- 18/06/2025
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00:00Au soir du 16 avril 1889, une jeune chanteuse de Music Hall, Lily Harvey, de son vrai nom Hannah Chaplin,
00:21met au monde un garçon dans son minuscule trois pièces, au dernier étage d'un immeuble vétuste de Kennington Road.
00:30C'est son second enfant.
00:32Quand Charles Chaplin arrive enfin chez lui, il apprend la naissance de son fils sans grande joie, en marmonnant des propos incohérents.
00:41Pourtant, Charles n'est pas a priori un mauvais bougre.
00:44Il a même un certain talent et sa voix de bariton léger lui vaut un joli succès dans les cabarets londoniens.
00:52Il gagne bien sa vie et s'il rapportait à la maison l'essentiel de ses cachets, tout irait bien au sein de la famille Chaplin.
01:00Au reproche à mère de sa femme, il répond par des colères terribles qui terrifient le petit Charlie et son frère Sidney.
01:07Cette vie de cauchemar prend fin le jour où Hannah se résout à demander le divorce.
01:12Accompagnée de ses deux fils, elle quitte le domicile conjugal pour s'installer dans un petit appartement,
01:20qu'elle meuble avec goût grâce au modeste cachet qu'elle touche depuis qu'elle refait du musical sous le pseudonyme de Lily Harvey.
01:28Le petit Charlie assiste ce soir-là autour de chants de sa mère,
01:32lorsqu'au beau milieu d'une chanson, il la voit brusquement porter la main à sa gorge,
01:37la bouche tordue dans un affreurictus, incapable d'émettre le moindre son.
01:42Le visage décomposé par la douleur et le chagrin,
01:46Hannah quitte la scène sous les huées des spectateurs qui réclament le remboursement de leur place.
01:51Devant ce tollé général, le directeur se rabat sur Charlie.
02:10Le petit garçon connaît par cœur le répertoire de sa mère pour l'avoir entendu maintes fois.
02:14« Il n'a jamais chanté en public, mais peu importe. L'essentiel est que les gens en aient pour leur argent. »
02:21Après quelques mots d'explication à l'assistance, l'enfant se retrouve seul en scène face à ceux qui, à peine trois minutes plus tôt,
02:29ont mis un terme aussi cruel que définitif à la carrière de sa mère.
02:33De tout cela, Charlie ne s'en rend pas vraiment compte.
02:38Il est trop jeune et, quoiqu'un peu intimidé, il est plutôt fier de se retrouver ainsi,
02:44dans l'éblouissement des lumières, devant un auditoire qui fait soudain silence pour l'écouter,
02:49entonner une chanson bien connue alors, Jack Jones.
02:53Le public est enthousiasmé par ce gamin palichon aux mimiques irrésistibles
03:10et les pièces de monnaie commencent à tomber sur le plancher vermoulu de la scène.
03:15Aussitôt, Charlie cesse de chanter et annonce le plus sérieusement du monde
03:19qu'il va ramasser l'argent d'abord, après quoi elle reprendra sa chanson là où il l'a interrompue.
03:25Cette réplique déclenche l'hilarité générale et un tonnerre d'applaudissements.
03:44Ce soir-là marque la première apparition de Charlie sur une scène
03:48et la dernière de sa mère.
03:51Anna Chaplin ne retrouvera jamais sa voix.
03:55Lily Harvey disparaît pour toujours des affiches de musical.
03:58Il décrit sa mère comme un personnage qui l'a beaucoup touché
04:02et qui l'a beaucoup impressionné aussi.
04:04Pierre Tchernia évoque les souvenirs de Charlie Chaplin.
04:07Il raconte que quand il était enfant, dans le petit logement misérable où il habitait,
04:12sa mère se mettait à la fenêtre et mimait les gens qui passaient dans la rue.
04:17Elle avait, raconte-t-il, un don particulier pour imiter les gens,
04:22pour esquisser un personnage, pour caricaturer.
04:26Et il a certainement pris des leçons formidables avec sa mère.
04:29Sous-titrage Société Radio-Canada
04:59Hors de la maison, il y a le spectacle de la rue qui fascine Charlie.
05:08Ce frère de notre gavroche reste des heures à déambuler parmi le flot des passants
05:13où il croise, pêle-mêle, tout le peuple miséreux des bas-quartiers de Londres.
05:19En retard dans ses versements, Anna s'est vue retirer sa machine à coudre.
05:23Sans travail, elle ne peut payer son loyer
05:25et les huissiers recommencent à monter l'escalier.
05:28Son ex-mari, Charles, ne payant plus la pension alimentaire des enfants,
05:33elle doit se résoudre à quitter la chambre mansardée d'Oakley Street
05:37pour l'asile des pauvres de Lambès.
05:40À son arrivée, Anna, qui se plaint depuis plusieurs mois de violente migraine
05:44est séparée de ses fils qui sont, quelques semaines plus tard,
05:48transférés à l'école de Hanwell,
05:50réservés aux orphelins et aux enfants abandonnés.
05:55Charlie, qui a six ans, est admis au pavillon des petits,
05:59tandis que son frère aîné, Sidney, intègre le pavillon des grands.
06:03Dès lors, les deux garçons ne vont quasiment plus se voir
06:06et cette époque restera pour eux l'une des plus cruelles de leur vie.
06:11Première brimade pour ces enfants dont le seul crime est d'être pauvre,
06:14on leur rase les cheveux.
06:17Cette mesure réglementaire bouleverse tant de Charlie
06:20qu'avant chaque visite de sa mère,
06:22il se couvrira la tête d'un mouchoir pour ne pas lui faire honte.
06:25En cette année 1889,
06:52dans la cour de récréation d'une école communale de la banlieue londonienne,
06:56un écolier de 9 ans, timide et chétif,
07:00déchaîne l'hilarité de ses camarades
07:02en leur récitant un monologue écrit par sa mère.
07:05Il faut avouer que l'enfant est très drôle
07:07et même les instituteurs d'ordinaire si sévère
07:10ne peuvent retenir leur rire au spectacle du jeune garçon
07:13qui accompagne son récit de gags plus comiques les uns que les autres.
07:17À cette époque, Charlie vit de nouveau avec sa mère,
07:20récemment sortie de l'hôpital
07:22où elle était soignée pour troubles mentaux.
07:25Hannah va beaucoup mieux,
07:26elle est même guérie, au dire des médecins,
07:28et pour faire vivre ses deux fils,
07:31elle coûte inlassablement des corsages
07:33pour le compte d'exploiteurs sans scrupules
07:35qui lui versent tout juste de quoi subsister.
07:38Heureusement, Sidney, frère aîné de Charlie,
07:41vient d'être embauché comme télégraphiste
07:43et son modeste salaire contribue à améliorer quelque peu l'ordinaire.
07:48Charlie, quant à lui, fréquente l'école primaire du quartier
07:51jusqu'au jour où un certain M. Jackson
07:54vient le voir dans la minuscule mansarde
07:56qu'il habite avec sa mère aux trois ponales terrasses.
08:02M. Jackson est un ancien instituteur
08:04récemment reconverti dans le théâtre.
08:06Il vient de fonder une troupe qu'il appelle fièrement
08:08« Les Huit gars du Lancashire ».
08:11Or, l'un des huit jeunes comédiens
08:13est indisponible pour quelque temps
08:14et il lui cherche un remplaçant.
08:17Ses collègues, instituteurs de l'école du quartier,
08:20lui ont parlé des talents du petit Charlie.
08:22Voilà pourquoi il vient demander l'autorisation
08:24à Anna Chaplin d'engager son fils.
08:27On lui donne d'abord des leçons de claquettes
08:29et à neuf ans, il fait son premier numéro en solo
08:32sur les planches d'un cabaret londonien.
08:38Mais le spectacle des clowns l'attire.
08:58Ce que l'on a coutume d'appeler le burlesque
09:00vient essentiellement d'Angleterre,
09:02de toute une tradition du musical anglais
09:04et des clowns anglais.
09:06Alain Garel critique du cinéma burlesque.
09:09Contrairement aux clowns français,
09:10les clowns anglais sont extrêmement brutaux.
09:13Les baffes à travers la figure,
09:14les coups de pied au cul,
09:15les sauts d'eau balancés sur les gens,
09:19les chutes brutales du haut-nuit des échelles,
09:22les passages sous les voitures.
09:23Alors, au contraire,
09:25l'école française des clowns,
09:27elle a cherché à être plus...
09:30pas disons plus cérébrale,
09:32mais beaucoup plus subtile.
09:33C'est-à-dire que les numéros des grands clowns français,
09:36bien qu'étant somme toute assez violents,
09:39étaient moins brutaux que les clowns anglais.
09:48Décidément, l'acrobatie est trop dangereuse
09:50et il revient à des exercices moins périlleux
09:53en montant un numéro de jongleur comique
09:55dans lequel il excelle.
09:57Il s'est acheté quatre balles de caoutchouc
09:59et quatre assiettes
10:00et s'entraîne inlassablement jour après jour.
10:02Il a été à la fois un auteur,
10:05un créateur, un inventeur
10:06et un acteur extraordinaire.
10:08Parce que regardez ses premiers films,
10:10il sait tout faire.
10:11Pierre Tchernia parle des multiples talents de Chaplin.
10:14Dans Charlo Patine,
10:15vous le voyez en patin à roulettes
10:17faire des acrobaties absolument stupéfiantes.
10:21Vous avez, je crois,
10:22c'est Charlo Marin.
10:24Dans Charlo Marin,
10:25vous le voyez jongler
10:26avec un os de gigot,
10:29une pomme de terre
10:30et puis un troisième objet.
10:32Tous les amateurs de cirque
10:33vous diront que
10:34ce qu'il y a de plus difficile dans le jonglage,
10:36c'est de jongler avec des objets
10:37de forme et de poids différents.
10:40Il sait le faire.
10:41Il savait donc tout faire,
10:43tout exprimer avec son corps
10:44et avec son esprit,
10:45il a inventé des choses inouïes
10:48et encore une fois universelles.
10:56Le jour de ses 20 ans,
11:09Charlie apprend par Fred Carnot
11:11une grande nouvelle.
11:13La troupe vient d'être engagée à Paris.
11:17Ce voyage en France
11:18est pour lui le plus beau cadeau
11:19d'anniversaire de sa vie.
11:21En effet, la famille Chaplin
11:22est originaire de France
11:24et c'est pour lui
11:25une sorte de pèlerinage
11:27de retour aux sources.
11:29Et puis, il y a surtout Paris.
11:31Le Paris de la belle époque
11:32avec ses élégantes
11:34parées comme des reines,
11:35avec ses terrasses de café
11:36aux couleurs d'absinthe
11:37et puis ses grands boulevards
11:39où quelques rares automobiles
11:41chaotent entre les omnibus
11:42à Impérial
11:43et les fiacres chargés
11:45de demoiselles en fleurs.
11:47Sorti pour la première fois
11:48de son île britannique,
11:50le jeune homme croit débarquer
11:51dans le pays de la liberté
11:52ô combien différent
11:54du cadre rigide
11:55et sévère
11:56de son Angleterre natale.
11:58Toute la journée,
11:59Charlie flâne dans les rues
12:00émerveillé
12:01d'une telle débauche
12:02de beauté.
12:04Le soir,
12:05il retrouve la troupe Carnot
12:06sur les célèbres scènes
12:07des Folies Bergères
12:08ou de l'Olympia,
12:09deux music halls
12:10de premier rang
12:11qui n'ouvrent leur porte
12:12qu'à des numéros
12:13de renommée internationale.
12:14Il est arrivé à Paris
12:15en 1911.
12:16Notre ami Claude Dauphin
12:17se rappelait
12:18du spectacle Carnot
12:19à Paris.
12:20Il y avait d'ailleurs
12:20également Stan Laurel
12:22de Laurel et Hardy
12:22qui étaient dans la troupe
12:23et je les avais vus
12:25à l'Olympia.
12:26Petit garçon,
12:27j'avais 10 ans,
12:2811 ans,
12:28mais j'avais très bien
12:30le souvenir d'avoir vu
12:30ce...
12:31Là, à ce moment-là,
12:32il n'était pas du tout
12:33avec le chapeau omelon
12:34et les grands panards.
12:35Il jouait un petit garçon
12:36en costume hitam
12:37qui jetait des tartes
12:38à la crème
12:39sur la gueule
12:39des chanteurs
12:40sur une scène.
12:42Très comique.
12:51À peine rentré
12:52en Angleterre,
12:53Charlie saute
12:54dans un nouveau bateau
12:55à destination
12:55cette fois de l'Amérique.
12:57Il a tout juste
12:58le temps
12:58de faire sortir
12:59sa mère de l'asile
13:00pour l'installer
13:01dans une maison
13:02de repos plus agréable
13:03avant de s'embarquer
13:04pour New York.
13:06Accoudé au bastingage
13:07du transatlantique,
13:09Charlie regarde
13:10s'éloigner l'Angleterre
13:11et avec elle
13:12ses années de malchance
13:13et de misère.
13:15Il est pourtant loin
13:16de se douter
13:16qu'il est ce jour-là
13:17en route
13:18vers la gloire.
13:19février 1911.
13:44Le Cairn-Rona,
13:47un cargo chargé
13:48d'émigrés
13:48en provenance
13:49d'Angleterre,
13:50entre en rade
13:51de New York.
13:53Sous le regard
13:53bienveillant
13:54de la statue
13:55de la liberté,
13:56les 300 passagers
13:57descendent taquets
13:58et sont dirigés
13:59vers des bâtiments
14:00portuaires
14:01pour satisfaire
14:02aux formalités douanières.
14:04Ils sont reçus
14:05par un douanier américain
14:06aux allures de cow-boys
14:07qui leur demande
14:08de décliner leur identité
14:09afin de les inscrire
14:11sur le registre
14:12d'immigration.
14:14C'est ainsi
14:14qu'au hasard
14:15de la longue file d'attente
14:16se présente devant lui
14:18un jeune homme
14:19frêle,
14:20de petite taille,
14:21au visage extrêmement pâle
14:23sous des cheveux
14:24bouclés noirs.
14:26Nom ?
14:28Prénom ?
14:29Profession ?
14:30Demande le cow-boy
14:31au petit homme efféminé
14:32qui répond
14:33en rougissant un peu.
14:35Chaplin ?
14:37Charlie ?
14:38Spencer Chaplin ?
14:39Comédien.
14:42Bien que le cinéma
14:59n'en soit qu'à ses balbutiements,
15:01on renouvelle déjà
15:02les programmes
15:03plusieurs fois par semaine.
15:05La majeure partie des films
15:06est produite
15:06par la compagnie
15:07Keston,
15:08dirigée par le jeune
15:09et talentueux
15:10Max Sennett.
15:11Sennett est à la fois
15:12producteur,
15:13metteur en scène,
15:14scénariste et acteur.
15:16C'est lui qui,
15:17le premier,
15:18lance aux Etats-Unis
15:18les films poursuites,
15:20gendarmes voleurs
15:21et il avoue avoir débuté
15:23en plagiant Max Linder.
15:25Il n'est pas seul dans ce cas
15:26puisque même Chaplin
15:27s'inspirera plus tard
15:28de ce prestigieux acteur
15:30qu'il appellera respectueusement
15:32le professeur.
15:34Max Sennett fréquente régulièrement
15:36les musicaux
15:36new-yorkais
15:37et c'est ainsi
15:38qu'un soir
15:39il remarque
15:39un jeune comédien
15:40dont le numéro
15:41de pantomime
15:42le fait rire aux larmes.
15:45Dès l'entracte,
15:46il se précipite
15:47dans la loge
15:47du jeune homme
15:48pour lui proposer
15:48un contrat.
15:49À son grand étonnement,
15:51Charlie Chaplin refuse
15:52et Max Sennett
15:53repart déçu.
15:54Un an plus tard,
15:56il reçoit
15:56par Telegram
15:57une nouvelle proposition
15:58de Max Sennett
15:59qui lui offre
16:00cette fois
16:00150 dollars par semaine,
16:03chiffré norme à l'époque,
16:04pour un engagement
16:05d'un an.
16:07Charlie hésite
16:07encore quelques temps
16:08et puis finit
16:09par accepter
16:10de tenter l'expérience.
16:12Quand Chaplin
16:12a commencé
16:13en 1915-1916
16:15ses petits films
16:16au départ de Max Sennett,
16:18Maurice Bessy
16:19qui a connu
16:19Charlie Chaplin
16:20à Hollywood.
16:21La grande facilité
16:22qu'il a eue,
16:23lui c'est à sa demande,
16:25c'est qu'il est
16:25le premier acteur
16:27comique américain,
16:28des slapstick américains,
16:30il est le premier
16:31qui est obtenu
16:32de faire lui-même
16:33son montage.
16:35Et Chaplin
16:35est un extraordinaire
16:36menteur
16:37et on s'en aperçoit
16:39quand on voit
16:39les premiers films
16:40de Chaplin,
16:41ils sont infiniment
16:42mieux montés
16:42que ceux
16:43d'Harold Lloyd,
16:44de Picrate,
16:45de tous les comiques
16:45de l'époque.
16:46Et cet apport
16:47technique
16:48qu'a fait Chaplin
16:49à ses débuts
16:50l'ont beaucoup,
16:51beaucoup avantagé.
16:56Un matin
16:57que Charlie
16:57arrive au studio
16:58questionne,
16:59il aperçoit
17:00Max Sennett
17:00qui mordit
17:01son énorme cigare
17:02en contemplant
17:04un décor d'hôtel
17:05dont visiblement
17:06il aimerait servir.
17:08Après une longue réflexion,
17:10Sennett finit
17:10par se tourner
17:11vers Charlie.
17:12« Il nous faut
17:13quelques gags ici, »
17:14dit-il.
17:15« Allez,
17:15va te faire
17:16un maquillage comique,
17:17n'importe quoi. »
17:18Charlie ne se le fait
17:19pas répéter deux fois,
17:20déjà,
17:20il se précipite
17:21vers les vestiaires
17:22où sont entassés
17:23les costumes.
17:24À vrai dire,
17:26il n'a aucune idée
17:27du personnage
17:27qu'il va jouer
17:28et c'est un peu
17:30par hasard
17:31qu'il enfile
17:32un pantalon
17:33trop large,
17:35un habit
17:35trop étroit,
17:37de grandes chaussures
17:38et agrémente
17:39le tout
17:40d'un chapeau melon
17:41et d'une canne
17:43qui traînait par terre.
17:44« La ville entière
17:46cesse le trafic
17:47quand ce petit homme
17:48démocratique
17:49s'en s'occuper
17:51de l'accueil
17:52marche en plein milieu
17:54de la rue. »
17:56Il n'entend pas
17:57hurler le Watman,
17:58les coups de sifflet
17:59du policeman
18:00et sous les roues
18:02d'une baccarre
18:04ramasse un vieux
18:05bout de cigare.
18:07« C'est Charlie,
18:08c'est Charlot
18:09avec son petit chapeau
18:12qui fait tourner
18:13sa badine
18:14sous la pluie
18:16qui dégouline.
18:18C'est Charlie,
18:19c'est Charlot
18:20aux godasses
18:22qui prennent l'eau
18:23dans le pantalon
18:25des bines
18:26et qui fait rire
18:27les marmots.
18:29Va, petit bonhomme,
18:31y'a des millions
18:32de braves gens
18:34qui se retrouvent
18:35en toi
18:36quand tu paris
18:37sur l'écran.
18:40À l'usine
18:41ou bien alors
18:41au bureau,
18:43le gars
18:44qui fait le rigolo
18:45pour oublier
18:47sa débine.
18:48C'est Charlie,
18:49oui,
18:50c'est Charlot.
18:51C'est Charlie,
18:52oui,
18:52c'est Charlot.
18:57Charlot chanté par
18:59Henri Salvador.
19:00Dès sa sortie
19:15sur les écrans américains,
19:17le premier Charlot
19:18fait un énorme succès.
19:20D'ordinaire,
19:20quand on lance
19:21un nouveau film
19:21sur le marché,
19:22on en tire
19:2320 ou 30 copies.
19:25Mais dès le quatrième
19:26court-métrage
19:26tourné par Chaplin,
19:28la demande est telle
19:29qu'on doit tirer
19:30jusqu'à 45 copies
19:31par film.
19:33C'est une révolution
19:33dans le cinéma
19:34du burlesque,
19:35d'autant que Charlie
19:36délaisse bientôt
19:37le monde
19:37des pitreries gratuites,
19:39des folles poursuites
19:40et des coups de bâton
19:41pour imposer
19:42un comique
19:42beaucoup plus subtil,
19:44empreinte d'une certaine
19:45tendresse
19:46et d'un humour
19:47souvent grinçant.
19:48Quant à l'aube de 1914,
19:58Charlie Chaplin
19:59débarque à New York.
20:00Il est pauvre
20:01et totalement inconnu.
20:03Fin 1918,
20:05le monde entier
20:06connaît Charlot
20:07et Charlie
20:08se voit offrir
20:09un pont d'or
20:10par la First National.
20:12C'est son frère
20:12Sidney,
20:13arrivé récemment
20:14en Amérique,
20:15qui discute
20:15comme à l'accoutumée
20:16les modalités
20:17du contrat.
20:19Celui-ci se monte
20:19à la coquette somme
20:20d'un million
20:21750 000 dollars
20:23pour la réalisation
20:24de huit films.
20:25Une fortune à l'époque
20:27et le plus gros contrat
20:28jamais signé
20:29dans l'histoire
20:29du cinéma hollywoodien.
20:31À moins de 30 ans,
20:33Charlie Chaplin
20:34entre dans la légende.
20:35Il est très cabot,
20:36il faut bien le dire
20:37comme la plupart des acteurs.
20:39Alors,
20:40il est content
20:41qu'on parle de lui.
20:42Claude Dauphin
20:42nous parlait de Chaplin
20:43et de l'argent.
20:45Et puis,
20:46il a une passion
20:47pour l'argent
20:48aussi qui est
20:48tout à fait raisonnable.
20:50Parce qu'il a eu
20:50une enfance très malheureuse
20:52et qu'à partir du jour
20:54où il a vu son nom
20:55en lettres de feu
20:56sur les marquises
20:57de cinéma
20:57et qu'il a gagné
20:58des milliards
20:59et il était très content.
21:00Il en parle beaucoup,
21:01il aime bien ça.
21:02D'ailleurs,
21:02dans ses mémoires,
21:04tant qu'il parle
21:04de sa jeunesse,
21:05de son enfance,
21:06ses mémoires sont
21:07très très touchants
21:08et très émouvant
21:10et très amusant.
21:11Puis alors,
21:12dès qu'il commence
21:12à avoir du succès,
21:13ça devient un seumant
21:14parce qu'il ne parle
21:15que de son pognon.
21:16On dirait qu'il est
21:16vraiment obsédé
21:17par le fait
21:18de gagner autant d'argent.
21:20Avec cet argent,
21:21Chaplin fait construire
21:22ses propres studios
21:23à Sunset Boulevard.
21:25Le jour de l'inauguration
21:26au Foujoua,
21:27il marche,
21:28chaussé de ses fameux souliers
21:30sur le ciment frais
21:31d'une allée
21:31et imprimant à jamais
21:33sa célèbre empreinte.
21:35Jusqu'alors,
21:35Charlie avait toujours vécu seul
21:37dans un hôtel de Los Angeles.
21:39Mais cette solitude
21:40finit par lui peser.
21:42L'arrivée de son frère
21:43est pour lui
21:43un cadeau du ciel.
21:45Sydney lui fait construire
21:46une splendide villa
21:47à Beverly Hills
21:48avec parc à l'anglaise,
21:50tennis et piscine.
21:52Puis il lui achète
21:52le dernier modèle
21:53de chez Cadillac,
21:55engage un chauffeur japonais,
21:56un agent de presse américain
21:58et un secrétaire particulier
21:59pour répondre
22:00aux nombreux courriers
22:01qui s'entassent
22:02sur le bureau de Charlie.
22:04Des flots de louanges
22:05arrivent en effet
22:05quotidiennement
22:06du monde entier.
22:07Parmi cette innombrable
22:08correspondance,
22:10on note beaucoup
22:10de demandes de secours
22:11qui ne feront que
22:13se multiplier
22:13au fil des ans
22:14et auxquelles
22:15Charlie Chaplin
22:16répondra toujours.
22:17Il n'a pas oublié
22:18la misère de son enfance
22:19et quand il peut
22:21venir en aide aux pauvres,
22:22il n'hésite jamais
22:23à le faire.
22:24Par contre,
22:24dans son travail,
22:26il a la solide réputation
22:27d'être quelque peu avare
22:28et les coûts
22:29de ses productions
22:30sont parmi les plus bas
22:31du marché.
22:32Il travaillait
22:32avec de très petits moyens.
22:34la visite de son atelier
22:36de décors
22:37était une chose
22:37absolument extraordinaire,
22:39incompréhensible.
22:40Maurice Bessy
22:41qui a connu
22:41les studios de Chaplin
22:42à Hollywood.
22:43Je me souviens,
22:44par exemple,
22:44il y a une scène
22:45dans M. Verdoux
22:46qui se passe
22:47dans une carlingue
22:48d'avion.
22:48c'était un morceau
22:49de contreplaqué.
22:50Vraiment,
22:51c'était toujours fait
22:52avec des moyens
22:53très modestes.
22:54Dans son studio,
22:55il avait un carrefour,
22:56deux rues qui se croisent
22:58et c'est toujours
22:59le même décor
22:59que l'on retrouve
23:00toujours dans ses films.
23:01Mais enfin,
23:02le talent et le génie
23:03étant là,
23:04on oublie tout ce qui est formel
23:06mais c'était toujours fait
23:07avec des moyens
23:08les plus restreints.
23:10Le studio lui-même
23:11était également
23:12dans un état
23:12de médiocrité,
23:14presque de pauvreté.
23:16Les poubelles
23:16qui étaient à l'extérieur
23:17étaient des poubelles
23:18qui avaient 50 ans,
23:19c'était les plus vieilles
23:20d'Hollywood.
23:21Le chien qui gardait
23:22l'entrée également
23:23était un pauvre chien
23:24qui datait de,
23:25je ne sais plus,
23:26probablement d'une vie de chien.
23:27Tout était fait
23:28avec les moyens
23:29les plus limités.
23:30Sa loge,
23:31sa loge était une loge
23:32comme peut-être
23:34aucun comédien
23:35de second rang
23:36ne voudrait aujourd'hui.
23:38C'est même assez stupéfiant
23:40de voir qu'il a tourné
23:41des films importants
23:42avec des moyens
23:43de fortune aussi limités.
23:45La célébrité grandissante
23:46de Chaplin,
23:47lui vaut d'être invité
23:48à toutes sortes
23:49de soirées mondaines
23:50où se côtoie
23:51le tout Hollywood.
23:53C'est au cours
23:53de l'une de ces soirées
23:54qu'il rencontre
23:55Edna Purviance,
23:57une jeune comédienne
23:58dont il tombe
23:58immédiatement amoureux.
24:00Ils tourneront ensemble
24:0120 films
24:02dans lesquels
24:03Edna Purviance
24:04incarnera
24:05la légendaire fiancée
24:06de Charlo.
24:08Mais la célébrité
24:09n'est pas toujours facile
24:10à assumer.
24:11Charlie commence
24:12à recevoir
24:12des lettres d'injure.
24:13L'Amérique
24:14lui reproche
24:15de continuer
24:16à faire des gags
24:17quand le monde
24:17entier chancelle.
24:18Ils s'intéressaient
24:19beaucoup à l'événement,
24:21à la politique.
24:22Un ami de Chaplin,
24:24l'écrivain
24:24Vladimir Posner.
24:26Par exemple,
24:26lui qui n'allait
24:27pratiquement jamais
24:28voir les films.
24:29Il allait une fois
24:30par semaine
24:31et il y avait
24:31une salle
24:32où on ne donnait
24:33que les actualités.
24:36Il y allait
24:36toutes les semaines
24:37et il allait voir
24:37toutes les actualités.
24:39Ça, ça intéressait.
24:40Ce que la rumeur publique
24:41ignore,
24:42c'est que Charlie
24:43a bel et bien répondu
24:44présent à l'avis
24:45de mobilisation générale.
24:47Mais les services
24:48de recrutement
24:49l'ont jugé trop petit,
24:50trop chétif
24:51et déclaré inapte
24:52à porter les armes.
24:54Pour couper court
24:55aux critiques
24:56dont il est l'objet,
24:57Chaplin accepte
24:58de participer
24:59à des tournées
24:59de propagande
25:00à travers les États-Unis
25:01pour lancer
25:02le nouvel emprunt
25:03destiné à soutenir
25:04les troupes alliées
25:05engagées dans
25:06la Première Guerre mondiale.
25:08Parallèlement,
25:09Charlie tourne
25:10un nouveau film,
25:11véritable réquisitoire
25:12contre la guerre,
25:13Charlie aux soldats.
25:14le nouvel emprunt
25:17le nouvel emprunt
25:18le nouvel emprunt
25:19et le nouvel emprunt
25:25«Cecerie el réquis »
25:26par desirs neuf
25:32Pour la première fois depuis qu'il est célèbre,
25:57Charlie Chaplin rend visite au vieux continent.
25:59À Paris comme à Londres, la police est submergée
26:03et ne peut contenir les milliers d'admirateurs
26:05qui veulent tous voir de près l'illustre Charlot.
26:09Parti sans un sou de son Angleterre natale,
26:12huit ans auparavant, Chaplin y revient en 1922,
26:16couvert de gloire et de richesse.
26:18Il a 33 ans.
26:29En fait, sa visite a un but bien précis.
26:41Il est venu présenter son nouveau film,
26:44Le Kid,
26:45ce gosse dont l'existence misérable n'est pas sans rappeler
26:48celle que connut Charlie
26:49quand il n'était encore qu'un gamin des rues,
26:51abandonné à lui-même.
26:53Charlie Chaplin est aussi venu voir sa mère.
26:55Voilà des années qu'il se bat aux États-Unis
26:58pour obtenir l'autorisation de la ramener.
27:01Mais les autorités d'immigration lui refusent
27:03systématiquement le visa d'entrée.
27:06On ne veut pas d'une faible d'esprit en Amérique.
27:09Fut-elle la mère du Grand Charlot,
27:11celui-là même dont les films rapportent
27:13au gouvernement américain
27:14des centaines de millions de dollars ?
27:17Il faudra encore à Chaplin
27:19des mois et des mois de démarche,
27:21de lutte et de ténacité
27:23pour parvenir enfin à réaliser son rêve d'enfance
27:26en installant sa mère dans la splendide villa
27:28qu'il s'est fait récemment construire
27:30à Beverly Hills.
27:32Chez lui, c'était une très grande maison
27:34et avec un énorme terrain,
27:38un gazon,
27:39un vaste gazon vert
27:41si vous avez connu l'Angleterre,
27:42si vous êtes allés,
27:43c'était, voilà, c'était, je suppose,
27:46l'unique gazon vert de Hollywood.
27:48Vladimir Posner, voisin
27:50et ami de Chaplin à Hollywood.
27:51Une fois qu'on entrait chez lui,
27:54derrière le grand mur
27:55qui l'entourait, son domaine,
27:57on ne voyait plus la ville,
27:59on ne voyait plus de maison,
28:01on était vraiment à la campagne
28:03et la campagne n'était pas Hollywood,
28:07n'était pas la Californie.
28:10C'était peut-être l'Angleterre,
28:12c'était son domaine à lui.
28:15Et là, il y avait ses amis
28:18qui venaient le voir,
28:19qui étaient invités
28:20ou qui avaient à voir avec lui.
28:22L'immense succès de la ruée vers l'or
28:39va coïncider pour Chaplin
28:41avec une période sentimentale
28:42extrêmement pénible.
28:44Quelques années auparavant,
28:46il s'est marié avec une jeune fille
28:47de 18 ans,
28:48Lita Gray,
28:49dont il a eu deux enfants.
28:50Mais rapidement,
28:52l'amour fait place
28:53à la mésentente
28:54et Chaplin demande le divorce
28:56le 1er décembre 1926.
28:58Une certaine presse à scandale
29:00attendait depuis longtemps
29:01l'occasion de s'attaquer
29:03à la vie privée de Chaplin
29:04jusqu'alors irréprochable.
29:06Cette occasion,
29:07Lita Gray va la fournir
29:08à ses journaux véreux
29:09en déclarant en plein tribunal
29:11que Charlie Chaplin
29:12l'a brutalisé.
29:14Les protestations d'innocence
29:15du pauvre Chaplin
29:16ne font qu'envenimer les choses
29:18et les événements tournent au drame.
29:21Sa villa et ses studios
29:22sont mis sous séquestre
29:23et Chaplin,
29:25en proie à une grave dépression nerveuse,
29:27doit se réfugier à New York
29:29chez un ami médecin.
29:31Une partie de l'opinion américaine
29:32réclame l'expulsion pure et simple
29:34de Charlie
29:35et l'interdiction de ses films.
29:37Autorisé enfin à reprendre
29:38le chemin de ses studios,
29:40Charlie Chaplin
29:40se remet immédiatement au travail.
29:43Pendant trois ans,
29:44il dépense une énergie considérable
29:46pour mener à bien
29:47la réalisation de son nouveau film
29:48Les Lumières de la Ville.
29:57Il en est aux premières semaines
29:58de tournage
29:59quand une bonde éclate
30:01dans le petit monde du cinéma.
30:03Hollywood vient de lancer
30:04sur le marché
30:05le premier film parlant
30:06de l'histoire.
30:07L'avènement du cinéma parlant
30:09est une catastrophe pour Chaplin
30:10qui, lui, tourne
30:12les Lumières de la Ville en muet.
30:13Pour Charlie,
30:15Charlot est avant tout
30:16une abstraction comique
30:18entièrement basée
30:19sur la pantomime
30:20et lui donner une voix
30:21détruirait irrémédiablement
30:23le côté irréel du personnage.
30:25Charlie Chaplin, qui a investi toute sa fortune
30:46dans la production des Lumières de la Ville,
30:48part de nouveau en tournée
30:49à travers l'Europe
30:50pour promouvoir lui-même son film.
30:52De ville en ville,
30:54on assiste à de véritables émeutes,
30:57des foules innombrables
30:58attendent pendant des heures
30:59sous la pluie
30:59pour voir passer Charlot.
31:01Tout le monde veut lui parler,
31:03homme d'État
31:03et artiste compris.
31:04J'avais un voisin ici,
31:06hélas,
31:07on n'en a plus,
31:09mais il y a deux pas d'ici,
31:10habité Picasso.
31:12L'écrivain Vladimir Pozner
31:13a assisté
31:14à la rencontre
31:15de Chaplin et Picasso.
31:16Un jour,
31:17un après-midi,
31:18Picasso me dit
31:19« Écoute,
31:21je sais que tu connais
31:22Charlot,
31:24il vient d'arriver à Paris,
31:26arrange-moi un rendez-vous avec lui. »
31:29Eh bien,
31:29j'ai dit oui,
31:30enfin,
31:30j'avais lui téléphoné.
31:32C'était le grand problème
31:33de ne pas aller au restaurant,
31:36parce que,
31:37vous imaginez un restaurant,
31:38on voit ici côte à côte
31:40Picasso et Chaplin.
31:42Et finalement,
31:43alors Chaplin a dit
31:44« Le plus simple,
31:45c'est que vous venez tous
31:46chez moi à l'hôtel,
31:46à l'habiter au Ritz. »
31:48Ça se passait
31:49d'une drôle de façon,
31:51parce que
31:51Picasso,
31:52il ne parlait pas anglais.
31:55Et Chaplin ne parlait
31:56qu'anglais.
31:57Donc,
31:58il n'avait pas
31:58de langue commune.
32:00Et Picasso et Chaplin
32:01s'observaient.
32:03Mettons,
32:04comme si
32:05Picasso disait
32:06« Je dois faire son portrait,
32:08alors je vais bien voir
32:09de quoi il a l'air. »
32:11Et que
32:11Chaplin se disait
32:13« Ben voilà,
32:14c'est un rôle
32:14que je vais jouer,
32:15alors je vais bien voir. »
32:17Quelques temps après son retour d'Europe,
32:41Charlie Chaplin rencontre
32:43celle qui deviendra
32:44sa troisième épouse,
32:45Paulette Goddard.
32:47Il a 47 ans,
32:48elle 22,
32:49et immédiatement,
32:50la presse à scandale,
32:52qui n'avait plus parlé
32:52de Chaplin depuis trois ans,
32:54se saisit de l'événement.
32:56Charlie est présenté
32:57au lecteur
32:57comme un vieux satyre
32:59affamé de jeunes chers.
33:00L'homme qui,
33:01à ce moment,
33:01règne en maître
33:02sur ce genre de presse,
33:04s'appelle Randolph Hearst.
33:05Ce triste personnage
33:07rêve aussi
33:08d'expulser d'Amérique
33:09tous les étrangers
33:11et en particulier
33:12ce Charlie Chaplin
33:13qu'il aimerait bien inscrire
33:14à son sinistre
33:15tableau de chasse.
33:17L'occasion lui en est donnée
33:18par Chaplin en personne
33:19qui sort en 1936
33:21un nouveau film muet,
33:24« Les temps modernes »
33:25dans lequel il a
33:26Paulette Godard
33:27pour partenaires.
33:27« Les temps modernes »
33:57« Les temps modernes »
34:27une célèbre musique
34:28des temps modernes.
34:29À sa sortie,
34:30le film déchaîne
34:30les foudres
34:31de la presse réactionnaire
34:32qui accuse Chaplin
34:34d'être un défenseur
34:35du communisme
34:35et l'entraîne
34:37dans un mauvais procès.
34:38Chaplin,
34:38je l'ai rencontré
34:39après la réalisation
34:41des temps modernes
34:42à Hollywood.
34:43Maurice Bessy
34:44évoque Charlie Chaplin
34:45à ce moment-là.
34:46Il était très déçu,
34:47il était déjà
34:48très attaqué à l'époque,
34:50considéré comme gauchiste
34:51et il a fait une chose
34:53qui évidemment
34:53m'a beaucoup touché
34:54comme admirateur de Chaplin.
34:56Il m'a donné sa canne,
34:57la canne qu'il avait utilisée
34:58dans les temps modernes
34:59et il m'a dit
35:00« Prenez-la,
35:00puisque Charlot est mort. »
35:02Les temps modernes
35:02reçoivent un accueil
35:03triomphal à Londres,
35:05Moscou et Paris
35:06mais en Allemagne,
35:07un certain chancelier Hitler
35:10fait interdire le film.
35:22Depuis quelques mois,
35:23le nazisme a pris
35:24des proportions inquiétantes
35:26en Europe.
35:27Cette escalade de violence
35:28inquiète Charlie Chaplin
35:30qui décide alors
35:31de faire un film
35:32réquisitoire contre le fascisme.
35:35Il commence à travailler
35:36au scénario en 1938
35:37mais le film subira
35:39de nombreuses transformations
35:40avant de revêtir
35:42sa forme définitive.
35:44Dès le début du tournage,
35:45Chaplin reçoit la visite
35:47de différentes personnalités
35:48qui tentent de le dissuader
35:50de faire ce film
35:50et l'ambassadeur hitlérien
35:53à Washington
35:53menace les producteurs américains
35:56de boycott total
35:57de leurs films en Allemagne
35:58si Chaplin ose attaquer
36:00le nazisme.
36:14Alors, les maîtres d'Hollywood
36:16qui ne veulent pas perdre
36:17le marché allemand
36:18exercent sur Charlie Chaplin
36:20des pressions de toutes sortes
36:21imitées d'ailleurs
36:22par le parti nazi américain
36:24qui menace de mettre à mort
36:26celui qu'ils appellent
36:27ouvertement
36:28le sale petit juif.
36:30Ce sera le premier charlot
36:31réellement sonorisé.
36:33Il sort le 15 octobre 1940
36:36à New York
36:37sous le titre
36:38Le Dictateur.
36:46Après avoir entendu
36:48cet extrait
36:48de discours d'Hitler
36:49voici maintenant
36:51le discours du dictateur
36:52joué par Chaplin.
36:54L'imitation est surprenante.
36:55Le discours de Henkel, le grand dictateur
37:17n'est pas rédigé en allemand.
37:19C'est uniquement une suite de sons
37:20et d'accent toniques
37:21qui reproduisent la mélodie de la langue.
37:23Le film est un immense succès
37:25et la scène où le dictateur
37:27jongle avec une map-monde
37:29s'inscrit à jamais
37:30dans la mémoire publique.
37:31et la scène où le tourne
37:48La musique du dictateur, composée en partie elle aussi par Chapley.
38:18Ce film marque la fin du duo Charlie Chaplin-Paulette Godard qui divorce en juillet 1942.
38:31Commence alors pour Chaplin une longue période de célibat durant laquelle ses nombreuses conquêtes féminines lui vaudront une solide réputation de séducteur.
38:40Nous étions, Madeleine et moi, invités à une de ces fameuses grandes soirées.
38:46Michel Morgan se souvient d'une certaine invitation à Hollywood avec son amie Madeleine Lebeau.
38:51Nous arrivons donc dans cette maison et je dis à Madeleine mais c'est curieux quand même, il n'y a personne, il n'y a pas de voiture, nous sommes peut-être les premières.
38:59Alors on arrive, on nous fait entrer, maître d'hôtel, des lumières très douces, de la musique douce, tout ça m'avait semblé un petit peu curieux.
39:10Le maître de maison s'avance, nous dit bonsoir et je lui dis mais nous sommes les premières, il n'y a personne.
39:19Oui, oui, oui, oui, vous êtes les premières et j'aperçois un monsieur pas très grand avec de très beaux cheveux gris.
39:32Je m'aperçois que c'est Charlie Chaplin qui entre avec un de ses amis.
39:35Et je regarde Madeleine et tout à coup on se rend compte que cette soirée n'y avait que nous.
39:44Ce garçon nous avait un petit peu amené pour que nous rencontrions ces deux messieurs qui étaient extrêmement séduisants mais qui avaient près de la cinquantaine.
39:53Charlie Chaplin s'est rendu compte que tout ça était très gentil et enfin de bon aloi et nous étions deux filles qui avions de bonne manière et qui n'étions pas des filles qu'on embarque tout de même comme ça.
40:10Il a changé totalement, il nous a fait beaucoup rire, il a fait des numéros, j'ai passé une soirée excellente à beaucoup rire et puis tout ça s'est terminé le plus respectablement du monde.
40:40Dans Monsieur Verdoux, Chaplin a délaissé le célèbre costume de Charlot.
40:46Il campe dans ce film un vieux monsieur à l'allure respectable qui, sous des dehors paisibles, cache une âme de séducteur criminel n'ayant rien à envier au terrible Landru.
40:56C'est son vieil ami Orson Welles qui a soufflé à Chaplin l'idée de réaliser un tel film pour répondre aux nombreuses critiques dont l'assaille la presse américaine.
41:06Mais entre cette idée originale et le montage définitif, il s'écoulera cinq ans de travail intense.
41:13Quand vous arriviez au studio, il y avait ceux qui sont dans toute équipe de cinéma.
41:20Vladimir Pozner raconte le tournage de Monsieur Verdoux.
41:23Seulement que lui, en plus de jouer le rôle de Monsieur Verdoux, il était aussi le metteur en scène de ses films.
41:31Mais aussi il regardait tout et c'était aussi le son qu'il écoutait.
41:37C'est lui aussi qui n'oubliait pas d'écrire la musique de ses films.
41:41C'est-à-dire que de tous les côtés, il s'occupait de ses films.
41:45Il le vivait de tous les côtés et il commençait bien avant puisque c'est lui qui l'écrivait.
41:50Et quand il écrivait, il l'essayait sur les gens.
41:53Il était très attentif.
41:55Dès sa sortie, le film est vivement critiqué par la presse réactionnaire.
42:24Et pour la première fois, Chaplin essuie un retentissant échec professionnel aux Etats-Unis.
42:30Le grand public n'aura d'ailleurs pas la possibilité de juger Monsieur Verdoux,
42:34car de puissantes organisations qui se targuent de défendre la bonne morale américaine
42:39parviennent à faire suspendre l'exploitation du film.
42:42Financièrement, c'est une catastrophe pour Chaplin qui, en proie aux incessantes attaques de ses compatriotes,
42:49traverse une période difficile qui ne fait que l'enfermer un peu plus dans son éternelle solitude.
42:55Non, non, il vaut mieux ne pas parler de l'homme dans sa vie parce que Chaplin était un personnage égocentrique.
43:01Maurice Bessy qui a connu Chaplin à Hollywood.
43:03C'était un misanthrope, c'était un homme distant.
43:07Au début de sa vie, il a eu deux grands amis qui ont été Douglas Favance et Marie-Pitford.
43:12Et après la mort de Douglas, après la retraite de Marie-Pitford, il est resté très, très, très seul.
43:19Il a commencé à avoir une réelle vie familiale qu'à son mariage avec Ouna O'Neill.
43:26Ouna, fille du prix Nobel de littérature Eugène O'Neill, est la femme que Charlie Chaplin attendait depuis toujours.
43:34Elle a 18 ans, lui 56, et leur mariage ne fait qu'attiser la haine dont Chaplin est déjà l'objet.
43:41D'autant qu'à cette époque, un violent courant réactionnaire enflamme l'Amérique.
43:46Moi, je crois qu'il y a quelque chose qui n'est pas très bien compris en Europe.
43:52Surtout quand on parle de cette époque, le macartisme et la liste noire.
43:59Le metteur en scène Jules Dassin qui a souffert, lui aussi, du macartisme.
44:03On parle comme si c'était seulement un sujet de Hollywood.
44:08Le macartisme, ça a commencé en 1944.
44:12Il y avait des forces en Amérique qui avaient très peur de l'alliance russe-américaine.
44:22Mais au fur et à mesure que le macartisme est monté, c'est devenu une rage, une maladie.
44:30La liste noire n'était jamais officielle.
44:34Jusqu'à aujourd'hui, la seule chose que je peux vous dire qu'ils ont fait officiellement,
44:43c'est qu'on nous a privés du passeport.
44:46Autrement, il n'y avait aucun acte que moi je connais qui était officiel.
44:49Sous-titrage MFP.
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46:23N'ayant toujours pas la nationalité américaine,
46:44Charlie Chaplin doit demander un permis spécial chaque fois qu'il part à l'étranger,
46:48permis sans lequel il ne pourrait plus entrer aux Etats-Unis au retour.
46:53D'ordinaire, cette formalité est rapidement réglée.
46:56Mais cette fois, les autorités font des difficultés.
46:59L'attente est longue.
47:02Chaplin est interrogé à plusieurs reprises avant d'obtenir enfin le précieux certificat.
47:07La famille Chaplin s'embarque donc sur le Queen Elizabeth à destination de l'Europe.
47:13Mais dès que le paquebot sort des eaux territoriales américaines,
47:16un télégramme officiel apprend à Charlie Chaplin
47:19que les services d'immigration viennent d'annuler le permis de rentrer si difficilement accordé.
47:26Beaucoup d'Américains protestent contre cette mesure jugée arbitraire et injuste,
47:30mais la sentence est définitive et Chaplin est désormais interdit de séjour dans son pays d'adoption.
47:51L'Europe l'accueille comme un chef d'État.
47:54Reçu par la reine d'Angleterre, fait officier de la Légion d'honneur par le président Vincent Auriol,
47:59décoré également en Italie, Charlie Chaplin reçoit partout des preuves de son immense popularité.
48:06On organise pour lui des réceptions brillantes, des fêtes, des spectacles.
48:09Tous les comédiens de Paris recevaient Chaplin.
48:13Ça se passait au théâtre des ambassadeurs.
48:16Marie Demmes raconte l'hommage à Chaplin rendu par les acteurs français.
48:20On n'a jamais su s'il avait fait exprès ou pas, mais c'était très amusant et bouleversant à la fois.
48:24Il s'est avancé pour dire quelque chose et il est tombé dans le trou du souffleur.
48:29On ne peut y laisser qu'une jambe dans le trou du souffleur.
48:31Lui a complètement disparu.
48:33C'était un pontin, cet homme extraordinaire, la souplesse.
48:37C'était déjà plus un gamin.
48:39Et tout le monde l'affolait en disant, mon Dieu, est-ce qu'il a mal ?
48:41Il s'est relevé un peu rouge, mais très souriant, ravi.
48:45Il n'avait pas l'ombre de blessure, ni rien.
48:46Son tour d'Europe terminé, Charlie Chaplin se met en quête d'un toit pour loger sa famille
49:12qui vient de s'agrandir d'un nouvel enfant, Eugène.
49:16Après avoir longtemps songé à s'établir en Angleterre,
49:19Chaplin se décide finalement à acheter le manoir de banc,
49:22immense propriété dont le parc magnifique surplombe le lac Léman.
49:26De tout temps, Charlie Chaplin a rêvé de cette vie de famille qu'il mène en Suisse.
49:32Et maintenant qu'il est grand-père, il organise à chaque réveillon de Noël
49:36une grande fête qui réunit ses huit enfants et ses nombreux petits-enfants.
49:41Mais en ce 24 décembre 1977, Charlie Chaplin est au plus mal.
49:48C'est l'agent de police de la petite commune qui me connaît,
49:51qui me fixe les heures d'arrivée du Père Noël.
49:53Le Père Noël est de Chaplin.
49:54Il me téléphone et puis il me dit « Vous savez que M. Chaplin est à son extrémité ? »
50:00Alors j'ai dit « Bon, alors écoutez, c'est entendu, je ne le montre pas. »
50:04Alors il m'a dit « Non, M. Chaplin, tiens, à ce que la fête soit faite tout à fait comme d'habitude,
50:10que rien ne soit changé. »
50:11Et puis on a ouvert toutes les portes, il a voulu entendre les chants.
50:15C'est au cours de cette nuit de Noël que Lord Charles Spencer Chaplin s'éteint à l'âge de 88 ans.
50:22Un ultime coup de baguette magique achève en apothéose ce conte de fées commencé dans la misère un matin d'avril 1889.
50:33Reste au monde le merveilleux Charlot, éternel vagabond de l'écran,
50:38immortalisé à jamais par la magie du cinéma.
50:41Mesdames et messieurs, Charlie Chaplin vous parle et a l'honneur de vous saluer.
50:46Voici Hollywood en 1915 dans cette Californie où le sol baignait les plantations d'arranger ses citronniers
50:53avant qu'elle reçût la visite des trois cavaliers de l'apocalypse, le pétrole, le cinéma et la construction aéronautique.
51:00Ces trois cavaliers qui piétinaient à l'assaut arrachant à ranger ses citronniers
51:04et le remplissant par des usines et de studios.
51:08J'étais l'un des coupables.
51:10J'avais hâte de te voir en studio.
51:12Aux États-Unis, tout le monde est pressé.
51:14Et comme par magie, je l'obtins.
51:16Et à présent, je me retire derrière mon rideau de silence.
51:20Bye-bye.
51:26Vous venez d'écouter Destins Extraordinaires, un podcast issu des archives d'Europe 1.
51:33Réalisation, Julien Tarot.
51:35Production, Raphaël Mariat.
51:38Patrimoine sonore, Sylvain Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
51:44Destins Extraordinaires est disponible sur le site et l'appli Europe 1.
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