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  • 24/06/2025

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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie nationale ?
00:20Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Il ne se passe jamais grand-chose dans la petite ville de Pécabou.
01:04C'est pourquoi je sursaute et lève les yeux de mon journal quand j'entends une petite voix demander.
01:09Je voudrais parler au shérif, monsieur.
01:12Il a une brosse de cheveux blonds, des taches de rousseur comme des pièces de 10 cents,
01:17les dents de devant en déroute.
01:19Pas plus de 12 ans à vue de nez.
01:21Je suis le shérif, petit. C'est à quel sujet ?
01:26Ben, je voudrais parler des deux hommes que je viens de voir, monsieur.
01:30Ah oui ?
01:31Oui, même qu'ils ont les mains attachées du fil de fer.
01:35Puis je ne les connais pas, monsieur.
01:37Tiens, tiens. Encore un gamin qui regarde trop la télé.
01:43Les mains attachées du fil de fer ? Et puis quoi encore, petit ?
01:47Ben, en plus, ils avaient un gros morceau de sparadrap sur la bouche.
01:52Et puis ils me regardaient avec de drôles de yeux.
01:55Il me fait un drôle de petit sourire pour donner plus de poids à sa déposition.
02:00Même s'ils regardent la télé, j'ai le sentiment que ce gamin a fait une rencontre inhabituelle
02:05dans notre bonne petite ville de Pécabou.
02:08Que les avez-vous, mon garçon ?
02:10Ben, j'allais chez le dentiste sur mon vélo, puis je me suis arrêtée au carrefour de Donaldson
02:15parce que c'est dangereux et ma maman a dit toujours qu'il faut s'arrêter.
02:19Alors, j'ai regardé dans le fossé, puis j'ai vu deux hommes, comme je vous ai dit,
02:23attachés au gros tuyau sous la route, hein, que tu sparadras.
02:27Tu leur as parlé ?
02:29Oh ben, vous pensez bien que non.
02:30Ma maman, elle ne veut pas que je cause à tous les drôles de types que je rencontre.
02:34Mais je suis quand même venu vous le dire parce que...
02:37parce que c'est mon devoir de bon citoyen, monsieur.
02:42Je fais un effort pour réprimer un sourire.
02:46T'as très bien fait, mon gars, t'es un bon citoyen,
02:50dis-je en me levant et en prenant mon arme de service.
02:53Allez, maintenant, file chez le dentiste.
02:56Je ne peux pas venir avec vous, chérif.
02:58Qu'est-ce qu'elle t'a dit, ta maman, hein ?
03:01Ben, que je dois aller chez le dentiste.
03:04Alors, fais ton devoir et puis moi, je vais faire le mien.
03:08Alors que nous sortons,
03:10l'express pour Chicago passe à grand fracas sur le remblai à 20 mètres du bureau.
03:16J'ai pris mon car ce matin à 6 heures
03:19et je ne suis pas fâché de prendre un peu d'exercice,
03:22même si c'est pour aller au carrefour Donaldson,
03:25un désert de labours en ce mois de novembre.
03:28Je traverse la rue qui passe sous le tunnel du chemin de fer
03:31et je la remonte jusqu'à l'endroit où j'ai garé ma voiture.
03:35En temps normal, on utilise le parking de l'hôtel de ville,
03:38mais il n'ouvre qu'à 7 heures.
03:40La nuit, une grille d'acier le protège contre l'intrusion des amoureux ou des voleurs.
03:47Un énorme camion, semi-remorque, est garé juste devant ma voiture.
03:51Je note que le nez de l'engin est à moins de 6 mètres de l'entrée du parking,
03:55en deçà de la limite du réglementaire.
03:58Je hausse les épaules en lui promettant une contravention s'il est encore là à mon retour.
04:05Arrivé au carrefour Donaldson, aussi désert que prévu,
04:09je sors de ma voiture et j'inspecte les parages au pas longtemps.
04:14Ils sont bien là, tous les deux, à l'endroit précis décrit par le gamin.
04:19Deux types couchés sur le côté, les poignets liés derrière le dos avec du fil de fer
04:24dont les extrémités sont enroulées autour des piles de soutènement du gros collecteur.
04:30Je fais le chercher des tenailles dans ma voiture et je les rejoins dans le fossé.
04:35Pas trop tôt !
04:36Fait le premier en enlevant son baillon.
04:39C'est le gosse qui vous a prévenu ?
04:41Ouais, c'est le gosse.
04:43À propos, qu'est-ce qui s'est passé, les gars ?
04:45Ben, ce matin à 5 heures, des mecs nous ont piqué notre camion.
04:49Dit-il en se massant les poignets, tandis que nous allons nous asseoir dans ma voiture.
04:54Chaque semaine, nous livrons des téléviseurs et des magnétoscopes à différents grossistes de Chicago.
04:58Bref, j'étais en train de ralentir au carrefour quand Joe me dit...
05:02Joe, c'est mon pote ici présent.
05:04Moi, je m'appelle Harry.
05:06Quand Joe me dit...
05:07Hé, Harry, fais gaffe à la Chevrolet !
05:10Effectivement, une Chevrolet bleu et blanc nous dépasse et se met en travers de la route à 50 mètres de nous.
05:16D'horreusement que j'ai de bons réflexes et que je freine à temps.
05:19J'aurais dû foncer dans le tas parce que, si t'as arrêté, des gusses avec des bas de nylon sur la tête
05:24et puis des flingues plein l'épingle nous forcent à sortir, nous ligotent et foutent le camp avec le camion et toute la camelote.
05:31Dans quelle direction, je demande ?
05:33Ben, d'après le bruit, plein sud.
05:37Un léger picotement m'envahit la nuque.
05:39Qu'est-ce qu'il y avait d'écrit sur la remorque ?
05:43Je demande à Harry.
05:45Royal Transport de Chicago !
05:47Ouais.
05:49Dites-moi, Harry, la carrosserie est en inox ?
05:51Ouais, en aluminium, flambant neuf.
05:53Le patron va faire une maladie.
05:56Le picotement sur ma nuque devient chatouillement.
05:58Je lance ma dernière flèche.
06:01Et matriculé dans l'île Linois ?
06:03Ouais, dans l'île Linois, chérif.
06:05Dans ce cas, les gars, vous pouvez reprendre le volant.
06:09Je pense que vous aurez juste quelques heures de retard.
06:13Comment ça, chérif ?
06:14Parce que votre bahut était garé tout à l'heure en face du commissariat.
06:17Voilà pourquoi.
06:20Je dépasse quand même la limite de vitesse pour rentrer en ville.
06:23Même si je suis certain qu'il s'agit de leur bahut, un petit doute persiste.
06:29Nous arrivons presque en vue de l'hôtel de ville
06:31quand Harry se penche sur mon épaule et s'exclame
06:34Oh, c'est bien lui !
06:35Sans le saurier, vous êtes un super flic, chérif.
06:38Ouais, enfin, disons que j'ai une super chance,
06:42dit Jean-Megaran.
06:44Harry plonge hors de la voiture et court ouvrir l'arrière du camion.
06:49Et le plus beau, c'est que tout est à l'intérieur.
06:51C'est une blague de l'humour local ou quoi, chérif ?
06:55Ils sont peut-être tombés en panne sèche.
06:57Impossible ! Il reste au moins 200 litres.
07:00Si on passait à mon bureau,
07:04dis-je terriblement perplexe.
07:08En tous les cas, voilà ce qui s'appelle une affaire rondement menée.
07:11Des cas comme ça,
07:13il peut s'en passer tous les jours à pécabou.
07:16Pas sûr.
07:18Pas sûr.
07:20Comme vous le verrez dans quelques instants.
07:21Quand on est chérif à pécabou,
07:32on passe la plupart du temps à lire le journal.
07:37Jusqu'au jour où un gosse m'avertit
07:39qu'il a vu deux types ligotés dans un fossé,
07:41deux camionneurs piratés par des inconnus.
07:46Un peu d'action, direz-vous ?
07:47Eh ben, non.
07:48Non, car les inconnus ont garé le camion en face de mon bureau
07:51et pas un téléviseur ne manque dans la cargaison.
07:55Une farce, peut-être.
08:01Vingt minutes plus tard,
08:03nous quittons mon bureau,
08:04les dépositions faites.
08:07J'arrête la circulation
08:08pour permettre à Harry et Joe
08:09de manœuvrer dans le parking de l'hôtel de ville.
08:12En les quittant,
08:14je grimpe sur le marche-pied et je leur dis
08:16« Dites-dedans, les gars, la prochaine fois
08:18que vous verrez une chevrolet bleue et blanc,
08:19vous faire une queue de poisson,
08:21foncez, vu ! »
08:22« Ah, comptez sur nous !
08:24Merci, chérif ! »
08:26Je saute du camion et il démarre en klaxonnant.
08:31Johnny et Martin,
08:32le grand reporter du seul journal de pécabou,
08:34m'attend sur le perron,
08:35l'air d'avoir assisté à toute la scène.
08:37« Qu'est-ce qui se passe, Bill ? »
08:41me demande-t-il.
08:43« Mais, mais, mais, c'est notre cher Johnny ! »
08:47fais-je d'excellente humeur.
08:49« Entre, Johnny, que je te raconte ! »
08:52Je lui donne le scoop de la saison
08:54dans les moindres détails,
08:55en insistant, bien entendu,
08:57sur mon sens de l'observation,
08:59plus que sur la chance.
09:01En effet, nous sommes en pleine période électorale
09:03et le pécabou Herald,
09:06le canard de Johnny,
09:07soutient mon adversaire,
09:09Michael Flaherty,
09:10qui aimerait bien me prendre ma place.
09:13Et si Michael Flaherty gagne,
09:16il sera notre nouveau shérif
09:17et je me retrouverai au chômage.
09:20À peu près 24 heures plus tard,
09:22un typhon entre dans mon bureau,
09:24un journal en main,
09:25et me gueule.
09:25« Bill, on est foutu ! »
09:27Je n'ai jamais vu James Blore,
09:29mon adjoint, dans une telle colère.
09:32« Quoi, quoi, foutu ! »
09:33« Mais la police est la risée de tout le comté ! »
09:36aboie-t-il.
09:37« Voilà pourquoi ! »
09:39Il étale le journal sur mon bureau
09:40et écrase un doigt gros comme un marteau pilon
09:43sur l'entête de la page 2.
09:45Mal à l'aise, je lis,
09:47« Le shérif s'améliore à l'approche des élections. »
09:51« Bah quoi, c'est un compliment, non ? »
09:54« Qu'est-ce qui vous rend aussi fumace, James ? »
09:56« Lisez l'article, shérif, allez, lisez ! »
09:59Ce que je m'empresse de faire.
10:00« Un magnifique exemple de désinformation, bravo, Johnny ! »
10:05« Loin de nous féliciter, l'article insinue que le shérif, moi,
10:10monte en épingle un fait anodin pour redorer son blason
10:14à quelques semaines des élections.
10:16A-t-on jamais vu des voleurs se garer devant un commissariat
10:20et fuir en abandonnant le butin ?
10:22Pas très futé, s'il s'agit d'un coup monté. »
10:26« S'il s'agit d'un coup monté ? »
10:29À mon tour de sentir la colère grandir en moi.
10:33Mon assistant le sent et se radoucit.
10:35« En plus, Bill, la radio s'en est emparée ce matin.
10:38Les mêmes insinuations.
10:39Autant de bons points pour O'Flaherty.
10:41Remarquez, shérif, ils n'ont pas tout à fait tort.
10:44Sa pull canular à plein nez.
10:45Enfin, quoi ! »
10:47Là, je me sens personnellement concerné.
10:51« James, si je n'ai pas trouvé ce qui s'est passé d'ici 24 heures,
10:55je leur donne ma démission. »
10:58S'il est sous-pollet, mon adjoint n'en est pas moins psychologue.
11:01Il sent qu'il est préférable de me laisser gamberger
11:04et me calmer en paix.
11:08Je pose les pieds sur la table et je ferme les yeux.
11:12Sans me vanter, je suis doué d'une très bonne mémoire.
11:14Aussi, je repasse mentalement le film chronologique.
11:19En fin de bande, je sursaute.
11:22Je cours à la fenêtre, regarde vers le sud,
11:24hoche la tête et file chez mon assistant.
11:26Il est surpris de me revoir si vite.
11:29« James, les pirates se sont garés en face de chez nous par manque de place. »
11:34« Hein ? Ouais, j'ai grimpé sur le marche-pied hier en les quittant
11:38et je me souviens parfaitement d'une notice écrite sur la portière.
11:41« Attention, véhicule grand gabarit, hauteur hors-tout, 3,95 m. »
11:48« Et alors, shérif, rappelez-vous, James,
11:50la hauteur du tunnel sous le chemin de fer, 3,90 m. »
11:55« Le camion était trop haut pour passer dessous. »
11:58« Ben, ils auraient pu faire demi-tour, shérif. »
11:59« Impossible ! »
12:01« La manœuvre nécessite de passer par le parking de l'hôtel de ville. »
12:03« Or, il était fermé à cette heure-là. »
12:06« Enfin, Bill, ils auraient pu faire marche arrière jusqu'à la grande place. »
12:10« Ils ne l'ont pas fait, James. »
12:12« J'en déduis que ce ne sont pas des camionneurs professionnels. »
12:16« Parce qu'il faut être un vrai pro pour conduire ce porte-avions en marche arrière sur une telle distance,
12:20sans accrocher les voitures en stationnement ou les bornes d'incendie. »
12:25« Il ne leur restait plus qu'une possibilité, James. »
12:28« Se garer ici, en face. »
12:31« Maintenant, nous avons un terrain solide. »
12:34« Je vais montrer aux gens du Pécabo Héral ce que c'est qu'un coup monté. »
12:40« Pendant deux jours, je me démène comme un boisseau de puce,
12:43entrant et sortant sans désemparer, téléphonant tous azimuts pour réclamer des mandats et que sais-je encore. »
12:48« Le matin du troisième jour, je demande à James d'organiser une conférence de presse. »
12:54« La bonne blague. »
12:57« À Pécabo, nous n'avons qu'un journal et qu'une station radio. »
13:01« Aussi, la conférence de presse rameut-elle en tout et pour tout deux journalistes. »
13:07« Johnny Martin, du Herald, et Abka Ford, rédacteur des infos radiophoniques. »
13:13« Cela dit, ils se pointent comme convenus à deux heures et James les introduit dans mon bureau. »
13:20« Je les accueille avec le sourire. »
13:22« Comment ça va, les gars ? »
13:24« Alors, on a essayé de me mettre sur le dos des manœuvres politicardes, hein ? »
13:31« Johnny essaie vaguement de dire quelque chose. »
13:33« La ferme ! »
13:35« Je vais vous apporter des faits au sujet du vol. »
13:38« Des faits et pas le fatrat de suppositions venimeuses dont vous êtes le spécialiste, mon cher Johnny. »
13:44« Maintenant, place à l'information, la vraie. »
13:48« Je leur parle de la hauteur du pont de chemin de fer sur Front Street, ce qui a l'air de les réveiller un brun. »
13:57« Maintenant, messieurs, je vais faire ce que tout shérif est censé faire après avoir retrouvé des objets volés. »
14:04« Retrouver les voleurs. »
14:06« Pour commencer, nous n'avons pas affaire à des professionnels. »
14:10« Ils ne se seraient pas laissés piéger par la hauteur du pont, n'est-ce pas ? »
14:13« Non, ceux-ci, dans leur affolement, n'ont pas lu la notice affichée sur la portière. »
14:18« Quand ils ont compris trop tard qu'ils étaient coincés, ils ont préféré abandonner tout le Bataclan. »
14:25« Pourquoi n'ont-ils pas transbordé le chargement ailleurs ? Excellente question. »
14:29« Le jour se levait. »
14:31« J'en conclus qu'ils craignaient d'être reconnus. »
14:34« En tout état de cause, messieurs, ces voleurs, ce sont des gars du coin. »
14:39« Autre chose, ils devaient se douter que les convoyeurs seraient rapidement découverts dans le fossé. »
14:44« Aussi, ont-ils prévu de mettre le camion à l'abri des regards indiscrets le plus rapidement possible ? »
14:50« C'est-à-dire quelque part dans les environs. »
14:53« Vous me suivez ? »
14:55« Bien. »
14:56« Question. Où serait-il allé s'ils avaient franchi le tunnel ? »
15:00« Réponse, dans une planque susceptible d'accueillir un poids lourd de haut gabarit. »
15:06« En tant que journaliste, vous voyagez beaucoup, n'est-ce pas, Johnny ? »
15:10« Servez-vous donc de votre mémoire et dites-moi si vous ne voyez rien de semblable dans un rayon de 20 kilomètres environ. »
15:17« Je sais que c'est une grande distance pour le pécabou et rôles, mais essayez tout de même. »
15:23« Le piscopi local se met à brûler ses neurones. »
15:27« Le garage well done ! » s'exclame-t-il.
15:30« Ah ! Enfin, vous me rassurez, Johnny ! »
15:34« Oui, le garage well done ! »
15:53« Bien. »
16:38...

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