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Il y a 30 ans, le 16 juillet 1995, dans le cadre des commémorations de la rafle du Vel d'Hiv de l'été 1942, Jacques Chirac, tout juste élu Président, prononce, sous la plume de Christine Albanel, l'un des plus célèbres discours de l'histoire de la Vème République.

En rupture avec les positions de ses prédécesseurs, le chef de l'État reconnaît publiquement les responsabilités de la France dans la déportation et l'extermination des Juifs : "La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable".

Jacques Chirac déchire ainsi le voile de silence apposé sur ces crimes, et signe la fin d'un débat politique et historique qui a duré plus de cinquante ans. Trente ans plus tard, les retombées du discours du Vel d'Hiv sont majeures, il a ouvert la voie et changé l'histoire de France. Retraçant la genèse de ce discours et le contexte historique et politique qui l'ont porté, ce documentaire donne la parole aux acteurs marquants de cette séquence qui ouvre un nouveau temps mémoriel.

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Transcription
00:00M. le Président, M. le Ministre, Mesdames, Messieurs.
00:18Il est dans la vie d'une nation des moments qui blessent la mémoire et l'idée que l'on se fait de son pays.
00:30Il faisait une chaleur épouvantable déjà à l'Ouop ce jour-là, le 16 juillet 1942.
00:37De grands coups frappaient dans la porte, police ouvrée.
00:43Ma grand-mère ouvre, mais j'avais 8 ans.
00:47On était encore endormis.
00:50Allez les enfants, dépêchez-vous, vous avez 5 minutes parce qu'on a encore beaucoup de gens à prendre.
00:57Ma grand-mère a essayé de s'interposer, mais ce sont des enfants.
01:04On l'a poussé très violemment.
01:09On a mis en hâte quelques vêtements et puis nous sommes descendus.
01:24Et à ce moment-là, j'ai vu de toutes les portes cochères sortir des femmes avec des enfants.
01:31Certains petits dans les bras.
01:34Et on nous a emmenés comme un troupeau.
01:37Je dis bien comme un troupeau.
01:43Les Allemands ne se mêlaient pas de ces arrestations.
01:47C'était la police française qui venait prendre les femmes, les enfants.
01:53Alors ça a été, ça n'a été que la police française.
01:58L'horreur pourtant ne faisait que commencer.
02:02Suivrons d'autres rafles, d'autres arrestations.
02:06Après la guerre, la France n'était pas fière de ce qui s'était passé.
02:11Nous étions une ombre grise au tableau.
02:14Personne ne voulait nous entendre.
02:16Reconnaître les fautes commises par l'État.
02:20Il nous a fallu attendre 50 ans pour que Jacques Chirac, président de la République,
02:26reconnaisse la responsabilité de Vichy, la France des Vichy, la France d'alors.
02:33Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait,
02:40secondée par des Français, secondée par l'État.
02:45par l'État français.
02:47Jacques Chirac porte un discours révolutionnaire
02:49auquel on ne s'attendait pas, personne.
02:51Pour la première fois, le chef de l'État a pris la parole
02:57pour reconnaître la responsabilité de l'État français.
03:00C'était un très grand combat que je menais depuis 25 ans.
03:04On entrait dans une nouvelle ère
03:07qui était l'ère de la reconnaissance du rôle véritable de Vichy.
03:11Il ne faut pas si évident que ça, quand vous êtes un héritier du parti gaulliste,
03:16que de prendre une position très contraire à celle qui était la doxa depuis plusieurs décennies.
03:23C'est le début de l'histoire, le discours.
03:25Il n'est pas la fin de l'histoire.
03:26Il est le début d'un processus de réparation des victimes au sens large.
03:30Il faut que la France soit à l'aise avec sa propre histoire.
03:35Et pour être à l'aise avec son histoire, il faut la regarder en face.
03:38La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable.
03:43La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable.
04:10Pourquoi, pendant si longtemps, la France a-t-elle fermé les yeux ?
04:20Pourquoi n'a-t-elle pas voulu voir la collaboration,
04:23la complicité de son administration dans la déportation des Juifs
04:27pendant la Seconde Guerre mondiale ?
04:29Pourquoi ne voulait-elle pas se souvenir de ces images de mai 1941,
04:40des policiers en képi qui participent aux arrestations décidées par les nazis, en pleine rue ?
04:47Pourquoi ne voulait-elle pas reconnaître la spécificité de la rafle du Veldiv ?
04:57Et à travers elle, la responsabilité de l'État ?
05:00En juin 1942, les Allemands décident d'étendre brutalement la solution finale en Europe de l'Ouest.
05:09Ils veulent obtenir de l'État français 40 000 Juifs et Juifs en âge de travailler.
05:14Et on a à la tête du gouvernement un homme, Pierre Laval, qui, lui, veut faire triompher la politique de collaboration.
05:20Donc, quand on lui demande 40 000 Juifs, il faut leur donner.
05:23Et donc, il va charger son responsable de la police, qui s'appelle René Bousquet, d'organiser ça.
05:28Donc, il va négocier avec les Allemands.
05:31Il dit aux Allemands, on est prêts à le faire, à condition que vous nous laissiez faire.
05:36Là, c'est là où on est vraiment dans cette singularité de la rafle du Veldiv,
05:40parce que c'est vraiment la seule grande opération qui va avoir lieu contre les Juifs, où il n'y a pas du tout un seul Allemand.
05:49Là, on n'est pas simplement soumis, on n'est pas simplement exécutants, on est co-décisionnaires, co-organisateurs.
06:06Autre le fait que c'est la plus grosse opération qui a eu lieu contre les Juifs dans toute l'Europe de l'Ouest,
06:14ce sont des agents ordinaires de l'État qui ont organisé cette opération et qui l'ont mise en œuvre.
06:18Le Gardien de la Paix, c'est le personnage débonnaire dans les rues de Paris.
06:21C'est celui qui aide à traverser la rue, qui fait la circulation.
06:25Donc, ça a vraiment été un choc de voir que ces policiers ordinaires arrêtaient des Juifs, des Juives, leurs enfants,
06:31avec l'idée qu'on va les déporter.
06:33Et ça, ça a été un vrai traumatisme.
06:36Sous-titrage Société Radio-Canada
06:38...
07:06Il y a eu quatre lieux d'arrestation dans le 20e arrondissement.
07:12Pour nous, c'était la Bellevilloise.
07:15On n'oublie pas des moments comme ça.
07:20Les gens étaient debout, serrés les uns contre les autres.
07:25Des clameurs, des cris, des pleurs.
07:29Les policiers sifflaient.
07:31Et ma mère essayait de se frayer un petit passage avec son épaule.
07:38Elle allait d'une femme à l'autre.
07:40Elle disait, non, on ne nous emmène pas pour travailler en Allemagne.
07:44On ne peut pas travailler avec des tout-petits dans les bras.
07:47Elle avait compris, senti cela.
07:50Et donc, ma mère se tourne vers nous et nous dit,
07:55vous allez près de l'issue de secours.
07:57Il n'y avait que deux policiers devant l'issue de secours.
08:00Et elle nous a dit, les derniers mots de ma mère, c'est,
08:06si on revient vous chercher,
08:10essayez toujours de fuir dans la rue.
08:12Dans la rue, il y a du monde, ça vous protégera.
08:16Voilà.
08:17Alors, j'ai hurlé, j'ai fait une comédie.
08:21Je ne veux pas te quitter.
08:22Alors, ma mère m'a giflé.
08:26La seule gifle de ma vie.
08:28Elle m'a giflé violemment.
08:32Et à ce moment-là, j'ai compris qu'elle voulait que je vive,
08:37que je m'en sorte.
08:38Et ma sœur m'a prise par la main et nous sommes partis vers l'issue de secours.
08:48Nous sortons de là.
08:51C'était une question de minutes.
08:52J'ai vu les autobus arriver pour emmener tout ce monde-là vers le vélo-drone d'hiver.
08:58Il n'existe qu'une seule photographie de la rafle.
09:12Elle est prise devant le vélodrome d'hiver,
09:14le lieu de regroupement choisi,
09:16un centre sportif du 15e arrondissement de Paris.
09:23On y aperçoit les autobus réquisitionnés.
09:26Un groupe de juifs qui viennent d'être emmenés.
09:33Et deux hommes en uniforme, des Français.
09:36Un de chaque côté de la rue.
09:47En tout, près de 13 000 juifs sont arrêtés en deux jours.
09:51Les Allemands ne réclamaient que des adultes.
09:57Mais les autorités françaises font du zèle et prennent plus de 4 000 enfants.
10:01Ils sont enfermés, eux aussi.
10:02Comme les Allemands veulent remplir les convois,
10:08et qu'ils ne veulent pas d'enfants, ils l'ont dit.
10:09On ne veut pas d'enfants tout de suite.
10:11Les crématoires sont dans le cours de construction.
10:14Et donc, voilà, ils ne veulent pas s'embarrasser d'enfants tout de suite.
10:17Donc les enfants vont finir par être séparés.
10:19Donc, vous voyez, on n'arrive pas à sortir de cet engrenage criminel.
10:23On les sépare de leurs parents.
10:24Et on finit par les déporter plusieurs semaines plus tard.
10:27Et ce crime dans le crime, il est véritablement unique.
10:30Nulle part ailleurs, en Europe de l'Ouest,
10:32pendant la Deuxième Guerre mondiale, on a déporté des enfants seuls.
10:38Et le crime est tellement énorme que c'est cette trafle
10:41qui va peser sur notre mémoire nationale.
10:43Donc c'est vraiment une singularité historique.
10:46Ma mère est partie pour le camp d'extermination d'Auschwitz
11:07où elle a été gazée immédiatement.
11:10Voilà.
11:16L'immense majorité des 74 000 juifs déportés de France
11:39est assassinée.
11:42On ne compte qu'environ 4 000 survivants.
11:46Après la guerre, moi, j'avais besoin de parler.
11:51Et j'ai entendu.
11:53Allez, allez, on ne parle plus de ça.
11:54On parle de l'avenir.
11:56Petit à petit, je me suis rendue compte
11:58que ça n'intéressait pas grand monde.
12:01Alors nous, nous sommes-tu.
12:04Je dis nous parce que tout le monde a fait comme ça.
12:12Les victimes se taisent
12:13tandis qu'un discours dominant se met en place.
12:18Le général de Gaulle, au nom de la réconciliation nationale,
12:22impose le récit historique d'une France tout entière résistante
12:26et célèbre sa police
12:28qui s'est battue
12:28lors de la libération de Paris.
12:34Nul drapeau n'a été mieux mérité.
12:36Les gardiens de la paix ont trouvé qu'ils savaient se battre
12:38et que Paris s'associe à leur fierté
12:40quand ils rentrent dans la préfecture
12:42derrière ces murs
12:43qui portent encore la trace de leur résistance
12:45et de leur courage.
12:46Qui, parmi ces hommes,
12:51a participé à la rafle du Veldiv ?
12:54À la fin de la guerre,
12:58il y a eu la libération de Paris
12:59et qui ont été les héros
13:02de la libération de Paris ?
13:04C'est la préfecture de Paris.
13:06Hommage du gouvernement
13:09à des hommes
13:10qui ne sont pas seulement les gardiens de l'ordre
13:11mais qui ont été aussi les défenseurs de la liberté.
13:15On ne va pas dire que ces hommes-là
13:16sont aussi responsables
13:18de l'arrestation de dizaines de milliers de juifs.
13:33Il y a une occultation
13:34qui va se retrouver dans les livres
13:36d'histoire,
13:37dans les manuels scolaires
13:38à partir de la fin des années 50.
13:43Ce qu'on met en avant,
13:44c'est la dimension militaire
13:46et la glorification de la résistance
13:48et de la guerre.
13:53Il y a un discours gaulliste,
13:54il y a un discours sur la prééminence
13:56de ce qu'on appelait
13:57la résistance extérieure,
13:58de la France libre,
13:59de la France combattante.
14:02Et donc, on va faire de Vichy
14:04une sorte de parenthèse,
14:06une parenthèse honteuse.
14:08Il y a une histoire de France
14:10en bande dessinée pour les enfants.
14:13Il y a une vignette
14:13sur la rafle du Veldiv.
14:15On a l'impression
14:16qu'on est à Varsovie.
14:17Il y a des Allemands
14:18qui sont en train d'arrêter des juifs.
14:21Vous voyez,
14:22le grand public
14:23est quand même induit en erreur
14:25assez largement.
14:26Il n'y a guère que les rescapés
14:40et les familles de victimes
14:41pour marquer le souvenir
14:43de la déportation.
14:47Devant le Veldiv,
14:48ils organisent chaque année
14:49autour du 16 juillet
14:51des commémorations
14:52dans l'indifférence.
14:56Vous savez,
14:58je suis allé
14:59pour la première fois
15:02au Veldiv
15:03en 1953.
15:07J'avais 17 ans.
15:10C'était une des premières
15:11commémorations.
15:14Les orateurs étaient
15:15d'un côté de l'avenue,
15:18le public de l'autre côté
15:21et les voitures
15:23circulaient là.
15:29On allait dans la rue
15:30devant pour...
15:31Ce n'était pas grand-chose
15:33à l'époque,
15:33mais on allait commémorer.
15:36Mais ça s'est fait
15:38vraiment à bas bruit.
15:42C'était organisé
15:43par les anciens déportés
15:45et les orateurs
15:47acceptaient
15:49que pas un mot
15:51ne soit dit
15:52sur Vichy,
15:53pas un mot
15:54sur la police française.
15:59Ces mots,
16:00il faut attendre
16:01la fin des années 60
16:02pour commencer
16:04à les entendre.
16:06En 1967,
16:07vous avez un livre
16:08qui sort
16:08d'un Claude Lévy,
16:10Paul Tillard,
16:11qui s'appelle
16:11La grande rafle
16:12du Veldiv.
16:13Claude Lévy,
16:15c'est un ancien résistant
16:16dont les parents
16:16ont été déportés
16:17et lui,
16:17il a vraiment la volonté
16:18de dire la vérité
16:20sur ce qui s'est passé.
16:21Il parle
16:21de falsification
16:22de l'histoire.
16:24Il dit
16:24dans les manuels scolaires,
16:25il y a des mensonges.
16:30Le livre
16:31est un best-seller.
16:38La revue
16:39Le Nouveau Candide
16:40en publie
16:40de larges extraits.
16:43et demande
16:46à un jeune dessinateur
16:47Cabu
16:48d'illustrer
16:49les scènes d'arrestation.
16:52Tout est là
16:53dans ses dessins.
16:58Un bus bondé.
17:01Des familles entières.
17:03Des vieux.
17:10Des bébés.
17:12Des étoiles jaunes.
17:15La peur.
17:20À la manœuvre
17:21des policiers français.
17:23C'est le début
17:30d'une prise de conscience.
17:31Un autre livre,
17:33La France de Vichy,
17:34signé de l'historien américain
17:36Robert Paxton,
17:37dévoile les mécanismes
17:38de la collaboration d'État.
17:40Scandale.
17:43Et Marcelo Fulce,
17:45dans son film
17:45Le Chagrin et la Pitié,
17:47raconte la collaboration
17:48des Français.
17:51Nouveau scandale.
17:53La télévision refuse
17:54de le diffuser,
17:56mais il connaît
17:56un succès retentissant
17:58au cinéma.
17:58Il y a un silence d'État.
18:03Et ce silence,
18:03peu à peu,
18:04il va commencer
18:04à être rompu.
18:06Il y a une autre génération
18:07qui arrive à l'âge adulte,
18:09en âge de l'engagement politique,
18:11en âge d'une réflexion
18:12sur l'histoire,
18:13et qui commence
18:14à comprendre
18:14que cette période
18:15ne se résume pas,
18:16évidemment,
18:17simplement au fait
18:18de gloire de la résistance.
18:23Le scandale
18:24finit par atteindre
18:25le plus haut sommet
18:26de l'État.
18:28Écoutez,
18:30je vous demande pardon.
18:31Encore deux questions
18:32et c'est terminé
18:33pour l'intérieur.
18:34Monsieur le Président,
18:35les résistants
18:36de la région Rhône-Alpes
18:37ont été péniblement surpris
18:39d'apprendre
18:40que Paul Touvier,
18:42qui s'était tristement...
18:43On apprend
18:44que le président Pompidou
18:45a gracié Paul Touvier,
18:47d'une grâce présidentielle.
18:49Ancien chef
18:50de la milice de Lyon,
18:52responsable
18:53de l'assassinat
18:53de juifs
18:54et de résistants.
18:55...région
18:55et qui a été condamné
18:56deux fois à mort,
18:57est-il indiscret,
18:58monsieur le Président,
18:59de vous demander
18:59les raisons
19:00qui ont motivé
19:01votre geste ?
19:03Je vous remercie
19:03de votre question.
19:04Si vous ne l'aviez pas posée,
19:05je l'aurais soule.
19:08La grâce de Touvier,
19:09c'est typiquement
19:10le problème public.
19:11Ça veut dire
19:11le président,
19:12au plus haut niveau
19:12de l'État,
19:13on prend une décision
19:13qui choque,
19:14qui scandalise.
19:14Allons-nous éternellement
19:16entretenir saignantes
19:18les plaies
19:20de nos désaccords nationaux ?
19:22Le moment n'est-il pas venu
19:23de jeter le voile,
19:25d'oublier ces temps
19:27où les Français
19:28ne s'aimaient pas,
19:30s'entre-déchirer
19:30et même s'entre-tuer ?
19:33Et je ne dis pas ça.
19:35Même s'il y a ici
19:36des esprits forts,
19:38par calcul politique,
19:39je le dis par respect
19:41de la France.
19:46Dernière question,
19:47messieurs,
19:47et nous passons
19:47à la politique étrange.
19:48Il dit,
19:49ce temps où les Français
19:50ne s'aimaient pas,
19:51ce qu'il ne voit pas,
19:52c'est qu'en pensant
19:54contribuer
19:55à tourner la page
19:57de l'occupation,
19:58il a rajouté
20:00un bidon d'essence
20:01sur une sensibilité
20:04qui est en train
20:04d'émerger.
20:09Cette nouvelle génération
20:12qui s'enflamme,
20:13c'est celle des enfants
20:14de déportés.
20:16Un couple l'incarne,
20:18Serge et Béate Klarsfeld.
20:22Ils vont jouer
20:23un rôle clé
20:24dans la demande
20:24de reconnaissance
20:25des crimes de Vichy.
20:29Lui, avocat,
20:31juif,
20:31fils de déportés.
20:33Elle, militante allemande,
20:35spécialiste des coups d'éclat.
20:38Une gifle
20:39au chancelier
20:40d'Allemagne de l'Ouest,
20:40Kissinger,
20:41pour dénoncer
20:42son passé nazi.
20:45La poursuite de criminels
20:46devant la justice
20:47et devant chez eux.
20:53Nous avons pris
20:54le nom sur sa boîte à lettres
20:55pour montrer
20:56qu'il ne se cache pas.
20:57Il voit
20:58qu'il est filmé,
20:59il prend la fuite,
21:00il se cache.
21:01Lichka,
21:02qui était
21:02le nazi numéro 1
21:04en France,
21:05ce sont ceux
21:05qui ont suivi en France,
21:06qui ont commis
21:07des crimes en France
21:07et qui peuvent être
21:09jugés en Allemagne.
21:10C'est d'abord elle,
21:11Béat Karsfeld,
21:12qui est en première ligne,
21:13qui fait partie
21:15de cette génération
21:16d'Allemands
21:17qui sont outrés
21:18par la non prise en compte
21:20de ce qu'a été
21:21le nazisme,
21:22la réapparition
21:23d'anciens nazis
21:23dans les gouvernements
21:24de la République fédérale.
21:27Et puis,
21:28Serge Karsfeld,
21:29il faisait peur,
21:30il était craint,
21:30parce qu'il avait
21:32des dossiers
21:32en plus solides.
21:33Il faut se battre.
21:38Nous,
21:39on s'est battus.
21:40Ceux qui avaient perdu
21:41un père,
21:44une mère
21:44ou les deux parents
21:46sont sortis
21:47de leur vie normale
21:48pour surtout
21:50un noyau
21:51qui s'est groupé
21:53autour de nous
21:54et qui a été
21:55efficace
21:56pendant une trentaine
21:57d'années.
21:58J'étais jeune militant,
22:05je m'implique,
22:06je suis très très proche
22:07de Serge et Béat Karsfeld.
22:09On entre en action.
22:11J'ai assisté
22:12au procès de Cologne
22:13qui était celui
22:14des nazis
22:16qui en France
22:17avaient collaboré
22:18pour la déportation
22:19des Juifs.
22:24Le monde entier
22:24va regarder
22:25vers ce verdict
22:26et vers ce procès
22:27pour savoir
22:28s'il est exemplaire,
22:29si la sentence
22:29est exemplaire.
22:30On manifeste
22:31à Chambéry
22:32avec un groupe
22:33d'une cinquantaine
22:33de jeunes
22:34pour l'arrestation
22:35de Touvier.
22:37Une manifestation
22:38s'est déroulée
22:39hier à Chambéry
22:40devant la propriété
22:41de Paul Touvier.
22:42Madame Bette Karsfeld,
22:43accompagnée
22:44d'une vingtaine
22:44de personnes,
22:45ont manifesté
22:46rappelant le passé
22:47de Paul Touvier.
22:49Et donc,
22:49j'ai suivi
22:50tous ces combats
22:51qui ont un rôle
22:52central de Serge Karsfeld
22:54pendant ces années-là.
22:58les Karsfeld
23:00pourchassent
23:01d'anciens nazis
23:02allemands
23:03ayant sévi en France.
23:05Grâce au nouveau président,
23:07François Mitterrand,
23:08ils obtiennent
23:09l'extradition
23:10de Bolivie
23:10de l'un d'entre eux,
23:13Klaus Barbie,
23:14qui sera jugé
23:15à Lyon.
23:17Mais lorsqu'ils s'attaquent
23:18à d'anciens fonctionnaires
23:19français,
23:21le combat juridique
23:22devient politique.
23:23Dans les années 80,
23:38on a Serge Karsfeld
23:39qui veut obtenir
23:40le procès
23:41de Vichy.
23:45On a un président
23:46de la République
23:46qui s'appelle
23:46François Mitterrand
23:47qui va incarner
23:49une forme
23:49de déni.
23:51Parce que Mitterrand,
23:52il est un ancien
23:54de Vichy.
23:56Il va être dans
23:56des services à Vichy.
23:58Donc,
23:59il se sent un peu
24:00lié
24:00à l'histoire de Vichy.
24:04Et en plus,
24:04il est un ami
24:05de René Bousquet.
24:06Le fameux René Bousquet
24:07qui a organisé
24:08la rafle du Veldiv.
24:16Donc,
24:17Mitterrand va tout faire
24:17pour bloquer.
24:19Pour bloquer
24:19les affaires judiciaires
24:20qui se sont mis
24:21en cause.
24:25Le bras de fer
24:26dure des années.
24:30De plus en plus
24:31de militants
24:31réclament que la France,
24:33à travers la voix
24:34du chef de l'État,
24:36ouvre les yeux
24:37sur son passé.
24:44Quelques jours
24:44avant le cinquantenaire
24:45de la rafle du Veldiv,
24:47François Mitterrand
24:48est interrogé.
24:49Vous savez que certains
24:51attendent de l'État français
24:52qu'il reconnaisse
24:53sa responsabilité
24:54dans cette foule.
24:54Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
24:56Mais il reste inflexible.
25:00Il me demande
25:01que l'État français,
25:03mais l'État français,
25:04si je veux dire,
25:05ça n'existe pas.
25:06Enfin, il y a la République.
25:07Non, monsieur Amar,
25:08il y a la République.
25:10L'État français,
25:11c'était le régime de Vichy.
25:13C'était pas la République.
25:14Personne ne lui a dit,
25:17ne lui a demandé
25:18de dire que c'était la République.
25:19On sait bien
25:20que c'est pas la République.
25:21Il a dit qu'il ne ferait pas
25:22de déclaration
25:24de reconnaissance
25:25de la responsabilité
25:26de l'État français
25:27dans la déportation des Juifs.
25:28Il a vraiment,
25:30de manière assez méprisante,
25:32rejeté cette demande
25:35qui était vraiment attendue.
25:37Et puis,
25:40on a découvert
25:40à peu près au même moment
25:41que François Mitterrand
25:43faisait fleurir
25:45tous les ans
25:45la tombe du maréchal Pétain
25:46pour se souvenir
25:48du Pétain de Verdun.
25:49Pétain,
25:50il est la Première Guerre mondiale.
25:56Ça veut dire clairement,
25:57on avait non seulement
25:58l'État,
26:00le représentant
26:01le plus haut niveau
26:01qui dit
26:02je ne veux rien entendre,
26:03la République n'est pas comptable,
26:05n'est pas responsable
26:05des crimes de Vichy,
26:06je ne ferai rien.
26:07Mais en plus,
26:09qui donne le sentiment
26:11de montrer
26:12une forme d'indulgence
26:13à l'égard du principal responsable
26:14qui était Pétain.
26:17Ça a été
26:18une forme de stupéfaction.
26:22Nous, on a dit
26:23on sera intransigeants
26:25totalement.
26:29Voilà,
26:30donc on est rentrés
26:31dans le président
26:33de la République.
26:34Bonsoir,
26:38il y a 50 ans,
26:39à l'aube du 16 juillet 1942,
26:41la police française
26:42arrêtait 13 000 juifs
26:43à Paris.
26:44François Mitterrand
26:44a fait un geste tout à l'heure
26:46en assistant
26:46à la cérémonie du souvenir.
26:48C'est la première fois
26:49qu'un président de la République
26:50s'associe à cette manifestation.
26:52François Mitterrand
26:55va se rendre
26:56à l'anniversaire
26:57de la rave du Vélie,
26:59du 50e anniversaire.
27:01Oui,
27:01nous savions
27:02qu'il allait venir,
27:03nous savions
27:04qu'il n'allait pas
27:04prendre la parole.
27:06Le public
27:07n'a pas accepté
27:08que Mitterrand
27:09reste silencieux.
27:12Donc,
27:12mes militants,
27:13qui étaient nombreux,
27:15eh bien,
27:16ils ont sifflé.
27:16François Mitterrand
27:18a été sifflé
27:19dès son arrivée.
27:20La déclaration du président
27:22le 14 juillet,
27:23selon laquelle
27:23la République
27:24n'est pas comptable
27:25des actes de Vichy,
27:26n'est pas passée
27:27auprès d'une partie
27:27de la communauté juive.
27:29Mitterrand
27:29à Vichy !
27:30Mitterrand
27:31à Vichy !
27:32Mitterrand
27:33à Vichy !
27:34Mitterrand
27:37à Vichy !
27:38Mitterrand
27:38à Vichy !
27:39Robert Badinter,
27:40fidèle de Mitterrand,
27:42vole à son secours.
27:43Je me serais attendu
27:45à tout éprouver.
27:46Sauf le sentiment
27:48que j'ai ressenti
27:50il y a un instant
27:51et que je vous livre
27:53avec toute ma force d'homme.
27:55Vous m'avez fait honte !
27:58Vous m'avez fait honte
27:59en pensant
28:00à ce qui s'est passé là !
28:02Vous m'avez fait honte !
28:05Badinter,
28:06son père,
28:08comme le mien,
28:09a été arrêté
28:10par les Allemands.
28:11J'ai compris
28:12le dilemme
28:15qui était le sien
28:16parce que son idole
28:18a été attaqué
28:20devant lui
28:21et que c'était lui
28:22qui avait la parole.
28:24Il fallait qu'il
28:25réagisse.
28:27Mais je crois
28:28qu'il a perdu son sang-froid
28:30à ce moment-là.
28:31« Taisez-vous !
28:33Vous quittez à l'instant
28:35ce lieu de recueillement !
28:37Vous déshonorez
28:38la cause que vous croyez servir ! »
28:42Mais nous,
28:43on était heureux
28:44d'entendre siffler
28:46Mitterrand
28:47parce que c'était
28:47une pression sur lui.
28:51Mitterrand
28:51cède un peu de terrain.
28:54Il fait du 16 juillet
28:55une journée nationale
28:56de lutte contre le racisme
28:58et l'antisémitisme
28:59et cesse
29:00l'année suivante
29:01de fleurir
29:02la tombe de Pétain.
29:05Mais pour les responsabilités
29:07françaises,
29:08rien.
29:09Il faudra attendre
29:10trois ans de plus.
29:11Monsieur le Président,
29:30Monsieur le Ministre,
29:33Monsieur le Maire de Paris,
29:35Monsieur l'Ambassadeur,
29:36Monsieur le Grand Rabbin,
29:38Mesdames, Messieurs.
29:39D'abord,
29:41quand on a eu
29:41le privilège
29:42de le connaître,
29:43on comprend que ce discours
29:45ne vient absolument pas
29:47par hasard.
29:49Il y a des anecdotes
29:50qui sont racontées.
29:51C'est le petit garçon
29:52qui quitte Paris
29:53sur les routes
29:55de l'Exode,
29:56qui voit l'armée française
29:58en débandade,
29:58l'humiliation
29:59que ça représente.
30:00Et donc,
30:01il y a chez lui
30:01quelque chose
30:03qui est resté ancré,
30:04un mépris
30:05pour le régime de Vichy,
30:07pour Pétain,
30:08un même mépris
30:09pour les collaborateurs.
30:11Donc,
30:11il y a quelque chose
30:11de très, très profond
30:12qui est viscéral
30:14chez lui.
30:19Jacques Chirac
30:19est élu
30:20à la présidence
30:21de la République
30:21en mai 1995
30:23et veut rompre
30:24avec son prédécesseur.
30:27Sa rencontre,
30:28début juillet,
30:29avec Henri H. Denberg,
30:30nouveau patron du CRIF,
30:32le conseil représentatif
30:33des institutions juives
30:34de France,
30:35va servir de déclencheur.
30:39On est après une élection
30:41qui a été marquante
30:42parce que Jean-Marie Le Pen
30:44a fait près de 15%
30:46des voix.
30:47Jean-Marie Le Pen
30:48a plusieurs prises de position
30:50à caractère antisémite.
30:53Il est entouré
30:54d'anciens nostalgiques
30:55de Vichy.
30:57Nous sommes assis
30:58devant le bureau
30:59de Jacques Chirac
31:00et je lui dis
31:01nombre de jeunes
31:03ont voté
31:03pour Jean-Marie Le Pen.
31:05Ils ne savent même pas
31:06par qui il est entouré.
31:08Qu'est-ce que
31:09l'époque de Vichy ?
31:10Et lui
31:11va avec moi
31:12dans le même sens
31:13en disant
31:14oui, c'est déplorable.
31:15On ne sait pas suffisamment
31:16ce qui s'est passé.
31:18Alors, j'enchaîne
31:19et je lui dis
31:20écoutez,
31:22peut-être vous avez l'occasion
31:23d'expliquer
31:24ce qui s'est passé.
31:26Il y a la commémoration
31:27de la rafle du Veldiv
31:29dans quelques jours,
31:31le 16 juillet.
31:33Moi, je vous invite
31:33à prendre la parole.
31:35Mais très franchement,
31:36je n'y crois pas.
31:37Je me dis
31:38bon, je le risque,
31:40mais...
31:41Alors, il se tourne
31:42vers Christine Albanel
31:43et il dit
31:44Christine,
31:45qu'est-ce qu'on a
31:45sur l'agenda
31:46le 16 juillet ?
31:47Alors, Christine Albanel
31:48va au bureau
31:49regarder l'agenda.
31:50Elle dit, on n'a rien.
31:52Et Chirac dit,
31:53on y va.
31:57Jacques Chirac
31:58me dit
31:59bon, il va falloir
32:01que tu me fasses
32:01un beau discours.
32:02Fais-moi une proposition.
32:04Je travaille
32:05un peu sur le sujet.
32:08L'idée, c'est essayer
32:08de dire
32:10ce que dirait
32:10l'homme politique,
32:12de parler un peu
32:13comme il parle.
32:14Donc, je lui donne
32:15et là,
32:16il commence à lire
32:17à haute voix.
32:18Il me dit
32:18oui, ça me parait bien.
32:20Oui.
32:21Et c'est là où il me dit
32:22est-ce que tu crois
32:23qu'on va assez loin ?
32:24C'est vrai,
32:24il m'a dit cette phrase.
32:25Ça me va très bien.
32:27Il est dans
32:28la vie d'une nation.
32:30Je lui dis oui.
32:31Je crois qu'il y a déjà
32:31beaucoup, beaucoup de choses
32:32qui sont dites.
32:33Je lui dis vraiment.
32:35Des moments
32:35qui blessent la mémoire
32:37et l'idée
32:39que l'on se fait
32:40de son pays.
32:43Il y a incontestablement
32:47quelque chose
32:48de littéraire
32:49tout en restant
32:50dans des mots
32:51qui sont simples
32:52de compréhension.
32:53De ces journées
32:54de larmes
32:55et de honte.
32:56Mais il y a
32:56une organisation
32:57du texte,
32:58il y a un rythme,
33:00il y a une force
33:02dans les mots
33:03choisis.
33:03Oui, la folie criminelle
33:06de l'occupant
33:07a été,
33:09chacun le sait,
33:12secondée
33:12par des Français,
33:14secondée
33:15par l'État français.
33:18Oui, la folie criminelle.
33:20Le fait d'utiliser le oui,
33:22c'est une façon de dire
33:22je tranche le débat.
33:24C'est-à-dire
33:24je reconnais.
33:26Voilà.
33:26On va clore cette période
33:28parce que Jacques Chirac
33:30a aussi conscience
33:31que c'est un sujet
33:33qui divise les Français.
33:35La France,
33:37ce jour-là,
33:39accomplissait l'irréparable.
33:42J'étais
33:43tout proche de Chirac,
33:47quelques mètres de Chirac
33:48pendant son discours.
33:56Et comme on dit,
33:58j'ai eu un immense soulagement
34:02quand j'ai entendu
34:03cette phrase
34:05qui était
34:06« Ce jour-là,
34:08la France commettait
34:10l'irréparable ».
34:11Il avait dit « la France »
34:15alors que jusque-là,
34:17personne n'avait dit
34:18« la France ».
34:19Je l'entends
34:21et je suis presque abasourdi.
34:23Personne n'était allé
34:24aussi loin
34:25dans cette dénonciation
34:27de la responsabilité française
34:29et de la culpabilité française
34:31dans l'arrestation
34:32et la déportation
34:33des Juifs.
34:35Donc Jacques Chirac
34:36porte un discours révolutionnaire
34:38auquel on ne s'attendait pas.
34:39Personne.
34:4076 000 déportés
34:42Juifs de France
34:43n'en reviendront pas.
34:47Nous conservons
34:48à leur égard
34:50une dette,
34:52c'est vrai,
34:53monsieur le Président,
34:55imprescriptible.
34:55J'ai pleuré,
34:59pleuré, pleuré.
35:02J'ai vraiment
35:03beaucoup pleuré.
35:04Je n'étais pas la seule.
35:07Enfin,
35:08enfin,
35:08on reconnaissait
35:09ce qui s'était passé.
35:12Enfin,
35:12on nous laissait parler.
35:14Enfin,
35:15on était prêts
35:15à nous écouter.
35:16dans l'esprit de Chirac,
35:34c'est un discours
35:35de reconnaissance.
35:36C'est ça qui est beau
35:37dans le discours.
35:37C'est pour ça que ce discours,
35:38il a autant d'impact.
35:39Parce qu'il a ému,
35:41à commencer par
35:41ceux qui étaient
35:42les principaux concernés,
35:44c'est-à-dire les orphelins
35:45de la Shoah.
35:46Marcel O'Full,
35:47c'est du chagrin
35:48et la pitié,
35:48écrit une dette
35:49extraordinaire
35:49à Chirac.
35:53En tant que fils
35:54de juif allemand,
35:55réfugié en France
35:56depuis 1933,
35:58il faut absolument
35:58que je vous exprime
35:59ma très grande joie
36:00et mon immense reconnaissance.
36:05Aujourd'hui,
36:06c'est un peu comme
36:06si la France,
36:07par la voix de son président,
36:09nous accueillait
36:09une seconde fois.
36:11Mais cette fois-ci,
36:11sans faux-semblants,
36:12sans équivoques,
36:13sans xénophobie
36:14et de façon définitive.
36:21L'accueil n'est pas
36:24unanime.
36:25L'extrême droite
36:25conspue le président
36:26à coup d'attaque
36:27antisémique.
36:30Alors parmi
36:30les premières réactions,
36:31celles par exemple
36:32de Jean-Marie Le Pen
36:32pour qui Jacques Chirac
36:33ne fait que payer
36:34sa dette électorale
36:36à l'égard
36:36de la communauté juive.
36:38En 1995,
36:40il est plus acharné
36:40pour critiquer
36:41le discours de Chirac,
36:43c'était Jean-Marie Le Pen.
36:44C'était déjà
36:45Éric Zemmour
36:45en tant que journaliste.
36:46Donc c'était eux
36:47qui critiquaient
36:48le discours de Chirac
36:49en disant
36:50que c'était un discours
36:51émasculé,
36:52un discours indigne,
36:54un discours
36:54qui reconnaissait
36:55des crimes imaginaires.
36:57Donc c'était vraiment
36:57l'extrême droite
36:58identifiée
36:59et infréquentable.
37:02Quelques fidèles
37:03de François Mitterrand
37:04collent encore
37:05à la doctrine
37:06d'après-guerre.
37:07Et on ne peut pas
37:08faire porter
37:10la responsabilité
37:10sur la République française
37:12ni sur le peuple français
37:13collectivement
37:14qui,
37:16dans son immense majorité,
37:17a combattu
37:18le nazisme.
37:20Le procès Papon...
37:22Les gaullistes historiques
37:23se réveillent
37:24deux ans plus tard
37:24lorsque démarre
37:25le procès
37:26de Maurice Papon,
37:27ancien préfet de Gironde.
37:29Non,
37:29ce que je crains,
37:30c'est une mise en cause
37:32de notre pays
37:33qui n'a pas
37:35un passé immaculé
37:37mais qui n'a pas
37:38à rougir,
37:39qui n'a pas à rougir
37:41de son passé.
37:43Et je trouve
37:44ce climat
37:46morbide,
37:47délétère
37:48dans lequel
37:49nous nous trouvons,
37:50ces évocations
37:51d'un faux passé français,
37:54cette volonté
37:55implicite
37:56d'opposer
37:57les Français
37:57les uns aux autres
37:58sur leur passé
38:00tout à fait
38:01regrettable
38:02et détestable.
38:03Dans le débat politique,
38:05il y a toujours
38:06ceux qui pensent
38:07que l'histoire
38:08ne doit pas être
38:09un objet politique
38:10qui sont contre
38:12tout ce qui est
38:13mémoriel.
38:14J'étais jeune
38:14à l'époque.
38:16Non,
38:16au contraire,
38:18je considérais
38:19qu'il était important
38:21que dans ma génération
38:22on puisse adhérer
38:23à ce qu'était
38:24le discours
38:24de vérité.
38:26Cet incessant combat...
38:28Jacques Chirac,
38:30pourtant,
38:30a pris soin
38:31d'équilibrer
38:31son discours.
38:33en n'accablant pas
38:34la France
38:34toute entière.
38:35...de larmes.
38:38La France,
38:39nous le savons tous,
38:41n'est pas un pays
38:42antisémite.
38:45C'est pas du tout
38:45un discours
38:46de repentance.
38:48Chirac insiste
38:49dans son discours
38:50sur le fait
38:50que la France
38:52n'est pas un pays
38:52antisémite.
38:54Il le dit
38:54et que si tant de Juifs
38:56ont pu survivre
38:56en France,
38:57c'est parce qu'ils ont été
38:58aidés par les Français.
38:59C'est juste
39:01parmi les nations
39:02qui,
39:03au plus noir
39:04de la tourmente,
39:06en sauvant
39:06au péril
39:07de leur vie,
39:08comme l'écrit
39:08Serge Klarsfeld,
39:10les trois quarts
39:11de la communauté
39:12juive
39:13résidant en France
39:14ont donné vie
39:15à ce qu'elle a
39:17de meilleur,
39:18cette France.
39:18Quand je témoigne
39:20devant des grands
39:21de terminale
39:23ou de première,
39:24je leur dis
39:25les Français
39:26ont bien réagi.
39:28Pas la France,
39:30les Français.
39:31Parce qu'après
39:32la rafle du Veldiv,
39:34beaucoup de gens
39:35du peuple,
39:36des femmes de ménage,
39:38des concierges,
39:38ont dit
39:39« Donne-moi ton enfant,
39:40je vais le cacher
39:41chez ma cousine ».
39:44Alors ça,
39:45il ne faut pas le nier.
39:46Mais moi,
39:46j'appelle ça
39:47l'aide des Français.
39:48Pas de la France.
39:50On dit clairement
39:51qu'il y a eu des crimes
39:52qui ont été accomplis
39:53par Vichy,
39:53mais on reconnaît
39:54que si tant de Juifs
39:54ont survécu,
39:55c'est grâce
39:56aux Français.
40:00Le président
40:01veut préserver
40:02l'idée d'un pays
40:03qui est resté courageux.
40:09Ce jour-là,
40:11un nouveau mot
40:11apparaît
40:12dans la parole présidentielle.
40:17Jacques Churin,
40:17il ne peut pas opposer
40:18les Français non-juifs
40:20et les victimes juives.
40:22Il faut aussi
40:22qu'ils créent des ponts
40:23parce qu'on doit reconstruire
40:24un vivre-ensemble.
40:26Et pour ça,
40:27c'est important
40:27de mettre en avant
40:28des exemples positifs.
40:29personnellement,
40:41je suis assez dubitative
40:43de cette approche.
40:44Historiquement,
40:45c'est un fait
40:45que trois quarts
40:46des Juifs
40:47recensés en 1940
40:49ont survécu
40:50à la guerre.
40:51Mais il y a eu
40:52de multiples raisons
40:53et ça ne s'explique pas
40:55que par la solidarité
40:57des non-juifs
40:57vis-à-vis des Juifs.
40:58Par exemple,
40:59on se rend compte
40:59à quel point
41:00les familles juives
41:01elles-mêmes
41:01ont fait vraiment
41:02des efforts
41:03absolument incroyables
41:05pour survivre.
41:06Tout ce que ça a demandé
41:07d'ingéniosité,
41:09de courage,
41:11sans parler
41:12des réseaux juifs
41:13qui ont été créés
41:14spécialement
41:14pour sauver
41:15les Juifs eux-mêmes.
41:16Mais ce discours
41:18ouvre la perspective
41:19d'une forme
41:19de réconciliation
41:20entre les Juifs
41:22et l'État français
41:23qui reconnaît sa faute
41:25mais qui en même temps
41:25met en avant
41:26des gens
41:27qui ont aidé les Juifs
41:28et que les Juifs eux-mêmes
41:28ont reconnu comme tels.
41:32Au nom de cette nouvelle
41:34réconciliation nationale,
41:36la figure des Justes
41:37va devenir centrale
41:38dans le discours politique
41:39jusqu'à leur panthéonisation
41:41collective
41:4212 ans plus tard,
41:43toujours par Jacques Chirac.
41:46Ils incarnent
41:47l'essence même
41:49de l'homme,
41:51le libre arbitre
41:52à tous.
41:55En ce lieu
41:56où elle honore
41:57ses grands hommes,
41:59la nation
42:00rend aujourd'hui
42:01le témoignage
42:02de son respect
42:03et de son estime.
42:06Ce nouveau récit historique
42:08de deux Frances
42:09qui s'opposent
42:10et s'équilibrent
42:11fait consensus.
42:16Mais le discours
42:18de Jacques Chirac
42:19va bien plus loin
42:20qu'une reconnaissance
42:21symbolique.
42:22Il va changer
42:22la vie des victimes
42:23et de leurs descendants.
42:27Le gouvernement
42:28décide de faire
42:29toute la lumière
42:30sur la spoliation
42:31des biens juifs
42:31pendant l'occupation.
42:32nous conservons
42:43à la fin
42:44de son discours
42:44Jacques Chirac
42:45parle de la dette.
42:49La dette
42:49c'est une reconnaissance.
42:51Ce qui va suivre
42:52c'est la mise en place
42:54d'une commission
42:57qui va investiguer
42:59sur les spéliations
43:00dont ont été victimes
43:01les juifs.
43:02Lionel Jospin
43:03a reçu aujourd'hui
43:04le premier rapport
43:05d'étape
43:05de la mission
43:06Matteoli
43:06chargée d'établir
43:07l'ampleur
43:08de la spoliation
43:08dont les juifs
43:09de France
43:09ont été victimes
43:10durant la seconde
43:11guerre mondiale.
43:12Un travail énorme,
43:13la plus grande partie
43:14des biens confisqués
43:14aux juifs sous Vichy
43:15s'est envolée
43:16dans la nature
43:17ou dans les caisses
43:17de l'état français.
43:23Les restitutions
43:24effectuées après-guerre
43:25ont été importantes
43:26mais incomplètes.
43:31Grâce à la commission
43:32Matteoli
43:33les victimes
43:34vont enfin
43:35être indemnisées.
43:40Les sommes
43:41dérobées aux familles
43:42qui ont totalement
43:43disparu
43:43sans ayant droit
43:44vont permettre
43:45la création
43:46de la fondation
43:47pour la mémoire
43:48de la Shoah
43:48et la mise en place
43:51d'une mesure
43:52à laquelle tenait
43:53particulièrement
43:54Serge Klarsfeld.
43:55J'avais constaté
44:04qu'un certain nombre
44:06d'orphelins
44:07n'avaient pas pu
44:09surmonter
44:10le traumatisme
44:12de la perte
44:13de leurs parents
44:14et que socialement
44:15ils étaient démunis.
44:18Moi ma vie
44:18a été détruite
44:19à ce moment-là
44:20complètement
44:21et c'était l'époque
44:22où la France
44:23devait se reconstruire
44:25donc
44:26il fallait aller
44:27de l'avant
44:28il fallait travailler
44:29il fallait
44:30il fallait vivre
44:32au jour le jour
44:33donc
44:34il y avait
44:36des préoccupations
44:37de survie
44:38aussi.
44:40J'ai pu me battre
44:41pour que
44:42les orphelins
44:43de la déportation
44:44des juifs
44:45de France
44:46puissent
44:47avoir
44:48une pension
44:50de façon
44:51à éviter
44:52de tomber
44:53dans la misère.
44:53c'est un aspect
44:55matériel
44:55mais en réalité
44:56c'est aussi
44:57l'aspect moral
44:58sans ce discours
44:59ça n'existe pas.
45:06Un simple discours
45:07permet de réparer
45:09en partie
45:09une grande douleur
45:10du pays.
45:12C'est la première fois
45:13qu'un président
45:13reconnaît
45:14une faute historique
45:15de la France.
45:16Cela ouvre une porte
45:17là encore.
45:18nous sommes là
45:23pour dire
45:23que la traite
45:24et l'esclavage
45:24furent
45:25et sont un crime
45:26contre l'humanité.
45:27La France apparaît
45:28comme la troisième puissance
45:30négrière européenne.
45:31Je reconnais
45:32les responsabilités
45:34des gouvernements
45:35français
45:36dans l'abandon
45:38des harkis
45:38des massacres
45:40de ceux restés
45:41en Algérie
45:41et des conditions
45:43d'accueil
45:43inhumaines
45:44des familles
45:45transférées
45:45dans les camps
45:46en France.
45:48La France
45:48a un rôle
45:49une histoire
45:51et une responsabilité
45:54politique
45:55au Rwanda.
45:56Je viens reconnaître
45:57nos responsabilités.
46:00Il y a
46:00maintenant
46:01une nécessité
46:03de reconnaître
46:04un certain nombre
46:05de faits
46:06un certain nombre
46:07de drames
46:08et même
46:09un certain nombre
46:09de responsabilités.
46:11Un discours
46:11de chef d'État
46:12ce n'est pas
46:13un discours d'historien
46:14c'est un discours
46:15qui vient
46:15après
46:16qu'il y ait eu
46:17ou des preuves
46:19ou des récits
46:21qui montrent
46:23ce qui s'est produit.
46:24C'est un discours
46:24qui conclut
46:25et qui ouvre.
46:27Emmanuel Macron
46:28est tout le temps
46:29confi
46:30en repentance
46:31en disant
46:32permanence
46:32que la colonisation
46:34a été un crime
46:35contre l'humanité
46:35etc.
46:36Il y a un trait
46:36commun
46:37c'est que l'extrême droite
46:38est toujours
46:38contre les discours
46:40de reconnaissance
46:41des responsabilités
46:43de la France
46:43dans un certain nombre
46:44de faits historiques.
46:46Toujours.
46:46Et c'est un autre mot
46:51qui apparaît
46:52dans le discours politique
46:53pour contrer
46:55ceux de Jacques Chirac.
46:55J'en ai marre
47:00de cette autoflagellation
47:01j'en ai marre
47:02de cette repentance
47:02permanente
47:03et j'en ai marre
47:04J'en ai marre
47:05dit le président
47:06C'est un fait
47:07D'accord
47:08mais pourquoi maintenant
47:09et pourquoi ça ?
47:09L'école a enseigné
47:10à toute une génération
47:11la repentance permanente
47:12c'est à savoir que la France
47:13c'est à savoir que la France
47:13avait toujours tout mal fait
47:14dans son histoire.
47:15Vous avez des gens
47:16qui vont parfois
47:16se mettre à paniquer
47:18à tout mélanger
47:18et à considérer
47:20que reconnaître
47:21des faits historiques
47:22c'est se culpabiliser
47:23ou vouloir culpabiliser
47:24les Français
47:24ce qui est un fantasme
47:26et vous avez des gens
47:27qui sont dans ce type
47:29de fantasme là
47:30notamment sur les guerres d'Algérie
47:32sur la colonisation
47:34qui a entraîné
47:34des crimes
47:35contre l'humanité
47:36c'est une évidence
47:37pour les spécialistes
47:38pour les universitaires
47:39pour les historiens
47:40mais ça a parfois
47:41du mal à passer
47:42effectivement
47:42pour certains
47:43responsables politiques.
47:45Cet incessant combat
47:46c'est le mien
47:48autant que c'est le vôtre.
47:51C'est justement
47:51avec une tirade
47:52contre l'extrême droite
47:53que Jacques Chirac
47:55termine son discours
47:56ce 16 juillet 1995.
47:58« Certains partis politiques
48:01se révèlent porteurs
48:03de manière plus ou moins
48:04ouverte
48:05d'une idéologie
48:07xénophobe, raciste
48:09antisémite
48:10Tout est déjà annoncé
48:12dans ce discours
48:13qu'il y a à la fois
48:14l'extrémisme à l'intérieur
48:15l'extrême droite
48:16Les crimes racistes
48:19la défense de thèses
48:21révisionnistes
48:21les provocations
48:24en tout genre
48:25de petites phrases
48:26en soi-disant
48:27bons mots
48:28puissent en réalité
48:30aux mêmes sources. »
48:31Avec un message
48:33politique final
48:34qui est très important
48:35dans ce discours
48:36si on en est arrivé là
48:37c'est parce que
48:39on a laissé dire
48:40on a laissé faire
48:41dans les années 30
48:42et on a en réalité
48:44ouvert le champ
48:45à l'extrémisme
48:46or il n'y a qu'une seule façon
48:48de faire face
48:48à l'extrémisme
48:49c'est le combattre
48:50absolument.
48:51après le discours du Valdiv
49:00et après cette séquence
49:01mémorielle
49:02le pays va mieux
49:03qu'avant.
49:07Dans un discours
49:09présidentiel
49:11ou d'un premier ministre
49:12sur le fond du discours
49:14nul n'est revenu
49:15sur ce qu'avait dit
49:16Jacques Chirac.
49:17Maintenant il est dans
49:19les manuels scolaires
49:20il est enseigné
49:21à l'école ce discours.
49:23Ce qui doit rester
49:24de ce discours
49:25de Jacques Chirac
49:26c'est l'idée
49:27d'abord
49:28qu'il ne doit pas
49:28y avoir de discrimination
49:29qu'il ne doit pas
49:31y avoir de ségrégation
49:32qu'en fonction
49:33de la race
49:34ou de la religion
49:34des uns et des autres
49:35on doit mettre
49:36certaines personnes
49:38au banc d'un pays
49:39et puis
49:40les écarter
49:41les arrêter
49:43les expulser.
49:44Non.
49:46Je trouve que la France
49:47se grandit
49:48en revenant
49:50sur ce passé
49:51en assumant.
49:59La vérité doit
50:01toujours éclater.
50:09Ne rien occulter
50:11des heures sombres
50:12de notre histoire
50:13c'est tout simplement
50:15défendre une idée
50:16de l'homme
50:17de sa liberté
50:18de sa dignité
50:20c'est lutter
50:22contre
50:22les forces obscures
50:24sans cesse à l'œuvre.
50:28Cet incessant combat
50:29c'est le mien
50:31autant que c'est le vôtre.
50:32Sous-titrage Société Radio-Canada
50:36Sous-titrage Société Radio-Canada
50:39Sous-titrage Société Radio-Canada
50:40Sous-titrage Société Radio-Canada
50:41Sous-titrage Société Radio-Canada

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