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  • 12/06/2025
En avril 2024, Amine Benyamina a remis un rapport sur l'exposition des enfants et des jeunes aux écrans, à Emmanuel Macron. Près de 14 mois plus tard, rien ne semble avoir bougé où avoir été fait.
Le Président de la République a affirmé ce mardi 10 juin que la France interdira les réseaux sociaux aux enfants de moins de 15 ans si, d'ici à "quelques mois", cela n'est pas fait au niveau européen. Regardez l'addictologue à l'hôpital Paul-Brousse de Paris, co-président la commission en charge du rapport Enfants et écrans.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 12 juin 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h et car l'interview d'Amandine Bégaud au coeur de l'actualité
00:07et des questions qu'on se pose tous sur le rôle des réseaux sociaux.
00:11Emmanuel Macron veut les interdire pour les moins de 15 ans.
00:13C'est exactement ce qu'avait préconisé votre invité Amandine
00:16qui présidait la mission écran commandée par le chef de l'Etat.
00:20C'était il y a plus d'un an mais ce rapport, il avait servi à caler un meuble.
00:24C'est donc le professeur Benyamina qui vient répondre à vos questions aujourd'hui.
00:26Bonjour et bienvenue à vous.
00:27Bonjour professeur et merci d'être là ce matin.
00:3014 mois que vous avez remis ce rapport au chef de l'Etat.
00:33Vous y avez travaillé de façon extrêmement sérieuse
00:36avec beaucoup d'experts pendant 3 mois, 14 mois et toujours rien.
00:42Ça vous met en colère ?
00:43Forcément, je ne suis pas le seul, on était dit.
00:45C'est la plupart de ceux qui ont travaillé comme vous l'avez signalé Amandine
00:49attendent, attendent.
00:51On ne sait pas quel est l'interlocuteur qui a été désigné
00:54pour mettre en place ces 29 propositions
00:55qui sont toutes dépendantes les unes des autres
00:58et qui constituent une forme de prise de conscience
01:02de la problématique des écrans chez les jeunes
01:04de manière importante et de manière concrète.
01:07En fait, il n'y a personne qui s'en occupe, c'est ça ?
01:09On a rencontré du monde par un coup, on ne sait pas ce qui va en sortir,
01:14on ne sait pas qui est le porteur.
01:16Il y a évidemment des éléments de réflexion, mais clairement, honnêtement, on ne sait pas.
01:20On se moque de vous ? C'est un peu le sentiment que vous avez ?
01:22Je n'irai pas jusque-là.
01:24Nous, on a remis un rapport, mais la partie mise en place,
01:29la partie mise en route, on ne la voit pas.
01:32Qui va le porter ? Quel ministère ?
01:34De toutes les façons, c'est un rapport qui doit impacter la société,
01:37et pas que les personnes qui doivent le mettre en musique.
01:40Pour l'instant, non, on ne voit rien arriver.
01:42On ne voit rien arriver, pourtant il y a urgence.
01:44Il y a urgence, là.
01:46On a une actualité qui nous le rappelle,
01:49on a des jeunes qui vont mal,
01:50on a des souffrances qui ont été, d'une certaine manière,
01:53associées à une pratique de l'écran.
01:56Là aussi, évidemment, il y a des choses à dire et à redire,
01:59mais pour l'instant, on ne le voit pas.
02:00Il y a des initiatives prises,
02:03non pas sur des décisions politiques,
02:05mais des initiatives locales,
02:07dans des lycées, dans quelques régions,
02:10mais elles n'ont pas le caractère de...
02:13Allez, on se met en route,
02:14c'est toute la société qui doit se mettre en route
02:15pour pouvoir parler écran par les jeunes.
02:18Là, on ne le sent pas, pas encore.
02:20Comme si on se battait contre des moulins avant, en fait.
02:21D'une certaine manière, oui.
02:23D'une certaine manière, oui.
02:24Vous dites quoi ce matin, Emmanuel Macron ?
02:26Réveillez-vous ?
02:27C'est vrai qu'il a annoncé des choses,
02:29mais simplement, l'interdiction au moins de 15 ans,
02:31c'est une des 29 propositions.
02:34Il y a beaucoup de choses qu'il faut mettre en place.
02:36Il faut travailler sur l'éducation nationale,
02:38il faut traiter des jeunes,
02:39il faut former les parents,
02:41vraiment les former.
02:43Il faut aider les adultes à pouvoir aider les jeunes.
02:47C'est un vrai gros projet à mettre en place.
02:50Il faut mettre des sous.
02:51Sauf que tout est listé dans ce rapport.
02:55Vous étiez d'ailleurs venu nous le présenter ici même sur RTL.
02:57Les réseaux sociaux, ça fait des années et des années que vous voyez des jeunes patients défiler.
03:02Ils ont vraiment un impact direct sur la santé mentale ?
03:05Alors, ils peuvent avoir un impact direct,
03:07mais il y a ce qu'on appelle une comorbidité.
03:09C'est le fait de voir que, étonnamment,
03:11lorsqu'on est un grand pratiquant, entre guillemets, du réseau social,
03:14il y a des éléments qui apparaissent clairement.
03:16De l'anxiété, de la dépression.
03:17Quel est le lien ?
03:18Alors, c'est un lien bidirectionnel.
03:22Certains trouvent refuge dans un espace parce qu'ils ne vont pas très bien.
03:25Et puis, on est dans un monde, dans une société dans laquelle on a évacué les jeunes.
03:29Les espaces adultes, excusez-moi de l'anglicisme, ça devient une règle.
03:34Moi, j'ai été étonné, lorsque j'ai pris mes vacances il n'y a pas si longtemps,
03:38où on peut aller dans des hôtels sans enfants, des avions sans enfants.
03:41Écoutez, quand on les chasse de l'espace de l'adulte,
03:44ils vont se réfugier là où les autres les attendent de leur âge.
03:47Donc, on a un vrai marasme lorsqu'on est jeune en France,
03:50et peut-être même ailleurs, en Europe et dans le monde.
03:52Donc, il y a une réalité.
03:53Et puis, il y a le contenu.
03:54Ce sont des contenus à caractère dépressogène.
03:58On a des contenus à caractère violent, sexuel.
04:01Et puis, il n'y a pas de limite d'âge.
04:03Il suffit d'avoir ce device, qu'on appelle le device, le téléphone à la main,
04:07pour que vous avez cette possibilité d'une ouverture vers l'inconnu.
04:10Et ça, c'est... On l'a dit, on l'a répété.
04:12On a pris un exemple, Amandine.
04:15Si vous avez 18 ans, vous passez votre permis,
04:17vous avez la possibilité de conduire un véhicule.
04:20C'est la même chose pour un téléphone dans lequel vous avez l'ouverture au monde.
04:24Vous n'êtes pas habitué, vous n'êtes pas entraîné
04:26pour pouvoir supporter et analyser les données et les images.
04:30Le téléphone, ça peut être aussi dangereux qu'une voiture quand on ne sait pas la conduire.
04:33C'est très juste.
04:34On a une mode terrible, la mode de la maigreur,
04:37avec, d'une certaine manière, au bout, au bout, au bout, supprime-toi
04:40si tu n'es pas dans les canons de cette maigreur.
04:44C'est extrêmement dangereux.
04:45Vous les voyez, vous, ces jeunes filles, débarquer ?
04:47On les voit. On voit les jeunes filles, on voit beaucoup de choses.
04:49Je rappelle que vous êtes chef du service psychiatrie et d'addictologie
04:52de l'hôpital Paul Bross à Villejuif.
04:53Revenons sur le jeune collégien qui a poignardé cette surveillante.
04:58Bien sûr, vous ne connaissez pas son dossier.
05:01Il ne s'agit pas de violer le secret de l'instruction, d'ailleurs, non plus.
05:04Mais le procureur a dit hier qu'il était plutôt peu sur les réseaux sociaux.
05:08En revanche, adepte des jeux vidéo, sans être addict, dit-il,
05:13fasciné par la violence et par la mort.
05:16Il n'éprouve aucun regret ni compassion à l'égard de la victime.
05:1914 ans, un acte violent, quasi incongru,
05:24ça fait vraiment un acte isolé qui rappelle la froideur.
05:28Je ne l'ai pas vu, mais si vous intéressez le professeur de psychiatrie,
05:32moi j'ai l'habitude d'enseigner ce qu'on appelle l'acte inaugural.
05:35C'est-à-dire quelqu'un qui va très bien,
05:38et du jour au lendemain commet un acte
05:40qui ne rentre pas dans le rationnel que l'on partage,
05:45on se pose des questions sur son devenir psychologique et psychiatrique.
05:47Je ne sais pas ce qu'il adviendra de son expertise,
05:51mais je serais très curieux de la lire.
05:53On peut vriller comme ça, sans signe avant-coureur ?
05:55Oui, on peut, ça arrive, c'est décrit dans la littérature.
06:00Et en général, c'est en lien avec la psychose.
06:01Alors évidemment, mes collègues vont dire, pour qui se prend ?
06:04Je ne le dis pas.
06:04Moi, je suis en train de lire de l'extérieur.
06:07C'est un acte qui ne ressemble à rien.
06:10Il est irrationnel, il nous met dans une position de gêne.
06:13Et donc forcément, je pense que ce garçon doit être surveillé pour lui
06:18et pour son avenir psychologique.
06:20Hasard du calendrier, il se trouve que le gouvernement a présenté
06:24un nouveau plan pour la santé mentale.
06:27On se souvient que c'est la grande priorité de l'année 2025.
06:31Je redis rapidement ce qu'il y a dans ce plan.
06:33Formation de l'ensemble des personnels de santé scolaire,
06:35deux adultes référents dans les établissements,
06:38des kits de détection des troubles psychologiques.
06:41Mais tout ça, c'est son nouveau moyen.
06:44Il n'y a pas un euro de plus, a dit le ministre de la Santé.
06:48Le compte n'est pas.
06:49Ça ne sert à rien, ce plan ?
06:50Ça sert à parler de la psychiatrie.
06:53Ce n'est pas la première fois qu'on parle de la psychiatrie.
06:55J'ai lu les communiqués de mes collègues du syndicat des psychiatres.
06:59Ils partent du principe que ce n'est pas avec ça qu'on va avancer.
07:02Ça, c'est très juste.
07:03Et puis surtout, il y a un très, très gros problème.
07:06C'est l'attractivité de la discipline.
07:08Moi, je suis professeur de psychiatrie à Paris-Saclay,
07:10une fac prestigieuse.
07:11On a beaucoup de mal à remplir nos postes.
07:15On a beaucoup de mal, avec ce que vous dites,
07:17et ce qui est la réalité, les médias,
07:19à faire revenir des vocations pour une discipline
07:22qui a besoin de gens.
07:24Je pense qu'il faut plus d'ambition,
07:26plus de moyens, plus de force.
07:28Ça veut dire quoi ?
07:29Le budget aujourd'hui, c'est 430 millions d'euros
07:31pour la psychiatrie.
07:32Il faut quoi ?
07:33Deux fois plus ?
07:33Dix fois plus ?
07:34Je ne me rends pas compte.
07:34Je pense qu'il faut de l'argent,
07:35mais il faut vraiment qu'on se pose.
07:38Les psychiatres aussi doivent faire leur analyse
07:41et la manière à laquelle les choses se passent.
07:44Il faut qu'on arrive à avancer sur de la recherche,
07:46mais aussi sur une organisation de soins différentes.
07:49Il faut cibler les populations qui sont...
07:52On a parlé des jeunes.
07:53Les femmes souffrent.
07:54Il faut par exemple...
07:55Moi, je suis psychiatre addictologue.
07:56On a des problématiques de femmes qui boivent et qui sont malades.
08:00Des hommes qui boivent et qui sont malades.
08:02Plus qu'il y a quelques années ?
08:03Clairement, les troubles bipolaires,
08:04avec les consommations de...
08:06Ça veut dire qu'il n'y a pas que les jeunes qui vont mal ?
08:08Non, non.
08:09On a d'une certaine manière, à travers les âges,
08:13à travers les âges, des pathologies qui sont marquées par la psychiatrie
08:16et par les pathologies psychologiques.
08:19Vous l'expliquez comment ça ?
08:21Le Covid ?
08:22Il y a le Covid.
08:22Hier, on a eu une conférence extraordinaire dans le congrès où j'étais.
08:25On a un effet...
08:26C'est une grande chercheuse américaine qui a expliqué
08:28qu'il y a un effet d'accélération du Covid.
08:30Mais la problématique était antérieure au Covid.
08:33On a souvent tendance à dire
08:34« Tiens, les jeunes sont très très mal depuis le Covid. »
08:37Mais non, ça a commencé une dizaine d'années.
08:40Et puis, on n'a pas vu venir cette vague qui maintenant défale sur nous.
08:43Ce n'est pas normal de se suicider quand on a 15 ans.
08:46Ce n'est pas possible.
08:47Évidemment, ce sont des personnages de romans.
08:50Mais là, on est sur quelque chose qui s'installe.
08:52Je rappelle les chiffres.
08:53Une lycéenne sur trois qui a déjà eu des pensées suicidaires.
08:56Et les nombres d'hospitalisations de jeunes filles,
08:59comme de jeunes hommes et de jeunes filles,
09:01sont de plus en plus nombreux.
09:02Juste d'un mot.
09:03Pour les parents, les grands-parents qui nous écoutent,
09:05et j'allais dire pour tout le monde,
09:06en attendant tous ces moyens, qu'est-ce qu'on fait ?
09:09Eh bien, on reste proche des siens.
09:11Parce qu'évidemment, les maladies psychiatriques,
09:13c'est des traitements médicamenteux.
09:15Mais être proche des siens, même si on n'est pas des professionnels,
09:19permet évidemment d'avoir cet espace d'écoute.
09:21Et on pose, on soulage d'une certaine manière.
09:23L'isolement fait partie aussi des éléments de complexité
09:28et puis de difficultés supplémentaires
09:31lorsqu'on a une atteinte psychologique.
09:34Merci beaucoup, professeur.
09:35Et je rappelle le titre de votre livre,
09:37Addiction, manuel de premier secours,
09:39publié le 8 avril dernier aux éditions Marabouf.
09:42Merci à vous.

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