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  • 23/06/2025
Aïda Tavakoli, franco iranienne, présidente de We Are Iranian Students, le 23 juin 2025 sur franceinfo.

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Transcription
00:00Aïda Tavakoli, vous les avez écoutées avec nous ici en studio à France Info.
00:04Je rappelle que vous êtes franco-iranienne, étudiante ici en France.
00:09Qu'est-ce que vous comprenez de ces paroles ?
00:11On les entend, elles sont très partagées.
00:14C'est votre cas aussi ?
00:15Oui, en fait je partage totalement l'analyse de ces citoyennes,
00:20mais je tiens à dire que 87 millions de personnes en Iran, ça fait beaucoup de monde,
00:24et que l'échec du projet totalitaire du régime islamique à imposer une pensée unique
00:30nous permet d'avoir une grande diversité d'opinions.
00:33Donc c'est une d'entre elles qui se trouve, je partage, mais je sais qu'il y en a aussi beaucoup d'autres.
00:38Aujourd'hui, je trouve que cette population iranienne, en fait, la peur dont elle parle,
00:43c'est non seulement une peur qui est liée évidemment à la guerre,
00:46qui ne peut pas amener de stabilité au Moyen-Orient.
00:49L'histoire nous l'a démontré maintes fois, avec l'Irak, la Syrie, la Libye, le Liban,
00:55je veux dire les invasions militaires, armées, de l'extérieur pour renverser des régimes dictatoriaux,
01:01n'ont jamais permis d'ouvrir un espace démocratique de droit à l'autodétermination pour la société civile,
01:08ce qui est évidemment déjà très triste pour ces sociétés civiles,
01:11mais surtout qui crée aussi énormément de déstabilité, d'instabilité,
01:15et qui nous a quand même montré que des groupes extrémistes, terroristes, comme Daesh,
01:21peuvent aussi émerger de ce genre d'ingérence.
01:23Vous nous dites 87 millions d'Iraniens, il y a une pluralité d'opinions,
01:28c'est possible ça pour vous, de le savoir, de là où vous êtes, vous avez des proches là-bas ?
01:33Bien sûr, c'est possible de le savoir, puisque non seulement j'ai des proches,
01:37mais en plus c'est une population civile qui s'est saisie des outils de communication sur les réseaux sociaux,
01:43qui s'est formée en syndicats, qui a publié de nombreuses tribunes,
01:48qui ont été relayées ici, c'est une société civile qui est extrêmement active, bouillonnante, diversifiée,
01:54qui a maintenu sa liberté de pensée, sa liberté de pensée politique, sa liberté de croyance, de confession,
02:00donc qui est prête pour une véritable démocratie dans laquelle toutes ces oppositions-là auront leur place.
02:05Prête pour la démocratie ?
02:06Bien sûr, prête pour la démocratie, et puis surtout, la société civile, en fait, ce qu'on oublie,
02:11c'est que non seulement elle est déshumanisée dans le traitement qu'on peut faire de ces conflits armés,
02:17qui sont évidemment très impressionnants, très violents, alors on parle de ces dirigeants-là,
02:22mais on oublie que non seulement elle est humaine, mais elle est aussi politique.
02:25C'est une force politique, donc elle est non seulement déshumanisée, mais dépolitisée.
02:29Quand elle n'est pas associée au processus de négociation qu'a entamé M. Macron, que je dénonce très fermement,
02:37négocier avec les Mollahs, ça ne peut pas être une solution.
02:40Mais alors, quelle est la solution ?
02:42Merci pour cette question. En fait, il faut sortir de cette logique binaire,
02:46soit les armes, soit les négociations avec les Mollahs.
02:48Les deux sont une démonstration d'un mépris total du pouvoir politique de la société civile iranienne.
02:55Les deux trahissent leur droit à l'autodétermination.
02:58Donc aujourd'hui, ce qu'il faut faire, c'est de mettre fin, complètement isoler,
03:02complètement le régime des Mollahs et acter ces chutes.
03:06Mais est-ce que les bombardements ne sont pas justement un moyen d'arriver à la chute des Mollahs ?
03:11Eh bien non, c'est un moyen qui est extrêmement déjà délétère pour la société civile iranienne.
03:17Et en plus de ça, rien n'est moins sûr.
03:19Je veux dire, on a quand même l'exemple de la Syrie, avec Assad,
03:23qui était un dictateur sanguinaire surnommé le boucher de Damas,
03:28et qui s'est accroché à son pouvoir malgré l'opposition de l'Occident et les ingérences extérieures,
03:34qui n'ont fait que s'ajouter, d'ailleurs, se multiplier au fur et à mesure pendant 15 années,
03:38et rendant la population civile syrienne pour une grande partie réfugiée,
03:43et créant le chaos pendant 15 années.
03:45Je reviens à l'état d'esprit de la population iranienne,
03:48parce que c'est vrai que pour nous, c'est très difficile de le connaître, cet état d'esprit.
03:52Quand il y a des bombardements, il y a souvent un réflexe de regroupement, d'unité autour du pouvoir.
03:59Ça n'est pas le cas aujourd'hui en Iran ?
04:01Non, ce n'est pas le cas aujourd'hui en Iran.
04:03Le pouvoir islamique s'est imposé avec cette première guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988.
04:11La population civile iranienne était déjà prise en otage par cette guerre à l'époque,
04:14et les souvenirs de cette guerre sont encore très vifs.
04:18La population iranienne a toujours été patriote,
04:22et c'est bien pour ça qu'elle s'oppose au régime islamique,
04:24parce que le régime islamique n'a jamais montré, dans sa rhétorique,
04:27ça a été dit dans le reportage, d'intérêt pour la nation iranienne,
04:31mais plutôt un intérêt pour l'islam et une région, une grande région islamique.
04:37Et donc la population iranienne, en étant patriote, s'oppose au régime islamique.
04:41C'est elle qui doit être reconnue comme interlocuteur de l'Occident,
04:44c'est elle à qui on doit offrir un espace électoral.
04:49Si on souhaite savoir ce qu'elle pense, je vous entends en disant qu'on ne sait pas ce qu'elle pense,
04:54si on veut savoir ce qu'elle pense, il faut simplement lui donner l'espace de l'exprimer,
04:57dans toute sa diversité, à travers un processus électoral libre.
05:01Mais d'un mot, et ce sera ma dernière question,
05:03c'est possible ça, un processus électoral libre en cas de scénario de chute du régime ?
05:10Écoutez, il me semble que les frontières du possible sont toujours repoussées
05:15quand il s'agit d'invasion militaire, quand il s'agit de plans armés
05:19qui sont rocambolesques et qui sont commentés comme bluffants, comme impressionnants,
05:25pour lesquels on déploie des moyens pendant des années technologiques,
05:28de stratégie, d'ingénierie, et bien repoussons nos limites d'ingéniosité pour la paix,
05:34repoussons nos limites d'ingéniosité pour un processus démocratique, pacifique,
05:39qui garantit le droit à l'autodétermination.

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