Le contresens des Français sur l'intelligence artificielle [Alexandre Boulègue]

Xerfi Canal

Dès qu’on évoque l’intelligence artificielle, la conversation dérape en grand spectacle : entre ceux qui y voient l’aube d’une ère transcendante et ceux qui annoncent la fin de l’humanité. Mais derrière ces réactions opposées se cache un malentendu commun : la mauvaise compréhension du mot “intelligence”. Un contresens culturel, linguistique et symbolique. [...]

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00:00Dès qu'on évoque l'intelligence artificielle, la conversation dérape en grand spectacle.

00:14Entre ceux qui y voient l'aube d'une ère transcendante et ceux qui annoncent la fin de l'humanité.

00:20Mais derrière ces réactions opposées se cache un malentendu commun,

00:23la mauvaise compréhension du mot « intelligence », un contresens culturel, linguistique et symbolique.

00:31Dans la langue de Shakespeare, « intelligence » renvoie d'abord à la collecte d'informations,

00:36au renseignement stratégique, comme dans « Central Intelligence Agency ».

00:41Il s'agit de capter, trier, interpréter des données,

00:44rien à voir avec la pensée complexe, la créativité ou la conscience.

00:48L'intelligence anglo-saxonne est instrumentale, pas intellectuelle.

00:55Elle relève davantage du traitement de signaux que de la profondeur d'analyse.

01:00Chez nous, l'intelligence est le joyau de l'esprit.

01:03C'est la capacité de comprendre, de raisonner, d'abstraire.

01:07Elle a une valeur quasi sacrée.

01:09Elle désigne la finesse, la réflexion, l'originalité.

01:13D'où un glissement immédiat.

01:15Quand on entend « intelligence artificielle »,

01:18on imagine une machine capable de penser comme un humain,

01:21de rivaliser avec nos facultés supérieures.

01:25C'est une projection culturelle, pas une réalité technologique.

01:29C'est là que le contresens devient dangereux.

01:32L'IA ne comprend pas.

01:33Elle ne sait ni ce qu'elle fait, ni pourquoi elle le fait.

01:37Elle corrèle des données, optimise des fonctions,

01:40applique des modèles probabilistes.

01:42Elle n'a pas de subjectivité, pas d'intention.

01:44Elle exécute, point.

01:46Et cela suffit pour en faire un outil puissant,

01:49mais certainement pas une conscience émergente.

01:53Chez les anglo-saxons, l'IA est vue comme un assistant,

01:56un amplificateur, une technologie utile.

01:59Personne ne s'imagine qu'un chatbot va remplacer Spinoza.

02:03En revanche, ils investissent, bâtissent, déposent des brevets.

02:06En France, nous projetons nos fantasmes dans la machine.

02:09Résultat, nous théorisons beaucoup, mais nous prenons du retard.

02:13L'enjeu n'est pas métaphysique, il est stratégique.

02:17Pendant qu'on disserte sur l'âme des algorithmes,

02:20les autres prennent le contrôle des plateformes, des standards et des données.

02:24La solution ?

02:25Démythifier le mot.

02:27Il ne s'agit pas d'intelligence, mais d'automatisation sophistiquée.

02:31L'IA ne pense pas, elle l'exécute.

02:34Ce n'est pas un surhomme numérique, c'est un système technique.

02:37Il serait temps de cesser de nous incliner devant un mot mal traduit.

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