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  • 03/07/2025
Longtemps, les soignants ont été perçus comme des figures inébranlables, tenus à distance de leurs propres fragilités. Pourtant, derrière la blouse blanche, il y a des femmes et des hommes confrontés quotidiennement à la souffrance et à des situations difficiles.

À la clinique Mon Repos à Écully, près de Lyon, la psychiatre Magali Briane reçoit depuis des professionnels de santé en détresse psychologique. Dans sa Consult’, elle raconte comment son équipe a développé un programme de soins dédié, pensé pour répondre aux besoins spécifiques des soignants : confidentialité, accès facilité, progressivité de la prise en charge. Elle évoque aussi les tabous qui freinent encore à la consultation et l'importance de sensibiliser dès les études de médecine.

Une parole issue de l’expérience du terrain et portée par une conviction : soigner les soignants, c’est aussi protéger notre système de santé.

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Transcription
00:00On entend encore aujourd'hui que quand on est soignant, on doit finalement être fort,
00:04la bonne distance avec nos patients, des choses comme ça qui font que dans les représentations
00:09des soignants, ils n'ont pas le droit d'aller mal.
00:18Ce livre, il a été tiré de notre expérience clinique.
00:23Depuis 2018, à la clinique Mon Repos, nous accueillons des professionnels de santé
00:27en situation de souffrance psychologique.
00:29On a tiré certains enseignements, on a développé un dispositif de soins qui leur est spécifiquement dédié
00:34et ce livre raconte notre expérience.
00:37Il y a une première partie qui est un petit peu plus théorique
00:40et puis la deuxième partie est très pratique aux pratiques à destination des professionnels de santé mentale
00:45qui accompagnent, qui souhaitent accompagner les soignants en situation de souffrance psychologique.
00:53Je pense que tout le monde a bien conscience qu'aujourd'hui c'est particulièrement difficile.
00:56Beaucoup pensaient que peut-être après la crise sanitaire, les choses se tasseraient.
01:00Alors les choses ne se tassent pas.
01:02On reste dans une situation qui pourrait vraiment être très dégradée.
01:07Il y a effectivement cette question du burn-out avec des choses assez classiques finalement.
01:13Le rythme de travail, l'intensification du travail, la transformation du travail.
01:17Avec des exigences différentes, des façons de faire différentes.
01:21Et puis derrière ça, il y a aussi tout simplement les éléments plus émotionnels qui sont liés directement au métier.
01:29Prendre soin des autres, c'est quelque chose qui écoute émotionnellement.
01:32On est toute la journée au contact avec la souffrance, avec la mort, avec du trauma.
01:38Tous ces éléments-là mis ensemble vont favoriser l'épuisement professionnel,
01:44mais aussi la fatigue compassionnelle, la traumatisation secondaire.
01:50D'abord, je pense qu'il y a beaucoup de fausses croyances.
01:53On entend encore aujourd'hui que quand on est soignant, on doit finalement être fort,
01:58la bonne distance avec nos patients.
02:00Des choses comme ça qui font que dans les représentations des soignants,
02:03ils n'ont pas le droit d'aller mal.
02:05C'est la crainte de consulter pour rien,
02:08la crainte de montrer qu'on peut avoir peur d'être malade.
02:11Il y a une crainte de la stigmatisation,
02:13parce que la maladie mentale est aussi très fortement stigmatisée dans notre pays.
02:16Mais on le voit également en termes de santé physique,
02:20avec des gens qui mettent un temps fou à consulter.
02:22C'est que tant qu'on n'a pas consulté, on n'a pas obligatoirement le diagnostic,
02:25donc on peut encore mettre à distance.
02:27Il y a beaucoup de choses qui peuvent expliquer ce retard à la consultation.
02:32En tout cas, il est là, il est réel.
02:35Au début, on est parti de l'idée qu'il fallait justement quelque chose
02:39qui facilite l'accès aux soins.
02:41Si on procédait comme on procède habituellement,
02:45c'est-à-dire le rendez-vous d'abord chez le médecin généraliste
02:48pour être adressé à la consultation de psychiatrie,
02:52on mettait encore du délai, on mettait encore un obstacle supplémentaire.
02:55Donc en fait, on a décidé qu'on recevrait les gens dès qu'ils appelaient.
02:59Ensuite, on a identifié une filière de prise en charge
03:02qui soit un peu confidentielle.
03:04Les soignants ont peur de croiser dans des couloirs
03:07de consultation de psychiatrie
03:08leurs propres patients.
03:10On s'est rendu compte qu'il y avait des besoins psychologiques
03:13spécifiques chez les soignants.
03:15Et c'est là, autour de ça, qu'on a développé
03:16un programme qui soit progressif.
03:19Parce qu'un soignant qui arrive,
03:21qui a déjà du mal à venir consulter
03:23un psychiatre, un psychologue,
03:25si d'emblée,
03:26j'ai envie de dire, vous y allez trop fort,
03:27voilà, vous ne le revoyez pas.
03:32J'ai vécu des choses assez compliquées,
03:35alors d'abord pendant mon internat,
03:36et après, je suis exposée comme les autres
03:39à tout ce que l'on peut vivre
03:41de façon très émotionnelle dans notre métier.
03:44Et puis la dernière raison,
03:45c'est que j'ai deux enfants qui sont des jeunes médecins
03:47et que j'avais aussi envie
03:49que ça se passe peut-être mieux pour eux.
03:54Alors j'ai l'air d'aller bien alors.
03:55Oui, oui, non, tout à fait.
03:57Écoutez, c'est exactement ce que l'on essaye
03:59de transmettre à nos patients.
04:01Dans ce programme, il y a un temps d'apaisement,
04:03il y a ensuite un temps vraiment plus psychothérapeutique,
04:06et derrière, il y a un temps
04:07où je vais appeler un petit peu le temps
04:08de la prévention de la recherche.
04:09C'est bien d'aller mieux,
04:11mais comment je fais pour que ça ne recommence pas ?
04:14Eh bien, ce sont ces outils-là que moi-même
04:16et mon équipe avec moi-même,
04:17nous nous appliquons.
04:18Je crois qu'il y a déjà une dimension qui est importante,
04:21c'est le fait d'avoir conscience
04:23que ces expositions émotionnelles
04:26sont très vulnérabilisantes pour nous.
04:28Après, la deuxième étape, c'est de se connaître
04:31et de savoir comment on fonctionne.
04:33Et ça, c'est quelque chose que je m'applique en permanence
04:35de façon quotidienne.
04:36Quand je sens que je fais un petit peu trop loin pour moi,
04:39je me repose la question du sens de ce que je fais,
04:42de ce qui compte vraiment pour moi.
04:43Je pense que ce que l'on a pu développer,
04:49ce serait assez intéressant de l'intégrer
04:50le plus précocement possible.
04:52Dans les études des étudiants en santé,
04:55commencer à leur parler du fait que,
04:58oui, c'est super de soigner les autres,
05:00mais c'est aussi coûteux émotionnellement.
05:03Leur expliquer que ce n'est pas une fatalité,
05:05qu'il y a des choses à faire,
05:06on continuera toujours à avoir de l'émotion
05:09face à nos patients.
05:10D'abord parce qu'il y a des choses
05:11qui sont très neurobiologiques,
05:12l'action des neurones miroirs, l'empathie.
05:15Et puis c'est normal.
05:16Et quelque part, ça fait aussi partie
05:18de notre métier et de sa richesse.
05:20C'est aussi avec ça que l'on va accompagner
05:22justement les gens.
05:24La seule chose, c'est qu'il faut pouvoir aussi
05:26apprendre à faire avec ça
05:28et à un petit peu contrebalancer
05:31les effets de ça.

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