Raphaël Rodriguez, chimiste à l’Institut Curie, a mis au point une molécule qui pourrait détruire les tumeurs secondaires à l’origine de 70 % des décès par cancer. Ses travaux suscitent un immense intérêt dans la communauté scientifique.
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00:00Un chimiste à l'Institut Curie a découvert une molécule qui pourrait détruire les tumeurs à l'origine de 70% des décès par cancer.
00:07Ses travaux suscitent aujourd'hui un immense intérêt dans la communauté scientifique et médicale. Je vous raconte cette histoire dans l'Express.
00:16Raphaël Rodriguez, c'est d'abord un chimiste. Il est directeur de recherche au CNRS et chef de laboratoire à l'Institut Curie.
00:24Il est spécialisé en chemical biology. En fait, en français, ça veut dire chimie biologique.
00:31Cette double spécialité lui permet d'explorer le fonctionnement des cellules au niveau moléculaire.
00:37Et donc, ça fait 10 ans qu'il fait ça en disséquant des tumeurs et notamment des tumeurs métastatiques.
00:43Et à force de les explorer sous toutes leurs facettes, il a fini par découvrir une piste très prometteuse pour lutter contre les métastases.
00:50Les cellules à potentiel métastatique utilisent en particulier le fer de façon différente des autres cellules.
01:01Alors, les cellules ne servent pas vraiment du fer pour survivre. Elles vont utiliser le fer pour s'adapter.
01:08Ce qui leur permet de changer d'identité un petit peu comme un caméléon.
01:11Et c'est important de comprendre ça parce que ça nous permet maintenant d'exploiter le fer pour induire un stress oxydant dans la cellule qui va éradiquer ces cellules.
01:21Donc, les cellules les plus capables de s'adapter et donc en général les plus capables de survivre à la chimiothérapie conventionnelle vont devenir plus vulnérables au stress oxydant.
01:29Pourquoi c'est important ? Parce qu'en fait, aujourd'hui, les médecins butent vraiment sur les cancers métastatiques.
01:38On arrive à guérir de plus en plus de malades, mais on sait que 70% des personnes qui décèdent d'un cancer, aujourd'hui décèdent d'un cancer métastatique.
01:47On s'est intéressé à ces recherches en particulier maintenant parce qu'il vient de publier un article très important dans la revue scientifique Nature.
01:53Les publications dans la revue Nature, il faut savoir que c'est vraiment le graal pour les chercheurs.
01:59Donc, c'était vraiment un moment très important dans ses travaux et dans sa carrière.
02:03Mesurer l'impact aujourd'hui de cette découverte est virtuellement impossible.
02:08On se rend compte néanmoins qu'on a compris de nouvelles choses dans la cellule cancéreuse réfractaires au traitement conventionnel.
02:17On a fait tous les modèles précliniques existants en fait, donc animaux et aussi des tissus humains de biopsie en fait.
02:21Et je pense que ce qui est le plus impressionnant pour nous, ce n'est pas l'effet qu'on a eu in vivo chez l'animal,
02:25c'est plutôt l'effet sur des biopsies humaines, de cancers de sarcoms et de pancréas qui sont considérés comme très difficiles à traiter.
02:31Et pour nous aujourd'hui, c'est une super réussite de voir ça et c'est gratifiant parce qu'en fait, on a mis 7 ans à faire ce travail,
02:36plus de 4 ans de développement d'une molécule, 4 ans de développement pour une expérience qui aurait duré 12 heures et qui pourrait être un fiasco total.
02:44Les gens dans le laboratoire, ils ont quand même passé 4 ans dans la nuit.
02:47On aurait pu leur dire, ben voilà, vous avez travaillé 4 ans pour rien parce que votre molécule est biologiquement inactive.
02:51Et là, on se retrouve avec un produit qui fait exactement ce pour quoi on l'a designé.
02:55Et c'est super gratifiant et ça donne beaucoup d'enthousiasme.
02:57Ça nous laisse penser que peut-être on est au bon endroit.
03:01Alors évidemment, on est toujours dans de la recherche fondamentale.
03:04Ça veut dire qu'on est encore sur de la recherche en laboratoire et que cette molécule qu'il a découverte n'a pas encore été testée chez l'homme.
03:14Donc évidemment, c'est vraiment juste le début de l'histoire puisqu'il va falloir passer par les essais de phase 1, 2, 3 avant éventuellement de pouvoir déboucher sur un traitement chez l'homme.
03:27Alors les prochaines étapes, c'est essentiellement maintenant comprendre la pharmacologie de la molécule qu'on a développée.
03:36Et c'est relativement compliqué d'anticiper la toxicité potentielle d'un produit, sa stabilité, sa biodisponibilité,
03:43comment elle se distribue dans l'organisme, est-ce qu'elle va au tissu cible, combien de temps elle y reste,
03:48est-ce qu'elle est stable, comment est-ce qu'elle est dégradée, comment elle est excrétée.
03:51Tous ces éléments, il faudra les établir de manière à savoir si on l'utilise, dans quel contexte on l'utilise.
03:58L'idée, c'est de trouver une molécule qui serait plus facilement commerciale, donc moins chère, plus facile à synthétiser,
04:05avec moins d'étapes de synthèse et qui pourrait potentiellement être plus efficace in vitro, in vivo.
04:10Donc pour ça, on peut jouer sur différents paramètres, c'est ce qu'on essaye d'optimiser avec les différentes synthèses qu'on réalise ici au laboratoire.
04:16Si vous voulez en savoir plus sur les travaux de Raphaël Rodriguez, n'hésitez pas à aller lire mon article sur le site de L'Express.