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"Je ne me tairai pas, ce serait trahir tous ceux qui avant moi ont tenu bon face à l'injustice" : le recteur de la Grande Mosquée de Paris livre un plaidoyer pour la République et contre l'islamophobie. Chems-Eddine Hafiz publie "Défaire les ombres, Islam, République et l'exigence de vérité" aux éditions Albouraq.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 19 juin 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h15, l'interview d'Amandine Bégaud au coeur de l'actualité dans une société ultra tendue
00:09et où les paroles racistes se libèrent comme jamais.
00:12Quelle place pour la religion, en l'occurrence musulmane ?
00:14Vous avez choisi de recevoir le recteur de la grande mosquée de Paris, Shem Céline Afiz.
00:18Il vient de publier un livre, Défaire les ombres, Islam, République et l'exigence de vérité.
00:23Bonjour et bienvenue à vous.
00:24Bonjour et merci beaucoup d'être là ce matin.
00:26Dans ce livre, écrivez-vous, ce n'est pas simplement une déclaration mais un cri d'alarme, un appel à l'éveil.
00:31Cri d'alarme contre quoi ?
00:33Contre tout ce qui est aujourd'hui, dans le contexte que nous connaissons tous,
00:39libération de la parole raciste, acte très grave contre des musulmans,
00:44l'un qui était prosterné, l'autre parce qu'il était d'origine tunisienne
00:48et on a l'impression qu'il n'y a aucune émotion au sein de la société
00:54et c'est ça qui m'interpelle beaucoup.
00:56Oui, si j'ai fait ce livre, ce n'est ni, je dirais, un réquisitoire ou quoi que ce soit,
01:03c'est simplement de rappeler à la République que nous sommes également ses enfants.
01:08Vous avez le sentiment aujourd'hui que la France est en train de devenir un pays islamophobe ?
01:12Alors pas la France.
01:13Bien évidemment, la France n'est pas raciste.
01:16La grande majorité des Français, je dois le souligner, ne sont pas racistes.
01:20Malheureusement, aujourd'hui, c'est devenu souvent un enjeu électoral de parler de l'islam,
01:25de parler des musulmans et de faire, je dirais, tout un amalgame entre islamistes, musulmans.
01:33Moi-même, aujourd'hui, malheureusement, je suis devenu frère musulman, islamiste, antisémite.
01:38Oui, certains vous accusent de jouer un double jeu, d'avoir un discours très républicain de façade et pas derrière.
01:45C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on lit le rapport qui a été publié récemment...
01:50Le rapport sur les frères musulmans.
01:51Sur les frères musulmans.
01:52C'est-à-dire que, comme vous venez de prendre cet exemple, moi, si je suis intégré, si je parle...
01:57J'ai été avocat au Barreau de Paris pendant 30 ans, je suis dans la dissimulation, la taquilla.
02:03Et si je refuse d'être en contact avec vous, de vous serrer la main, de parler avec vous, je suis dans le séparatisme.
02:10Alors, quelle est notre position ? J'aimerais bien la connaître aujourd'hui.
02:13Sauf que...
02:14Quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, on est toujours...
02:16Et c'est pour ça que je parle de défaire les ombres.
02:19J'ai été attaqué de manière extrêmement injuste sur tout ce que je fais depuis 5 ans.
02:24Et voilà, j'ai voulu faire ce livre pour dire, à chaque fois qu'un musulman s'exprime, à chaque fois que je fais un acte républicain.
02:32Au mois de janvier, tout simplement, j'ai fait, comme dans d'autres cultes, une invocation pour la protection du peuple français et de la France.
02:41Il y en a très peu qui l'ont fait, j'ai été beaucoup critiqué.
02:43Mais ça n'a jamais été relevé par quiconque.
02:45Et ce sont ça, les questions où, à chaque fois, il y a un soupçon.
02:49Quelle que soit notre posture, quelle que soit l'expression que nous allons porter face à un fait quelconque,
02:56attention, c'est un musulman, donc il faut prendre, avec beaucoup de précaution, ses propos.
03:01Shem Sédine Hafiz, vous évoquez ce rapport sur les frères musulmans, sur l'antrisme.
03:08C'est Bruno Retailleau le responsable de tout ça ?
03:10Je ne sais pas, moi je n'ai pas besoin de fixer un doigt accusateur sur quiconque.
03:15Mais les politiques ont une responsabilité, certains politiques ?
03:18Ils ont une grande responsabilité, bien évidemment.
03:20Il y a certains hommes politiques, pour des considérations, comme je l'ai dit, électoralistes, pour des petits calculs.
03:26On le voit depuis maintenant une dizaine d'années quand même.
03:28Les dernières élections présidentielles tournaient autour de quoi ? L'islam.
03:32Sauf qu'il y a des vrais problèmes, qu'on ne peut pas nier l'antrisme, le séparatisme, c'est un sujet, le politique doit s'en emparer, on est d'accord ?
03:40Moi je suis devenu recteur de la mosquée de Paris en janvier 2020, et j'ai publié un manifeste contre le terrorisme islamiste en septembre 2020,
03:48c'est-à-dire quelques mois avant mon arrivée, où j'ai bien précisé qu'est-ce qu'était le musulman et qu'est-ce qu'était l'instrumentalisation de l'islam.
03:55J'ai, dans une définition assez simple, je l'ai fait bien avant ce rapport.
04:00Et donc, et je me suis battu toute ma vie, la grande mosquée de Paris depuis 1926 à ce jour a un discours extrêmement clair,
04:07d'abord un discours républicain, un discours de la tolérance, de la solidarité, de la fraternité qui est la valeur fondamentale de l'islam.
04:16Mais aujourd'hui, vous savez, j'étais, excusez-moi de le dire, j'étais le chouchou à un moment donné, des salons parisiens,
04:24tout le monde, ah, le recteur de la grande mosquée de Paris, c'est un type très bien.
04:28Après 7 octobre, je suis devenu le type le plus dégueulasse de France.
04:31Et on voit que face à une circonstance, depuis 7 octobre...
04:35Sauf qu'on a vu la multiplication des actes antisémites.
04:38Mais pourquoi on compare les deux ? Pourquoi on compare les deux ?
04:41Moi, je ne veux pas surtout me mettre et mettre l'islamophobie sur le même piédestat que l'antisémitisme.
04:47L'antisémitisme est profond dans la société française.
04:50On le sait, les juifs ont été tués parce qu'ils étaient juifs.
04:54Je vous rappelle simplement Mera.
04:55L'affaire Mera, il a tué à bout pourtant des gamins.
04:58Pourquoi ? Parce qu'ils étaient juifs.
05:00Moi, ce sont des choses qui, aujourd'hui encore, m'obsèdent.
05:04Parce qu'il l'a fait au nom de l'islam.
05:06Vous imaginez ?
05:07Mais oui, c'est pour ça que certains se posent la question.
05:09Non, arrêtez, mais tous les musulmans, je ne parle pas en mon nom.
05:12Je suis recteur de la mosquée de Paris.
05:13J'essaye d'apporter, puisque je suis entendu, d'apporter également la préoccupation, la tristesse, le chagrin des musulmans.
05:20Qu'est-ce que vous dites aux politiques ce matin ?
05:23Il faut arrêter de nous instrumentaliser.
05:25Vous êtes instrumentalisés, mais y compris par LFI, par exemple ?
05:29Oui, bien sûr.
05:30Et je l'ai dit, j'ai écrit, juste après la dissolution de l'Assemblée nationale, en juin dernier,
05:36j'ai publié un texte dans lequel j'ai dit, la voix du musulman lui appartient.
05:41On ne peut pas aujourd'hui nous instrumentaliser.
05:44Moi, je n'ai jamais demandé à un musulman, parce que je suis recteur de la mosquée de Paris,
05:48de voter pour X ou pour Y.
05:50Je l'ai fait une seule fois, les dernières élections présidentielles,
05:54au deuxième tour, au premier tour, au deuxième tour,
05:57contre la représentante de l'extrême droite.
06:00Voilà pourquoi je l'ai fait.
06:02Est-ce que les musulmans m'ont entendu ou pas ?
06:03Il faut arrêter de nous considérer, de nous infantiliser.
06:07Donc à gauche comme à droite, il y a des raisons de la vérité ?
06:09Comme à gauche, comme à droite, comme à l'extrême droite.
06:10Quand vous allez voir des musulmans, entre guillemets,
06:13la culture arabo-musulmane, vous allez les trouver à l'extrême droite,
06:17à l'extrême droite, à l'extrême gauche, pardon.
06:19Aujourd'hui, les républicains, le porte-parole, excusez-moi,
06:22c'est quelqu'un qui est de culture arabo-musulmane.
06:25Je ne vais pas dire que c'est un raciste, ce n'est pas un raciste.
06:28Donc voilà.
06:3065% des lycéens musulmans mettent la charia,
06:32des lycéens musulmans, pardon, mettent la charia au-dessus des lois de la République.
06:36Deux, trois, c'était un sondage, une enquête IFOP qui avait été réalisée par la LECRA.
06:40Vous n'y croyez pas ?
06:41Pas du tout.
06:42J'ai reçu un des représentants de l'IFOP lorsqu'il avait fait le sondage sur soi-disant la baïa.
06:50Et je lui ai dit, la question que vous posez, elle est tronquée.
06:52Mais il y a un sujet de ces jeunes qui se radicalisent sur les réseaux sociaux.
06:58Mais madame, ces jeunes, aujourd'hui, on les renvoie à ce qu'ils sont,
07:01c'est-à-dire à leur origine, qu'ils ne sont jamais français, quoi qu'ils fassent.
07:06Vous imaginez un gamin de 12-13 ans.
07:09Moi, tout à l'heure, on m'a dit que j'avais grandi, non, j'ai vieilli,
07:12je vais avoir 71 ans, ma vie est finie.
07:14Mais un gamin de 12-13 ans, quand il regarde à la télévision
07:17et qu'on lui rappelle en permanence qu'il fera tous les efforts pour être français,
07:22il ne l'est pas parce qu'il est de culture musulmane.
07:25Comment vous voulez que ces jeunes réagissent ?
07:27Aujourd'hui, ils sont en marge, on essaye de les mettre en marge de la société.
07:31Et c'est pour ça que ce livre, quand je le fais,
07:33c'est pour rappeler que les musulmans font partie du récit national.
07:37La grande mosquée de Paris, elle a été créée du fait du sang versé
07:41par des musulmans pour la première guerre mondiale.
07:43Comment vous expliquez que la religion ait pris une telle place dans notre société ?
07:47Écoutez, moi je pense que c'est surtout, surtout à mon avis,
07:51ça vient de très loin, c'est la peur de l'autre.
07:53Vous avez peur de moi parce que je suis différent de vous.
07:56Et c'est pour ça qu'on se focalise par exemple sur la question du voile,
07:59sur toutes ces questions, la baie, etc.
08:01Le voile ne devrait pas exister en France, vous, vous l'avez dit quand même.
08:04Je l'ai dit parce que...
08:05Mais ça veut dire quoi ?
08:06Les femmes ne devraient pas porter de voile en France ?
08:08Non, attendez, nous sommes en France, nous connaissons la loi,
08:13nous sommes les musulmans respectueux de la loi.
08:15À partir du moment où une femme porte le voile,
08:19elle a envie, c'est son choix personnel.
08:21Elle peut le porter dans tous les espaces où ce n'est pas interdit.
08:24À partir du moment où il y a une interdiction, il faut qu'elle l'enlève.
08:27Voilà ce que j'ai dit.
08:29Et là aussi, on a instrumentalisé mes propos.
08:32Je le remercie de me donner la possibilité d'éclaircir mon propos.
08:37Aujourd'hui, nous sommes dans un pays de liberté.
08:39Je le rappelle quand même.
08:40Et la liberté, elle s'arrête au moment où il y a un trouble à l'ordre public.
08:44Et bien, cette femme, quand elle porte le voile,
08:46et si elle a envie de le porter,
08:47et si elle se promène dans la rue sans gêner personne,
08:49pourquoi aujourd'hui la câbler ?
08:51Pourquoi dire que c'est son frère, son père ou son mari qui l'oblige à le faire ?
08:55Là aussi, on infantilise les femmes.
08:57C'est-à-dire qu'une femme qui porte le voile islamique en France,
09:02il y a quelque chose qui ne va pas.
09:03C'est soit un groupe qui fait pression sur elle.
09:05Elle a fait ce choix.
09:06Invitez des femmes qui portent le voile et posez-leur directement la question.
09:09On parlait tout à l'heure dans le journal de 7h30
09:11de ce directeur d'une école élémentaire de la Courneuve
09:14qui a affiché une liste de huit enseignants absents
09:17pour cause de fête de l'Aïd.
09:19Il y a eu un tollé parmi les enseignants.
09:20Les syndicats dénoncent une grave atteinte à la vie privée.
09:24Et vous ?
09:24C'est de l'islamophobie, l'islamophobie du quotidien, j'ai envie de dire ?
09:27Pour moi, l'école est un sanctuaire.
09:30Et je ne veux pas entrer dans des polémiques.
09:33Et je l'ai dit au ministère de l'Éducation nationale,
09:36pour nous, musulmans, l'enseignant se trouve juste à côté du prophète
09:39dans la hiérarchie des personnalités qui sont importantes pour nous.
09:43Et donc, je dis à l'enseignant qu'il faut arrêter
09:46parce que ça, c'est une polémique.
09:47Qu'est-ce qu'elle va avoir comme engendré ?
09:49Il faut des sanctions pour ce directeur d'école ?
09:51Franchement, je n'ai pas du tout d'avis là-dessus.
09:54Mais je me dis aujourd'hui, l'école passe avant tout.
09:59Et la religion n'a pas sa place à l'école ?
10:01Elle n'a pas du tout sa place à l'école, bien évidemment.
10:03Et ça, depuis toujours, quand en 2004,
10:06il y a eu la loi contre les signes ostensibles à l'école.
10:10On avait fait un pari en disant que
10:12tous les musulmans vont saisir la justice,
10:15on va se retrouver devant la Cour européenne des droits de l'homme.
10:18Il n'y a jamais eu un seul procès.
10:20À Lyon, il y a eu un début d'action judiciaire.
10:22Mais c'est un sujet.
10:23Il y a plein d'enseignants qui disent qu'aujourd'hui,
10:25la religion s'invite de plus en plus au collège, au lycée.
10:28Parce que ce n'est pas uniquement au recteur de la Grande Mosquée de Paris
10:31qu'il faut poser la question.
10:33Aujourd'hui, c'est vraiment une cause nationale.
10:35Quand ces gamins, on va les inclure dans le récit national,
10:39dans l'arc républicain, vous allez voir qu'ils vont changer.
10:41Merci beaucoup, CMC Dinafis, d'être venu nous voir ce matin.

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