- 16/06/2025
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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie nationale ?
00:20Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Il y a des jours comme ça, où un impresario devrait rester chez lui et ne plus penser aux moyens de gagner un dollar.
01:09Le chauffage était nettement insuffisant dans la pièce qui me servait de bureau.
01:14Dehors, un vent glacial faisait tourbillonner de gros flocons de neige et les plaquait contre les devantures des magasins de l'autre côté de la rue.
01:22Les gens se déplaçaient avec difficulté et traversaient avec précaution au croisement.
01:30Le travail était comme la journée, c'est-à-dire affreux.
01:34J'avais auditionné deux groupes.
01:37Dans la matinée, ça avait été un groupe de folk rock, chant et guitare,
01:42composé de trois garçons barbus et d'une jeune fille à la longue chevelure.
01:45Ils chantaient quelque chose disant qu'ils se jetaient d'une falaise dans une voiture lancée à deux cents à l'heure
01:53et que le monde n'était pas un endroit agréable.
01:57C'était toute l'originalité de leurs numéros.
02:01Je leur dis que je les appellerais si quelque chose se présentait.
02:05Ils hurlèrent, prêts à aller se coucher sur le trottoir et à se laisser mourir.
02:11Ils me déprimèrent.
02:14Peut-être n'aurais-je pas dû les écouter si tôt après mon petit déjeuner.
02:19Une heure plus tard, ça fut un groupe psychédélique.
02:22Deux garçons et deux filles avec des guitares électriques,
02:25plus un accessoiriste qui avait l'air d'un chien au poil hérissé,
02:30un garçon efflanqué avec d'immenses favoris.
02:33Ils projetaient des lumières colorées sur tout le groupe.
02:36Ils me fit une démonstration et je dis « Sans les lumières, s'il vous plaît. »
02:42L'une des filles me dit « S'il vous plaît, M. Bradley,
02:46notre prestation repose sur les effets de notre éclairage psychédélique. »
02:50« D'accord, que je dis.
02:52Mais rappelez-vous simplement que cet immeuble est plus vieux que moi.
02:56L'équipement électrique est vétuste aussi.
02:58Ne faites pas sauter les plombs, je vous en prie. »
03:01Ils firent du boucan avec leur guitare et les filles se tortillèrent
03:05et les lumières dorées, rouges et bleues me donnèrent un mal de tête.
03:12Je dis « Oui, oui, c'est bien, c'est bien, c'est pas mal.
03:16Laissez-moi vos noms et adresses et numéros de téléphone. »
03:20Celui qui s'occupait des éclairages me dit « On peut travailler tout de suite, M. Bradley.
03:25On a eu du succès dans le Manitoba. »
03:28Je pensais alors « Pourquoi est-ce qu'ils en sont partis ? »
03:32En fait, j'avais autant besoin d'un nouveau groupe psychédélique que d'un trou dans la tête.
03:37Mais ils ne s'étaient pas mauvais, remarquez.
03:39Et je leur dis « Écoutez, je vous appellerai dans la minute même où quelque chose se présentera. »
03:45« M. Bradley, nous avons vraiment besoin de travailler. »
03:49Dit une des filles.
03:51« Tout le monde a besoin de travailler, mon petit. Je vais voir ce que je peux faire. »
03:56Alors l'éclairagiste dit « Nous ferions n'importe quoi, M. Bradley.
04:01Nous venons tout juste d'arriver en ville. Les affaires sont plutôt difficiles. »
04:06En fait, il était vraiment en train de me dire qu'ils étaient complètement fauchés.
04:10En fait, j'avais entendu et vu pire et je connaissais le propriétaire d'un café qui pourrait peut-être les employer.
04:19Je lui ai passé un coup de téléphone.
04:21Il me dit que les affaires étaient plutôt tartes.
04:24Il avait besoin de serveurs, mais il pouvait seulement les payer sur une base honnête de nourriture.
04:30« Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? J'ai jamais entendu parler de ça. »
04:33« Je les nourris, je les paye pas, voilà ce que c'est. »
04:37J'ai mis la main sur le téléphone et je dis au groupe psychédélique « Je crois pas que ça vous intéresse, les enfants.
04:43Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est vous nourrir. »
04:45« Nous acceptons, » dit l'éclairagiste.
04:48« Avoir à manger, c'est toujours quelque chose. »
04:52Quand ils partirent, j'essayais de me représenter ma commission sur ce marché.
04:59Quel pourcentage ?
05:0110% de 4 sandwiches au jambon ?
05:04Alors si ça continuait comme ça, j'allais très rapidement tomber dans la dèche, moi aussi.
05:11Je passais le reste de ma journée au téléphone et enregistrais un peu de travail.
05:16Un magicien pour la ville de Kent, dans l'Ohio,
05:19une chanteuse pour un salon à Atlantic City
05:22et un comique pour un cabaret de Las Vegas.
05:26Je répondis à deux types qui me demandaient des artistes que j'allais m'occuper d'eux.
05:30Et je les oubliais dès que j'eus raccroché.
05:34Le premier type avait un petit nightclub, genre taverne, voyez.
05:37Et si je lui envoyais une chanteuse, il ne la lâcherait pas une seconde.
05:41Il allait lui courir après, la serrer, lui pincer les fesses
05:44et plus tard, je devrais écouter ses plaintes.
05:48Phil Quenck, le deuxième type, était un cas tout à fait différent.
05:53Lui, il possédait une boîte située sur les bords de l'Hudson,
05:58au-dessus de l'état de New York.
06:00Quenck avait l'habitude d'engager un orchestre de trois musiciens
06:03ou parfois un chanteur de charme,
06:06mais je cessais de lui envoyer des artistes
06:07lorsque j'appris que ses clients leur menaient la vie dure.
06:11Oui, il poussait des cris d'oiseaux quand le chanteur y allait de sa chanson
06:15ou bien il lançait des pétards pendant que l'orchestre jouait.
06:19Je pensais que les clients de Quenck étaient tout simplement des dingues.
06:23Ils avaient l'habitude de venir prendre un peu de bon temps chez lui, voilà tout,
06:27mais en aucun cas je n'enverrais à nouveau mes artistes chez Quenck.
06:32Après tout, un impresario se doit de protéger un peu ses poulains
06:37de tous les cinglés du monde, non ?
06:41La journée s'écoule.
06:43Je regardais ma montre, il était quatre heures et demie
06:46et il faisait déjà nuit.
06:49D'ordinaire, je restais jusqu'à cinq heures.
06:51Aujourd'hui, il devait y avoir quelque chose qui ne marchait pas
06:54avec l'appareil de chauffage.
06:56Pendant toute la journée, j'avais eu froid,
06:59aussi froid que si je m'étais tenu dehors.
07:02Je rangeais mon bureau,
07:05je ne manquerais sûrement aucune affaire en rentrant chez moi une heure plus tôt.
07:09Prendrais un verre, je me promènerais en pantoufles,
07:12peut-être même y aurait-il un programme intéressant à la télé,
07:16pour changer.
07:16Je mis mon pare-dessus et mon chapeau
07:20et le téléphone sonna.
07:23C'était ma femme qui me rappelait que ce soir,
07:26c'était sa partie de bridge avec les filles
07:28et qu'elle m'avait laissé quelques tranches de viande froide et des œufs durs.
07:33Éveille à tout nettoyer, ensuite.
07:35Débarrasse la table, ne laisse pas tout en désordre.
07:38Et si cela ne vous ennuie pas trop,
07:40M. Bradley, ne vous endormez pas sur le divan
07:43et ne laissez pas vos mégots de cigare dans mes cendriers.
07:48Ok, que je répondais.
07:50Et je raccrochais.
07:52Bien sûr, elle avait raison au sujet des mégots de cigare.
07:56Mais quand même,
07:58trente-trois ans de vie commune,
08:00nous avions deux enfants et trois petits-enfants,
08:03et elle m'appelait encore M. Bradley d'un ton sévère.
08:06Soudain, on frappa à la porte et une fille élancée, jolie,
08:14entra dans mon bureau.
08:16Elle avait une vingtaine d'années.
08:19C'était une brune au visage mince et aux grands yeux bleus
08:22avec de la neige toute fraîche dans les cheveux.
08:26Quelque chose en elle m'était familier.
08:29M. Bradley ?
08:32Oui, le seul et l'unique, c'est moi.
08:36Il jeta un coup d'œil sur sa montre,
08:38puis le regarda d'un air ennuyé.
08:41Je croyais que le bureau était ouvert jusqu'à cinq heures ?
08:45Oui, d'ordinaire, il l'est,
08:46mais aujourd'hui, voyez-vous, j'ai un rendez-vous d'affaires.
08:50Vous vouliez me dire quelque chose ?
08:52Mon nom est Jeannette Hall.
08:56Je chante, M. Bradley.
08:58J'espérais passer une audition devant vous.
09:01Ah, ben il est un peu tard, mon petit revenu de ma matin, hein ?
09:04M. Bradley, je suis désolé d'être venu
09:07juste alors que vous alliez partir, dit-elle.
09:11Et elle commença à se retirer de la porte.
09:14Elle se retourna vers moi et me dit,
09:17M. Bradley, ce sera très difficile pour moi
09:20de revenir de ma matin.
09:21Je ne lui demandais pas pourquoi.
09:24Elle avait probablement ses raisons.
09:27Peut-être cela aurait été incorrect que je le lui demande.
09:31Elle a regardé.
09:33C'était juste une maigre gamine
09:35dont les yeux attiraient l'attention.
09:38Jolie, mais maigre.
09:40Dans la faible lumière qui provenait du couloir,
09:43elle fut une forme surgissante du lointain passé.
09:48Elle me fit tressaillir.
09:49Je réalisais alors qu'elle me rappelait ma propre femme
09:54trente ans auparavant.
09:58Oui.
09:59Il y a trente ans, je me serais précipité chez moi
10:02pour retrouver ma femme.
10:04Ce soir, je n'avais même pas envie de rentrer à la maison.
10:09Elle était jeune et, je vous l'ai dit, très jolie, cette Janet.
10:12Et ce soir, ma femme et ses tranches de viande froide
10:16et son Messier Bradley et la triste neige grise
10:20et les gens glacés dans la rue
10:22m'avaient rendu mélancolique.
10:26Aussi, je dis,
10:28« Mademoiselle Hall,
10:29voudriez-vous faire plaisir à un vieil homme
10:32qui a grand besoin de guetter
10:34en dînant avec lui ? »
10:38La jeune fille allait-elle accepter de dîner avec moi
10:42et de mettre ainsi un peu de soleil
10:45dans cette triste journée ?
10:48C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
10:59Quoi de plus démoralisant pour un impresario
11:02que d'auditionner des chanteurs et des musiciens
11:05sans intérêt ?
11:08Ainsi s'était passée ma journée.
11:11Et puis, au moment où j'allais rentrer chez moi,
11:14une ravissante jeune fille avait fait son apparition
11:17dans mon bureau.
11:18Je lui proposais de dîner avec moi,
11:22malgré mon grand âge.
11:25Elle fit rapidement une estimation de ma personne,
11:29puis m'adressa à un chaud sourire.
11:33« Je ne trouve pas du tout que vous soyez vieux.
11:36Je trouve que vous avez un air très distingué
11:38avec vos cheveux gris.
11:40Vous êtes très attirants même.
11:44Et je serais ravi de dîner avec vous. »
11:46Un énorme steak de la salade à la française
11:49et une pomme de terre cuite.
11:51Vous aimez ça ?
11:53Elle fit un simple signe de la tête
11:55et eut l'air d'être très heureuse.
11:58Aussi, je l'emmenais dans un endroit
12:00où il y avait des banquettes basses
12:02recouvertes de cuir
12:03et une tête d'élan accrochée au mur
12:06et où la boisson était bonne
12:07et les portions copieuses et succulentes.
12:11Elle attaqua son steak comme une troupe de piranhas.
12:14C'était merveilleux de la regarder tout simplement.
12:17Après le repas,
12:19nous prîmes un café et elle me parla d'elle.
12:22Elle était née dans une petite ville
12:23de la Nouvelle-Angleterre.
12:25Après la mort de son père,
12:27elle était venue dans la grande ville
12:28pour étudier l'art dramatique et le chant.
12:30Puis, elle s'était retrouvée sans argent.
12:34Un professeur lui avait dit
12:36qu'elle avait une jolie voix
12:37et elle était venue me trouver.
12:39« Je vous auditionnerai demain matin,
12:41Mademoiselle Hall. »
12:44« Monsieur Bradley,
12:45est-ce que je ne pourrais pas auditionner maintenant ? »
12:49« Pourquoi pas ?
12:50Personne ne m'attendait à la maison. »
12:53« D'accord, Mademoiselle Hall. »
12:55Et nous retournâmes à mon bureau.
12:57Je me mis au piano.
12:58Elle avait une voix convenable
13:02pour l'un de ses mauvais spectacles musicaux de collège.
13:06Elle n'était pas assez bonne
13:07pour en faire une chanteuse professionnelle.
13:11Dommage.
13:12Je me sentis soudain très triste
13:14parce que, déjà, je l'aimais bien.
13:18J'aurais tant voulu l'aider.
13:21Je lui dis que j'étais désolé.
13:24« Merci pour tout, » dit-elle.
13:27Puis elle me lança un regard mal assuré.
13:31« Monsieur Bradley,
13:33est-ce que ça vous dérangerait
13:34si je restais ici pour la nuit ? »
13:37« Quoi, ici ? »
13:39« Ici, dans mon bureau ? »
13:41« Voyez-vous, monsieur Bradley,
13:44la raison pour laquelle je voulais
13:46que vous m'écoutiez chanter ce soir,
13:48c'était que,
13:49si vous m'aviez apprécié,
13:51je vous aurais demandé une avance
13:52et j'aurais pris une chambre à l'hôtel. »
13:56Je lui offris vingt-cinq dollars
13:58et elle dit
13:59« Non, non, non, je vous remercie, monsieur Bradley. »
14:01« Mais c'est un prêt ! »
14:03« Non, non, je vous remercie.
14:05Je voulais juste un endroit où passer la nuit. »
14:08Son orgueil était tenace.
14:10« Mais vous allez geler ici.
14:12Il baisse le chauffage.
14:14Il doit faire très froid la nuit ici. »
14:17« Ça m'est égal.
14:18Je vous en prie, monsieur Bradley. »
14:22Je sortis et j'allais acheter
14:24un petit radiateur électrique
14:25que je ramenais.
14:27« Bon, allez, dormez bien
14:28et surtout n'ouvrez la porte à personne. »
14:31« Merci, monsieur Bradley. »
14:33« Vous n'avez pas à vous tourmenter.
14:34Je ne prendrai rien. »
14:35« Prenez donc tout ce que vous voudrez.
14:37Mon bureau, mon antichambre,
14:39un calendrier offert par ma compagnie d'assurance.
14:41Vous me ferez une faveur. »
14:43« Laissez les cendriers seulement. »
14:45« Je les ai chippés dans un hôtel
14:46et je les aime beaucoup. »
14:48« Je vous adore, monsieur Bradley. »
14:50dit-elle en éclatant de rien.
14:54C'était quelqu'un, cette Janet Hall.
14:57Il y a dix ans seulement,
14:59j'étais encore un tigre.
15:01Mais ce soir,
15:03je lui dis tout simplement
15:04« Bonne nuit, mademoiselle Hall. »
15:09Je rentrais chez moi
15:10et je me couchais.
15:13Lorsque ma femme rentra,
15:14elle me réveilla.
15:15« Mais qu'est-ce qui t'arrive ?
15:16Tu souris dans ton sommeil ?
15:18Tu as l'air heureux. »
15:19« Ah, ne me réveille pas, je t'en prie. »
15:21Je rêvais d'une jeune fille,
15:23d'une jeune et jolie fille
15:25qui dort sur le divan de mon bureau.
15:27« Ah, il y a peu de chance que ça arrive.
15:30Ne parle donc pas comme un vieux fou. »
15:33Telles furent les paroles immortelles
15:35de ma chère et tendre épouse.
15:39Et je me rendormis.
15:42Dans la matinée,
15:43Janet avait effectué
15:45un travail de nettoyage remarquable.
15:48Elle avait balayé plancher,
15:49lavé les fenêtres sales.
15:51« Comment trouvez-vous cela,
15:52M. Bradley ? »
15:54Je pris le téléphone
15:55et demandai au portier
15:56qu'il me monte
15:57un copieux petit déjeuner.
16:00Le café était très fort
16:01et la pâtisserie danoise
16:02très fraîche.
16:04Janet me dit
16:04que j'avais besoin
16:05d'une secrétaire.
16:06« Oh non,
16:07non, mademoiselle.
16:08J'ai toujours été tout seul
16:09à m'occuper de mes affaires.
16:10Je n'ai pas besoin de secrétaire. »
16:12« Mais je sais taper la machine.
16:13Je peux répondre au téléphone.
16:15Je travaillerai dur.
16:15Vous savez,
16:16je suis très efficace.
16:17Et vous avez besoin
16:18d'un peu de rangement
16:19dans ce bureau. »
16:21« Voyons, Janet.
16:22Une jolie fille comme vous,
16:24ici,
16:24ma femme me tuerait. »
16:28Je pensais tout à coup
16:28qu'au fond,
16:29ce serait
16:29très agréable
16:31d'avoir Janet Hall
16:33dans ce bureau.
16:34« Bon, écoutez,
16:36très bien, très bien.
16:37Nous allons essayer
16:37comme ça
16:38à titre temporaire. »
16:40Elle éclata
16:41à nouveau Audrey.
16:42« Je vous adore,
16:43monsieur Bradley. »
16:45Sa jeunesse exubérante
16:47était contagieuse.
16:48Je compris
16:48que j'allais vivre
16:49enfin
16:50une heureuse période.
16:53À la fin de la journée,
16:53je réalisais
16:54quel soutien
16:54elle était pour moi
16:55et pour mon travail.
16:57Elle me déchargeait
16:58d'un énorme poids.
16:59Elle répondait aux lettres,
17:00s'occupait
17:01des appels téléphoniques
17:02et disait
17:02aux divers clients
17:03auxquels je ne souhaitais
17:04pas parler,
17:05tout simplement
17:06que je n'étais pas là.
17:08À la fin de la semaine,
17:10je me demandais
17:11comment j'avais pu
17:12m'en sortir
17:12jusqu'ici sans elle.
17:15Elle apportait en plus
17:15le réconfort,
17:16la joie
17:17et une dimension nouvelle
17:18dans ma vie.
17:19Avec elle,
17:20je me sentais
17:21vingt ans de moins.
17:23Le simple fait
17:24de la voir auprès de moi
17:25était comme un renouveau
17:27de ma vie.
17:29Puis,
17:30le malheur survint
17:31avec un grand fracas.
17:34Elle tomba amoureuse
17:35de Dean Conrad.
17:37C'était
17:38mon artiste
17:39le plus important,
17:40un chanteur.
17:42C'était aussi
17:43un beau salaud.
17:45Il y a dans le monde
17:46infiniment
17:47beaucoup plus de gens
17:48qui ressemblent
17:49à Janet Hall
17:49qu'à Dean Conrad.
17:51Mais ceux
17:52qui ressemblent
17:52à Conrad
17:53vivent au dépens
17:54de ceux
17:54qui ressemblent
17:55à Janet Hall.
17:56Il n'y avait
17:57rien de bon
17:58en lui.
17:59Il tirait
18:00une grande fierté
18:01à compter
18:02parmi ses amis
18:03un grand nombre
18:03de gangsters.
18:05Il méprisait
18:05les femmes
18:06et les traitait
18:06avec la cruauté
18:07d'un marchand
18:08d'esclaves.
18:09Il avait
18:10un tempérament
18:11excessif
18:11et il ne se sentait
18:12absolument pas gêné
18:13de corriger durement
18:14sa petite amie
18:15du moment.
18:16Avec tout cela,
18:17sa popularité
18:18grandissait
18:19d'année en année.
18:21Au lendemain
18:21de la première soirée
18:23qu'elle passa
18:23avec Conrad,
18:25quand Janet
18:26arriva à mon bureau,
18:27je la fis asseoir
18:28et lui dit
18:29tout ce que je savais
18:30sur lui.
18:32Elle me remercia
18:33et me dit
18:34qu'elle trouvait
18:34que mes inquiétudes
18:35étaient délicieusement
18:37vieux jeu,
18:38mais qu'elle était
18:38une grande fille
18:39maintenant
18:40et qu'elle savait
18:40très bien
18:41prendre soin
18:42d'elle-même.
18:43De plus,
18:44Dean Conrad
18:45avait été
18:46un parfait gentleman.
18:48Quand elle parla
18:48de lui,
18:49ses yeux brillèrent
18:50et ses joues
18:51se colorèrent.
18:53Trois mois plus tard,
18:55quand il l'eut prise
18:56dans ses filets
18:57avec des promesses
18:58de mariage,
18:59je le rencontrais
19:00et lui dit
19:01que Janet
19:01méritait mieux.
19:03Il éclata de rire
19:04et me dit
19:04« Bratelette,
19:06toutes méritent mieux.
19:08Elle va quitter
19:08son travail chez vous.
19:10Oui,
19:10je viens de signer
19:11pour une prochaine tournée
19:12dans tout le pays
19:13et j'ai l'intention
19:14de l'emmener avec moi
19:15comme secrétaire personnel,
19:18si vous voyez
19:19ce que je veux dire.
19:21Mais vous n'avez pas
19:21besoin de secrétaire personnel
19:22ou vous n'avez besoin
19:23que de vous-même.
19:25Ah,
19:25peut-être en pincez-vous
19:26aussi pour elle,
19:27Bradley,
19:28mais vous êtes
19:29beaucoup trop vieux.
19:30L'ennui avec vous,
19:32c'est que vous n'avez pas
19:33évolué avec votre temps.
19:34Quelle importance
19:35si je lui dis adieu
19:37après la tournée,
19:37quelle importance.
19:39Elle doit apprendre
19:40les réalités de la vie
19:41et je suis un professeur
19:43de première classe.
19:44Maintenant,
19:45mettez-vous bien
19:45dans la tête, Bradley,
19:47que ce que je fais
19:47me regarde.
19:48Alors,
19:49occupez-vous de vos affaires
19:50et moi,
19:51je m'occupe des miennes.
19:55Lorsque je revins
19:56à mon bureau,
19:57il était plus de cinq heures
19:58et Janet était déjà partie.
20:01Je trouvais un message
20:02sur ma table de travail.
20:04Quank avait appelé.
20:06Je m'assis
20:07et pensais à Dean Conrad
20:09et à Janet.
20:11Il était en train
20:12de jouer une partie
20:13dans laquelle
20:13elle serait forcément
20:15perdante.
20:16En relisant le message
20:19qui portait le nom
20:20de Quank,
20:21j'eus soudain
20:22une idée.
20:24C'était de la folie,
20:25assurément,
20:26mais ça pouvait marcher.
20:29Je téléphonais à Quank,
20:30puis,
20:30après m'être entretenu
20:31avec lui,
20:32j'appelais Dean Conrad
20:34et je lui demandais
20:35de m'excuser
20:35d'avoir été
20:36un vieil homme
20:37se mêlant
20:37de ce qui ne le regardait pas.
20:39Est-ce qu'il pouvait
20:40me pardonner ça ?
20:42Mais bien sûr
20:43que je vous pardonne,
20:44mon vieux.
20:44Puis,
20:46je lui demandais
20:47de me faire une faveur
20:48en acceptant
20:49d'aller chanter
20:50quelque temps
20:51chez Quank.
20:52Chez Quank ?
20:53Mais j'en ai jamais
20:54entendu parler.
20:56Et vous savez bien,
20:56Bradley,
20:57que je ne travaille pas
20:57pour le cachet minable
20:59que ce genre de boîte
21:00peut m'offrir.
21:02Écoutez, Dean,
21:03je dois un service
21:04à ce type.
21:05Tout ce que vous aurez
21:06à faire,
21:06c'est d'aller là-bas,
21:07de montrer votre figure,
21:09de chanter une ou deux chansons
21:11et puis de partir ensuite.
21:12C'est tout.
21:13Je ne vous le demanderai pas
21:14si ce n'était pas important
21:15pour moi.
21:16J'ai promis que j'arrangerais
21:17cela avec vous.
21:20Après avoir réfléchi,
21:22Conrad accepta.
21:25Nous étions un jeudi.
21:27Il passa chez Quank
21:28dans la nuit
21:29de vendredi à samedi.
21:32La police m'appela
21:33le samedi matin.
21:36Je partis en voiture
21:36et je parlais
21:38à un lieutenant de police
21:39qui s'appelait
21:40Sam Pitchard
21:41et qui m'expliqua
21:42ce qui s'était passé.
21:45Le cabaret de Quank
21:46n'avait plus
21:47que des places debout
21:48pour la prestation
21:49de Conrad.
21:50Lorsqu'il commença
21:51sa deuxième chanson,
21:53il fut accueilli
21:54par un concert
21:55de cris d'oiseaux
21:56poussés
21:56par les clients.
21:58Là-dessus,
21:59Conrad s'en prit
22:00à l'un des braillards
22:01et lui asséna
22:02une bouteille sur la tête,
22:03assommant le mécréant.
22:05Cela avait rendu furieux
22:06un barbu de l'assistance
22:07qui avait alors lancé
22:08un pétard,
22:09ce qui avait déclenché
22:10un tir général
22:11de pétard
22:12de la part
22:12des autres clients.
22:14Puis,
22:15quelqu'un avait profité
22:16de l'excitation générale
22:17pour tirer sur Conrad
22:20et le tuer.
22:22Les clients du cabaret,
22:24en proie à la panique,
22:25étaient sortis en vitesse
22:26et s'étaient évanouis
22:27dans la nuit.
22:29Aussi,
22:30pas un seul témoin
22:31ne s'était présenté.
22:32« Je peux imaginer
22:35ce que vous devez ressentir ? »
22:37me dit le lieutenant de police
22:38avec sollicitude.
22:41« Non, non, lieutenant,
22:42je ne pense pas
22:44que vous le puissiez. »
22:47Il rocha la tête
22:48en ayant l'air de comprendre.
22:50Il partait
22:51lorsque Quank survint.
22:53« Désolé pour ce qui s'est passé ici,
22:55M. Bradley. »
22:57« Ah ben oui, Quank,
22:58qui aurait pu prévoir
22:59une chose pareille.
23:00Ça va sûrement faire du tort
23:02à la réputation
23:03de votre cabaret. »
23:05« Ah ben c'est sûr !
23:07Un drame comme celui-là,
23:08c'est le deuil
23:09pour une boîte.
23:10Je vais vous dire une chose,
23:11M. Bradley.
23:11Je crois bien
23:12que c'est l'un de mes concurrents
23:14qui a monté
23:14toute l'histoire
23:15pour me couler. »
23:17« Non. »
23:18« Si, si,
23:18je suis sûr de cela, Bradley.
23:20Bien sûr,
23:21la salle était peu éclairée
23:22et on n'y voyait pas grand-chose,
23:24mais j'ai aperçu
23:25ce type barbu
23:26qui a lancé
23:26le premier pétard.
23:27Je connais bien les gens
23:28qui fréquentent ordinairement
23:29ma boîte.
23:30C'était pas un déshabitué,
23:32voyez ?
23:32Ce barbu a pu être envoyé
23:33ici pour faire le coup.
23:35Personne ne l'a vu tirer
23:36le coup de feu.
23:37Une chose dont je suis certain,
23:39c'est que je ne l'avais jamais vue
23:40auparavant. »
23:43Ça n'était pas
23:43tout à fait exact.
23:46Quake m'avait vu
23:47à plusieurs reprises
23:49dans mon bureau,
23:50mais jamais,
23:52c'est vrai,
23:53jamais portant
23:54une barbe noire,
23:55une perruque
23:56et des faux sourcils,
23:57si le déguisement
23:58que j'avais revêtu
23:59le vendredi soir
24:00lorsque j'avais tiré
24:02le coup de feu
24:02qui avait fait sortir
24:04Dean Conrad
24:05de la vie
24:06de Janet.
24:07« Je suis désolé,
24:09M. Bradley,
24:11c'était sans doute
24:11votre artiste
24:13le plus connu
24:13et le plus important.
24:16Oui ?
24:18Merci, Quake,
24:20lui dis-je
24:20en souriant crânement,
24:22mais
24:22je crois
24:23que je m'en remettrai.
24:25Oui,
24:26je crois
24:27que je m'en remettrai.
24:29Et je me mis
24:30à penser
24:31à Janet.
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