- 07/07/2025
Catégorie
😹
AmusantTranscription
00:00Chapitre 1
00:01Lequel débute comme un proverbe de M. Alfred de Musset
00:06et où le lecteur apprendra que les Provençaux sont les seuls à savoir rire d'eux-mêmes
00:11avec un esprit particulier qu'il nomme la galéjade.
00:17L'homme entra et laissa grande ouverte derrière lui la porte de l'auberge.
00:22Il était vêtu de toile, guêtre de toile, chaussée d'espadrille.
00:26Il était grand, svelte, bien pris.
00:28Ce paysan avait dans sa démarche une profonde distinction naturelle, on ne savait quoi de très digne.
00:35Il avait un visage allongé, le cheveu rat, un peu crépu,
00:39et sous une barbe sarrasinée, courte, légère, frisottée, on sentait la puissance de la mâchoire.
00:46Le nez, fort, n'était pas droit, sans qu'on pût dire qu'il fût recourbé.
00:51De la lèvre inférieure au menton, son profil s'achevait en une ligne longue, comme escarpée, coupée à la hache.
00:57Sous sa lèvre, la mouche noire s'isolait au milieu d'une petite place libre, de peau roussi, d'un rouge brun de terre cuite.
01:04Un souffle d'air froid, sentant la résine d'épin et la bonne terre mouillée, s'engouffra avec Morin dans la vaste salle haute, fumeuse et noire, de la vieille auberge des Campos.
01:16Cette auberge est bâtie presque à mi-chemin entre Yer et la Molle, au bord de la route qui suit dans toute sa longueur la sinueuse coupée du massif montagneux des Mours, en Provence, dans le Var.
01:28« Tu es toi, Morin ? » fit l'aubergiste.
01:33« Ferme la porte vivement ! Tu nous gèles du cou, collègue ! »
01:37« On dirait que tu amènes avec toi tout l'humide et tout le froid de la montagne. »
01:41« Mais en même temps, fit Morin, Narquois et Immobile, toute la bonne odeur du bois, collègue ! »
01:46« Vous êtes dans une fumée à couper vraiment au couteau. »
01:49« Par l'effet de vos pipes, comme aussi de la cheminée où vous brûlez un chêne-lierge entier auquel on aura laissé son écorce, vous êtes dans un nuage qui m'empêchait de vous voir. »
01:58« Ça n'est pas ça, camarade ! Respirez-moi un peu cette montanière ! »
02:03« La porte ! Ferme la porte ! » crièrent tous les buveurs, sur des tons divers, mais où dominaient une manière de déférence.
02:11« La porte, Morin, on te dit ! Il fait un vrai temps à Bécasse ! »
02:16Il y avait parmi les buveurs, paysans et bûcherons, deux gendarmes et aussi un garde-forêt reconnaissable à son uniforme vert.
02:25Ce garde-forestier se tourna à demi et d'une voix de commandement.
02:29« La porte, on vous dit ! Animal ! Comment faut-il qu'on vous le dise ? »
02:33Il avait l'air bourru et l'accent corse.
02:35« Malgré vous, » fit Morin très tranquillement, « malgré vous, vous en aurez du bon air frais pour votre santé.
02:43De quoi vous plaignez-vous ? Enfin, on vous voit maintenant, les amis ! Mais je ne connais pas ce garde !
02:49C'est un nouveau, je le devine ! Et un corse, cela s'entend !
02:53Ah ! N'est-ce pas qu'on respire ! Ton auberge, maintenant, sent le teint et la bruyère. C'est bonne ! »
03:02Il s'obstinait à ne pas fermer la porte.
03:04Il y eut un silence pendant lequel on entendit le dor,
03:08un bruissement prolongé à l'infini qui se renflait et s'abaissait comme celui de la mer roulant des sables.
03:14« Entends-tu le bruit d'épinède ? » fit Morin.
03:18« Trente lieux de bois de pain qui chantent à la fois, compère. C'est ça, une musique. »
03:24Et il se mit à rire.
03:27Alors, la fille du garde, assise près de son père et tournant le dos à la porte, regarda Morin en face.
03:33Les deux viors de verre, qui, plantés dans des chandeliers de cuivre, fumaient sur la table,
03:39posés près de la fille, éclairèrent pour Morin son visage allongé, régulier, d'une pâleur brune et mate.
03:46Les cheveux étaient collés sur les tempes en deux bandeaux plats, mais épais, lisses et reluisants,
03:51comme l'aile bleue de l'agace et du merle.
03:54Et sous les surcils, qui semblaient peints, Morin vit luire, en deux yeux de noir de charbon,
03:59d'une couleur rousse de bois brûlé, deux étincelles.
04:03« J'ai froid, l'homme ! » dit-elle placidement.
04:09Aussitôt, la porte lourde, en se fermant sous la poussée de Morin,
04:13fit résonner dans toute la vaste auberge comme un écho de montagne.
04:17« Excusez, mademoiselle ! » fit Morin.
04:20« Pour vous servir, on aurait fermé plus tôt. »
04:25Le galant Morin n'avait seulement la réputation d'être le premier chasseur et piégeur du pays,
04:29comme aussi le plus franc galet jaillérin, ou moqueur et conteur d'histoires joyeuses,
04:35mais encore il passait pour le plus beau coureur de filles dont on eût jamais entendu parler.
04:39« A gradavo ! » Il plaisait.
04:41Telle est la brève explication que donnaient les gens du peuple à qui on parlait de Morin.
04:45Et sa double rénommée débordait sur les départements voisins.
04:49En le voyant si courtois pour la fille du garde, un des deux gendarmes s'agita sur sa chaise.
04:54Ce gendarme, jeune, bien fait, était fort soigné de sa personne.
04:58Joli, la figure ronde, les traits réguliers, la peau tendue, bien lisse, la moustache d'un noir excessif.
05:05Rasé de frais, il avait les joues et le menton bleus comme le ciel.
05:09On eût dit une poupée en porcellaine, toute neuve.
05:11Un détache de cette physionomie était caractéristique et semblait plaisant sous un chapeau de gendarme.
05:17Ces deux pommettes se surélevaient, très roses, comme deux gonflements, deux demi-sphères, deux enflures de santé.
05:24Signe évident d'une conscience tranquille et d'une indolence à toute épreuve.
05:28Cela rassurait et donnait envie de rire.
05:31Ce beau gendarme, gentil comme un ténor, était amoureux de la corsoise.
05:36Il s'était fait agréer, mais par le père seulement, en qualité de fiancé.
05:40Persuadé qu'il plairait un jour à Antonia, il n'avait pas voulu cependant brusquer les choses,
05:45reconnaissant de bonne grâce qu'il ne suffisait pas de s'être montré trois fois à une jeune fille,
05:50et chaque fois durant quelques minutes à peine, pour être certain de n'avoir pas quelques rivales secrètement préférées.
05:57Depuis un mois tout au plus, le garde nouveau était installé dans la maison forestière du Don,
06:01et le gendarme, appartenant à la brigade d'hier, ne pouvait venir au Don, dans la commune de Bormes, qu'en voisin.
06:08Morin avait surpris le mouvement d'impatience du gendarme, et il en avait aisément deviné la cause.
06:13Il vint s'asseoir près des deux gendarmes dont il n'avait rien à redouter,
06:17s'étant toujours gardé avec soin de chasser en temps prohibé et sur des terrains interdits,
06:21ou du moins de ne s'y laisser prendre.
06:23« Grivola, du café, du café bien chaud ! » cria-t-il.
06:27« Tu as donc soupé, Morin ? »
06:29« J'ai toujours soupé, moi, » dit-il.
06:31« Dès que j'ai faim, tu sais bien, je mange, n'importe où je suis, et je soupe toujours sans soupe.
06:37Voilà pourquoi le bon café me réjouit plus qu'un autre. »
06:40Il but une gorgée de café brûlant avec une satisfaction visible,
06:43et se mit à bourrer sa pipe lentement.
06:46Presque tous le regardaient avec beaucoup de curiosité.
06:49C'était un homme légendaire que ce Morin,
06:51un homme qui faisait sortir du gibier aux endroits où il n'y en avait pas.
06:55Et quel tireur, mon ami !
06:56Bête vue était bête morte.
06:58Toujours chaussée d'espadrille,
07:00il parcourait en silence les bois,
07:02les musugues, coteaux couverts de cistes,
07:05les lits pierreux des torrents,
07:06les sommets couverts d'argéras, jeûnés épineux,
07:09les vallons de roches et de bruyères.
07:12Cet homme en pantouflette ne couchait trente fois par an,
07:14comme tout le monde, dans une vraie maison.
07:17Son carnet de cuir, exécuté d'après ses plans,
07:20par le bourrelier de Colobrières,
07:22était une fois plus grand que le plus grand modèle habituel,
07:24et tout chargé, pesait quarante livres,
07:27qu'il trimballait comme à rien.
07:29Qui avait-il là-dedans ?
07:31Un monde !
07:32Tout ce qu'il faut pour vivre à la chasse,
07:34seul au fond des bois,
07:35à savoir douze gousses d'ail,
07:37renouvelables,
07:38deux livres de pain,
07:39un litre de vin,
07:40un tube de rose contenant du sel,
07:42une coupe d'ail garden,
07:44une coupe taillée dans de la racine de bruyère,
07:46coupe d'honneur offerte à Morin
07:48par les chasseurs de Sainte-Maxime,
07:50deux paquets de tabac,
07:51deux cantines,
07:52deux pipes,
07:52un couteau scie,
07:54un couteau poignard de marin dans sa gaine de cuir,
07:56un briquet,
07:57de la madou,
07:58trois haleines de cordonnier,
07:59un tranchet,
08:01une paire d'espadrilles de rechange,
08:02il en usait deux paires par semaine,
08:04une demi-peau de gèvre tannée,
08:06pour le raccommandail de ses chaussures,
08:07deux tournevis,
08:09six livres de plomb,
08:10trois boîtes de poudre,
08:11deux boîtes de capsules,
08:12car bien qu'il possède un fusil à système,
08:14il prenait quelquefois son vieux fusil à piston,
08:17une boîte de fer blanc pour les œufs et les sauces,
08:20douze mètres de cordelettes fines et solides,
08:22dites septins,
08:23une paire de manchons.
08:25Ces manchons étaient des gants de cuir de son invention,
08:28sans doigt,
08:29où ses bras plongeaient jusqu'à zépaule.
08:31Ces manchons,
08:32qu'il faisait admirer volontiers,
08:33ne semblaient pas d'un usage pratique,
08:35mais ils lui rendaient au contraire les plus grands services,
08:37en de certaines occasions.
08:38Quand on disait,
08:40chez les paysans,
08:41sur un point quelcombe du département,
08:43« Morin »,
08:44quelqu'un de l'assistance aussitôt ajoutait,
08:47sur le ton de l'interrogation,
08:48« Des morts »,
08:49et si celui qui allait parler répondait oui,
08:52vite les têtes se rapprochaient,
08:54on faisait cercle pour apprendre
08:55quelques nouvelles aventures
08:56du roi des morts,
08:57du donjon des bois.
09:00Les domaines de Morin étant immenses,
09:02on l'apercevait peu de temps dans la même région.
09:05C'est pourquoi,
09:05ce soir-là,
09:06à l'auberge des Campos,
09:07la curiosité était si vive autour de lui.
09:11Les joueurs oublièrent leurs cartes
09:12pour le regarder attentivement,
09:14les conversations étaient en déroute.
09:17Morin eut de nouveau un gros rire.
09:19« Je suis tombé ici, » dit-il,
09:21« comme une pierre dans un marais, donc.
09:23Que les grenouilles ne disent plus rien ? »
09:26Le beau gendarme grommela sautement.
09:27« Grenouilles, grenouilles,
09:29parlez pour vous, camarade ! »
09:31Il ne fallait jamais agacer Morin.
09:34Il avait la superbe d'un chef
09:35et la susceptibilité d'un solitaire
09:37qui rien ne vient heurter à l'ordinaire.
09:40De plus,
09:40en présence d'une femme
09:41qui ne lui déplaisait pas,
09:43jamais Morin n'eut laissé le dernier,
09:45le dernier mot,
09:47à qui que ce fût.
09:48En pareil cas,
09:49ce mal devenait terrible,
09:51à la manière de tous les fauves.
09:52« J'ai dit grenouilles, »
09:54grand a Morin.
09:55« Vous faisiez dans cette salle
09:56un tapage de grenouilles
09:57et vous vous taisez comme des grenouilles
09:59dans le marais
09:59depuis que j'ai fermé cette porte.
10:01Je ne les fermais pas pour vous,
10:03mais seulement pour plaire à la demoiselle.
10:04« Et vous vous taisez, » je dis,
10:07« comme des grenouilles. »
10:08Il enflait le mot.
10:09« Voilà ce que j'ai dit.
10:11Et la gendarmerie ne peut pas
10:12y changer une parole. »
10:14« Ça, elle ne peut pas le faire,
10:15la gendarmerie. »
10:17La gendarmerie ne peut pas non plus
10:19verbaliser contre une phrase
10:20inoffensive après tout,
10:21comme celle que Morin avait prononcée.
10:24Le gendarme vexé se tut.
10:26La corsoise,
10:27sympathique à Morin,
10:29se riait.
10:30Les Corses,
10:31race héroïque,
10:31sont ou gendarmes ou bandits.
10:34Le père de la corsoise
10:35était fils d'un célèbre bandit corse.
10:38Élevé dans le maquis
10:39jusqu'à l'âge de 20 ans,
10:40il était devenu
10:41un excellent soldat.
10:43Maintenant,
10:43il était garde forestier
10:44et sa fille avait 18 ans.
10:47Elle eut épousé
10:48sans répugnance
10:48un gendarme,
10:50mais elle n'y avait jamais songé.
10:51Au choix,
10:52elle aurait préféré un bandit
10:53et elle n'y songeait pas.
10:55Elle regarda Morin.
10:57Morin en éprouva
10:58une joie physique
10:59bien connue de lui.
11:00C'était un peu
11:01ce qu'il ressentait parfois
11:02au sommet d'une montagne,
11:04à l'aube,
11:04lorsque la vie lui revenait nouvelle
11:06aux lèvres
11:07et dans le sang
11:07après un bon somme
11:08et que le souffle de la mer,
11:11chargé des parfums de la montagne,
11:12pénétrant jusqu'à la chair
11:13par le col ouvert de sa chemise,
11:15courait dans tout lui
11:16et le faisait frissonner d'aise.
11:19Le regard de la corsoise
11:20l'émut plus que jamais
11:22ne l'émut un regard de femme.
11:23Le descendant des pirates
11:25Maure rapteur de fille
11:26tressaillit sous le regard
11:27de cet oeil très noir,
11:28très grand,
11:29enflammé,
11:30où il reconnut
11:31une race de feu,
11:32sœur de la sienne.
11:33L'envie lui vint
11:34de faire le beau,
11:35comme elle vient au faisan
11:36dans le temps des amours.
11:38« Tu n'as rien tué aujourd'hui ? »
11:40lui demanda l'un des buveurs.
11:42Alors la physionomie
11:43du galet géiré
11:44devint sérieuse.
11:45« Il en est arrivé une, »
11:46dit-il,
11:47dans son français
11:48traduit du Provençal
11:49et se mit d'idiotisme.
11:51« Osco,
11:52Manosco ! »
11:53Il abattit sur la table
11:54son poing fermé
11:55avec le pouce rigide
11:56en l'air.
11:57Cela signifiait
11:58« Il m'en est arrivé une
12:00bien bonne,
12:00surprenante,
12:01inénarrable. »
12:02« Osco, »
12:03c'est-à-dire
12:04marque-la.
12:05Et « Manosco »
12:06ajouté pour la rime
12:07« Pour rien,
12:08pour le plaisir,
12:09pour faire sonner
12:10une deuxième fois le Osco
12:11en invoquant une cité provençale
12:13qui a donné dans les temps
12:14de fortes surprises
12:15aux gens de guerre.
12:17Les têtes se groupèrent
12:18autour de Morin.
12:19Seuls les gendrames
12:20ne se dérangèrent pas.
12:21Le bergiste fut attentif.
12:23Quel gibier
12:24lui apportait Morin ?
12:25Morin, lui,
12:26songeait surtout
12:27à plaire à la fille
12:27en contant de son mieux
12:28une histoire étonnante.
12:31La belle corsoise
12:32s'était dérangée
12:32comme les autres
12:33pour écouter
12:33le conteur jovial,
12:35le fameux galet jaillé.
12:37Morin repoussa en arrière
12:38son petit feutre fané
12:39et dit gravement
12:40« Voilà,
12:41figurez-vous,
12:42je n'ai vu de tout le jour
12:43qu'un gaget,
12:45un jet. »
12:46Il y eut un « ah »
12:47de désapportement
12:48dans l'auditoire.
12:48« Mais espérez un peu »
12:50poursuivit l'homme
12:50avec une expression
12:51narquoise répandue
12:52dans tout son visage.
12:53« Espérez un peu,
12:55vous allez voir. »
12:57Le jet me passait
12:57sur la tête,
12:58je lui envoie
12:59mon coup de fusil.
13:00Pan !
13:00Il descend à terre
13:01et se pose sur ses pattes
13:03comme un homme.
13:04Je me dis
13:04« Il est blessé. »
13:06Et vous auriez dit comme moi
13:07« Manquez un jet
13:08qui m'en passe sur la tête.
13:09Le coup du roi
13:10quand on est morin.
13:12Le manquer,
13:13ça ne peut pas être possible.
13:14Je ne pouvais pas me le croire. »
13:16Alors ?
13:17Alors je vais pour le ramasser.
13:19Il fait un bond,
13:20mes amis.
13:21Il se pose à terre
13:22un peu plus loin.
13:23Je me dis
13:24« C'est une masque,
13:25un sorcier.
13:26Nous allons voir
13:26s'il m'emportera
13:27mes deux sous de poudre
13:28et de plomb,
13:29ce voleur. »
13:30Je prends mon chapeau
13:31et vlant.
13:32Je le lui lance.
13:33« Le voilà coiffé,
13:34mes amis.
13:35Je voulais coiffer.
13:36Il était sous le chapeau
13:37pris, mes amis.
13:38Pris, flambé,
13:39cuit.
13:40Avec une sauce bien piquante,
13:41un jet peut nourrir
13:42un pauvre. »
13:44Je vais donc encore
13:44pour le ramasser.
13:45« Ah, misère,
13:46mes enfants,
13:47misère de moi.
13:48Au moment où
13:49j'envoie la main en avant,
13:50voilà mon chapeau
13:51qui fait un bond lui aussi
13:52et qui se pose
13:53dans un arbre. »
13:55Je voyais sortir
13:55de dessous le chapeau
13:56les pattes de mon jet.
13:57Un chapeau à pattes
13:58là-haut,
13:59sur le ciel.
14:00Pauvre de moi.
14:01Il fait encore un bond
14:02et voilà mon chapeau
14:03sur une branche plus haute,
14:04au bout d'un pin cette fois.
14:06Il n'est pas neuf,
14:06mon chapeau.
14:07C'est vrai.
14:08Tenez, le voilà.
14:09Mais il vaut bien
14:09encore 20 sous,
14:10n'est-ce pas, gendarme ?
14:11Alors, je me dis,
14:1320 sous de chapeau
14:14et 2 sous de poudre
14:15et de plomb,
14:16ça fait bien 22 sous
14:17si Barème n'est pas un âne.
14:19Courriez-vous faire à la place ?
14:21Je tremblais pour mon chapeau.
14:23Je me disais,
14:24voilà un vieux chapeau fichu.
14:25Il va s'en aller
14:26qui sait où.
14:27Alors, mes amis,
14:28je ramassais une motte de terre,
14:29je visais bien,
14:32comme un gibier,
14:33mais le jet, mes amis,
14:34prit son vol
14:35et fila comme un chasseur en foot
14:37poursuivu par des gendarmes.
14:38C'était, je vous le dis,
14:40une masque.
14:41Osco, Manosco,
14:42marquez-moi celle-là.
14:43On riait.
14:45La belle fille riait
14:46près de Morin qui,
14:47de façon à être entendue d'elle,
14:49dit à voix basse
14:49au patron de l'auberge
14:50« Trois lapins et deux lièvres,
14:52ma chasse d'aujourd'hui,
14:53sont à l'endroit que tu sais.
14:55Vends-les pour mon compte
14:56et pour le mieux.
14:57Personne n'a besoin
14:57de savoir mes affaires. »
14:59Il rayonnait Morin.
15:00Il avait d'une seule histoire
15:02fait deux coups doubles.
15:03Il avait fait rire la belle fille
15:04et agacé les gendarmes.
15:061.
15:07Dissimulé aux yeux
15:08des autres auditeurs
15:09le profit de sa journée
15:10et satisfait son imagination
15:12d'artiste.
15:132.
15:13Car il venait d'inventer
15:14son histoire de toute pièce.
15:17Et il savait très bien
15:17que tout ce monde
15:18n'était pas dupe de sa fable
15:19et que tous l'admiraient
15:21de si bien mentir.
15:22Il se moquait un peu
15:23de son public
15:24en même temps
15:24que de sa prétendue maladresse
15:26à laquelle nul ne croyait.
15:27Et toute cette façon
15:29de rire de soi
15:30et des autres
15:30en se donnant un ridicule
15:31vrai ou simplement
15:32vraisemblable,
15:33c'est cela
15:34qui constitue
15:35la goaillerie provençale,
15:36la galéjaïdée.
15:38Qui trompe-t-on ici ?
15:39Nous ne saurons jamais.
15:40Nous ne le faisons jamais.
15:43Sous-titrage Société Radio-Canada
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