Canicules à répétition, inondations, sécheresses… Les catastrophes naturelles frappent de plus en plus fréquemment le territoire français, avec un coût humain et économique croissant. Alors que plus de 50 millions de Français ont été exposés à des vagues de chaleur en 2023, les experts alertent : notre résilience collective reste insuffisante.
00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle des risques climatiques, de l'anticipation de ces risques,
00:11notamment pour les collectivités locales avec Sonia Pathy. Bonjour.
00:13Bonjour.
00:14Bienvenue, vous êtes économiste, enseignant-chercheur à l'université Lyon 2.
00:17Et Marc Vanesson, bonjour et bienvenue.
00:19Vous êtes directeur de développement des programmes, directeur de l'éducation, de la prévention et des liens familiaux à la Croix-Rouge française.
00:25Et je commence avec vous parce que vous publiez avec le Crédoc la deuxième édition de votre rapport sur la résilience de la société française.
00:33Elle est centrée cette année sur, justement, les événements climatiques extrêmes.
00:38Quelle leçon principale ? Après, on va rentrer dans le détail, mais quelle leçon principale vous en tirez ?
00:42C'est vrai que la Croix-Rouge française agit pour renforcer la résilience de la société et des personnes.
00:48Et chaque année, on fait un bilan de notre préparation face à ces situations.
00:51Et le constat qu'on tire dans ce travail de profondeur, c'est qu'il y a des risques de plus en plus forts.
00:58On le voit, par exemple, sur juste l'exemple des canicules.
01:01On avait deux jours de canicules par an, moyenne, dans les années 80.
01:07En 2023, on en avait une quarantaine.
01:10Voilà, exactement.
01:10On va voir ce chiffre d'ailleurs.
01:11Plus de 50 millions de Français exposés aux canicules en 2023.
01:14Voilà, il y a des risques de plus en plus forts, y compris sur les inondations, les tempêtes, les cyclones.
01:21Et en parallèle de ça, on voit que la population française est peu préparée à ces situations,
01:27tant en matière d'anticipation, plus de relèvement après.
01:31Et donc, il y a un gros travail.
01:33C'est le but de ce rapport, un peu de pointer les champs d'amélioration pour mieux faire face aux situations à venir.
01:38Il y a en fait un certain nombre de propositions.
01:40Est-ce que ça veut dire que les communes françaises, elles sont de plus en plus exposées aux risques naturels ?
01:46J'avais presque envie de dire, est-ce qu'il y en a qui ne le sont pas ?
01:48Alors, d'après les données dont nous disposons, la plupart des communes françaises ont été touchées
01:55par une catastrophe, au moins une fois par une catastrophe naturelle, depuis 1982.
01:59Donc, c'est à peu près 5700 communes par an qui est touchée par au moins une catastrophe naturelle.
02:08Donc, effectivement, c'est vertigineux.
02:10Et cette accélération interroge beaucoup, effectivement.
02:14Oui, effectivement.
02:15Les inondations, c'est peut-être ce qui frappe le plus de communes en France.
02:19Oui, effectivement.
02:20Les inondations, c'est vraiment la catastrophe naturelle qui frappe les communes en France.
02:27Et ce que je voudrais ajouter également, c'est que la France est le pays européen
02:31le plus marqué par les catastrophes naturelles juste avant l'Italie.
02:37Donc, c'est vraiment un phénomène important.
02:41Important.
02:41Avec une question, évidemment, une question de moyens, une question financière, de budget.
02:45Est-ce que les communes françaises ont finalement les moyens d'anticiper ces risques ?
02:50Parce que c'est de ça dont on va parler aussi.
02:53Alors, évidemment, ça va dépendre de la taille de la commune, de ses antécédents,
02:57mais d'une manière générale.
02:58Elles ont de moins en moins de moyens.
03:00On est au courant de la diminution des moyens des collectivités territoriales.
03:05Elles ont de moins en moins de moyens, compte tenu également de la diminution des fonds verts
03:09qui leur sont accordés pour accélérer la transition écologique.
03:13Donc, il est vraiment important de financer la prévention des risques naturels pour les
03:21collectivités territoriales parce qu'on montre, avec ma collègue Carla Morvan, que lorsque
03:26les communes mettent en œuvre des politiques de prévention, elles diminuent, elles permettent
03:32de diminuer les dommages associés aux catastrophes naturelles.
03:34Et donc, le coût des catastrophes naturelles.
03:36Et donc, le coût des catastrophes naturelles.
03:37On va y venir sur ce coût dans un instant.
03:39Mais est-ce que, Marc Vanessant, les Français sont égaux face aux risques ?
03:43Ou est-ce que les...
03:43Je pense que la réponse est dans la question.
03:46Les plus vulnérables sont encore plus vulnérables, d'une certaine façon.
03:48Oui, non, mais vous faites bien, ceci dit, de mettre l'accent sur ce point, parce que
03:51vraiment, il y a un souci particulièrement fort chez les plus vulnérables.
03:57Dans la vulnérabilité, il y a question de l'âge, évidemment.
04:00Les seniors, par exemple, sont particulièrement exposés à certains risques.
04:03Quand on parlait des risques de canicule, d'inondation, quand il s'agit d'évacuation,
04:07un chiffre simple, si on est plus de 70 ans, il y a encore, je crois, 14% des personnes
04:13qui n'ont pas de portable.
04:14Or, aujourd'hui, beaucoup de messages d'alerte passent sur les téléphones.
04:18Donc, il y a ce sujet de l'âge, mais il y a aussi la question de la précarité socio-économique.
04:23Et il y a un lien très fort entre le mal-logement, voire le sans-abris, et l'exposition aux
04:29risques de catastrophes.
04:31Donc, notre message, c'est justement d'avoir une vision claire de sujet pour anticiper et
04:36intégrer dans les plans de prévention ces publics les plus vulnérables.
04:42Ils servent à quelque chose, les plans de prévention des risques, ou ils sont un peu
04:44dépassés ?
04:45Ils servent à quelque chose.
04:46Une des grandes limites, c'est déjà que parfois, c'est juste une approche très
04:50formaliste.
04:51Voilà, on coche la case sans vraiment se donner le moyen d'utiliser ça comme un
04:56outil de préparation.
04:57Et surtout, il n'y a pas assez de mobilisation des populations civiles dans la préparation
05:02et dans la diffusion des enseignements.
05:04Ça, j'y viens dans un instant parce qu'il y a effectivement une question de formation.
05:09Mais sur le coût, vous commencez à l'évoquer, je ne sais pas si on l'a évalué et à quel
05:15point il pèse sur les finances des collectivités territoriales aujourd'hui.
05:19Alors, le coût des catastrophes naturelles, c'est effectivement très difficile à évaluer.
05:25Mais depuis les années 80, il a été chiffré à environ 100 milliards d'euros, dont 40 milliards
05:33d'euros assurables.
05:35Donc effectivement, 60 milliards d'euros qui ne sont pas assurés.
05:40Donc le coût, il est extrêmement élevé pour les collectivités territoriales.
05:43Avec une accélération ? Est-ce qu'on le sent aussi ? Parce que là, vous remontez
05:48aux années 80.
05:49Oui, oui.
05:49Alors, moi, je n'ai pas les résultats sur l'accélération, mais il est clair que le
05:55nombre de catastrophes naturelles est de plus en plus intense ces dernières années.
06:00Donc, il importe effectivement de tenir compte de cette fréquence de plus en plus élevée.
06:06Mais alors, on a dit qu'il y avait un problème de moyens, de budget.
06:09Mais que peut mettre en place une commune pour anticiper les risques, en fait ?
06:14Il y a tellement de risques différents.
06:16Ça dépend de chaque commune, ça dépend du risque principal auquel elle est confrontée,
06:19évidemment.
06:20Alors, il y a les fameux plans de prévention des risques naturels dont nous parlions,
06:24effectivement, qui permettent de mettre en œuvre un certain nombre déjà de règles
06:29d'urbanisme, de normes de construction qui permettent de prévenir les risques.
06:35Et puis, il y a aussi les fonds verts dont je parlais tout à l'heure, qui leur permettent
06:41d'accélérer la transition écologique.
06:44Mais il est clair que toutes ces mesures sont extrêmement coûteuses et nécessitent
06:48de plus en plus de financement, ce qui n'est pas actuellement ce qui constitue une difficulté
06:56aujourd'hui pour les collectivités territoriales.
06:58Alors, ce chiffre-là qui concerne, et ça va nous ouvrir sur les propositions que vous
07:02faites, les gestes qui sauvent seulement 40% des Français sont formés à ces gestes,
07:09à ces comportements qui sauvent.
07:11Alors, c'est en progrès, mais on est loin derrière d'autres pays européens.
07:16La France reste un des pays les plus faibles d'Europe.
07:19Et d'ailleurs, c'est l'une de vos...
07:21C'est même, je crois, la première de vos dix propositions, mieux former les Français.
07:26Quel serait le bon objectif, en quelque sorte ?
07:28C'est vrai que la philosophie globale de nos propositions, c'est de renforcer le rôle
07:33des citoyens au cœur de ces situations d'urgence et de bien les intégrer comme le premier
07:39maillon du secours en situation d'urgence.
07:43Et donc, cette question de la formation est essentielle.
07:46On voit que dans les pays d'Europe du Nord, on est plutôt à des taux autour de 80,
07:50voire 90%.
07:51Après, il n'y a pas de miracle.
07:53C'est juste parce qu'ils ont rendu obligatoire ces formations, par exemple, pour accéder au
07:58permis de conduire.
08:00Donc, c'est d'ailleurs un débat étant courant dans l'Assemblée nationale.
08:03Il y a une proposition de loi qui est débattue sur ce sujet.
08:06Et c'est assez simple de se former.
08:09Et ça a un impact très, très fort.
08:10Vraiment, on le voit.
08:12Et pas seulement sur les gestes techniques de massage cardiaque, etc.
08:16Mais quand on a été formé pendant une journée sur son rôle de citoyen qui peut agir en
08:19situation d'urgence, ça vaut aussi, quand on est face à un risque d'inondation.
08:23Et quand je parlais tout à l'heure des plus vulnérables, ça nous rend peut-être plus
08:26sensibles, rôle qu'on peut chacun jouer auprès des autres en situation d'urgence.
08:30Est-ce qu'il faut se reformer ?
08:32Vous voyez ce que je veux dire.
08:33C'est-à-dire que souvent, on a été formé et puis on est confronté à un risque 3, 4,
08:395 ans après.
08:39On se dit, voilà, je ne me souviens plus exactement.
08:41Là, c'est vraiment un enjeu majeur.
08:44C'est-à-dire que la formation un peu classique, la formation 1er secours citoyen, c'est une
08:47journée.
08:48Et il y a plein de petits formats de 2 heures où on peut se reformer, même avec des initiations.
08:53Là, cet été, on lance l'opération L'été qui sauve.
08:55Vous voyez, il y a plein de présences de bénévoles de la Croix-Rouge sur les lieux
08:59de vacances pour justement même un petit recyclage en une demi-heure pour rappeler
09:04quelques...
09:05Remettre à jour sur les...
09:06Protéger, alerter, secourir, des choses vraiment basiques.
09:09Rappelez que tout le monde peut agir, en fait.
09:10Il n'y a pas besoin d'être un super-héros ou d'avoir fait 10 ans d'études.
09:14Oui.
09:15Vous parliez des assurances.
09:16On est quand même face à une difficulté majeure.
09:18Il y a de plus en plus de communes qui n'arrivent plus à s'assurer ou alors à des coûts qui
09:23sont tellement faramineux que ça grève leur budget.
09:27C'est un modèle à revoir, finalement ?
09:30Alors, on a un modèle quand même que beaucoup de pays nous envient, qui s'appelle le modèle
09:34CATNAT, qui est un modèle de partenariat public-privé qui permet aux citoyens, à la population
09:42d'être indemnisés lorsque la catastrophe naturelle est reconnue par l'État.
09:47Oui, mais ça, c'est le fonds barnier.
09:49Pas seulement.
09:51Il est mangé de plus en plus tôt dans l'année, le fonds barnier.
09:53Oui, tout à fait.
09:54Alors, le fonds barnier, il permet, par exemple, d'indemniser des propriétaires fonciers qui
09:58se situent, par exemple, tout près du trait de côte.
10:01Oui.
10:01Donc, ça a cet intérêt.
10:03Mais le fonds CATNAT, il permet vraiment d'indemniser les citoyens lorsqu'ils sont confrontés
10:12à toutes ces catastrophes naturelles, dès lors qu'elle a été reconnue par l'État.
10:16Et c'est tout l'enjeu de cette reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui permet
10:21aux assurés d'être indemnisés.
10:24Mais, je repose un peu la question de la même façon, c'est-à-dire, ce fonds ou ces
10:29fonds, ils sont clairement sous-dimensionnés aujourd'hui ou pas ?
10:35Oui, parce qu'étant donné que la fréquence des catastrophes naturelles augmente, ça pose
10:40une réelle question.
10:41Comment parvenir aujourd'hui à financer l'augmentation de ces catastrophes naturelles ?
10:47Alors, moi, je n'ai pas la réponse, mais il est clair qu'il va falloir réfléchir à
10:51l'avenir sur la manière dont on pourra indemniser un nombre croissant de personnes qui subissent
10:59les conséquences de ces catastrophes naturelles.
11:01D'où l'importance de l'anticipation, parce qu'on a bien compris que ça réduisait les
11:05coûts, et d'où l'importance de la formation de nous tous, des citoyens, parmi les propositions
11:12que vous faites, il y a, par exemple, connaître, repérer les personnes vulnérables, garantir
11:17la mise à l'abri, l'accès à l'eau, à l'hygiène de façon systématique.
11:21Et puis, alors, il y a ce sac, ce réflexe du sac d'urgence, je veux bien qu'on en
11:26parle, il nous reste 50 secondes.
11:28C'est quoi l'idée ? Enfin, je comprends l'idée, mais...
11:30Non, mais l'idée, c'est qu'il faut être capable d'être en autonomie pendant un à
11:34deux jours, quand il y a des situations vraiment d'urgence, avec coupure d'électricité,
11:40inondation, etc.
11:41Et donc, de préparer en amont, en temps normal, le nécessaire pour faire face à cette situation
11:48d'urgence, et avoir vraiment le minimum vital pour pouvoir tenir un ou deux jours en autonomie
11:53avant que les secours arrivent.
11:54Et donc, c'est de l'eau et de la nourriture, une lampe de poche avec des piles ou avec une
12:02manivelle pour enclencher l'électricité, découverture de survie.
12:06Enfin, voilà.
12:07Et c'est vraiment un réflexe que chaque Français doit avoir, d'avoir ce petit sac, ce catakit,
12:12qu'on appelle ça, le catakit, voilà, qui permet d'assurer ces situations d'urgence.
12:19Voilà.
12:19Merci beaucoup.
12:20Préparez votre catakit.
12:21On a tous retenu la leçon.
12:23À bientôt sur Bsmart for Change.
12:25On passe tout de suite à notre rubrique Startup.