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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit le philosophe et essayiste Bernard-Henry Lévy à l'occasion de la sortie de son 4ᵉ documentaire sur l'Ukraine.
Le film coréalisé avec Marc Roussel intitulé "Notre guerre" sera diffusé ce dimanche soir sur France 5.

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Transcription
00:00Du Bangladesh au Darfour, de Kaboul à la Bosnie depuis plusieurs décennies,
00:04notre invité, philosophe et documentariste témoigne des atrocités des guerres.
00:09Il revient aujourd'hui avec un quatrième documentaire sur l'Ukraine.
00:12Bonjour Bernard-Henri Lévy.
00:13Bonjour.
00:14Merci d'être avec nous ce matin.
00:15Le film, co-réalisé avec Marc Roussel, s'intitule « Notre guerre ».
00:19Il sera diffusé dimanche soir sur France 5.
00:22On va t'arrêter juste un instant sur le titre « Notre guerre ».
00:25Pourquoi l'avoir choisi ?
00:27Notre guerre parce qu'elle nous concerne, parce que c'est femmes et ces hommes
00:32que vos téléspectateurs vont découvrir dimanche soir sur France 5.
00:37C'est nos frères, c'est nos sœurs et ils se battent pour nous.
00:43C'est ce qu'ils disent d'ailleurs.
00:44Ils font rempart de leur corps contre une puissance d'une extraordinaire agressivité
00:55qui est celle de la puissance de Vladimir Poutine et de son armée.
01:00Donc, ils se battent pour nous.
01:02Ça fait 3 ans et 4 mois que la Russie a envahi l'Ukraine,
01:06entraînant les deux pays dans la guerre.
01:08Vous avez l'impression que ce conflit, l'Europe et même peut-être le monde,
01:11sont en train de l'oublier.
01:12Est-ce que c'est votre sentiment ?
01:14Oui, et c'est pourquoi je suis si reconnaissant au service public d'accueillir ce film dimanche.
01:23Parce que c'est vrai qu'il y a cette logique dans les médias.
01:27On focalise sur un événement et puis d'un seul coup, le faisceau de lumière se déplace
01:33et puis il tombe dans un grand trou noir.
01:37Et c'est un peu ce qui est en train d'arriver à la guerre d'Ukraine.
01:39Les gens continuent de mourir.
01:41Les villes continuent d'être bombardées.
01:44Des quartiers entiers continuent d'être détruits dans la ville de Soumy où je me trouvais.
01:49Ces hommes qu'on voit là, je ne suis pas sûr qu'ils soient tous vivants à l'heure qu'il est.
01:56Et puis, on en parle moins.
01:58Voilà.
01:59Donc, il y a des guerres oubliées.
02:01C'est horrible.
02:02C'est un oxymore affreux.
02:03Des guerres oubliées.
02:04Il y a eu une guerre, on devrait y penser jour et nuit.
02:07Et cette guerre, elle est peut-être en train de devenir une guerre oubliée.
02:10Et ce film, il est fait pour qu'il n'en soit pas ainsi.
02:13Ce film, il est fait pour que ces femmes, ces hommes, il y a beaucoup de femmes,
02:17beaucoup de jeunes femmes, beaucoup d'hommes âgés dans ces rangs des combattants.
02:22Une très belle histoire, d'ailleurs, de la guerre d'Ukraine,
02:24c'est que c'est les pères qui vont se battre pour protéger leurs fils,
02:28pour épargner leurs fils quand ils le peuvent.
02:30Et bien, j'essaye de leur donner une vie, de les rendre présents ici.
02:37À la fois sur le front, dans les villes, vous avez rencontré des soldats,
02:40vous avez rencontré des civils.
02:42On a souvent loué le courage ou la résilience,
02:47le sentiment de fierté des Ukrainiens qui les a portés ces trois dernières années.
02:53Comment vont-ils aujourd'hui, vous qui les avez rencontrés,
02:56au début de l'année, je crois, pour le tournage de ce quatrième volet ?
02:59– Je les ai rencontrés, je ne les ai pas quittés.
03:01Vous savez, depuis le début de la grande invasion,
03:03de l'invasion à grande échelle, comme ils disent, 24 février,
03:07j'ai fait quatre films, ça c'est le quatrième,
03:09pour moi le plus important.
03:12Oui, le plus important pour moi, celui où j'ai mis le plus de moi-même,
03:16celui où j'ai passé le plus de temps,
03:18celui où peut-être mes camarades, mon équipe et moi-même
03:20avons parfois frôlé les situations les plus difficiles.
03:24Mais comment ils vont ? Comme vous dites.
03:27C'est-à-dire résilience intacte, esprit de résistance en acier trempé,
03:32volonté de gagner absolue et dans des conditions de combat terribles.
03:38En gros, c'est 10 contre 1.
03:41Il y a un moment dans le film où je, j'allais dire, je m'amuse à compter,
03:45où je m'exerce à compter les détonations.
03:47Vous savez, quand vous êtes sur un champ de bataille,
03:49il y a deux bruits qui sont presque identiques.
03:53C'est le bruit des obus qui arrivent sur vous
03:55et le bruit des obus qui partent de chez vous, des Ukrainiens.
04:00Ils sont presque identiques, mais quand même, on les distingue à l'oreille.
04:02Et à force, j'ai appris à les distinguer.
04:06Et ce jour-là, on l'est à Klichivka, le combat est très intense,
04:10ça tire de tous les côtés et je compte.
04:1310 obus russes arrivent pendant que mes camarades ukrainiens tirent un obus.
04:17Voilà. Alors se battre dans ces conditions-là, c'est horrible.
04:23Il y faut en même temps une ingéniosité, une intelligence,
04:28une capacité à tirer juste et un courage et un sang-froid extraordinaires.
04:36Eh bien, ils ont tout ça.
04:38À l'image du personnage qui est, je crois, le personnage principal du film
04:42et pour lequel j'ai une admiration infinie,
04:45qui est pour moi, ça a l'air un peu naïf de dire des choses comme ça,
04:49mais je l'ai dit quand même, c'est probablement l'homme d'État occidental
04:53le plus respectable que l'Occident est aujourd'hui, c'est Zelensky.
04:58Vladimir Zelensky qui est le premier de ces soldats,
05:01qui est parmi ces hommes, qu'on voit sur le front.
05:04Eh bien, voilà.
05:06Là, je le vois dans son bunker, dans le film, il y a trois rencontres avec lui.
05:11C'est ça. Et dans l'une de ces rencontres, il vous parle d'une horreur de la guerre,
05:17elle aussi cachée ou oubliée, très peu connue,
05:20qui concerne les enfants et les jeunes Ukrainiens.
05:24Racontez-nous.
05:25C'est la révélation de ce film.
05:26Dans cette scène-là, il me le raconte et je suis, je dois dire, abasourdi
05:30parce que j'avais un peu entendu parler de cela,
05:32mais je ne savais pas l'ampleur.
05:34Il me dit qu'il me révèle une entreprise systématique
05:40de la part de l'armée russe et de son État-major
05:43de kidnapper les enfants ukrainiens.
05:47Près de 20 000.
05:49Alors, il y a un chiffre officiel, des chiffres documentés,
05:52qui est 19546.
05:55Le chiffre est probablement trois ou quatre ou cinq fois plus grand, en clair.
05:59Quand les Russes prennent un village,
06:00ils n'en prennent pas beaucoup d'ailleurs
06:01parce qu'ils avancent beaucoup moins qu'on ne le dit,
06:03mais quand ils prennent un village et qu'il y a un peu de désordre,
06:06ils raptent les enfants, entre 3 et 13 ans.
06:12Ils les emmènent en Russie,
06:13ils les mettent dans des maisons de correction,
06:16comme on disait en France à l'époque du Grand Môle,
06:19dans des maisons de correction et des maisons de redressement.
06:22Ou des camps paramilitaires.
06:24Ils changent leur identité,
06:26ils leur donnent des nouveaux passeports.
06:28Bref, ils tentent, en tout cas, de les russifier.
06:32Et quand la chose est faite, à 13, 14, 15 ans,
06:35ils les envoient sur le front se battre.
06:38Contre qui ?
06:39Contre leur patrie et contre leurs propres parents.
06:43Donc vous avez là 20 000,
06:45donc au chiffre officiel 1905 et quelques,
06:49enfants otages, enfants volés, enfants kidnappés,
06:53qui sont une plaie au flanc de cette Russie.
06:57– Et les familles ukrainiennes, elles n'ont pas de moyens ?
07:00– Les familles ukrainiennes n'ont pas assez ce que racontent.
07:03Alors le président Zenaski me raconte cela.
07:07Je vais ensuite dans un camp, dans un centre,
07:10de réinsertion des mille et quelques enfants qui ont été sauvés,
07:15par des filières de sauveteurs, par des justes russes, etc.
07:20Et j'essaie de comprendre comment tout ça s'est passé.
07:23Les parents sont sans nouvelles.
07:25C'est-à-dire qu'il faut imaginer le chaos de la guerre,
07:28il faut imaginer une ville à moitié détruite,
07:31il faut imaginer le père au front,
07:33la mère en train de cacher la petite dans un landau,
07:37le petit garçon qui a 7-8 ans,
07:39qui va se cacher je ne sais où,
07:41qui est emmené par les Russes.
07:42Et les parents sont sans nouvelles.
07:44On ne leur dit rien, il est porté disparu.
07:47Et en réalité, il n'est pas porté disparu,
07:48il porte un autre nom,
07:50on lui donne un autre passeport
07:52et on lui raconte une autre identité.
07:56Et je dois dire que,
07:57ça me ferait plaisir de le souligner,
08:01vos confrères de l'Express,
08:03les Bdwinder Express,
08:04ont lancé ce matin un appel international
08:07que nous avons écrit à quelques-uns
08:09avec Salman Rushdie,
08:11avec Sting, le musicien,
08:14avec Charlotte Gainsbourg,
08:15avec Marina Abramovitch,
08:16avec la prix Nobel de la paix ukrainienne,
08:19Alexandra Madbichouk et moi-même,
08:21un appel international sur le thème
08:24« Rendez les enfants »,
08:25« Ramenez les enfants à la maison ».
08:27C'est dans l'Express de cette semaine
08:29et c'est dans toutes les langues,
08:31il y a des sites de signatures,
08:33tout le monde peut signer cet appel.
08:34– Voilà, cette révélation,
08:36c'est dans ce documentaire « Notre guerre »,
08:38bouleversant,
08:39avec des images difficiles de cette guerre.
08:42Vous êtes allé au plus près.
08:43Merci beaucoup Bernard-Henri Lévy
08:45et le documentaire sera diffusé ce dimanche.
08:48– Bonsoir, merci à vous.
08:49Et merci encore une fois au service public
08:51de mettre en valeur un film comme celui-là.
08:57La guerre d'Ukraine ne sera pas oubliée dimanche soir.
08:59– Merci beaucoup.

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