Philippe Auclair, journaliste sportif d'investigation pour Josimar et Fred Waseige, consultant pour la RTBF et Voo Sport World, commentent l'actualité du football belge et international.
00:00Josimar est un site, est un média d'investigation reconnu et fragilisé.
00:06Vous avez écrit une lettre qui est inquiétante pour l'avenir de ce support et de ce site.
00:13Vous êtes à la séance des tirs au but, vous dites apparemment, ou votre rédacteur en chef en tout cas.
00:17Oui, oui, absolument.
00:18Qu'est-ce qui va faire pencher la balance du mon côté ?
00:20Je veux dire, c'est les fans.
00:24Les fans peuvent sauver les clubs.
00:25Combien d'abonnés ? La carte d'identité, c'est quoi ?
00:26Alors écoutez, le nombre d'abonnés a augmenté considérablement depuis qu'on a lancé cet appel,
00:31qui était vraiment un appel un peu désespéré, parce qu'en fait, si vous voulez,
00:35on est le seul site d'investigation dédié au football au monde.
00:39On est en norvégien, mais surtout en langue anglaise.
00:42Et on voulait commencer d'ailleurs à publier en français, en espagnol et en arabe.
00:47On avait de grands plans.
00:49Et on sort des histoires en permanence.
00:51On va encore en sortir deux cette semaine, si je ne m'abuse.
00:53On est là, mais malheureusement, si vous voulez, le problème que nous avons est un problème
01:00que connaît tout le journalisme d'investigation dans tous les pays,
01:04en ce sens que le journalisme d'investigation prend énormément de temps et de ressources,
01:08donc coûte cher.
01:09Je veux dire que c'est beaucoup plus simple de faire ce qu'on appelle du clickbait en anglais,
01:14c'est-à-dire de faire une histoire qui sera sans le moindre fondement,
01:17comme le fait Fabrizio Romano.
01:19Par exemple, je dis son nom parce que c'est quelqu'un pour lequel j'ai perdu absolument tout respect.
01:23Mais on va faire du click, on va faire deux millions de vues en disant, je ne sais pas,
01:27en annonçant ce que tout le monde sait déjà, c'est-à-dire que Trent Alexander-Arnold va aller au Real Madrid.
01:31Tout le monde le savait depuis six mois, mais on met ça en...
01:34Et du coup, ça, ça fait de...
01:36Les publicitaires vont dessus, puis il y a des bannières et on clique dessus, ça fait des revenus.
01:41Nous, on fait des articles sur le fait que le président de la Côte-Mébole,
01:45donc la Confédération Sud-Américaine, doive sa fortune et son rang dans le football
01:48au fait que sa famille était l'allié du dictateur sanguinaire Alfredo Strussner.
01:53Et il n'y a que nous qui parlons de ce genre de choses.
01:55Et donc, du coup, les sponsors nous regardent d'un peu loin.
01:59Vous comprendrez sans pour quoi.
02:00Prudence, en tout cas.
02:01Oui, c'est compliqué, parce qu'on ne peut pas véritablement...
02:05C'est difficile, parce que si vous avez un sponsor qui, tout d'un coup, va se dire
02:09« Dans deux semaines, il n'est pas impossible qu'ils nous tombent dessus, ils vont hésiter un petit peu. »
02:15Et il y a ça, et le fait aussi qu'on essaye que le site demeure gratuit pendant 24 heures.
02:22Parce que nous avons beaucoup de lecteurs dans ce qu'on appelle le sud global,
02:25donc ils n'ont pas les moyens de s'abonner.
02:27Donc on veut que nos histoires restent...
02:29Parce qu'on parle beaucoup de football africain.
02:30Beaucoup de football sud-américain.
02:33Et les gens n'ont pas les moyens de s'abonner.
02:34Donc on veut que ce que nous faisions soit accessible gratuitement.
02:37Mais ça signifie donc que beaucoup de gens ne s'abonnent pas, qu'ils devraient s'abonner autrement.
02:41Mais là, ils sont en train d'en prendre conscience.
02:43Et je touche du bois, et je prie, et je vous remercie de me permettre d'en parler.
02:49On a encore deux semaines à peu près pour s'en tirer.
02:52Et donc, rendez visite, les amis, à JosimarFootball.com.
02:55Et si jamais ça vous dit de nous soutenir, soutenez-nous.
02:59La meilleure façon de le faire, c'est un abonnement qui coûte le prix d'une peinte,
03:02même pas d'une preinte, d'un verre de Curtius à Liège.
03:08Et pour le prix d'une Curtius, d'ailleurs au passage, merci Curtius pour la donation,
03:13d'une peinte de Curtius à Liège, vous soutiendrez un site qui fait un travail, je pense, absolument essentiel.
03:22C'est presque hygiénique, sanitaire, non ?
03:24Oui, oui, un petit peu, oui, parce que très peu de gens le font.
03:27Et il y a des pays dans lesquels ce n'est pas du tout traditionnel.
03:29Si vous allez en Espagne, en Italie, le football est tellement sacro-saint qu'on s'attaque...
03:35Alors, sauf quand il y a un énorme scandale lié à des paris truqués, à du dopage, etc.
03:41Bon, là oui, on va en parler, mais la presse elle-même ne va pas faire l'effort.
03:44C'est quand même assez extraordinaire que tout ce qui se passe autour de Genoa et de la Sampdoria à Gênes,
03:51c'est de soit sur un site norvégien d'expression anglaise que ça soit sorti.
03:54Parce que les gens en Italie n'en parlaient absolument pas.
03:56C'est sacré, oui.
03:57C'était complètement sacré.
03:58Et nous, on est arrivés, on a mis nos gros patogas,
04:02et on a commencé à batifoler gentiment, de la même façon qu'on a batifolé pour Vasco da Gramma au Brésil,
04:08et tous les gens du groupe 777, etc.
04:10On imagine les pressions, les menaces même que vous subissez sans doute dans votre travail,
04:15et dans votre vie peut-être, au quotidien.
04:17De quelle enquête êtes-vous le plus fier à titre personnel ?
04:21Alors, je crois que la plus importante qu'on ait faite...
04:25Celle qui laisse un héritage, je veux dire.
04:26Alors, il y en a plusieurs.
04:28On a quand même été, je ne sais pas si fier est le mot,
04:31mais on a été le seul média qui, avant la Coupe du Monde en Russie,
04:36et soulevé le problème que nous avions des esclaves nord-coréens qui travaillaient sur les chantiers en Russie.
04:41Personne d'autre n'en a parlé, on a été les seuls à le faire.
04:45Alors, c'est un titre de fierté, mais en même temps, c'est une raison de se sentir très triste.
04:50Le travail, je pense, qu'on a fait sur la Coupe du Monde de Qatar,
04:53on a toutes les raisons d'être fiers.
04:56Les mêmes dérives, les mêmes inquiétudes pour les travailleurs d'autres origines.
05:00Oui, mais on a été très très très loin, on a pris des risques.
05:04On a des gens qui sont allés là et on n'y est pas allés avec les caméras et tout ça.
05:07On a vraiment pris des risques pour le faire.
05:09Pas moi, au passage, c'est d'autres amis.
05:11Mais il y a un truc sur les...
05:13Parce que ça a eu un impact.
05:14Et quand vous faites une campagne,
05:17enfin, quand j'ai une campagne,
05:18quand vous faites une longue enquête et que cette enquête débouche sur quelque chose,
05:21ça fait 4 ans et demi que je travaille sur les paris sportifs illégaux
05:26et les sites de paris sportifs illégaux.
05:29C'est moins un problème en Belgique où les choses sont quand même relativement...
05:32Vous essayez de réglementer, mais il y a beaucoup.
05:33Oui, mais il y a quand même de la réglementation en place.
05:36Mais c'est surtout en Angleterre.
05:38Et le fait que les clubs de première ligue soient les complices de sites de paris sportifs illégaux
05:42qui sont liés à la grande criminalité en Extrême-Orient.
05:46Et je pense que ce que nous avons écrit sur le sujet depuis maintenant 4 ans et demi,
05:51a mené au fait que le plus grand coupable, la société anglaise,
05:54qui permettait à ces gangsters, il n'y a pas d'autre mot,
05:57de mettre leur nom sur les maillots de la première ligue,
06:00a décidé de quitter l'Angleterre.
06:01Et je crois que ce que nous avons fait a été très important dans la décision finalement du régulateur
06:06de leur filer une amende tellement importante qu'ils ont décidé de clier bagage.
06:09Et ça, quand ça arrive, que vous êtes journaliste,
06:11je peux vous garantir que c'est le petit émoji champagne
06:14quand vous partagez la nouvelle avec vos copains.
06:16AACC, on n'a pas fait ça pour rien.
06:19Et pour 777 aussi, on n'a pas fait ça pour rien,
06:22parce que si nous n'étions pas intervenus, ils auraient acheté Everton.
06:25Ça, j'en suis convaincu.
06:26C'est resté pendant de longs mois, et puis finalement...
06:28Pendant six mois, oui.
06:29Oui, oui, tout à fait.
06:30La prochaine enquête chaude, sur laquelle Josimar travaille ?
06:33Alors, on travaille sur un truc assez intéressant, sur la multipropriété des clubs.
06:36Pour voir votre sourire.
06:37Oui, parce qu'on en a quelques-uns.
06:39On en a quelques-uns.
06:40On a une autre histoire, Codme et Bolle, donc sud-américaine.
06:43Et on a une histoire, je pense, assez intéressante sur la multipropriété des clubs.
06:49Et la façon dont l'UEFA et certains groupes de multipropriété des clubs se sont mis d'accord pour, on va dire, contourner leur propre réglementation.
06:58Et c'est quelque chose...
07:00C'est pas très très sexy, mais ça en dit long, on va dire, sur les forces qui sont aujourd'hui les plus importantes au sein du football européen.
07:08Fred, Josimar, pourquoi ? Est-ce que vous le savez, vous ?
07:12Parce que ça nous redonne, ça donne de la nidité, je veux dire.
07:14Ces gens sont des héros, quoi.
07:18Parce que c'est pas facile d'être journaliste d'investigation, pas que financièrement, mais émotionnellement, nerveusement.
07:23Comme vous le disiez tout à l'heure, il y a des pressions.
07:26C'est parfois six mois d'enquête pour un papier.
07:29Il faut pas être intéressé par l'argent.
07:33Il faut vraiment... C'est une dévotion, quoi.
07:34Donc eux, c'est des gens qui aiment plus qu'ils comptent le foot, le monde dans lequel ils vivent.
07:39Et ils veulent que la vérité jaillisse, quoi.
07:41Donc pour moi, ce sont des héros qui méritent vraiment d'être soutenus et qui méritent que nous tous...
07:48Parce qu'ils font notre boulot aussi, hein.
07:49Ils nous éclairent et grâce à eux, on peut se permettre de se dire, ah, je commence à comprendre, quoi.
07:53Comprendre le monde dans lequel on vit, que ce soit du foot ou dans la vie, c'est déjà une grande chance.
07:57Et bien, ces gens-là, ils nous aident à comprendre le monde.
07:59Et donc, il faut absolument qu'ils existent, qu'ils se développent, surtout pas qu'ils disparaissent,
08:04qu'ils se développent et qu'ils continuent à nous éclairer.