13:09C'est une protection que le corps met en place.
13:10J'ai été améliorée de mes 14 à 23 ans.
13:15Et encore aujourd'hui, c'est un peu bancal.
13:17J'ai trois couronnes.
13:18Et les couronnes au niveau des dents ?
13:19Des dents, oui.
13:19D'accord, parce que c'était quoi le rapport entre l'anorexie et les dents ?
13:22Déjà, en termes de génétique, j'ai les dents pas ouf.
13:27Ok, ok, oui, c'est bien sûr.
13:28Je veux dire, la génétique, on peut se dire, je ne mange pas de bonbons.
13:32Oui, bien sûr.
13:32Je me brosse les dents trois fois par jour.
13:33Oui, là, des fois, on n'y peut rien.
13:34C'est comme le tour du bicep, c'est comme le génétique bicep.
13:36Des fois, on n'y peut rien.
13:37Les insertions, on n'y peut rien.
13:38Exactement.
13:39Génétiquement, je n'ai pas les dents les plus saines du monde,
13:42même si visuellement, ça ne se voit pas.
13:44Mais du coup, j'avais déjà les dents fragiles.
13:45Et quand je suis basculée vers la boulimie vomitive,
13:47et que c'était vraiment très, très récurrent,
13:49ça a fragilisé d'autant plus.
13:50Donc, j'ai deux couronnes en argent sur mes moellaires du bas
13:53et sur celle-ci, c'est une couronne aussi.
13:55Ok, ok.
13:56Et les cheveux aussi, pareil, j'ai perdu vachement en densité mes cheveux.
13:59J'avais vraiment des trous partout.
14:00Tu l'as récupéré aujourd'hui ?
14:02Ça va mieux.
14:03Ok.
14:03Après, pareil, c'est comme la génétique pour les dents,
14:05j'ai les cheveux fins.
14:07Quelle était la place de la nourriture à ce moment-là,
14:09toi, dans ta tête ?
14:10C'était central.
14:10Je pouvais regarder sur mon téléphone des mukbangs.
14:13Oui, des gens qui mangent beaucoup en vidéo.
14:16Beaucoup en abondance, ou les 10 000 calories challenge.
14:18Je sais qu'il y en avait aussi beaucoup à l'époque.
14:20Ok.
14:20Et en fait, je mangeais par procuration,
14:22en regardant ces gens-là.
14:23C'est ouf.
14:24Ok.
14:24Et toute la nuit, parce que là, c'était vraiment de l'anorexie pure.
14:27Donc, on va dire que je me levais, je prenais juste un café.
14:29Et encore, c'était une chance si je le gardais, le café.
14:31Et après, je buvais de temps en temps de l'eau,
14:33ou une tomate cerise qui traînait par-ci, par-là,
14:35mais sinon, je ne mangeais pas.
14:35T'arrivais à te satisfaire de voir les autres gens manger.
14:38C'est ça.
14:38Et même, ça me plaisait encore plus de préparer à manger
14:41pour ma maman, par exemple.
14:43Ça me l'avait dit, ça.
14:44Ou quand je...
14:45Enfin, à l'époque, j'avais une amie avec qui je pouvais passer du temps.
14:47J'aimais bien l'emmener dans les fast-foods
14:50pour la pousser à manger, elle.
14:51Ok, ouais, c'est ouf.
14:52C'est pour ça que je dis que c'est vraiment...
14:53Enfin, l'anorexie, c'est une maladie ultra pernicieuse.
14:55Et c'est aussi la maladie du mensonge.
14:57Bien sûr.
14:57Parce que moi, j'ai aussi été kleptomane à cause de ça.
15:01Comment t'en es venue à devenir kleptomane ?
15:03C'est quoi le rapport ?
15:04Quand j'ai basculé vers la boulimie vomitive,
15:06je mangeais des quantités astronomiques de nourriture
15:08que je récurgitais après.
15:09Sauf que la nourriture, il faut bien l'acheter.
15:12Bien sûr.
15:12Ou la voler.
15:13D'accord.
15:13Et moi, quand ma mère faisait les courses de la semaine,
15:16pour moi, ces courses-là,
15:17elles me duraient à peine un demi-après-midi.
15:20Comment t'es passée du cap de rien manger,
15:23à peine une tomate cerise, à peine un café,
15:24à faire de la boulimie, justement ?
15:26Quel a été cet acheminement ?
15:28Je pense que c'était vraiment le côté cérébral.
15:31Parce qu'un jour, ma maman avait fait une quiche.
15:33Sans conscientiser, sans quoi que ce soit,
15:35j'ai mangé.
15:37Ok.
15:38Je pense que...
15:38C'est ton corps qui avait faim ou dormant ?
15:39Oui, mon corps, il avait tellement faim,
15:40il avait tellement été...
15:42Pas réduit, sevré de tant de calories,
15:44de tant de bienfaits aussi, de saveurs.
15:45Bien sûr.
15:46Que là, il y avait vraiment une odeur,
15:47ça sentait bon,
15:48et puis c'était quelque chose que ma mère
15:49faisait habituellement,
15:50et que je pense qu'il y avait aussi
15:51ce rapport cocooning un peu.
15:53Bien sûr.
15:53Et juste, je l'ai mangé,
15:54et là, ça a été l'implosion.
15:56C'est-à-dire que mon corps,
15:58il s'est mis en mode survie,
15:59et là, il fallait que je me gave.
15:59C'était même pas manger
16:00pour me réalimenter sainement.
16:03Il fallait se gaver, se gaver, se gaver, se gaver.
16:04Waouh.
16:05Donc là, j'ai appris à recombler
16:06d'autres émotions au fouet,
16:08grâce à ça.
16:09D'accord, ok.
16:09Parce que du coup, tu mangeais tes émotions,
16:11et je me dis que pour ta maman,
16:12du coup, ça lui faisait plaisir aussi
16:13de te voir manger peut-être ?
16:15Oui, au début, oui.
16:15Ok, bien sûr.
16:16Au début, oui.
16:17C'est vrai que les TCA,
16:18c'est compliqué comme maladie,
16:19parce que j'ai l'impression que ça va mieux,
16:21et en fait, non,
16:22c'est une autre maladie,
16:23et dans ces troubles-là.
16:24Surtout que pour ma maman,
16:24à l'époque,
16:24il suffisait simplement que je mange, en fait.
16:26Donc à partir du moment où elle m'a vu manger,
16:28elle s'est dit,
16:29bon, bah, c'est bon, c'est réglé.
16:30Du coup, effectivement,
16:31tu remangeais,
16:32mais t'allais te faire vomir après, c'est ça ?
16:34C'est ça.
16:34Mais j'ai pas tout de suite
16:35mis en place ce procédé-là.
16:38Ok.
16:38Parce que je savais pas comment faire,
16:39et ça faisait un peu peur aussi,
16:40d'une certaine manière.
16:41Mais pour moi, c'était vraiment...
16:43Par exemple,
16:43quand j'ai amené mon ami de l'époque
16:45manger dans les fast-foods,
16:47c'est la toute première fois de ma vie
16:48que j'ai entendu une voix dans ma tête.
16:50Ok.
16:51Waouh.
16:51Et cette voix-là,
16:52elle m'a pas quittée
16:52jusqu'à ce que j'arrive à avoir mon déclic
16:55après plus tard.
16:56Ouais.
16:56Et cette voix-là,
16:56c'est celle qui m'a guidée à chaque fois
16:58pour le cheminement de tout ce que j'allais faire
17:00pour me plonger encore plus dans mes troubles.
17:02Et cette voix,
17:03elle venait d'où du coup, alors ?
17:04Bah, je sais pas,
17:05mais juste le moment même
17:07où elle est apparue,
17:07où je l'ai entendue,
17:08c'était vraiment...
17:09Maintenant que j'ai grandit,
17:10c'était effrayant.
17:10Parce que j'étais avec cette meilleure amie
17:11à manger un wrap César au McDo.
17:14Elle était vraiment face à moi
17:15et puis elle m'a juste dit
17:16« Est-ce que tu veux un bout ? »
17:17Et moi, je l'ai vraiment regardé
17:18vraiment comme si j'étais habité
17:20et que c'était plus moi
17:21que j'avais switché
17:22pour laisser la place à la maladie.
17:24Et à ce moment-là,
17:24je l'ai juste regardé
17:25et ça s'est tue.
17:27Il y a eu vraiment un blanc
17:28et j'entendais cette voix
17:29dans mon oreille gauche
17:30qui me disait
17:30« Tu vois, elle,
17:31elle est faible.
17:33Mais toi,
17:33toi, t'es forte.
17:35Donc maintenant,
17:35tu vas faire tout ce que je dis.
17:36Et tu ne mangeras pas ça.
17:37Parce que ça,
17:38c'est des gens faibles.
17:39Donc pour moi,
17:39elle était faible.
17:40Et tous les gens
17:40qui mangeaient,
17:41c'était des faibles.
17:41Waouh !
17:42Et en fait,
17:43à partir de ce moment-là,
17:44c'était « Ah bah,
17:44j'ai un référent.
17:45C'est bon. »
17:46En fait,
17:46elle allait tout le temps
17:46dans mon sens
17:47d'une certaine manière
17:48parce que c'est la maladie
17:49qui voulait ça aussi.
17:50Ok.
17:50Tu vois,
17:50j'ai des frissons un peu
17:51quand je t'en parle
17:52parce que c'est comme si...
17:53Enfin,
17:54ce spectre,
17:55moi,
17:55j'appelle ça un spectre,
17:56peu importe où je vais maintenant,
17:57il est toujours là.
18:07Et la foi,
18:07c'est rassurant
18:08parce que tu vois quelqu'un
18:08qui va dans ton sens
18:09et tu dis « Ah, finalement,
18:10je n'étais pas si anormale. »
18:11Enfin,
18:12tu te réconfortes
18:13vis-à-vis de ces propos-là.
18:14Cette voix,
18:15elle avait quelle voix ?
18:16Une voix plutôt d'homme,
18:17une voix de femme ?
18:18C'était quoi ?
18:19C'était plutôt une voix de femme,
18:20mais comme si c'était la mienne,
18:21mais un peu plus tirée vers le vice.
18:23Ok, ok.
18:24Enfin, un peu plus...
18:25Je ne sais pas comment la décrire.
18:27Mais on sentait vraiment
18:28que c'était une voix déterminée
18:30et vraiment avec ce petit côté
18:32insidieux, vicieux.
18:34Ah, c'est ouf !
18:34Et en fait,
18:34elle était tellement prédominante
18:36sur ma propre voix
18:37que j'avais l'impression
18:38que plus ça allait,
18:38plus je me renfermais
18:39dans mon propre corps
18:40et que vraiment,
18:42j'étais dans un trou noir
18:43et que c'était elle
18:43qui pilotait mon corps.
18:46D'accord.
18:47Et tu dis que c'est une voix
18:47qui venait de ta tête,
18:48mais c'était comme si
18:49c'était une autre personne à côté,
18:50c'est ça ?
18:50C'est ça.
18:50Et des fois,
18:51elle pouvait se manifester,
18:52par exemple,
18:53dans ma maison,
18:55je ne sais pas,
18:55de la circonférence
18:56de ce mur-là
18:57à ce mur-là,
18:58dans mon appartement,
18:59je pouvais faire 60 000 pas
19:01non-stop toute la journée
19:04en fait,
19:05mon ancien iPhone,
19:06c'est le journal de l'anorexique
19:07parce que dedans,
19:08j'ai tous les steps
19:09que j'ai faits.
19:10Donc quand j'ai revu ça,
19:11je me suis dit
19:11ah oui, j'ai fait ça.
19:12J'ai toutes les photos,
19:13toutes les vidéos,
19:14c'est vraiment le journal intime
19:15et dans mes notes,
19:16il y a des choses horribles.
19:17C'est vraiment le journal
19:18qui regroupe absolument tout
19:19ce que j'ai vécu
19:20pendant cette période-là
19:21dans cet iPhone.
19:23Donc tu étais prête
19:23à faire 60 000 pas
19:25dans la journée
19:26pour perdre encore plus de poids
19:27plus rapidement.
19:28Et puis comme j'avais fait
19:28les 60 000 pas
19:29sans faire de crise,
19:31la voix me disait
19:34« Qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui ? »
19:36Donc du coup,
19:36en fait,
19:37c'était toujours un challenge.
19:38Oui, bien sûr.
19:39Et moi,
19:39comme j'ai toujours aussi
19:40le goût du challenge,
19:40je me suis dit
19:41« Bah, laissez-moi,
19:41on y va. »
19:42Putain, c'est ouf.
19:43Et en fait,
19:44comme je dis,
19:44je ne pilotais plus mon corps,
19:45c'était mécanique.
19:47Alors qu'aujourd'hui,
19:48tu me dis de faire 15 000 pas,
19:49ça me fait chier.
19:50Oui, c'était plus sain,
19:51tu vois,
19:52c'était plus sain aujourd'hui,
19:52certainement d'ailleurs.
19:54À ce moment-là,
19:54tu avais quel âge
19:55quand tu faisais tout ça ?
19:56Les pas,
19:56la restriction ?
19:57J'avais 17-18.
20:0017 ans ?
20:00Ça a duré jusqu'à mai 20-21-22.
20:02À quel moment
20:04tu as atteint
20:04le poids le plus bas ?
20:06Ça,
20:06ça a été après
20:07que j'ai rencontré un garçon
20:09parce que moi,
20:10à l'époque,
20:10je m'étais mise sur Tinder.
20:11Ok.
20:12Même si je savais
20:13que j'étais malade,
20:13que j'avais des troubles.
20:14Tu avais envie de plaire aussi ?
20:16Voilà,
20:16j'avais cette envie de plaire
20:17et puis,
20:18mine de rien,
20:19toutes les jeunes filles
20:20à 15 ans,
20:2014 ans,
20:21elles ont soit eu
20:21leur premier copain,
20:22soit eu leur premier rapport sexuel.
20:24Bien sûr.
20:24Il y a eu une expérience
20:26de quelque chose
20:26en tout cas liée à ça.
20:27Et toi,
20:28à ce moment-là,
20:28c'était rien ?
20:30Moi,
20:30je n'avais rien eu.
20:31Rien du tout.
20:31Je n'avais pas eu
20:32de premier bisou.
20:33Je n'avais jamais expérimenté
20:34de contact charnel,
20:36même ne serait-ce que l'amour.
20:38Je ne savais pas ce que c'était.
20:38Donc,
20:39ça te confortait encore plus
20:40dans le fait
20:40que tu n'étais pas
20:41comme les autres,
20:42différente ?
20:43Je comprends.
20:43Du coup,
20:44j'étais inscrite sur Tinder.
20:45J'avais rencontré un garçon,
20:46mais je n'arrivais pas à plaire
20:47parce que je ne me plaisais pas
20:48moi-même
20:48et que j'étais en concubinage
20:50avec cette voix
20:51d'une certaine manière.
20:52Je me laissais porter
20:53par la chose
20:54parce que pour moi,
20:55c'était une norme
20:56qu'il fallait plus ou moins atteindre.
20:57Aller sur Tinder,
20:58tu veux dire ?
20:58Aller sur Tinder,
20:59mais rencontrer des gens
21:00et rencontrer un garçon.
21:01Du coup,
21:02j'ai rencontré ces garçons
21:03et le fait est que
21:04peut-être une fois,
21:05on s'est rencontrés
21:05deux fois,
21:06trois fois.
21:07Pour moi,
21:07il n'y avait pas
21:07de sentiment d'amour naissant
21:08et juste,
21:09j'aimais bien passer du temps
21:10avec lui.
21:11Ça me permettait aussi
21:12de m'extirper un peu
21:13de la routine
21:14avec les steps.
21:15Même si je continuais
21:17à les faire
21:17quand il n'était pas avec moi.
21:20C'était une petite bouffée
21:21d'air frais sur le moment.
21:22Sauf que malheureusement,
21:23c'était quelqu'un
21:24qui avait plus ou moins
21:25décelé toutes ces failles en moi,
21:27toutes les parts de vulnérabilité.
21:28Et ça, je ne l'ai pas vu
21:29parce que j'étais tellement
21:30préoccupée à me gérer moi
21:31avec cette voix,
21:32le trou,
21:33ma routine
21:33que je ne l'ai pas vue.
21:35Et un soir,
21:35malheureusement...
21:41Prends le temps qu'il faut.
21:42J'ai eu le malheur
21:43de dormir chez lui.
21:45Et il a fait
21:46ce qu'il n'aurait pas dû faire.
21:48Bref, j'ai envie
21:49de mettre les mots
21:49parce qu'il faut le faire
21:51mais il m'a pénétré
21:52dans mon sommeil
21:53et ça m'a réveillée.
21:54Et je pense qu'à partir
21:55de là, ça a été
21:56Tiffany, c'était ça.
21:58Et tout ça,
21:59il fallait supprimer
22:00rapidement.
22:01Et je pense que
22:02ton histoire
22:02fait écho
22:03à plein de filles,
22:04plein de personnes
22:04qui vont regarder la vidéo
22:06parce que c'est malheureusement
22:07le quotidien
22:08de beaucoup de femmes.
22:09Oui, parce que
22:10quand tu décides
22:11d'accepter ça,
22:12juste de dormir
22:13chez la personne
22:14et que tu n'as pas
22:14forcément officialisé
22:15les choses,
22:16même dans un couple.
22:18Ce n'est pas quelque chose
22:19qui se fait.
22:19Toujours demander
22:20le consentement,
22:20toujours l'autorisation.
22:22Déjà que j'avais
22:22un profond dégoût
22:23envers moi-même
22:24à la base,
22:25ça l'a encore plus accentué.
22:27Ça a rajouté
22:27une caisse encore plus.
22:29C'est ça.
22:30Et après ça,
22:30j'ai coupé court.
22:32À la relation ?
22:33Oui, oui.
22:33Mais sauf que ça,
22:34ça m'a encore plus
22:36tirée dans mon trouble.
22:37Bien sûr.
22:37Comme je l'ai dit,
22:39Tiffany,
22:39il fallait que la tête
22:40reste en surface
22:40parce que je tenais
22:41qu'avec ma tête,
22:42avec mon mental.
22:43Mais le corps,
22:43il fallait mettre
22:45les bouchilles doubles
22:47pour la suppression immédiate.
22:49Oui,
22:49continuer à faire du mal.
22:51Et puis je me suis dit,
22:52mine de rien,
22:53comme je l'ai pas mal
22:53ramassé quand j'étais plus jeune,
22:55si aussi un homme
22:56que je connais à peine,
22:57qui me paraissait
22:58sincère et bienveillant,
22:59peut se permettre
23:00l'inadmissible,
23:02c'est qu'au final,
23:03qu'est-ce que je vaux ?
23:04Donc à quoi bon ?
23:06Et c'est là
23:06que ça a été
23:07la pente descendante.
23:08Est-ce qu'il y a eu
23:09un après,
23:10encore plus,
23:11après cette histoire-là
23:12avec ce garçon ?
23:13Est-ce que ça allait
23:13encore plus vite ?
23:14Ça allait plus vite
23:15parce que là,
23:16à ce moment-là,
23:17je faisais crise de boulimie
23:18sur crise de boulimie
23:19sur crise de boulimie
23:19sur crise de boulimie.
23:20C'est-à-dire que
23:21je regardais l'heure.
23:22Il faut savoir que tout ça,
23:23ma maman était dans le canapé
23:24quand je faisais ça,
23:25moi j'étais dans la cuisine
23:26et elle savait très bien
23:26ce que je faisais,
23:27mais ma maman,
23:27j'en ai reparlé plus tard
23:29avec elle,
23:29mais elle était dans
23:29un tel déni.
23:30Elle ne voulait pas voir
23:31ce qui se passait.
23:32Elle s'est voilé la face
23:33et elle ne voulait pas
23:33voir ce qui se passait.
23:34Je regardais l'heure,
23:35admettons qu'il est 15h,
23:36je me disais OK,
23:37le frigo est plein,
23:38tout est plein.
23:39Moi, j'avais un trigger
23:41au niveau alimentaire,
23:42c'était les céréales.
23:43D'accord.
23:44Je pouvais en manger
23:44en quantité astronomique.
23:46Donc je me faisais,
23:46je prenais des saladiers,
23:47je mettais du lait,
23:48plein de céréales,
23:49je me faisais des pâtes
23:49au saumon à côté,
23:50mais des quantités
23:51pareil, familiales.
23:53Je faisais beaucoup
23:54de bouteilles de Coca Zero
23:55que j'alignais les unes
23:55les autres.
23:56Et puis je regardais l'heure,
23:57je disais OK,
23:58il est 15h,
23:58je me pèse,
23:59je vois que je fais
24:00tant de poids.
24:01OK.
24:02Je dis OK,
24:02donc j'ai toutes les données,
24:03je les note dans mes notes.
24:04Wow.
24:04Je mange le plus possible
24:06de ce que je peux manger
24:07à ce moment-là.
24:08Et puis je mettais
24:08une petite série,
24:09puis je mangeais,
24:09je mangeais,
24:10je mangeais.
24:10Entre temps,
24:11je buvais du Coca Zero,
24:11je mangeais,
24:12je mangeais,
24:12je mangeais.
24:12OK.
24:13J'avais le bide
24:15tellement enflammé
24:15à ce moment-là
24:16que ça me faisait
24:17des douleurs
24:17indescriptibles.
24:19Vraiment,
24:19ça tendait,
24:20c'était affreux.
24:22Comme un peu,
24:22malheureusement,
24:24les enfants
24:24sont malignés,
24:27malnutrition,
24:28qui ont des gros ventres,
24:28qui ont des gros ventres,
24:29alors qu'ils sont très amigris.
24:30Oui, c'est vrai.
24:31Ça donnait ce type-là
24:32de visuel.
24:33OK.
24:34Et à ce moment-là,
24:35je retournais me peser.
24:36Je voyais qu'en l'espace
24:37d'une demi-heure,
24:37j'avais pris 4 kilos.
24:38Je disais OK,
24:39du coup,
24:39je vais me faire vomir.
24:40Je vais me faire vomir
24:41jusqu'à la bile
24:41jusqu'à ce que quand
24:42je vais me reposer,
24:43je vais me reposer,
24:43il faut que je fasse
24:44le même poids
24:44avant que j'ai commencé
24:45ma crise.
24:46Et c'était tellement
24:47fatigant, en fait.
24:48Bien sûr.
24:48Bien sûr,
24:49même pour l'organisme.
24:50C'était à la fois fatigant
24:51et bizarrement,
24:52c'est ça aussi
24:53où c'était très difficile
24:54pour moi de lutter
24:55de ne pas recommencer
24:55à chaque fois.
24:56C'est qu'il y avait
24:5620 secondes
24:57au moment où j'atteignais
24:58la bile
24:58où je planais
24:59comme si j'avais pris
25:00je ne sais quelle substance.
25:01Putain, c'est ouf.
25:02Mais je planais
25:10c'est bien,
25:11et juste cette sensation
25:12de plénitude
25:13que je n'avais jamais vécue
25:14parce que moi,
25:15c'était tout le temps
25:15de la noirceur,
25:17de la dépression,
25:18du dégoût,
25:19que des choses négatives.
25:21C'était la seule chose
25:22de positif
25:22que je pouvais en tirer
25:23et ces 20 secondes-là,
25:24pour moi,
25:24c'était le nirvana.
25:26Et donc,
25:26je voulais à chaque fois
25:27les retrouver.
25:27Bien sûr,
25:28le cerveau,
25:28il veut répéter ça
25:29à chaque fois,
25:30ce mécanisme-là.
25:30C'est ça.
25:31Tu étais tombée
25:31dans aucune autre drogue
25:32à ce moment-là ?
25:33Non, jamais.
25:34C'était la nourriture.
25:35Ok,
25:35tu n'as pas été attirée
25:37par d'autres drogues ?
25:38Non, j'avais plus peur
25:39de ça que...
25:40Ok,
25:40tant mieux
25:40parce que ça aurait pu aussi...
25:41Surtout qu'à cette période-là,
25:43je ne fréquentais personne.
25:45Même les peu de gens
25:46que je pouvais garder
25:46dans mon petit cercle,
25:48ils ont fini par avoir peur
25:49parce qu'on n'a pas envie
25:50d'être amis avec l'anorexie,
25:51qu'on n'a pas envie
25:52de fréquenter.
25:52Bien sûr,
25:53on ne sait pas en plus
25:53comment aider ces personnes-là,
25:55ce n'est pas facile.
25:55C'est ça.
25:56Tu recherchais à chaque fois
25:57systématiquement
25:58ce moment de plénitude
25:59et tu le répétais.
26:00C'est pour ça
26:00que tu mangeais
26:02en grosse quantité.
26:03C'est ça que j'ai perdu
26:03le plus de poids
26:04très rapidement.
26:05C'était à combien,
26:06tu penses, là ?
26:06Je pense que...
26:08Déjà,
26:08mais quand j'ai rencontré
26:09ce garçon,
26:09je devais peut-être faire
26:1048, 45.
26:12Ok.
26:13Et là,
26:13au poil le plus bas,
26:14à force de faire ça
26:15à répétition,
26:16je t'ai tombé à 25.
26:1725 kilos,
26:17c'est le poil le plus bas
26:18que tu as atteint.
26:19C'est le poil le plus bas
26:19que j'ai atteint.
26:20Comment tu arrivais
26:21à tenir debout ?
26:22Je ne sais pas.
26:23La force du mental,
26:24tu penses ?
26:25Je pense,
26:25parce que je tenais debout
26:26pour encore prendre des photos.
26:27Et puis,
26:28même si j'ai porté
26:29des quantités de vêtements
26:30par couche,
26:31je pense que oui,
26:32c'est le mental.
26:33Tu avais un médecin
26:34à ce moment-là
26:34qui t'a ausculté ?
26:36Je n'ai vu personne.
26:37Tu n'ai vu personne ?
26:37Personne.
26:37Et même ma maman,
26:38elle a déjà essayé
26:39de faire des tentatives
26:40pour essayer de me parler
26:42ou en tout cas
26:42de m'orienter
26:43pour que je puisse
26:45me faire hospitaliser,
26:46peut-être avoir la sonde,
26:47ce genre de choses.
26:48Mais comme j'étais déjà
26:48majeure à cette époque-là,
26:49j'ai refusé.
26:51Et comme ma mère,
26:52elle avait déjà
26:52un énorme sentiment
26:53de culpabilité
26:53vis-à-vis de mon frère,
26:55ma sœur qui est partie
26:56très tôt du logement familial,
26:58je devenais une fille
26:59très vénéneuse
27:00auprès de ma mère.
27:00Je lui disais bien
27:01que si elle faisait ça,
27:02je la déteste ravie
27:03que c'était la plus mauvaise mère.
27:04C'est trop dur.
27:05Sauf que ma maman,
27:06elle ne voulait pas avoir
27:07ce rôle-là,
27:07donc elle ne faisait rien.
27:08Est-ce qu'avec le recul,
27:09tu aurais aimé
27:10qu'elle te force ?
27:12Non.
27:12Je pense que je ne serais pas
27:13la femme que je suis aujourd'hui.
27:14Et maintenant,
27:14quand j'ai des témoignages
27:16de jeunes filles qui y sont,
27:17alors je ne dis pas
27:17que tous les hôpitaux
27:17sont comme ça,
27:18mais on va dire
27:18une grande majorité
27:19parce que c'est encore
27:20une maladie qui est
27:21beaucoup méconnue
27:22du centre hospitalier,
27:23ce n'est pas joli.
27:24Les retours que les filles
27:25qui sont hospitalisées
27:27te disent ?
27:27Ce n'est pas très joli.
27:29La plupart du temps,
27:30on met la sonde
27:31jusqu'à ce que tu atteignes
27:32un poids stable
27:33et puis on soigne le corps
27:35mais pas la tête.
27:36On te maintient en vie,
27:37c'est ça ?
27:37Et le fait est
27:38qu'après les filles
27:39rentrent chez elles,
27:40elles ne supportent pas
27:41de se voir telles qu'elles sont
27:42et du coup,
27:42elles recommencent
27:43et c'est de pire en pire.
27:44C'est quoi du coup
27:45la solution selon toi ?
27:46Comprendre quels ont été
27:47les traumatismes
27:48liés à l'enfance
27:49parce qu'il y en a.
27:49Donc c'est aller voir
27:50des thérapeutes régulièrement,
27:51changer si ce n'est pas
27:52le bon thérapeute ?
27:53Ou parler avec des personnes
27:54en l'occurrence comme moi
27:55aujourd'hui ou comme d'autres
27:56parce que même...
27:57Qui sont passées par là.
27:58C'est ça,
27:58qui sont passées par là.
27:59Comment tu réagis
28:00quand tu te vois toi
28:01sur ces photos
28:02quand tu étais à 25 kilos ?
28:04Alors pour l'anecdote,
28:05mon iPhone,
28:06la batterie avait pété.
28:07Il ne marchait plus.
28:08Ce fameux iPhone
28:09où j'avais retranscrit
28:10tout dedans
28:10et moi la veille,
28:11je l'avais envoyé
28:12chez un réparateur
28:13parce que je savais
28:14que ça allait être
28:16une mine d'or
28:17pour ma reconstruction future
28:18et que même moi,
28:19je ne me rappelais plus.
28:20C'est à une époque.
28:22Comment j'ai pu
28:23descendre aussi bas
28:24et juste visuellement,
28:25je ne me souvenais pas.
28:27Je dévois mon téléphone,
28:27je mets mon code
28:28et je vais direct
28:29dans la galerie
28:30et là, je crois que
28:31je n'ai jamais hurlé
28:32de douleur
28:32comme j'ai hurlé
28:34de douleur
28:34en voyant les photos
28:35et je me suis vraiment
28:36effondrée en pleurs.
28:37Je n'arrivais pas
28:37à me dire que c'était moi.
28:38Et puis, on le voit
28:39dans mon regard,
28:39il n'y a pas de vie.
28:40Il ne se passe rien.
28:42Je ne savais plus
28:42ce que c'était l'amour,
28:43la haine, la peur.
28:44Bien sûr.
28:45C'était pour ça aussi
28:46que je me complaisais
28:47dans cet état-là.
28:48C'était qu'une fois
28:49qu'on n'a plus d'émotions,
28:50il ne se passe plus rien.
28:51Tu étais un robot en fait.
28:52Tu étais concentrée
28:52sur l'alimentation
28:53et c'est tout.
28:54C'est tout.
28:54Du coup, Tiffany,
28:55ta relation avec ta maman,
28:56elle est comment
28:56à ce moment-là ?
28:57On ne se parle pas beaucoup.
28:58On ne se parle pas beaucoup.
29:00Parce que c'est toi
29:00qui ne veux pas trop lui parler.
29:02Je vois qu'elle essaie
29:02de faire des tentatives
29:03pour essayer de me dire
29:05Tiffany, tu vas mourir.
29:07Je m'en rappelle
29:08qu'elle me disait
29:09essayer de me provoquer
29:10des micros déclics.
29:11Parce que moi,
29:11ça faisait ça,
29:12ça faisait ça.
29:13Tu n'entends pas
29:14de toute façon
29:14quand tu es là-dedans.
29:15Et puis à ce moment-là,
29:17la voix, elle disait
29:18mais non,
29:18on sait ce qu'on fait.
29:19Laisse.
29:20Elle ne sait pas
29:20ce qu'elle dit ta mère.
29:21C'était vraiment
29:22le paradoxe
29:24entre ma maman
29:25qui est une maman
29:26et la voix
29:27qui depuis le début
29:28finalement
29:28était tout le temps
29:29présente avec moi
29:30et m'épaulée
29:31d'une certaine manière.
29:32À quel moment
29:32tu as le déclic
29:33de te dire
29:34il faut que je m'en sorte ?
29:36Ça a été le 2020
29:37pendant le confinement.
29:39Alors je sais
29:39que le confinement
29:40ça a été néfaste
29:41pour beaucoup de gens
29:41parce que des gens
29:42qui ne supportaient pas
29:43d'être seuls,
29:43d'être enfermés.
29:44Sauf que moi,
29:45j'ai été enfermée
29:45toute la moitié de ma vie
29:47dans ma tête.
29:48Mais là où ça s'est joué,
29:49c'est qu'on expliquait
29:51tout à l'heure
29:51comment j'ai fait
29:51pour rester debout ?
29:52Là, je n'ai pas su
29:53rester debout.
29:53Je me suis levée
29:54un moment
29:54pour aller faire pipi
29:55et je suis tombée
29:56nette de mon lit
29:58et je me suis retrouvée
30:00sur le carrelage
30:01de notre appartement.
30:02Tu vivais seule
30:02à ce moment-là ?
30:03Non, avec ma maman.
30:04Avec ta maman.
30:04On ne vivait que toutes les deux.
30:05Et à ce moment-là,
30:06ma mère prise de panique
30:07et elle appelle le SAMU.
30:08Elle t'a vu tomber
30:09ou t'as crié ?
30:10J'ai crié.
30:10Et là où ça a été aussi
30:11le déclic
30:12de pourquoi je n'ai pas voulu
30:13m'en sortir
30:13avec une aide à côté,
30:16c'est que quand elle a appelé
30:17le SAMU,
30:17pas qu'il ne faut pas
30:18faire confiance
30:20aux services hospitaliers,
30:22au SAMU,
30:22aux pompiers.
30:24J'ai un grand respect
30:25immense envers ces personnes.
30:26Mais c'est vrai
30:26qu'à ce moment-là,
30:27moi, j'ai besoin d'aide
30:27et personne ne me l'a donnée
30:29parce qu'ils ont dit
30:29mot pour mot.
30:30Écoutez, on a autre chose
30:31à faire que de s'occuper
30:31d'un cas d'anorexie
30:32d'une jeune fille de 21 ans.
30:33Restez chez vous
30:34et aidez-le.
30:36OK.
30:36Ouais, c'est sous-coté en fait
30:38comme maladie.
30:39C'est sous-coté.
30:39Les gens ne se rendent pas compte
30:40à quel point
30:40et que tu peux en mourir.
30:41C'est ça.
30:42Et là, vraiment,
30:43c'était soi,
30:44c'était la fin.
30:44Vraiment,
30:45ce jour-là,
30:46je me rappellerai,
30:47je me sentais à la fois bien
30:48et me dire,
30:49OK, j'accepte
30:49ce qui va se passer
30:50et c'est trop tard.
30:52Donc là,
30:52tu es au sol,
30:53tu tombes,
30:54tu n'arrives pas
30:54à la toilette,
30:55ta mère n'a pas le SAMU,
30:56le SAMU te met un peu un plan.
30:58Ma mère s'énerve
30:59au téléphone
31:00et au final,
31:01ils disent,
31:01non, mais on est débordés.
31:02Après, il y avait
31:02la crise Covid,
31:03tout ça,
31:04donc ils étaient débordés.
31:05Oui, bien sûr.
31:06Ils ne pouvaient pas
31:07se déplacer,
31:07venir me chercher,
31:09même donner
31:09ne serait-ce que des conseils.
31:10De toute façon,
31:10à ce moment-là,
31:11on pensait que Covid
31:11sous les autres maladies,
31:13je pense que, bien sûr.
31:14Ma maman, du coup,
31:14elle est allée sonner
31:15chez un voisin
31:16qui s'appelle Olivier
31:17et elle lui a simplement demandé
31:19de me soulever
31:21pour me remettre dans mon lit
31:22parce qu'elle n'était pas capable
31:23toute seule.
31:23D'accord, OK.
31:24Donc, c'est ce qu'il a fait
31:25et encore,
31:25on avait de la chance
31:26parce que même à cette époque-là,
31:27beaucoup de gens
31:28étaient renfermés chez eux.
31:29On avait tous un peu peur
31:30les uns les autres.
31:30On n'osait pas toucher.
31:31Il l'a accepté, c'est cool, ouais.
31:33Ouais, il l'a accepté
31:33parce qu'il savait,
31:34enfin, dans l'immeuble,
31:34on savait plus ou moins
31:35que j'avais un souci
31:36mais sans que ce soit trop voyant.
31:38OK.
31:39Même si on essaie
31:39de me le dire
31:40ou de me le susurrer,
31:42moi, je n'entendais pas
31:42parce que pour moi,
31:43il n'y avait pas de problème.
31:43Ouais, bien sûr.
31:44Et donc, il m'a remis dans mon lit,
31:45il est rentré chez lui
31:46et à ce moment-là,
31:47vraiment, je me sentais bien.
31:49Je sentais que je partais.
31:51OK, putain.
31:59Je ne vois plus ma maman,
31:59je ne vois plus ma chambre,
32:00je ne vois plus rien
32:01si ce n'est que je me sentais partir
32:03et comment dire,
32:04ce n'est pas la grande lumière
32:05qui t'accueille,
32:06ce n'est pas ça.
32:07Comme si j'étais projetée
32:08dans un dessin d'enfant
32:09avec la petite maisonnette
32:10et les briques rouges,
32:11le soleil avec un sourire
32:13et les pâturages,
32:15l'herbe verte,
32:16mais tout était extrêmement
32:17fluosporescent.
32:19C'était vraiment
32:19la saturation max.
32:21Les couleurs étaient très,
32:22très saturées
32:23et je me sentais bien.
32:24Vraiment, il y avait
32:24cette sensation de flottement
32:26de me dire
32:26si c'est ça l'enfance,
32:28c'est chouette.
32:29Vraiment,
32:29comme si je revenais
32:30à un état
32:31que je n'ai pas trop connu
32:32de l'enfance.
32:33Tu t'endormais à ce moment-là ?
32:34Je m'endormais,
32:34je me sentais partir.
32:35Et là, j'ai entendu ma maman
32:36en écho comme si elle était
32:37au-dessus d'un puits
32:38qui m'a dit
32:38« S'il te plaît, ma puce,
32:41ne m'abandonne pas,
32:41il ne reste que nous deux. »
32:43Et là,
32:44je ne sais pas comment expliquer,
32:45mais ça a vraiment fait
32:46une sorte de...
32:47Comme si on m'attrapait
32:49par la nuque,
32:50comme quand on attrape
32:50un chaton par la nuque
32:51comme ça
32:52et que vraiment,
32:58mais le jeu de mots
32:59est clair.
33:00J'ai vraiment eu
33:00faim de vivre
33:01où je ne sais pas
33:03par quel moyen,
33:04comment,
33:05ni comment,
33:05ni comment je vais procéder.
33:06Mais là,
33:06je vais vivre.
33:07Mais je vais vivre.
33:08Et puis,
33:09chaque seconde,
33:09de chaque heure,
33:10j'ai eu vraiment
33:11envie de vivre.
33:12C'est ouf !
33:13Et du coup,
33:13elle t'a guéri
33:14avec simplement
33:15ces phrases-là.
33:16Après,
33:16le contexte,
33:17bien sûr,
33:18tout un contexte.
33:19Mais cette sensation
33:20de force au-delà
33:22de...
33:23Ce n'était pas humain,
33:24je ne sais pas
33:25comment le décrire,
33:26mais juste,
33:26j'ai senti
33:27une lumière
33:28quelque chose,
33:28me ramener
33:29et me dire juste
33:29« Ah non,
33:30ce n'est pas maintenant.
33:31Il y a encore
33:32des choses à faire. »
33:32Bien sûr.
33:33Ta voix,
33:33elle te parlait
33:34toujours à ce moment-là ?
33:35Non.
33:35Non.
33:37Alors,
33:37bien sûr,
33:37après,
33:38dans le cheminement
33:38de guérison,
33:39de temps en temps,
33:40je pouvais entendre
33:40des petites choses
33:41me susurrer
33:41quand justement,
33:42j'allais à l'encontre,
33:44quand je faisais
33:44quelque chose de positif
33:45à l'encontre
33:46de tout le côté négatif
33:47qu'elle voulait m'apporter.
33:48Forcément,
33:48ça déblatérait un petit peu.
33:51Mais non,
33:52après,
33:52à ce moment-là,
33:53précisément,
33:53non,
33:53c'était moi
33:54et comme si,
33:55c'est bon,
33:55en fait,
33:56c'est mon corps,
33:56c'est moi qui décide.
33:57Ok.
33:58Est-ce que c'est aussi magique
33:59que ça ?
33:59Ça veut dire que
34:00hop,
34:00t'es guéri,
34:00tu te remis à bien manger
34:01du jour au lendemain.
34:03J'imagine,
34:03c'est plus compliqué.
34:04Oui,
34:04bien sûr.
34:05Qu'est-ce que c'est passé ?
34:05En fait,
34:06on aimerait que ce soit
34:06aussi linéaire
34:07et qu'après,
34:08c'est bon,
34:08les oseaux chantent.
34:09Voilà,
34:10enfin,
34:10the end.
34:11c'est ça,
34:11pas du tout.
34:12Donc,
34:12j'ai commencé à me réalimenter
34:14progressivement,
34:15bien sûr,
34:15pas solide
34:16et en me documentant
34:17sur plein d'études
34:19aux Etats-Unis,
34:20j'ai vu que malheureusement,
34:21je pouvais décéder
34:22du syndrome de renutrition
34:23inapproprié
34:24en me réalimentant.
34:26Trop vite ?
34:26C'est ça.
34:27En gros,
34:27si c'est mal fait,
34:28la plupart des anorexiques,
34:30ils meurent
34:31principalement de ça
34:32si ce n'est pas fait
34:33en bonne et due forme.
34:34Parce qu'en fait,
34:35le stomach,
34:35il ne comprend pas trop
34:35ce qui se passe et tout.
34:37C'est ça,
34:37le fait de réingérer
34:39un nutriment
34:39quel qu'il soit.
34:40D'un coup,
34:40tous les organes
34:41se remettent à être en fonction
34:43et ça peut créer
34:45un arrêt cardiaque.
34:46Est-ce que tu as fait
34:47un check médecin
34:47à ce moment-là
34:48pour faire un bilan
34:49ou pas ?
34:49Non.
34:49Non.
34:50J'ai attendu très longtemps
34:51avant de le faire
34:52et je pense que j'avais
34:52un peu peur aussi
34:53parce que dans ma tête,
34:54j'entendais toujours
34:55l'appel au téléphone
34:56au parleur
34:57qui disait
34:57qu'ils avaient autre chose
34:58à faire
34:58et qu'ils s'occupaient de moi.
34:59Donc, je me suis dit
35:00quitte à avoir envie de vivre,
35:01je vais moi-même
35:03décider de ma guérison
35:04et comment on fait
35:05et pourquoi je vais
35:05moi-même me documenter
35:06sur des études
35:08et des choses comme ça.
35:08Donc, tu as commencé
35:09à te renseigner un petit peu
35:10sur les nutriments,
35:11l'alimentation,
35:12comment te réalimenter ?
35:13C'est ça.
35:14Et du coup,
35:15ma maman est allée
35:16parce qu'à l'époque,
35:16je ne pouvais toujours pas
35:17sortir de mon lit.
35:18En pharmacie,
35:18je cherchais les petites
35:20boissons très caloriques
35:22en pharmacie,
35:23la clinutrienne,
35:23ce genre de choses.
35:24Ouais, OK.
35:25Et je les buvais à la paille
35:26parce que j'avais toujours peur
35:27de les boire one shot.
35:29Ça me faisait...
35:29Déjà, de m'alimenter de base
35:30et de savoir que
35:31dans cette boisson,
35:32je savais que ça contenait
35:32beaucoup de calories
35:33parce que les calories,
35:34c'était vraiment une notion
35:34qui faisait toujours un peu peur.
35:36C'était vraiment des petits oeufs
35:37à la paille progressivement.
35:39Et à ce moment-là,
35:39tu vois ton corps évoluer
35:41tout doucement ?
35:42Vraiment très doucement.
35:44Tu vois ça
35:44comme un truc positif ?
35:46Alors, au début,
35:47oui.
35:47Progressivement,
35:48j'ai découvert la musculation
35:50parce que quand on se renseigne
35:51sur la nutrition,
35:52syndrome de renutrition,
35:54remanger,
35:55manger,
35:56entre guillemets,
35:56sur les recherches Google,
35:57ça mène à la muscu.
35:59Quand je regarde sur Instagram,
36:00on met de l'alimentation
36:02et puis on voit que les gens,
36:03c'est soit des pratiquants
36:03de musculation,
36:04de bodybuilding,
36:05d'haltérophique.
36:06Poser les aliments,
36:07c'est que c'est une démarche.
36:08Avoir une vraie notion
36:09vis-à-vis de l'alimentation.
36:10Pas celle que j'avais néfaste
36:11à compter les calories
36:12derrière les paquets,
36:13c'est vraiment comprendre
36:14à quoi sert tel aliment,
36:15les protéines.
36:16Et du coup, c'est quoi ?
36:17Tu fais des ponts dans ta chambre ?
36:18Du coup, je me renseigne
36:19sur la muscu
36:20et je me suis dit
36:21mais tiens,
36:21et c'est là que j'étais encore
36:22un peu quand même dans mon trouble.
36:23Je peux manger
36:24sans la façon purgatoire,
36:27donc la boulimie,
36:28mais je peux compenser
36:29par de l'activité physique.
36:31Donc, je peux toujours
36:32avoir le contrôle sur mon corps
36:33et vraiment manger
36:35en quantité suffisante,
36:36tout du moins toujours progressif
36:38parce que je ne pouvais pas
36:38manger beaucoup.
36:39Je pouvais extérioriser mes démons
36:41par autre chose
36:42que de me faire vomir.
36:44Tu avais toujours besoin
36:44de contrôler, c'est ça ?
36:45Toujours.
36:45De contrôler l'alimentation
36:47et en fait,
36:47en pratiquant le sport,
36:49tu t'es dit
36:49ok, je vais pouvoir manger
36:50mais je pourrais quand même
36:51éliminer ces calories-là ?
36:53C'est ça.
36:53C'était le but.
36:54Je regardais à peu près
36:55combien équivalait
36:56mon repas en calories
36:57et j'allais faire
36:58une activité physique
36:59soit j'avais des barres parallèles
37:01à la maison
37:01où je faisais
37:02les relevés de jambes
37:03comme ça à gogo.
37:03Bien sûr.
37:04Je faisais pompe,
37:06je faisais du gainage lesté
37:07sur les chevilles.
37:08J'avais acheté plein
37:09de petits matos
37:09comme ça,
37:10je faisais livrer chez moi.
37:11Beaucoup d'abdos
37:11et j'essayais de faire
37:14des circuits sur mon tapis
37:15et j'étais encore
37:15très très bien
37:16et pourtant,
37:17je me tuais.
37:18En gros,
37:18je mangeais le matin,
37:19je faisais une heure
37:20de sport dans ma chambre
37:21non-stop.
37:21Je remangeais mon deuxième repas.
37:22Je refaisais une heure de...
37:23À chaque repas,
37:24c'était toujours
37:25fallait faire du sport
37:25dans la chambre.
37:26Donc,
37:26c'était pas une approche
37:27encore complètement saine ?
37:28Pas du tout.
37:28Pas du tout.
37:30Tu voulais éliminer
37:30ce que tu mangeais ?
37:31C'est ça tout le temps.
37:32Et puis même
37:32quand j'attendais
37:33pour faire mon café,
37:34il y avait deux comptoirs
37:35dans ma cuisine
37:36et je continuais
37:36à faire du relevé de jambes
37:37à m'appuyer dessus
37:38le temps que le café
37:38il chauffe ou qu'il coule.
37:41Toujours,
37:41je tomberais à mon compensé.
37:42Et à quel moment
37:43tu as eu cette approche
37:43un peu plus saine
37:44du sport et de l'alimentation ?
37:46Alors ça,
37:46je le dois à deux coachs
37:47que j'ai rencontrés
37:48par hasard.
37:49L'anecdote est drôle
37:50quand même
37:50parce que je me renseignais
37:51sur les protéines,
37:52les lipides,
37:53tous les macronutriments.
37:54Un jour,
37:54je me suis dit
37:55tiens,
37:55je trouve que...
37:56En analysant mon corps,
37:58je me disais
37:58je trouve que
37:59je n'ai pas de muscles.
38:00Je ne me trouve pas musclée.
38:02Je trouve que ça fait
38:03très flat,
38:04la peau...
38:05En plus,
38:05quand tu as anorexique,
38:06tu as la peau sur les os
38:07donc il n'y avait pas
38:08de jolie forme
38:10d'une certaine manière.
38:12Je me suis dit
38:12tiens,
38:13qu'est-ce qu'on associe
38:14aux muscles
38:14à la protéine ?
38:15Ok,
38:15mais la protéine,
38:16j'ai toujours peur
38:17de manger des quantités
38:18de poulet
38:18ou du saumon.
38:19J'avais très peur
38:20de manger ça.
38:21Comment je peux
38:22toujours boire
38:23mes calories ?
38:24La protéine en poudre.
38:26Je me renseigne,
38:26je regarde sur Toulouse,
38:28boutique de compléments alimentaires.
38:29Je tombe sur une boutique
38:30de compléments
38:30qui s'appelle
38:31Anatomic Body
38:32qui aujourd'hui n'existe plus.
38:33Elle est à Colomiers.
38:34Et en fait,
38:35à cette période-là,
38:36il y avait une marque
38:37qui était tout de suite émergente
38:39et il y avait un goût cookie.
38:41Je te coupe,
38:41pardon,
38:41toi,
38:42tu as grandi à Toulouse,
38:42c'est ça ?
38:43À Poitiers.
38:44À Poitiers,
38:44ok,
38:44parce que tu parles de Colomiers
38:45et tout,
38:45parce que je grandis à Puyrac
38:46qui m'ont à côté.
38:47Donc le monde des pieds,
38:48non,
38:48c'était parallèle,
38:49je connais très bien Colomiers
38:50et Puyrac,
38:51très bien Tournefeuille,
38:52tout le coin là-bas.
38:53Je connais parce que
38:53j'ai quand même resté
38:5410 ans à Toulouse,
38:55mais sinon je suis né à Poitiers.
38:56Ok,
38:56ça c'est entre nous,
38:58d'accord,
38:58revenons à la vidéo,
38:59pardon,
38:59est-ce qu'ils voient ?
38:59Donc protéine en poudre.
39:01Je vois qu'il y a de la protéine en poudre
39:02et qu'ils en vendent une,
39:03goût cookie.
39:03Et en fait,
39:04sur les réseaux sociaux,
39:04cette marque,
39:05je voyais qu'elle commençait
39:05à être de plus en plus
39:06exponentielle
39:06et en fait,
39:07c'est très propre à l'anorexie aussi,
39:09mais moi,
39:10je voulais celle-là.
39:11C'est-à-dire que c'est comme le contrôle.
39:13Mon contrôle,
39:13d'être décidé,
39:14non,
39:14je ne veux pas une autre marque,
39:15je ne veux pas la vanille,
39:15je ne veux pas,
39:16je veux celle-là.
39:17Donc il me faut celle-là.
39:18Et donc j'appelle la boutique
39:20et je leur dis,
39:21bonjour,
39:22est-ce que vous avez la protéine ?
39:24Oui, oui, oui, on l'a.
39:26Est-ce que vous pouvez me la réserver un pot ?
39:27Personne ne réserve un pot.
39:28Personne n'appelle pour réserver un pot,
39:30sauf que moi,
39:30je ne voulais pas la déception,
39:32la frustration de me dire,
39:33je me déplace.
39:34En plus,
39:34j'étais encore très très maigre.
39:35C'était un effort aussi pour toi.
39:37Je me déplace,
39:38je prends le bus
39:38et en plus,
39:39je me montre
39:39parce que je n'étais toujours pas beaucoup sorti
39:41et qu'il n'y en ait pas.
39:42Et puis moi,
39:43ça m'aurait fait péter un câble,
39:46clairement.
39:46Donc moi,
39:46il me dit,
39:47ok,
39:47je la mets de côté,
39:47ok,
39:47non,
39:48Tiffany,
39:48tout ça.
39:48Donc je dirais que je lui dis à maman,
39:50je vais prendre le bus
39:50et je vais chercher ma protéine.
39:52Enfin,
39:52on sait que les parents,
39:53ils sont un peu réticents
39:54quand on parle de cratine,
39:55de protéines.
39:56Ça fait peur un peu pour les parents.
39:57Non, juste,
39:57elle s'est dit,
39:58ok,
39:59je vois qu'elle gère ce qu'elle fait.
40:00D'une certaine manière,
40:01elle se documente,
40:03elle a envie de s'en sortir.
40:06Donc je lui fais confiance,
40:06je lui laisse y aller.
40:07Je passe la porte,
40:08je tombe sur deux Golgoth,
40:09bodybuildés,
40:11vraiment énervés.
40:14Sauf que moi,
40:15j'ai des couches
40:15et des couches de vêtements.
40:16Je sais à peine me déplacer,
40:18vraiment,
40:18je marchais petit bout par petit bout.
40:20Je me rappellerai toujours
40:21leur tête ébêtée
40:21quand ils m'ont vu rentrer.
40:23Ils m'ont regardé en mode,
40:24oui,
40:24vous voulez quoi ?
40:25Pourquoi vous êtes là ?
40:26Et je dis,
40:26c'est moi qui ai appelé
40:27pour le pot de prot.
40:28Ah d'accord,
40:29vous ne voulez pas vous asseoir ?
40:30Vous ne voulez pas du gaineur,
40:31directement ?
40:32Ils m'ont proposé de m'asseoir et tout.
40:35Puis en fait,
40:35de fil en début,
40:36comme on le fait là,
40:37je leur raconte mon histoire.
40:38Parce que de leur vie,
40:39ils n'ont jamais vu
40:40quelqu'un d'anorexique venir
40:41parce que j'étais encore
40:41très émaciée du visage.
40:43À ce moment-là,
40:43je les ai simplement regardées
40:44après avoir plus ou moins
40:46énuméré le récit
40:47et je leur ai dit,
40:48vraiment,
40:49comme un petit enfant peuré,
40:50je leur ai dit,
40:50s'il vous plaît, aidez-moi.
40:52Ah ouais ?
40:52Ouais.
40:53Mais en fait,
40:53c'était bizarre
40:53parce que ce n'était pas la voix
40:54de la Tiffany confiante
40:56qui vient,
40:57je viens chercher mon pot de protéines,
40:58tu as ce masque un peu
40:59que tu essayes de mettre en société
41:00pour montrer que tu es fort.
41:01Là, c'était vraiment
41:02la vulnérabilité pure
41:03de leur dire,
41:04là, je sens que j'essaie
41:05de faire bien
41:05mais je ne fais pas bien
41:06et je compense quand même
41:07en faisant tout ce que je fais
41:08dans ma chambre
41:09et que je ne vais pas ressentir.
41:10J'ai quand même envie de vivre
41:10donc aidez-moi.
41:11Oui, tu les as vus
41:12comme des professionnels
41:13qui pouvaient vraiment
41:14t'aider là-dessus.
41:14C'est ça.
41:15Sauf que je n'avais pas un rond,
41:17je n'avais rien.
41:18On n'en a pas parlé,
41:18mais à ce moment-là,
41:19tu avais quel âge ?
41:20J'avais 21.
41:22Tu étais étudiante,
41:23tu avais arrêté l'école ?
41:24J'ai arrêté l'école en 4e.
41:25Ah oui, ok.
41:26On n'a pas parlé de ça,
41:27mais ok,
41:27tu as arrêté l'école en 4e.
41:28J'ai arrêté l'école en 4e.
41:29J'ai failli passer par le CNED,
41:30sauf que c'était trop compliqué
41:32les démarches,
41:33mais j'ai fait une faubie scolaire
41:33ce qui a fait que
41:34j'ai arrêté l'école en 4e.
41:35Vraiment, je me fiais dessus
41:36devant le portail.
41:38Littéralement.
41:38C'est arrivé, quoi ?
41:39Oui, ça m'est déjà arrivé.
41:40De stress et de peur.
41:43D'être confronté
41:44aux autres élèves,
41:45aux profs ?
41:45Pas les profs,
41:46parce qu'après,
41:47tout dépend.
41:47Je pouvais avoir des notes
41:48à géométrie variable.
41:49Selon les profs,
41:50des fois,
41:50il y avait des remplaçants
41:51de français
41:51qui étaient, désolé,
41:52mais plus pédagogues
41:53et compétents.
41:54Du coup, mes notes
41:55pouvaient être plus élevées.
41:56Ça, c'est quand on est enfant,
41:57souvent.
41:57Si on aime bien le prof,
41:59on aura des bonnes notes.
41:59Si on n'aime pas le prof,
42:00on aura des mauvaises notes.
42:01Je peux comprendre.
42:02J'ai eu ce petit passage
42:03où on avait déménagé
42:05parce que j'étais de Poitiers.
42:06On a déménagé
42:07dans un tout petit village
42:08à Cossade.
42:08Ok, bien sûr,
42:09je connais.
42:10Sauf que moi,
42:10je ne me suis pas du tout adaptée.
42:12C'était des collégiens
42:13qui se connaissaient
42:14depuis le primaire.
42:15Moi, j'arrivais.
42:16En plus, j'avais mes troubles.
42:17Je n'étais pas une enfant.
42:18Ça faisait beaucoup.
42:19Ça faisait beaucoup.
42:20Donc, ça a créé un stress.
42:22Et pourtant,
42:22j'adorais l'école.
42:23J'adorais m'instruire.
42:23Ce qui a fait que même
42:24si je n'avais pas fait
42:25le processus du CNED,
42:26je continuais à m'instruire
42:27à la maison.
42:28Je suivais à peu près le cursus.
42:29Je me disais
42:29« Ok, là, je suis censée
42:30être en troisième.
42:31Donc, en troisième,
42:32on étudie ça.
42:32Ok, je vais chercher tel bouquin. »
42:34D'accord.
42:34Donc, tu es arrivée
42:34à être sérieuse chez toi
42:36et tu travaillais chez toi
42:37la journée.
42:37Donc, tu dis au bodybuilder
42:38« Aidez-moi. »
42:39Ouais, aidez-moi.
42:40Et alors, à ce moment-là,
42:41je ne sais pas,
42:41c'est le messie.
42:42Il commence à me donner
42:43le shaker anatomic body,
42:45la serviette,
42:46tous les goodies
42:46qui étaient propres à ça.
42:48Ils m'ont dit
42:48« Demain, ou je ne sais plus,
42:49c'était trois jours,
42:50deux ou trois jours après peut-être,
42:51tu nous fais ton bilan,
42:52photo comme ça
42:53et on démarre à suivi.
42:55Et on ne veut rien.
42:56Juste, on s'occupe de toi. »
42:57C'est bien, c'est bien.
42:58Sauf qu'eux,
42:58ils n'y connaissaient rien
42:59en troubles alimentaires,
43:00en anorexie.
43:01Tu coaches pas quelqu'un
43:02de lambda
43:03comme tu coaches
43:04quelqu'un qui est anorexique.
43:05C'est ça.
43:05Et puis surtout,
43:06moi, j'étais encore très menteuse.
43:07Par exemple, dans la diète,
43:08ils m'avaient mis peut-être,
43:09je ne sais pas,
43:1030 grammes de riz
43:10parce que moi,
43:11je remplaçais par du riz de Conjac.
43:12Ok, tu trouvais des petites astuces
43:14comme ça.
43:14Ouais, ouais.
43:15Ouais, le Conjac,
43:15il y a zéro calorie dedans.
43:17Du coup,
43:17quand ils m'ont proposé le suivi,
43:18je me rappelle,
43:19pour moi,
43:20c'était merci.
43:21Vraiment merci
43:22parce que déjà,
43:23ça pouvait me permettre
43:23de délester mon mental
43:25et de le donner
43:26à quelqu'un d'autre.
43:27En sortant,
43:27il y avait de l'arrêt de bus
43:28juste en face de la boutique.
43:29J'appelle ma maman
43:30et là, je m'effondre en peur
43:31et je dis
43:31« Maman, c'est bon,
43:32je vais m'en sortir pour de vrai. »
43:33Putain, ouf.
43:34Alors que pourtant,
43:35je ne les connaissais pas
43:36qu'en vrai,
43:37ils auraient pu faire de la merde.
43:39Ils auraient pu faire pire.
43:40Bien sûr,
43:40tu aurais pu tomber
43:41sur des mauvais coachs.
43:42Oui, ils auraient pu
43:42ne pas me prendre au soleil
43:43mais en fait,
43:44ils ont eu un tel...
43:45Enfin, des grands frères
43:46et aujourd'hui,
43:46je leur parle.
43:47Ou tu as gardé contact
43:48avec eux et tout aujourd'hui ?
43:49Toujours.
43:49C'est vrai,
43:49l'histoire est belle
43:50parce qu'effectivement,
43:50tu aurais pu trouver
43:51quelqu'un qui te dit
43:52« Mange, prends du gainer,
43:54il faut qu'on d'avoine à fond
43:55pour prendre de la masse. »
43:56C'était vraiment santé.
43:57Ils me donnaient des compléments
43:59donc vitamine C, zinc,
44:01vitamine D3, K2,
44:02ce genre de choses.
44:02Ouais, t'as pas sur les bonnes personnes.
44:04Ah ouais.
44:04Et vraiment,
44:11et j'étais tellement heureuse
44:12d'être dans...
44:13Enfin, comment dire ?
44:14D'un groupe ?
44:14Ouais, d'être choisi.
44:17C'est qu'on m'ait choisi,
44:17qu'on m'ait tendu la main
44:18à ce moment-là
44:19et que ce ne soit même pas
44:19des gens de personnes hospitaliers.
44:21C'était des personnes
44:22que je n'aurais même pas soupçonnées.
44:23Ouais, bien sûr.
44:23Et qu'on m'offre tout comme ça,
44:25de l'aide.
44:26Enfin, quand on t'offre de l'aide,
44:27en fait,
44:27c'est comme si on t'offrait tout
44:28sur un plateau d'argent.
44:29Tu te sens pleinement heureux.
44:31Donc moi, je me rappelle,
44:32le t-shirt,
44:32je le portais tout le temps.
44:33Quand je me filmais,
44:34parce que sur mon compte Instagram,
44:35je me suis filmée
44:36faire mes exercices,
44:37j'avais le t-shirt à chaque fois,
44:38je les identifiais,
44:39j'étais trop contente d'appartenir.
44:40Ouais, comme si tu avais un côté,
44:41tu étais sponsorisé un petit peu,
44:43il y avait un côté...
44:43Ouais, t'avances, quoi.
44:44J'avais la reconnaissance, en fait,
44:45de leur dire,
44:45vous m'avez choisi,
44:46je vais vous montrer
44:47que je suis capable de le faire.
44:48Même si j'avais toujours du mal
44:49à manger ce qu'ils me disaient de faire.
44:50Je me faisais aussi un peu engueuler
44:51par Mathieu
44:52parce que je faisais trop de steps encore.
44:54Ok, ok.
44:54Beaucoup, et à chaque fois,
44:55ils me disaient
44:55mais c'est pas possible,
44:56tu finis de faire 30 000 pas.
44:58Est-ce que ça t'a fait du bien
44:58de te faire un peu réprimander,
45:00contrôler par des gens
45:01plus compétents que toi ?
45:02Ah oui.
45:02Parce qu'il a été besoin
45:03d'avoir aussi quelqu'un
45:04qui était plus compétent
45:05et qui te disait
45:06ou qui te rende dedans.
45:06Ouais, qui me rende dedans.
45:07J'avais besoin
45:07qu'il y ait un cadre,
45:08une structure
45:09et qu'on me dise
45:10ah oui, non, mais tu fais de la merde.
45:11C'est pas ça.
45:12Faut pas faire ça.
45:13Et justement,
45:13comme je suis fille de militaire
45:14et que ma maman,
45:15elle a toujours été un peu comme ça
45:16mais pas avec ses enfants.
45:18Enfin, pas trop.
45:18T'as dit que t'es fille de militaire ?
45:19Oui.
45:19Ok, ok.
45:20Mon papa était dans la marine
45:22et ma mère était dans l'armée de terre.
45:23D'accord, ok, très bien.
45:24Avec du grand chef.
45:24Et comme ma maman
45:25elle ne voulait pas trop
45:25être décisionnaire
45:26sur ces choses-là,
45:27je retrouvais un peu
45:28ce goût-là avec eux
45:29et puis juste,
45:31j'étais en confiance,
45:31je savais que je pouvais
45:32tout leur dire.
45:33Bien sûr.
45:34Et puis je leur écrivais.
45:34Enfin, moi je suis très littéraire
45:35donc j'écrivais.
45:36Dans mes retours de bilan,
45:37j'écrivais des pavés.
45:38Quand on en reparle des fois,
45:38ils me disaient
45:39des fois, tu me disais des trucs.
45:40On n'avait pas besoin
45:41de savoir tout ça
45:41mais j'avais besoin de parler en fait.
45:43D'extéroïser en fait.
45:44Et c'était vraiment des amours
45:45parce qu'ils ne se disaient pas
45:46c'est chiant, c'est fatigant.
45:48Ils auraient pu bien sûr.
45:49Et ils étaient vraiment
45:50100% à l'écoute tout le temps.
45:51Et t'as commencé du coup
45:52à aller en salle de sport aussi après ?
45:54Oui, j'ai commencé,
45:55je suis allée à intervalles
45:56les premiers temps
45:57et je suis partie parce que
45:58il y a eu des plaintes
46:00quand je me mettais en brassière.
46:01Trop maigre.
46:03J'étais trop maigre
46:03et ça a dérangé visuellement.
46:05Ok, putain.
46:06Et du coup, je suis partie.
46:07Ensuite, j'ai acheté
46:08une sorte de grosse machine
46:09à mettre dans ma chambre.
46:11Ça, c'était une sacrée aventure aussi.
46:12C'était quoi comme machine ?
46:13Alors, c'était une machine
46:14qui faisait à la fois
46:14du tirage vertical,
46:15tirage horizontal
46:16et leg extension.
46:17Ah oui, les premières machines
46:18de muscu un peu comme ça.
46:19Oui, ça, ça, ça.
46:20Ouais, je vois très bien.
46:21J'avais ça dans ma chambre.
46:21Ma chambre qui n'est pas bien grande
46:22mais j'avais ce gros truc
46:23dans ma chambre.
46:24Ok, ok, marrant.
46:24Du coup, j'ai commencé
46:25à m'exercer avec ça.
46:27Ok.
46:27Et après, j'ai rencontré
46:28une amie qui était coach
46:30que je suivais sur les réseaux sociaux
46:31et elle m'a emmenée à Basic Feet.
46:32Je me suis inscrite là
46:33et j'ai principalement évolué là-bas.
46:35T'as rencontré des gens
46:35qui partageaient
46:36les mêmes sens d'intérêt que toi.
46:37C'est ça.
46:38C'était aussi une façon
46:38de parler, etc.
46:40Et puis, le coach
46:42en titre là-bas
46:43parce que du coup,
46:44chaque salle a son propre coach.
46:45C'était devenu un ami.
46:47On discutait souvent.
46:48Des fois, il me corrigait
46:49sur mes exercices.
46:50J'avais toujours une prog
46:51faite par Frédéric et Mathieu
46:52à ce moment-là.
46:52Ok, c'est trop bien.
46:53Combien de temps
46:54ça a pris
46:55pour qu'en fond,
46:56tu te sentes bien dans ton corps,
46:57que visuellement,
46:58ça te plaise ?
46:59Avant que je rencontre Samuel
47:00en 2022.
47:01Ton chéri actuel.
47:02Oui, mon chéri actuel.
47:03En un an et demi,
47:03je t'ai passée de 25 kg.
47:05Ah non, en deux ans,
47:05je t'ai passée de 25 kg, pardon,
47:07à 73 à mon plus haut.
47:08Waouh !
47:09En deux ans,
47:09tu es passée de 25 à 73 ?
47:10Oui.
47:11Waouh !
47:11Ça, c'est quand j'étais avec Samuel
47:12que j'ai atteint mon poil plus haut.
47:14En fait, il m'a vraiment appris
47:15à vivre pour le coup.
47:16Quand tu disais vivre,
47:16c'est aller au restaurant ?
47:17Oui, parce que quand on s'est rencontrés,
47:19moi, j'étais encore très carré
47:20dans ma diète,
47:21je ne faisais pas
47:21beaucoup de repas off.
47:22Ok, un peu orthorexie,
47:23contrôle, ouais.
47:24Je ne m'autorisais pas
47:25ce plaisir-là,
47:27d'une certaine manière,
47:27même si j'en avais peut-être envie.
47:28Pour moi, il n'y avait pas
47:29la nécessité d'eux.
47:30Donc, je ne le faisais pas.
47:31Et c'est vrai que
47:31quand on s'est rencontrés,
47:33deux semaines après,
47:34on s'est retrouvés
47:34sur le bateau de son papa
47:35et là, il n'y a pas de salle.
47:36Pas de salle,
47:37pas de diète,
47:39enfin, c'est en Grèce,
47:40donc pas trop de diète.
47:41Après ça, on mange bien,
47:42c'est méditerranéen.
47:43On mange bien,
47:43mais c'était là.
47:45Pas comme tu voulais.
47:45Voilà, ça me mettait
47:46un peu à rue d'épreuve
47:47et je me suis dit,
47:47mais en fait,
47:48c'est là mon challenge.
47:49Du coup, pour voir si vraiment
47:50je suis sortie
47:52de la plupart de mes troubles,
47:53il faut que je passe
47:53par l'extrême inverse
47:54d'une certaine façon
47:55pour apprendre à m'accepter.
47:57On me dit que ça va,
47:58que ce n'était pas fou,
47:59mais moi, des fois,
48:00quand je me regarde,
48:00je ne me serais jamais crue
48:01capable de monter si haut.
48:03Même visuellement,
48:03on voit que je suis plus bouffie.
48:05Ça, je faisais de la musculation
48:06à côté.
48:06Parce que tu étais en prise de masse
48:07à ce moment-là ?
48:08Oui, je suis en prise de masse.
48:08Tu avais cet objectif
48:10de prise de masse ?
48:10Oui, j'avais cette notion
48:11de prise de masse.
48:12Oui, bien sûr,
48:12c'est pour ça.
48:14Puis, je n'avais pas
48:15la maturité musculaire
48:16pour qu'après,
48:17en faisant une sèche,
48:19il y ait beaucoup de choses
48:20en dessous.
48:20C'est pas grave,
48:21c'est une première approche,
48:22une première année.
48:22C'est une première approche
48:23et puis,
48:24je me sentais bien.
48:24J'allais au resto,
48:25je ne regardais pas la carte
48:27à l'avance
48:28pour me dire
48:28« Ok, je contrôle
48:29ce que je vais manger.
48:30C'est, je vois la carte
48:31à l'instant T.
48:32Il y a ça et ça
48:32qui me font vie,
48:33je prends ça et ça. »
48:34Oui, c'est ouf.
48:34Et ça, c'était
48:35la liberté.
48:37Oui, le travail qu'il y a eu,
48:39c'est que ça paraît
48:39anodin pour beaucoup
48:40de personnes
48:41qui ont regardé la vidéo.
48:41Ça paraît tout simple
48:42de choisir comme ça,
48:43mais c'est un travail
48:44qui a pris des années.
48:44Oui, à la fois,
48:45ça l'est aussi simple,
48:46c'est-à-dire qu'il faut
48:47se faire violence.
48:48Moi, vraiment,
48:49il y a des moments
48:49où je n'ai pas fait
48:50de travail en amont.
48:52C'est que Tiffany,
48:52je me faisais violence
48:53à moi-même
48:53ou des fois que je me parlais
48:54à moi, je me disais
48:55« Mais tu as choisi
48:55de vivre ma vie ? »
48:56Enfin, c'est des phrases
48:57toutes simples et toutes faites,
48:58mais finalement,
48:59pourquoi aller chercher
48:59plus loin ?
49:00Oui, c'est vrai.
49:01C'est moi qui détenais
49:02ma propre guérison,
49:03c'est moi qui détien
49:03tous mes propres choix
49:04de vie futurs.
49:05Bien sûr.
49:05Et si à ce moment-là,
49:06j'ai décidé que je voulais ça,
49:07prends-le.
49:08Et aujourd'hui,
49:09c'est quoi ton rapport,
49:10toi, du coup,
49:10à l'alimentation,
49:11au sport,
49:12à ton corps ?
49:13Alors aujourd'hui,
49:13je me sens trop bien.
49:14Je me sens super bien.
49:16Puis comme je pratique,
49:17alors je ne suis pas
49:18l'alimentation
49:18mais le bodybuilding,
49:19donc c'est encore
49:19une autre chose.
49:20Mais j'ai un autre suivi
49:22avec un autre préparateur
49:23qui me prépare
49:24pour une compétition en 2026.
49:25Sachant que j'en ai déjà
49:26fait une en 2023.
49:28Et d'ailleurs,
49:28l'anecdote pour cette compétition-là,
49:30ce n'était pas du tout
49:30à des fins compétitives justement.
49:33C'était vraiment parce que
49:34j'ai commencé un peu à avoir...
49:35Enfin, mes réseaux
49:35étaient de plus en plus exponentiels.
49:37Vous voyez beaucoup de gens
49:37qui me disaient
49:38que j'étais un exemple.
49:39Oui, vis-à-vis de ton combat.
49:41Tu as porté du soutien,
49:42que j'étais un modèle,
49:44que j'incarnais l'espoir,
49:44ce genre de choses.
49:45Et moi, ces mots forts,
49:46je me suis dit
49:47mais ils savent de quoi ils parlent.
49:49Est-ce que c'est vrai ?
49:50Est-ce que je ne me mens pas
49:51encore à moi-même ?
49:52Et en fait,
49:52dans quel état,
49:53moi, consciencieusement,
49:54je peux me mettre
49:55pour défier un peu mon trouble
49:57de l'époque ?
49:58Ok.
49:58Faire une compétition.
49:59Oui, c'est vrai.
50:00Certes, je me tirais
50:00une balle dans le pied
50:01parce que je ne pouvais pas être sûre
50:03du post-compétition
50:04comment ça allait se passer.
50:04Oui, tu aurais pu retomber
50:05dans des TCA.
50:07De même tellement m'apprécier
50:08en phase de sèche
50:09de vouloir rester
50:10dans cette phase-là.
50:11Oui, c'est facile.
50:11Et en fait,
50:12c'est tellement bien passé
50:13que pas du tout.
50:14Parce qu'il y a beaucoup de filles
50:15qui font des compétitions
50:16qui tombent dans les TCA
50:16et tout après.
50:17Donc, il faut faire attention
50:18et être bien suivi
50:19par un bon coach.
50:19Et moi, à l'époque,
50:20c'était mon conjoint Samuel
50:21qui me suivait.
50:22C'était compliqué
50:22parce qu'il avait le rôle
50:23de conjoint, de coach.
50:25Il y avait mes antécédents derrière.
50:27Surtout qu'il y avait
50:27un très petit laps de temps
50:29entre moi,
50:29ce que j'escomptais visuellement
50:30quand même
50:31pour une première compétition,
50:32ce que mon corps
50:32voulait bien faire
50:33parce que c'était
50:34des délais très courts
50:35entre mes 25 kg,
50:36mes 73 kg
50:37et la compétition.
50:38Oui.
50:39Donc, mon corps,
50:39à partir d'un certain palier,
50:41il a dit
50:41on va où là ?
50:42Prends une décision,
50:42vous voulez avoir fait quelque chose.
50:43En fait, j'ai senti
50:44que j'avais vraiment
50:45un palier de stagnation maximale.
50:47Donc, c'était frustrant
50:48parce que moi,
50:48je faisais tout à 100%.
50:49Mon poids ne bougeait plus.
50:50Et je me suis dit
50:51ah, moi, du coup,
50:52dans mon cheminement,
50:57tu ne le fais pas pour ça,
51:00tu le fais pour être sûr
51:01que tu n'as plus aucun trouble alimentaire.
51:03Et ça, ça s'est avéré vrai
51:04puisque mon post-compétition
51:05s'est super bien passé.
51:06Je n'avais pas envie
51:07de choses sales
51:08comme c'est le cas
51:09pour beaucoup de gens.
51:09Ouais, tu fais un gros cheat meal
51:10après, etc.
51:12Pas du tout.
51:12Moi, j'avais un désir.
51:13J'ai demandé à une fille
51:14spécifiquement
51:15de me faire un cookie
51:16chocolat noir 90%,
51:17fleur de sel
51:18et du peanut 100% peanut.
51:20Tuerie.
51:21Ouais, un maison, ça.
51:22Et après,
51:23toutes mes assiettes
51:24post-compétition,
51:25je ne pesais pas.
51:25J'ai fait vraiment
51:26100% intuitive.
51:27Ok.
51:28Et j'avais trop envie
51:29de bons lipides,
51:30d'avocat,
51:30de saumon,
51:31de pinot.
51:31C'est bien, c'est bien.
51:32Tu aurais pu te remettre
51:32du sucre, du sucre.
51:33Ouais, j'avais envie
51:34de patates douces,
51:35mais en abondance par contre.
51:37J'avais plus envie de ça.
51:38J'ai pris 8 kilos
51:39post-compétition
51:39en 2023
51:40et après,
51:41j'ai fait tout le reste
51:42en intutile
51:43pendant un an et demi.
51:45Et c'est là,
51:45depuis octobre 2024
51:46que j'ai un suivi
51:47avec un préparateur.
51:48Ok, là,
51:48tu te reprépares
51:49pour la prochaine compétition
51:50en 2026.
51:51Wow, quel parcours.
51:52Déjà,
51:54je pense qu'on peut
51:54t'applaudir.
51:55Bravo !
51:55Merci.
51:56Impressionnant, hein ?
51:57Wow !
51:57Une question qui me vient
51:58comme ça à l'esprit.
51:59Qu'est-ce que tu dirais
51:59aux personnes
52:00qui sont anorexiques
52:01ou qui s'en rendent pas compte ?
52:02Qu'est-ce que tu aurais aimé entendre ?
52:04Peut-être pour t'aider
52:05ou avoir un déclic ?
52:07Moi, j'aurais aimé entendre
52:08que je ne suis pas une anomalie.
52:09Ça a du sens, en fait,
52:11ce que je suis en train de faire,
52:13mine de rien,
52:13et qu'on peut s'en sortir.
52:15En fait,
52:16avec la bonne écoute,
52:18et en fait,
52:18c'est ça aussi
52:19qui est simple,
52:20c'est être écouté.
52:21Parce qu'on peut parler
52:22à plein de gens,
52:22sauf que les gens,
52:23ils ne nous écoutent pas tous forcément.
52:24Et c'est là que ça peut poser problème
52:26parce que c'est des conversations stériles
52:27qui n'aident personne.
52:29Et moi, c'est ça
52:29que j'avais besoin à ce moment-là.
52:31Et qu'on me dise vraiment
52:32que je ne suis pas un problème.
52:33Je ne suis pas un problème,
52:34je ne suis pas une anomalie,
52:34je mérite de vivre
52:35comme tout le monde.
52:36Et j'ai ma propre construction à faire.
52:38Et que vraiment,
52:39ce n'est pas, entre guillemets,
52:40condamnable.
52:42Je ne suis pas une cause perdue.
52:43Parce que ça,
52:43c'est quelque chose
52:43que j'ai beaucoup entendu.
52:44Et je pense aussi
52:45que beaucoup d'anorexiques
52:46l'entendent.
52:47Et pour les parents,
52:48les parents qui voient leurs enfants
52:49en train de perdre du poids
52:51et certainement dans l'anorexie,
52:53qu'est-ce que tu aimerais leur dire
52:54pour qu'ils puissent aider
52:55et qu'ils n'arrivent pas
52:56à aider leurs enfants
52:56et pourtant, ils le veulent ?
52:57Qu'est-ce qu'ils peuvent faire,
52:58ces parents ?
52:59Moi, je pense qu'il ne faut
53:00pas être dans le jugement
53:02vis-à-vis de comment l'enfant
53:04se comporte.
53:05De toujours faire en sorte,
53:06comme je disais,
53:07d'être dans l'écoute,
53:08d'essayer de comprendre,
53:09même si c'est difficilement
53:11compréhensible pour la plupart
53:12parce que quand tes parents,
53:14justement,
53:14selon les époques,
53:16manger, c'était une enrée rare.
53:17Donc pourquoi tu vas te priver
53:18de manger ?
53:19Mais quand l'enfant
53:19fait ce genre de choses,
53:21il faut vraiment
53:21ouvrir le dialogue
53:23de manière saine.
53:24C'est vraiment d'ouvrir
53:25un espace où la personne
53:26ne peut communiquer
53:27sans se sentir jugée.
53:28C'est le plus important.
53:30Merci beaucoup, Tiffany,
53:31pour ton super témoignage.
53:33J'espère que cette vidéo
53:34aidera plein de personnes
53:35à s'en sortir.
53:37Merci encore.
53:38Merci à toi.
53:38Aujourd'hui, je suis coach
53:40spécialisée dans les troubles
53:41du comportement alimentaire.
53:42C'est un vrai tournant
53:43dans ma vie
53:43parce que j'ai longtemps
53:44été de l'autre côté.
53:45Alors pouvoir aujourd'hui
53:46accompagner des personnes
53:48sur ce chemin,
53:48c'est une fierté
53:49et c'est surtout un immense sens
53:51que je donne à ce que j'ai traversé.
53:52Je veux remercier
53:53toutes les personnes
53:53qui me suivent,
53:54qui m'envoient de la force,
53:55du soutien.
53:56Vous n'imaginez pas
53:57à quel point ça compte.
53:58Ça me pousse à continuer,
53:59à rester vraie
54:00et à ne jamais oublier
54:01pourquoi je fais tout ça.
54:02Merci du fond du cœur
54:03et merci à Thibaut
54:04pour cette opportunité.
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