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  • 13/06/2025
Le médecin psychiatre David Gourion, la psychothérapeute et spécialiste des écrans Sabine Duflo et le psychiatre Amine Benyamina, spécialisé en addictologie, étaient les invités de France Inter ce vendredi. Ils échangent sur l'impact des écrans sur la santé mentale des adolescents.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00France Inter, Ali Badou, Marion Lourd, le 6-9
00:07Et un grand entretien ce matin consacré aux jeunes et aux réseaux sociaux, aux écrans également après la mort à Nogent-sur-Marne d'une surveillante poignardée par un élève de 3ème.
00:18Le président de la République, des ministres ont évoqué une série de mesures dont l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans.
00:26Nous avons une épidémie de violence chez les jeunes, ce sont les mots d'Emmanuel Macron cette semaine.
00:32Plusieurs invités aujourd'hui dans le studio de la maison de la radio, le studio 511 d'Inter.
00:39Avec nous, Sabine Duflo et David Gourion. Bonjour à tous les deux.
00:43Sabine Duflo, vous êtes psychothérapeute familiale, spécialiste des écrans.
00:48Et quant à vous, David Gourion, médecin psychiatre, chef de clinique dans le service hospitalo-universitaire de l'hôpital Saint-Anne.
00:54Vous êtes l'auteur de différents ouvrages sur l'adolescence, votre dernier en date.
01:00Ce que vous pouvez faire pour rendre votre ado heureux.
01:03Et là, pour le coup, on va plutôt parler des malheurs des adolescents ce matin.
01:06Et en duplex avec nous, le président de la Fédération Française d'Addictologie,
01:10auteur du livre Addiction aux éditions Marabou Amine Benyamina.
01:14Bonjour.
01:16Bonjour.
01:16Bonjour.
01:17Vos questions, chers auditeurs, vos interventions sur ce sujet délicat et qui revient régulièrement dans l'actualité
01:23au 0145 24 7000 ou sur l'application Radio France.
01:28On va partir de cette déclaration du président de la République.
01:31Nous avons une épidémie de violence chez les jeunes.
01:34Et c'est une phrase qu'il a prononcée directement suite à cet événement,
01:41donc à la mort de cette surveillante poignardée par un élève de 3e.
01:47Sabine Duflo, qu'est-ce que vous pensez de cette réponse politique à ce qui s'est passé dans un collège ?
01:53Alors, c'est un fait que les jeunes, les adolescents vont mal, vont très mal.
01:58On a presque la moitié qui souffrent de troubles anxieux, dont 8% de troubles anxieux généralisés.
02:06Voilà.
02:06Donc, on sait que classiquement, le mal-être chez les garçons s'exprime plutôt sous forme d'une violence agie,
02:15de coups, agressions, colères.
02:18Et chez les jeunes filles, sous forme d'une violence internalisée, on a une augmentation énorme.
02:23Des violences contre soi.
02:24Voilà, tout à fait. Punition auto-infligée, scarification, tentative de suicide, ingestion médicamenteuse.
02:31David Gourion, nous avons une épidémie de violence chez les jeunes.
02:35Est-ce que vous partagez le constat du président de la République ?
02:38Écoutez, moi j'ai beaucoup hésité à venir.
02:40Je suis très honoré de l'invitation, mais je me méfie toujours des réactions à chaud après un drame.
02:44Je trouve qu'il y a toujours une récupération politique.
02:48Et puis, on entend vraiment, vraiment tout et n'importe quoi sur les réseaux.
02:52Je vous remercie d'être là. J'aimerais justement qu'on vous entende parce que vous êtes un spécialiste de l'adolescence.
02:58En l'occurrence, ça n'est pas qu'une réaction à chaud parce qu'il y a plusieurs propositions,
03:02notamment des propositions de députés pour interdire la vente de smartphones au moins de 15 ans.
03:07Il y a eu la commission TikTok à l'Assemblée qui a révélé un fossé sidérant entre deux univers qui ne se comprennent pas au fond.
03:16Qu'est-ce que vous pensez de cette question des jeunes et des réseaux sociaux ?
03:20Comme si les réseaux sociaux étaient une influence sur des personnes influençables, les adolescents,
03:28et que donc ils seraient amenés à passer à l'acte, par exemple, pour des actes extrêmement violents comme celui-là ?
03:34Oui, alors je redis, et par respect aussi pour les personnes concernées, moi je ne connais pas cet ado ni cette situation.
03:40Donc je vais parler en général et pas sur cette situation en particulier.
03:43Je pense qu'à chaque fois qu'il y a un drame, comme ça, et c'est le cas aussi dans les situations de harcèlement scolaire,
03:48on a une sorte de série de propositions et d'explications ultra simplistes.
03:52Comme si, et qui peut croire, mais franchement, honnêtement, qui peut croire qu'un adolescent ou une adolescente qui va bien,
03:58enfin c'est du gros bon sens, irait d'un seul coup, parce qu'il ou elle a vu sur son écran une vidéo ou un film violent,
04:05irait prendre un couteau et planter des gens ?
04:08Bien sûr que non, bien sûr que non.
04:10Alors, ce qui est compliqué dans cette histoire, c'est qu'est-ce qui se passe dans le cerveau d'un ado ?
04:14C'est compliqué ce qui se passe dans le cerveau d'un ado.
04:15Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, il y a une tempête sous ce crâne ?
04:19Et puis, probablement que dès qu'on parle de choses un peu complexes et multifactorielles,
04:23qu'est-ce qui se passe à la maison ? Qu'est-ce qu'on a raté à la maison ?
04:26On le voit bien dans la série Adolescence, comme c'est compliqué.
04:29Qu'est-ce qu'on a pu voir ou ne pas voir ?
04:31Qu'est-ce qu'on a raté à l'école, qui je pense est un lieu incroyable pour la prévention,
04:35mais aussi pour l'exposition à des violences, à des situations de harcèlement, des situations compliquées ?
04:40Et qu'est-ce que surtout le système de santé n'a pas vu ou a manqué ?
04:43Donc, dire toute cette complexité-là et dire ce qui se passe dans le cerveau d'ado,
04:47qu'en plus on a du mal à comprendre.
04:49Ce n'est pas eux qui sont déconnectés, c'est nous qui le sommes,
04:51parce qu'ils sont dans un univers, les temps changent, qui est différent d'une autre.
04:55Et moi, je trouve ça consternant, des sortes d'explications ultra simplistes,
05:01avec des mesures dont on se doute tous bien qu'elles ne vont pas résoudre les problématiques de fond.
05:08Je suis un peu dubitatif.
05:11Mais au-delà de ça, David Gourion, quand on dit « épidémie », on dit aussi « augmentation ».
05:15Et c'est un peu ce que disait Sabine Duflo, c'est-à-dire, est-ce qu'on voit, est-ce que vous, qui êtes psychiatre,
05:20vous voyez augmenter une forme de mal-être des jeunes qu'on pourrait dater peut-être de la Covid ou d'avant ou d'après ?
05:26Je vais répondre à un mot, là encore, qu'on a tous du mal à entendre, c'est la complexité.
05:30Certains jeunes, en effet, et vous avez parfaitement raison, Sabine, vont mal, voire très mal.
05:34Il y a une dégradation d'une population de jeunes particulièrement vulnérables,
05:38en particulier les jeunes filles adolescentes, avec une augmentation massive des tentatives de suicide, etc.
05:44Mais on a aussi des populations de jeunes qui vont très bien et qui sont extrêmement épanoues.
05:50Qu'est-ce qui fait ?
05:51Et d'ailleurs, moi, j'ai écrit un livre sur le sujet.
05:54Qu'est-ce qui fait plutôt que s'intéresser uniquement à ce qui fait qu'un ado ou un jeune va mal ?
05:58Qu'est-ce qui fait aussi qu'un ado ou un jeune peut aller bien ?
06:00Et je redis, c'est multifactoriel, complexe.
06:02Ce n'est pas qu'une histoire d'écran, ce n'est pas qu'une histoire de parents,
06:05ce n'est pas qu'une histoire de harcèlement scolaire ou sexuel.
06:09Et on parle des violences sexuelles et sexistes.
06:11Ce n'est pas que les addictions.
06:13C'est un tout, c'est une société, c'est un état d'esprit.
06:15Le problème, c'est que dès qu'on parle de complexité,
06:17on n'est pas entendu et on est très vite renvoyé à
06:20« Mais tout ce que vous dites, c'est la culture de l'excuse ».
06:23Je trouve ça triste et débile de dire ça.
06:25La culture de l'excuse, ou en l'occurrence, avant de retrouver Amine Benyamina
06:28qui est en duplex avec nous, Sabine Duflo.
06:31Il y a donc cette déclaration de la ministre de l'Éducation, Elisabeth Borne,
06:35qui évoquait à ce micro cette semaine l'influence des réseaux sociaux
06:39parmi les facteurs importants qui conduisent à ces comportements violents.
06:44Il y a une corrélation ?
06:46Comment expliquer ce lien de cause à effet ou de relation ?
06:49Moi, je voudrais dire une chose.
06:51Je suis d'accord avec ce que vous dites, les choses sont complexes,
06:55mais je n'aime pas trop ce mot parce que c'est souvent une excuse pour rien faire.
06:58Moi, je suis thérapeute familiale systémique
07:01et je pense et je coïncidère que chacun de nous est le résultat des interactions avec son environnement.
07:07D'abord familial pour le petit enfant et ensuite les pères au collège, au lycée, pour l'adolescent.
07:13Or, cet environnement-là n'a plus rien à voir avec ce que vous avez connu,
07:17ce que j'ai connu, ce que nos parents ont connu.
07:18Il y a un élément qui fait la différence, c'est le temps passé devant les écrans
07:23et des écrans essentiellement ludiques.
07:26Voilà.
07:26Donc aujourd'hui, on est à 6, 6 heures de moyenne, 8-10 heures.
07:31Moi, la consultation Addiction à dos-écran que je dirige à Itab, à dos maison,
07:36on est à 10 heures par jour.
07:3910 heures par jour ?
07:41Il ne décroche pas les écrans, c'était le titre d'un million.
07:43Et ça n'est pas du déclaratif, puisque je travaille uniquement avec le temps sur le téléphone portable,
07:47donc je n'ai pas les temps sur les autres écrans.
07:49Et je regarde le temps sur leur portable,
07:51et je regarde aussi la moyenne, passer le détail sur les réseaux sociaux, jeux vidéo, etc.
07:57Pour les filles, la plupart du temps, je suis à 50 heures.
08:0053 heures 57, par exemple, la dernière, sur les réseaux sociaux en une semaine.
08:06En une semaine.
08:07Voilà.
08:07Donc là, si vous voulez, c'est évident que ça a une influence.
08:11Chacun de nous est et devient ce qu'il contemple.
08:14Or, quelle est la logique de ce que les enfants voient ?
08:19C'est une industrie du numérique, dont l'objectif n'est pas d'éduquer,
08:24ce n'est pas des objectifs vertueux, c'est de capter le plus longtemps possible l'usager
08:28pour piller des données et les revendre.
08:31Et pour les capter, il faut mettre en œuvre des mécanismes puissamment addictifs.
08:35Donc les garder le plus longtemps possible,
08:37et avec par exemple des mécanismes de récompense aléatoire ou des choses comme ça,
08:41et évidemment jouer des deux ingrédients qui ont toujours fait tourner le monde,
08:45le sexe et la violence.
08:47Donc ils sont éduqués à ça.
08:49Ils sont éduqués à...
08:50Vous voulez ce que les parents essayent de faire, ou les enseignants ?
08:54L'éducation, c'est l'apprentissage à la résistance, au contrôle, à l'effort.
08:59Et que font ces plateformes ?
09:00Elles leur disent cède, craque, passe ton temps à regarder justement des systèmes
09:05qui encouragent la comparaison, qui encouragent la violence.
09:09Comment voulez-vous qu'ils fassent à un âge où les capacités,
09:11leur capacité à résister, les fonctions exécutives, ne sont pas encore matures ?
09:15Elles ne seront que vers 20-25 ans, à condition d'avoir été éduquées avant.
09:19Amine Benyamina, vous êtes psychiatre, vous êtes addictologue.
09:2111% des adolescents, d'après l'Organisation mondiale de la santé,
09:26auraient un comportement problématique par rapport aux réseaux sociaux.
09:30Ça veut dire quoi, problématique ?
09:33Oui, merci beaucoup de m'avoir invité.
09:35Je suis d'accord à la fois avec David et avec Sabine.
09:38Vous êtes la synthèse.
09:40Oui, oui, et surtout je vais m'exprimer en dehors du fait d'être psychiatre,
09:44addictologue, mais comme coprésident de la commission,
09:47qui a remis le rapport au président de la République.
09:48Je vais juste faire un petit point d'historique.
09:50Lorsqu'il nous a demandé de revendre le rapport sur les écrans et les adolescents,
09:55c'était suite aux émeutes précisément de Bonlieu.
09:58Après la mort de Naël ?
09:59Complètement, et David a raison, c'est vrai que le président et les politiques interviennent
10:03et réagissent lorsqu'il y a un gros événement.
10:05Je donne un autre exemple.
10:06J'avais fait un rapport sur le Chemsex,
10:08que personne n'a lu, que personne n'a vu,
10:10mais il a été ressorti lorsqu'il a fait l'affaire Palmad.
10:12Donc on a affaire à ce type de réaction très très rapide.
10:15Et puis le problème, c'est que dans quelques jours, ça va retomber.
10:18Alors pourquoi je dis les deux en raison ?
10:21Parce que c'est très complexe.
10:23Et c'est la raison pour laquelle on a fait 29 propositions
10:27dans lesquelles il y a à la fois la problématique adolescente,
10:31la question de l'enfant et de l'adolescent dans la société qui est évacuée.
10:34On est dans une société qui a évacué l'adolescent.
10:37L'adolescent et l'enfant n'existent plus dans l'espace physique,
10:40il est dans l'espace virtuel.
10:41Il y a la grande problématique de l'hyperconsommation des écrans
10:45qui ne concerne pas que les adolescents.
10:47Ça concerne tout le monde, mais qui prend des proportions problématiques
10:50lorsqu'on est dans une période où on grandit, on croit.
10:54Et il y a toute la partie, toute la technologie,
10:57tout ce qu'on appelle l'économie de la captation
10:59qui a fait de nos enfants des clients potentiels
11:03en utilisant très clairement des ressorts,
11:05des mécanismes biologiques et psychologiques pour les capter.
11:08Donc on a affaire à un effet, un complexe qui est terrible
11:13et qui fait que probablement on peut avoir,
11:16sur des profils vulnérables, je le dis bien,
11:18sur des profils vulnérables, des cas comme on l'a vu.
11:21Alors, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit,
11:23il n'y a pas de lien direct entre la consommation des écrans
11:26et les passages actifs.
11:27Et là, je rejoins très clairement, évidemment, on l'a écrit,
11:29il y a ce qu'on appelle des phénomènes comorbides et des co-occurrences.
11:32Ne pensons pas qu'on va avoir des éléments directs.
11:39En revanche, on peut avoir des thématiques d'inspiration,
11:43on peut avoir des phénomènes de condensation,
11:45de précipitation à un moment précis.
11:4714 ans s'interpellent, c'est quand même un acte qu'on pourrait appeler,
11:50je ne connais pas, c'est un acte quasi incongru,
11:53d'autant qu'on entend le procureur dire qu'il est froid,
11:56il est détaché vis-à-vis de ce qu'il a commis.
11:58Donc, ça s'interroge et l'expertise nous donnera des éléments absolument importants.
12:03Je rappelle que les propositions que nous avons faites au président,
12:06elles sont 29.
12:07Et dans le préambule, nous avons bien dit que toutes les propositions
12:09sont interdépendantes, qu'il y a à la fin un questionnement
12:13sur l'adolescent de notre société,
12:15un questionnement sur la présence des écrans et du digital
12:17qu'il ne faut pas évacuer.
12:19Je vous rappelle que quand même, grâce à Internet et au digital,
12:22on a continué à vivre et à interagir pendant le Covid.
12:24C'est aussi un espace d'émancipation pour les jeunes.
12:29Donc, il faut se poser la question.
12:30Et il faut aussi, très clairement, mettre en place une politique
12:33pour limiter le lobby des plateformes.
12:36Il faut que les politiques se parlent.
12:38On a remis un rapport il y a 14 mois.
12:40On ne sait pas qui va apporter les propositions.
12:42On ne sait pas comment on va arriver à mettre en place 2-3 éléments.
12:47Et surtout, j'arrêterai là, la presse n'a retenu que les bornes d'âge 5, 8, 10,
12:53parce qu'évidemment, ça interpelle.
12:56Mais ce n'est pas cela qui est important.
12:58C'est l'ensemble, c'est la combinaison de ces 29 propositions
13:01qui probablement nous aideront à faire avancer cette question.
13:05Bonjour Florent et bienvenue sur France Inter.
13:08Bonjour.
13:09Merci de participer à cette table ronde.
13:12Vous aviez un témoignage et une question pour nos invités.
13:14Oui, je vois bien autour de moi, j'ai des enfants
13:18que les réseaux sociaux font des ravages,
13:22mais pas que sur les enfants.
13:23Ils en font aussi sur les adultes et notamment sur des gens autour de moi.
13:28Et moi, j'ai vraiment l'impression qu'on est face à une immense hypocrisie
13:31parce qu'on veut criminaliser les enfants en leur disant
13:34« Toi, tu n'auras pas accès à cette technologie »,
13:36alors que le problème, c'est cette technologie.
13:38Et donc, je pense qu'on n'ose pas, que c'est très facile de faire des déclarations
13:42en disant « Plus de réseaux sociaux pour les enfants »,
13:44mais que la vérité, c'est qu'il faudrait réguler ces plateformes,
13:47enlever tous ces algorithmes néfastes,
13:49interdire toute une série de réseaux sociaux
13:52et que là, bien sûr, on est face au grand capital
13:55et on ne veut pas du tout réguler ça.
13:56Donc, pour moi, on est face à une hypocrisie,
13:58on veut criminaliser les jeunes,
14:00alors qu'en réalité, il faut faire le travail d'interdiction de tous ces réseaux.
14:03Merci Florent.
14:04Vous signez à Sabine Duflo.
14:05Oui, il a tout à fait raison.
14:06La régulation, elle doit concerner à la fois les enfants et les adultes,
14:10mais les enfants sont par nature, les adolescents, plus fragiles.
14:13Mais de quoi est-ce qu'on parle ?
14:14Vous parlez, vous avez une analogie étonnante avec l'alcool et le tabac.
14:19Complètement.
14:19C'est exactement la même chose.
14:20Il faut supprimer l'accès total aux écrans et aux réseaux sociaux avant un certain nombre.
14:24Ce sont des processus addictifs qui sont mis dedans.
14:27Vous prenez, par exemple, un jeu qu'adorent les adolescents, Fortnite.
14:31Il y a dix mécanismes addictifs dont le plus puissant, c'est la récompense aléatoire.
14:35Quand il y a un objet, une substance addictive mis sur le marché,
14:38on protège les mineurs.
14:40Mais on peut jouer à Fortnite et ne pas passer à l'acte violent.
14:43D'accord, mais quand vous n'avez pas la capacité...
14:45Mais bien sûr, vous pouvez boire à 14 ans et ne pas devenir alcoolique,
14:48mais il vaut mieux commencer plus tard, monsieur.
14:50C'est tout.
14:51C'est exactement ça.
14:52Et on a mis beaucoup de temps pour l'alcool,
14:53parce que c'était des enjeux financiers énormes.
14:56Là, c'est considérable.
14:58C'est bien plus important encore que l'alcool.
15:01Oui, peut-être un point de vue basé sur des données scientifiques
15:04et plus que sur des opinions.
15:06Deux choses.
15:07La première, c'est que d'abord, la violence n'explose pas chez les jeunes.
15:10Elle est plutôt globalement en diminution.
15:12On découvre la violence chez les jeunes qu'on relie aux écrans.
15:14Mais la violence chez les jeunes, il suffit de relire au maire et Shakespeare,
15:17ça a toujours existé.
15:19D'accord ?
15:19Et ça révèle plein de choses.
15:20C'est une fièvre.
15:21Cette fièvre, elle peut être comme dans toutes les fièvres sous-tendues par des causes différentes.
15:26Premier point.
15:26Deuxième point.
15:28Les plus vastes études qui ont été conduites sur l'impact des écrans sur les jeunes
15:33et qui ont été bien faites, c'est-à-dire longitudinales.
15:36Un suivi qui permet de voir quel est le sens de la flèche.
15:39Est-ce que les écrans produisent des problèmes de santé mentale ou de violence ?
15:43Ou bien est-ce que quand un adolescent est fragile, il a tendance à passer plus de temps pour se réfugier ?
15:49Montre, je suis désolé d'utiliser ce mot, la complexité.
15:52Et montre aussi que pour certains adolescents, les réseaux sociaux peuvent avoir des effets vertueux.
15:58Ils le disent, ça peut m'aider à résoudre des problèmes, ça peut m'aider à me faire des amis.
16:03J'ai trouvé un support et je pense que les réseaux sociaux...
16:06Donc l'interdiction avant 15 ans, c'est une aberration pour vous ?
16:08C'est un outil en fait.
16:09Si l'outil est bien utilisé ou si l'outil est mal utilisé, ça fait toute la différence.
16:14Alors moi je veux bien qu'on interdise.
16:16On a fait, on a tenté la prohibition, on a vu les résultats que ça a donné.
16:19Je ne sais pas si on peut interdire la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis au début du XXe siècle.
16:23On a vu, ça a été un résultat extraordinaire.
16:25Et je ne suis même pas sûr que nos petits loulous, qui sont quand même beaucoup plus geeks et plus malins que nous,
16:30ne soient pas capables de déjouer les systèmes d'interdiction.
16:34Donc interdire, je ne sais même pas si on peut le faire.
16:36Si tant est que ce soit faisable, il n'est pas sûr que certains ados...
16:40Oui, peut-être, on a dit, il y a des phénomènes de copie-cadre, c'est dramatique, ils voient, ils se suicident tous en groupe.
16:45Mais il y a aussi l'inverse.
16:46Moi j'en ai des ados qui m'ont dit, c'est parce que sur des réseaux sociaux, on m'a soutenu que ce soir-là,
16:50je n'ai pas pris des médicaments, je n'ai pas fait ma tentative de suicide.
16:53Je suis désolé, le monde est complexe, c'est comme ça.
16:55Céline Duflo ?
16:57Tout l'enjeu de l'adolescence, c'est la sociabilité, construire une sociabilité.
17:02Le réseau social, ça peut être un moyen de le compléter à condition qu'elle soit déjà construite.
17:07Mais une sociabilité qui fonctionne bien, elle se construit d'abord dans le face-à-face,
17:12avec un groupe en nombre limité, avec une capacité aussi à contrôler ce que je dis par le regard, etc.
17:18Là aujourd'hui, on a des adolescents qui arrivent dans l'adolescence, des pré-adolescences à 11-12 ans,
17:22la sociabilité n'est pas construite et ils vont directement la construire ou la déconstruire via les réseaux sociaux.
17:31Et c'est ça qui est dramatique.
17:32Donc la prohibition, l'alcool, c'est super, sauf que c'est mieux de commencer à 18 ans.
17:37Et ça a beaucoup aidé les adolescents qu'il y ait en 1956 une limitation à 14 ans dans les cantines,
17:431981 pour les lycéens.
17:45Mais revenons à 2025, vous avez été entendu par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur TikTok, sur les mineurs.
17:52En l'occurrence, TikTok, c'est un vrai problème pour vous ?
17:54Alors, c'est les réseaux sociaux.
17:56Effectivement, en général, c'est l'accès, comme ça, direct, à une économie dont l'objectif n'est pas du tout l'éducation.
18:04Donc moi, je ne suis pas pour une interdiction des réseaux sociaux.
18:07Je suis pour l'interdiction d'un téléphone portable connecté avant 15 ans.
18:10C'est tout.
18:11Parce que sinon, effectivement, si on interdit TikTok, ils iront sur Insta, sinon sur Snap.
18:17De toute façon, ils se concurrencent.
18:18Et sinon, ils iront sur d'autres choses.
18:20Donc on fait, on interdit la vente.
18:22Voilà.
18:23Et on va y arriver.
18:24Parce que c'est les mesures interdictives qui fonctionnent.
18:26Par exemple, je prends l'exemple du collège.
18:28Il y a des collèges qui ont lancé cette initiative de mettre un téléphone portable dans des casiers à l'entrée.
18:33Mais c'est une amélioration du climat scolaire qui est indéniable.
18:36Alors, justement, ça correspond à cette proposition de loi socialiste et renaissance pour interdire les smartphones aux ados de moins de 15 ans
18:47qui va être déposée bientôt d'après le Figaro.
18:50Il y aurait aussi un label téléphone à service limité pour des téléphones sans réseaux sociaux ni Internet.
18:56Amine Benyamina, on a compris que tout ça était complexe, que c'était un ensemble de choses
19:02et que vous n'étiez pas forcément favorable à mettre en avant comme ça les limites d'âge.
19:06Mais malgré tout, cette idée d'interdire les réseaux sociaux avant 15 ans, ce que veut le Président,
19:10ou d'interdire les smartphones aux ados de moins de 15 ans, ce qui sera l'objet de cette proposition de loi,
19:16ça vous semble une bonne idée ? Ça va dans le bon sens ?
19:18Alors, la bonne idée, c'est un peu ce qu'ont fait les Australiens, c'est-à-dire le premier ministre australien.
19:24Il a interdit, évidemment, les réseaux à moins de 15 ans.
19:28Mais ensuite, juste après, pendant la conférence des presses, il a dit
19:30« Je suis sûr que cette interdiction ne marche pas, mais je voulais envoyer quand même un signal
19:35sur les risques liés à la consommation de manière précoce de ce type de support et de ce type de technologie. »
19:42Alors, moi, je voudrais que derrière des énoncés de cette nature, on puisse faire un travail d'éducation,
19:48à la fois de la part des adultes, des parents, et puis des jeunes.
19:51La meilleure façon de se protéger, c'est lorsqu'on apprend à quelqu'un de nager.
19:55Alors, il faut apprendre aux jeunes ce que c'est que les réseaux sociaux, ce qu'il y a derrière.
20:00On ne pense pas donner les clés d'une voiture lorsqu'on a la majorité à un adolescent, si on n'y apprend pas à conduire.
20:06Mais on ne lui donne pas avant les clés de la voiture.
20:08Évidemment.
20:08Voilà. Même si on lui dit que c'est dangereux, on ne lui donne pas avant.
20:12On va devoir rester là, malheureusement, monsieur Benyamina, mais c'est vrai que c'est la fin, malheureusement, de notre entretien.
20:18Il y a énormément de messages aux standards d'auditeurs, des parents qui s'organisent, justement,
20:23pour essayer de limiter l'accès aux téléphones portables.
20:26Et c'est vrai que les avis sont vraiment, vraiment divergents sur la question, notamment, de l'accès aux réseaux sociaux.
20:32Merci infiniment, David Gourion, Sabine Duflot.
20:35Merci, Abine Benyamina, d'avoir été en duplex avec nous.
20:38C'est la fin de ce grand entretien.
20:39Merci.
20:40Merci.
20:41Merci.

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