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Depuis quelques années, l’IA a pris le pouvoir. Pas forcément dans les faits, mais dans les récits. Elle est partout : dans les médias, les conseils d’administration, les plans stratégiques, les pitchs de start-up. Elle promet tout : productivité, créativité, personnalisation, rationalité. Et surtout, elle promet d’avance. Avant même d’agir, elle s’impose comme solution. Avant d’être éprouvée, elle est vendue comme inévitable. C’est cela, le bluff technologique appliqué à l’intelligence artificielle. Ce que le penseur Jacques Ellul avait déjà anticipé, dans Le Système technicien, c’est cette capacité qu’a la technique à se présenter comme autonome, inéluctable, désirable par nature. [...]

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Transcription
00:00Il est clair que depuis quelques années, l'IA a pris le pouvoir.
00:11Pas forcément dans les faits, mais dans les récits.
00:14Elle est partout, dans les médias, les conseils d'administration,
00:17les plans stratégiques, les pitches de start-up.
00:20Elle promet tout, productivité, créativité, personnalisation, rationalité.
00:26Et surtout, elle promet d'avance.
00:28Avant même d'agir, elle s'impose comme une solution.
00:32Avant d'être éprouvée, elle est vendue comme inévitable.
00:35C'est cela le bluff technologique appliqué à l'intelligence artificielle.
00:40Ce que le penseur Jacques Ellul avait déjà anticipé dans le système technicien,
00:45c'est cette capacité qu'a la technique à se présenter comme autonome, inéluctable, désirable par nature.
00:52Elle ne s'explique pas, elle s'impose.
00:54On ne se demande plus si elle est souhaitable ou utile, on suppose qu'il faudra de toute façon s'y adapter.
01:01Ce que nous vivons aujourd'hui, c'est l'apothéose de cette logique.
01:05Non plus une société avec des techniques, mais une société pilotée par le discours technicien lui-même.
01:11Or, ce discours est performatif.
01:13Il fait exister la technologie avant même qu'elle ne fonctionne.
01:17Il suffit de dire IA pour que l'on vous écoute.
01:21Ce n'est plus la réalité qui commande le discours, c'est le discours qui surjoue la réalité.
01:27L'IA ne fait pas exception.
01:29Elle avance par son propre élan, selon sa propre logique, dans une dynamique d'auto-accélération où chaque avancée justifie la suivante.
01:37Ce que nous vivons avec l'IA n'est pas tant une révolution technique qu'un triomphe rhétorique.
01:45Il suffit de dire IA pour activer le réflexe pavlovien de la modernité.
01:50Les modèles sont encore incertains, biaisés, parfois absurdes, peu importe, le discours les a déjà sanctifiés.
01:57Ce qui compte, ce n'est pas ce que l'IA fait, mais ce qu'elle promet de faire.
02:02Et cette promesse fonctionne comme une suspension du jugement.
02:06Puisqu'elle va tout changer, alors à quoi bon questionner ?
02:10L'IA donne aux entreprises une impression de mouvement, de puissance et de vision.
02:15On y attise les outils, les équipes, les perspectives.
02:19L'innovation se confond avec l'intégration algorithmique, le management avec l'automatisation intelligente,
02:26le progrès avec la prédiction statistique.
02:29Mais au fond, que fait vraiment l'IA ?
02:32Elle classe, segmente, anticipe.
02:34Elle ne pense pas, elle calcule.
02:36Elle ne comprend pas, elle corrèle.
02:38Elle n'imagine pas, elle simule.
02:41Ce que nous appelons intelligence n'est qu'une puissance de traitement,
02:44mais certainement pas une machine à penser.
02:47Ellul nous rappelle que ce qui est redoutable avec la technique,
02:51ce n'est pas sa puissance, mais son statut de vérité silencieuse.
02:54L'IA, dans ce registre, devient un oracle, un système auquel on délègue non seulement des tâches,
03:01mais des décisions, des diagnostics, des jugements.
03:05Et peu à peu, on s'habitue à ne plus penser, puisqu'une machine pense mieux que nous.
03:10C'est là le vrai danger, la dépossession du discernement au nom de l'efficience.
03:16Il ne s'agit donc pas de rejeter l'IA en bloc, mais de rompre avec la fascination,
03:20de réintroduire du débat là où il n'y a plus que du consentement.
03:25Car le problème n'est pas que les machines pensent à notre place,
03:29mais que nous arrêtions de penser sous prétexte qu'elles sont là.
03:32Sous-titrage Société Radio-Canada
03:37C'est parti.

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